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---- A ----
Abeille
Dans
l’argot des combattants, désigne les balles, sans doute en
raison du sifflement qu’elles produisent. On peut aussi
rencontrer la variante « frelons ».
Bibliographie : Albert Dauzat, L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, Paris, A. Colin, 1918.
Citations :
- « Les crêtes surtout sont périlleuses. Les mitrailleuses boches sont braquées sur elles à demeure. Par intervalles se déclenche leur tacata et les abeilles meurtrières bruissent au ras du sol. » ( Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990 , p. 16)
- « une chose invisible passe en ronflant près de mon nez. Un homme, près de moi, dit en riant : « Tiens ! les frelons… » » (Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1950, réed. Seuil, coll « Points », 2 septembre 1914, p. 27)
Abri
Lieu
où l’on peut se mettre à l’abri du danger
et/ou des intempéries. Les abris se développent et
s’améliorent avec l’installation dans la guerre des
tranchées, et sont généralement creusés en
contrebas dans le flanc d’une tranchée. Ils sont souvent
trop petits pour contenir tous les hommes d’une portion de
tranchées, qui peuvent s’y relayer. Les sous-officiers et
officiers disposent généralement d’un abri
spécifique, personnel ou partagé, au confort relativement
meilleur que ceux des soldats. Il existe un risque d’effondrement
de l’abri ou de son entrée lors d’un bombardement
violent. Un abri-caverne est un abri entièrement creusé
dans le sol, soit en terrain plat à partir d’une
tranchée, soit à flanc de pente.
Renvois : Cagna, Gourbi, Guitoune
Bibliographie : Coll., La Butte meurtrie. Vauquois. La guerre des mines, 1914-1918, Verdun, Les Amis de Vauquois et de sa région, mai 2004 ; Daniel Mornet, Tranchées de Verdun,
Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990 , p. p. 51-57 ;
Rémy Cazals, « Tranchées et
boyaux », in Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames, de l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, pp. 94-103.
Citations :
-
« Mes heures de garde tirées, je venais m’accroupir avec l’ami peyriacois Gabriel Gils sous un petit abri fait avec trois manches de pelles et une toile de tente par-dessus qui laissait passer l’eau comme une écumoire » (Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, Paris, La découverte, 1997, p. 60, déc. 1914)
-
« Contre le talus de la route, le génie avait creusé des abris recouverts de plaques de tôle et pouvant contenir une douzaine d’ hommes tout au plus mais où il fallut s’entasser une quarantaine. (…) Dans la journée un obus tomba devant l’entrée de l’abri le plus voisin, blessant cinq soldats dont un mortellement » (Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, Paris, La découverte, 1997, p. 116, juin 1915)
-
« Cette nuit j’ai dormi comme une brute. Je n’ai pas entendu la percussion sur le toit de mon abri d’un 77, qui l’a quelque peu disloqué. » (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 80)
-
« L’abri profond, l’abri-caverne est aimé d’un amour désintéressé, pour lui-même et non pour les élégances de sa toilette. (…) Il nous donne une sécurité momentanée, qui est grande, si elle n’est pas absolue. » ( Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990 , p. 55)
- « J’avais un très bel abri, avec une couchette de terre battue et un foyer qui malheureusement fumait. Une étroite fenêtre m’éclairait et me permettait d’inspecter l’horizon. L’ennui, c’était qu’une fois couché on pouvait recevoir une balle par la fenêtre. Un de mes prédécesseurs avait été blessé de cette façon. Mais qu’y faire ? » (Marc Bloch, « Souvenirs de guerre », L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. « Quarto, 2006, p. 151)
L’armée
d’active comprend avant la mobilisation les militaires
professionnels et les conscrits effectuant leur service militaire, par
opposition à la « réserve »
constituée des hommes ayant déjà effectué
leur service, et de la « territoriale »
constituée des hommes de plus de trente-cinq ans à la
mobilisation. La distinction entre active et réserve
s’estompe progressivement durant le conflit, même si les
différences entre officiers de réserve et d’active,
dans le rapport aux combattants dont ils sont responsables, sont
souvent notées par les témoins.
Renvois : Galonnard, Territoriale, Pépère
Bibliographie : André Bach, Fusillés pour l’exemple 1914-1915, Paris, Tallandier, 2003, chap. II.
Citation :
- « Notre régiment a perdu quatre cents hommes. Le 164e, cinq cents et le 165e mille. Nous sommes les moins éprouvés. Des régiments de campagne, certains ont perdu deux mille hommes sur trois mille. Sur soixante-dix officiers, il en est où il en reste dix d’active et de réserve. » (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 325, lettre du 21 septembre 1914)
1)
Casque Adrian, du nom de l’intendant qui l’a
créé, casque en tôle d’acier de couleur
bleutée distribué à partir de septembre 1915 aux
fantassins français. Il existait en trois tailles et
était distribué dans les gares régulatrices aux
détachements qui quittaient les dépôts.
2)
Baraque Adrian (même origine), construction provisoire en bois et
métal destinée au cantonnement des soldats ou
à servir d’entrepôt. Les baraques Adrian ont
également été utilisées dans
l’immédiat après-guerre pour pallier les
destructions des régions du front.
Renvois : Bouthéon, Cantonnement, Cervellière
Citation :
- « Nous logeons dans des baraques Adrian où il fait bon vivre » (Carnets d’Auguste Laurent, 20e BCP, 4 août 1914, in Képis bleus de Lorraine, 1914-1916, Société Philomatique Vosgienne, St Dié, 2001, p. 76 : près de Sommes-Suippes, 16 mai 1916)
Désignation des avions par les contemporains, civils et combattants (abréviation d’aéroplane).
Renvois : Taube, Zeppelin
Citations :
- « Dès 5 heures, le boulevard Saint-Michel était noir de personnes qui attendent l’aéro pour le voir ». (lettre de septembre 1914 citée par Alain Jacobzone, Sang d’encre: lettres de normaliens à leur directeur pendant la guerre 1914-1918, Vauchrétien, I. Davy, 1998, p. 44)
- « Obstinément des aéros allemands planent au-dessus du petit bois et du village, cherchant une proie… » (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 328, lettre du 7 octobre 1914)
Militaire
chargé de transmettre ordres et informations au sein de
l’armée, en particulier lors d’une opération
qui rend impossible l’usage du téléphone. Les
agents de liaison interarmes (chargés de la communication entre
la troupe et l’artillerie par exemple) ou interunités
(d’une compagnie à une autre par exemple)
n’étaient pas permanents et étaient nommés,
comme le montrent de nombreux témoignages, dans l’instant,
lorsque la situation l’exigeait. Cependant, certains officiers
choisissaient de définir un ordre de roulement journalier ou
hebdomadaire et dressaient pour cela une liste d’hommes choisis
parmi leurs subordonnés. Connaissant par avance leur «
tour », les hommes savaient immédiatement qui devait
partir avec l’ordre à transmettre en poche,
d’où, peut être, l’impression de rôles
permanents. Il existait par ailleurs des officiers
d’état-major dont la fonction principale était de
transmettre ordres et rapports entre les différents
échelons de commandement, ou entre un service militaire et un
organisme civil (l’agent de liaison du ministère de la
Guerre au GQG, par exemple).
Renvois : Fourrier, Section
Citation :
- « Au bout de trois quarts d’heure, un sergent couvert de boue jusqu’au casque, dégringola du parapet et remit au colonel un papier froissé : le commandant du bataillon de gauche faisait savoir que l’attaque progressait lentement (…) de très rares agents de liaison arrivaient de l’avant, entre deux rafales, avec des renseignements pratiquement nuls ». (16 avril 1917, André Zeller, Dialogues avec un lieutenant, Paris, Plon, 1971, p. 117.)
1) Véhicule de transport des blessés (sens actuel du terme).
2)
Unité médico-chirurgicale, qui existe au niveau du corps
d’armée. On parle de l’ambulance N° tant comme
on parlerait du régiment N° tant.
Renvois : Autochir, Brancardiers
Bibliographie : Antoine Prost, « Le désastre sanitaire du Chemin des Dames », in Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames, de l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, pp. 137-151.
Citations :
- « Il faut maintenant voir l’état des routes, ce n’est que trous d’obus où il est totalement impossible aux ambulances de s’approcher à quatre kilomètres du front. » (Paul Mencier , Les cahiers de Paul Mencier, Guilherand, La plume du temps, 2001, p. 117)
- « Dans la matinée, j’allai visiter les ambulances, où un blessé m’appelait. J’y vis des plaies affreuses et des figures d’agonie. » (Marc Bloch, « Souvenirs de guerre », L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. « Quarto, 2006, p. 129)
Surnom donné à la censure des journaux, lié à la représentation graphique d’une vieille femme dotée de grands ciseaux. La figure existait avant la guerre (cf. le Nouveau Larousse illustré, s. d., autour de 1900). Elle avait été créée dans le monde des arts, du théâtre et des lettres. Volontairement dépréciative, cette image renvoie à l’idée d’une mégère furieuse, usant de ses outils pour couper aveuglément le contenu des journaux, sans logique apparente. Née des nombreuses incohérences de traitement constatées par les contemporains dans la presse (un article sur un sujet donné censuré alors que dans un autre journal un autre article sur le même thème « passait » en intégralité ; un article censuré reproduit dans un autre journal un ou deux jours après, cette fois sans censure ; un article anodin censuré pour d’obscures raisons…), « Anastasie » stigmatisait l’arbitraire des décisions prises par les services de censure, dans la bouche ou sous la plume de leurs détracteurs. C’est d’ailleurs cette image d’une censure irrationnelle qui se perpétua après la guerre. Dans les faits, les incohérences initiales furent assez vite remplacées par une application des consignes de plus en plus stricte et rigoureuse.
Terme italien. Unités d’assaut italiennes créées en juillet 1917 par le lieutenant-colonel Giuseppe Bassi. Leur entraînement intensif tendait à former de nouveaux combattants sur les plans physique, technique mais également moral. Après la guerre, les divisions d’arditi furent peu à peu dissoutes, pour être supprimées en 1920 ; mais d’anciens arditi ont participé à l’expédition de Fiume de d’Annunzio et aux squadre fascistes.
En argot des combattants, désignation des artilleurs, principalement par les fantassins.
Renvois : Biffe/Biffin
Bibliographie : Albert Dauzat, L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, Paris, A. Colin, 1918.
Citation :
- « Parfois un obus arrive sournoisement (…) Alors une voix qui sort de dessous un sac demande : « Pas de bobo par là ? » Et une autre voix, pareillement sous un sac, répond : « Penses-tu ! Y’a pas d’danger : leurs artiflots, c’est des pieds ! » (Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1950, réed. Seuil, coll « Points », p. 188, 5-8 octobre 1914)
Abréviation
de ambulance chirurgicale automobile (A.C.A.).
Expérimentée dès novembre 1914, elle était
équipée d’une salle d’opérations
mobile à 2 tables avec matériel de stérilisation
et de couchage nécessitant trois camions. Son personnel
comprenait 2 chirurgiens et 25 infirmiers. Cependant, elle ne pouvait
fonctionner qu’en s’accolant à une formation plus
lourde. Des perfectionnements furent apportés en février
1915. Un premier camion contenait la chaudière, un grand
autoclave horizontal, un petit autoclave vertical, deux bouilloires, un
radiateur, le linge pour médecins. Un second camion contenait
les appareils de radiographie, les parois d’une baraque
opératoire de 70 m², le matériel chirurgical et la
pharmacie. Le troisième camion transportait le groupe
électrogène et faisait fonction de
« magasin ». Il y avait 23 A.C.A. (une à
chaque armée) jusqu'à mi-1917.
Renvois : Ambulance, Blessure, Brancardier
Bibliographie : Comité d’histoire du Service de Santé, Histoire de la Médecine aux armées, tome 3, « De 1914 à nos jours », Paris C. Lavauzelle, 1982, p. 8-9.
Dans l’argot des combattants, désigne le sac des combattants.
Renvoi : Barda
Bibliographie : Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre, Amiens, C.R.D.P., 1995, p. 44-45.
Citation :
- « J’arriverai le 27, juste pour prendre Azor, direction du camp » (Marcel Papillon, « Si je reviens comme je l’espère » Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, p. 335).
---- B ----
1)
Épée ou lame qui se fixe au bout du fusil permettant
d'utiliser ce dernier comme une arme de pique. Le plus souvent
utilisée comme patère ou comme bougeoir. Cinq types de
baïonnette différents ont été utilisés
par les armées françaises au cours de la guerre. Quatre
étaient des « épées-baïonnettes »
qui différaient par la forme de leur garde et du support de
fixation, mais possédaient une longueur de lame fixe de 520 mm.
Le dernier type, appelé « sabre-baïonnette »
disposait d’une lame plus courte, de 400 mm.
2) Titre d'un journal satirique apparu en 1915, initialement intitulé A la baïonnette
3)
Charge ou attaque à la baïonnette : attaque avant laquelle
on fixe les baïonnettes sur les fusils. L’expression est
ambiguë car la baïonnette est en fait rarement
employée lors du combat (on compte seulement environ 0,3% de
blessés à l'arme blanche sur l'ensemble de la guerre.)
Renvoi : Nettoyeur/Nettoyage
de tranchées, Rosalie
Bibliographie : B. Couliou et C. Marty, « La représentation de la
charge à la baïonnette, entre affirmation nationale et
affirmation de soi », dans R. Cazals, E. Picard et D.
Rolland dir., La Grande Guerre, pratiques et expériences, Toulouse, Privat, 2005, p. 149-158.
Citations :
- « L'usage était de mettre baïonnette au canon au départ de l'attaque : ce n'est pas une raison pour l'appeler une attaque à la baïonnette plutôt qu'une attaque en molletières » (Jean Norton Cru, Témoins: essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1928, Paris, Les Étincelles, 1929, p.29)
- « [Lors d’une panique irraisonnée] je dus rallier les hommes tant bien que mal et leur faire mettre baïonnette au canon, moins pour parer à un danger auquel je ne croyais guère que pour les rassurer et surtout pour les empêcher de tirer à tort et à travers et de se blesser entre eux. » (Marc Bloch, « Souvenirs de guerre », L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. « Quarto, 2006, p. 132)
Elément
de l’équipement des fantassins français,
constitué d’une bande en drap de laine enroulée
autour du mollet.
Renvois : Bleu
horizon, Capote
Citation :
- « Le village est déjà occupé par des fantassins alpins du 97e en molletières et béret » (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 26)
Dispositif
aménagé dans la tranchée de première ligne permettant à un soldat de s’installer en position de tir,
généralement couché ou incliné.
Renvois : Créneau, Parapet
Bibliographie : Rémy Cazals, « Tranchées et boyaux », in Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames, de l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, pp. 94-103.
Citation :
- « On creuse des banquettes pour qu’on puisse tirer commodément et non en se cramponnant des genoux et des pieds » (Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990, p. 23)
Fil
de fer garni de pointes, dit barbelé. Elément important
du « système-tranchées »,
placé devant les tranchées de première ligne afin
d’empêcher et de ralentir l’avance des troupes
adverses. Le fil barbelé est fixé sur des montants,
fréquemment installé en plusieurs lignes successives,
dénommés « réseaux ». Leur
mise en place et leur réparation, effectuées
généralement de nuit, constituent une part importante des
travaux des combattants aux tranchées. Des ouvertures sont
ménagées dans les barbelés afin de permettre le
passage des soldats pour les patrouilles et coups de main.
Les préparations d’artillerie avant une offensive ont
pour but de détruire au moins partiellement les barbelés
adverses.
Renvois : Brun
(réseau), Queue
de cochon
Bibliographie : Olivier Razac, Histoire politique du barbelé : la prairie, la tranchée, le camp, Paris, La Fabrique, 2000 ;
Rémy Cazals, « Tranchées et
boyaux », in Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames,
de l’événement à la mémoire, Paris,
Stock, 2004, pp. 94-103.
Citations :
- « C’est pendant un court moment de calme que nous pouvons apercevoir devant nous, une rangée de barbelés intacts dans lesquels nos soldats sont venus se briser. » (Maurice Peurey, Et pourquoi une fourragère à l’épaule?, Sablé, M. Peurey, 1981, p. 62, avril 1917)
- « Durand se débat comme un blaireau pris au collet dans les griffes d’une pelote de barbelés » (Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990, p. 16).
- « Munis chacun d’un fuseau de fil de fer, d’une cisaille et d’un marteau, nous déroulions le barbelé ; l’entourions autour des piquets que d’autres avaient plantés et l’emmêlions de notre mieux. Les pointes effilées nous déchiraient les mains, accrochaient nos habits. » Émile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, p. 30).
- « 5 octobre 1915. Nous devons attaquer à 13 h ; le bombardement violent que nous subissons est démoralisant ; nos obus tapent souvent près de nos tranchées, ou derrière, tandis que, devant, nous voyons un réseau de fil de fer barbelé d’au moins quarante mètres de largeur, impénétrable et presque intact ; impossible que nous passions. » (Léopold Noé, Nous étions ennemis sans savoir pourquoi ni comment, Carcassonne, FAOL, « La Mémoire de 14-18 en Languedoc », 1980, p. 35-36, Artois).
En
argot des combattants, désigne l’équipement du
soldat. Le terme prend souvent une connotation négative en
raison du poids de celui-ci qui peut dépasser les 35 kg, et de
la pénibilité qu’il y a à
s’équiper ou se déséquiper aux
tranchées.
Renvois : Azor, Bouthéon, Lebel
Citations :
- « A ses côtés, les bonhommes s’agitaient, se heurtaient, ronchonnant et sacrant; l’unique souci les tenaillait de “monter leur barda” et rien n’allait au gré de leurs désirs ». (Jean Bernier, La Percée. Roman d’un fantassin 1914-1915, Paris, Agone, 2000 [1 e éd. 1920], p. 192)
- « Dumoulin, plus simplement, s’est résigné à la noyade. On le retrouvera, dans les deux mètres d’eau d’un trou de marmite où les quarante kilos de son « barda » l’ont enfoncé sans rémission. » (Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990, p . 16).
1) Tir d’artillerie défensif violent et serré pour empêcher la progression de l’ennemi
2)
Tir d’artillerie offensif violent et serré. Le barrage est
dit roulant lorsqu’il se déploie en fonction d’un
horaire arrêté à l’avance (ex. : 100
mètres toutes les trois minutes) et que l’infanterie doit
suivre derrière les obus pour arriver sur les tranchées
adverses avant que les défenseurs ne soient sortis de leurs
abris. On ne peut arrêter la progression d’un tel barrage
qui met en jeu un grand nombre de canons. Parfois l’infanterie
ayant avancé trop vite tombe sous les coups de
l’artillerie amie, plus fréquemment l’infanterie se
trouve arrêtée par des éléments
résiduels et on dit alors que « le barrage décolle
», c’est-à-dire qu’il part plus en avant
laissant les fantassins en rase campagne face à un ennemi qui
est à nouveau en place dans ses tranchées et qui les
cloue sur place. Le barrage roulant est une innovation tactique apparue
à l’été 1916.
Renvois : Eclat, Fusant, Percutant, Tir
d’artillerie
Bibliographie : Michel Goya, La chair et l'acier. L'armée française et l'invention de la guerre moderne (1914-1918) , Paris, Tallandier, 2004, p. 208 ; 305.
Citations :
- « La canonnade fait rage, chérie. Ils contre-attaquent avec fureur et nous faisons des barrages d’artillerie. La craie de Champagne, bouleversée par l’artillerie et retournée par les obus semble pareille à une moraine. » (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 359, lettre du 3 mars 1915)
- Un des chapitres de l’ouvrage de Jean Bernier est intitulé « chanson du tir de barrage » : « Aime la terre fantassin, aime-là ! C’est ta forte cuirasse et c’est ton seul espoir. Le défi du soldat à l’air libre ! L’obscénité du macchabée non enterré ! Mort ou vif, tu dois être dedans. Sous le tir de barrage, renifle son odeur qui te rassure. Bénis le fantassin précédent qui a creusé le trou sauveur et si, par aventure, tu t’arrêtes sur la plaine, tire de ton ceinturon ta pelle-bêche précieuse et creuse » (Jean Bernier, La Percée. Roman d’un fantassin 1914-1915, Paris, Agone, 2000 [1 e éd. 1920], p. 163)
Fraction
d’un régiment subdivisée en plusieurs compagnies.
En 1915, le bataillon d’un régiment (2 ou 3 bataillons
selon les cas par régiments) comprend un état-major, un
petit état-major et 4 compagnies, environ 1000 hommes au total.
Dans certains cas, le bataillon est une unité autonome qui
n’est donc pas comprise dans un régiment et qui
relève directement du commandant de la brigade ou de la division
(bataillons de chasseurs à pied ou alpins, bataillons de
tirailleurs sénégalais…). Le bataillon est en
général commandé par un capitaine ou un
commandant. L’abréviation argotique du bataillon est le
« bâton ».
Renvois : Brigade, Compagnie, Division, Escouade, Régiment, Section
Citation :
- « Notre bataillon, puis le 6e bataillon, furent quelque temps commandés par un capitaine qui était un grossier personnage et un pleutre. » (Marc Bloch, « Souvenirs de guerre », L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. « Quarto, 2006, p. 160)
- « -V’nez voir, mon lieutenant ; v’nez voir comment qu’ils ont salopé la crèche [le cantonnement], les bon’hommes du 1 er bâton. » (Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1950, réed. Seuil, coll « Points », p. 501)
Ensemble
coordonné de canons, faisant partie d’un régiment
d’artillerie. Elle est commandée par un capitaine
secondé par deux lieutenants. Elle se décompose au front
en deux éléments : la batterie de tir proprement
dite, sous les ordres directs du capitaine et des lieutenants, avec les
quatre canons et leurs servants et les téléphonistes
commandés par un brigadier ; les échelons,
installés plus loin en arrière, sous les ordres
d’un adjudant, qui rassemblent les chevaux et tout le
matériel autre que les canons. Au repos, les deux
éléments sont regroupés.
Renvois : Artiflot, Feuille de calcul, Pièce, Servant
Bibliographie : André Aribaud, Un jeune artilleur de 75, Carcassonne, FAOL, « La Mémoire de 14-18 en Languedoc, 1984, p. 18-19.
Citations :
- « Trois batteries ennemies tirent ensemble sur la nôtre. Nous les avons bien reconnues au bruit des explosions: 77, 105 et 150 » (Paul Lintier, Avec une batterie de 75. Le tube 1233. Souvenrs d’un chef de pièce 1915-1916, Paris, L’Oiseau de Minerve, 1998, p. 200)
- « Là-haut, sur le rebord du plateau, nos yeux distinguent les geysers des « gros noirs » allemands; dissimulées à la lisière, les batteries de 75 aboient, sifflent, arrachent le tympan: l’affaire est lancée. » (Jean-Pierre Biscay, Témoignage sur la guerre 1914-1918 par un chef de section, Montpellier, Causse, 1973, p. 73)
Dans
l’argot des combattants, désigne l’échec
d’une opération militaire, en particulier d’une
offensive. Le terme est repris et adapté de l’argot
parisien, dans lequel un « bec de gaz »
désigne un policier.
Renvois : Coup, Percée
Bibliographie : Albert Dauzat, L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, Paris, A. Colin, 1918.
Citations :
- « La nuit dernière les Boches ont voulu attaquer, mais ils sont tombés sur un « bec », nous leur avons tué trois hommes » (Lettre d’un soldat du 60 e BCP, Rapport du contrôle postal, 3 mars 1917, SHDT 16 N 1388)
- « De fait, on s’attendait à trouver peu de chose devant nous, et maintenant on tombe sur un beau bec… » (Lucien Laby, Les carnets de l’aspirant Laby. Médecin dans les tranchées 28 juillet 1914-14 juillet 1919 , Paris, Bayard, 2001, coll. « Hachette Littératures/Pluriel », p. 239, 17 avril 1917)
Mot
d’argot détourné de son sens original de
chiffonnier et adopté par dérision par les fantassins
pour se définir. Le biffin est celui, miséreux, qui gagne
sa vie en récupérant et revendant les objets
usagés dont les autres ne veulent plus. Le fantassin s’est
assimilé à cet être errant, sans ressources, sale,
mal habillé, rejeté par la société bien
pensante.
Renvois : Artiflot, P.C.D.F.
Bibliographie : Albert Dauzat, L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, Paris, A. Colin, 1918 ; Jacques Meyer, La Biffe, Paris, Albin Michel, 1928.
Terme
militaire qui désigne le fait d’établir un
campement provisoire à l’extérieur, et, par
extension, un repas ou une nuit passés dehors. Le terme tend
à être davantage utilisé au début de la
guerre, avant l’installation dans les tranchées, il
s’applique ensuite lors des déplacements entre secteurs.
Renvois : Faisceaux
Citations :
- « Nous passâmes la nuit dans un bois. En été, quand il fait beau, il n’y a pas de plus agréable lieu de bivouac et je crois bien de plus agréable chambre à coucher » (Marc Bloch, « Souvenirs de guerre », L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. « Quarto, 2006, août 1914, p. 122)
Mot
arabe désignant la campagne, popularisé par les troupes
servant en Algérie, utilisé dans l’argot des
combattants de 1914-1918 pour désigner le terrain libre, en
particulier celui qui se situe entre les lignes de tranchées
opposées.
Renvoi : No
man’s land
Citation :
- « Le danger ? Quel danger ?... comme si on ne risquait pas plus à bagoter dans le bled, découvert de la tête aux pieds, qu’à se terrer derrière des parapets larges comme ça !... » (Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1950, réed. Seuil, coll « Points », p. 516)
Blessure
du combattant suffisamment sérieuse pour lui permettre
d’être évacué du front mais
n’impliquant pas de séquelles trop importantes ; en
ce sens, elle peut paraître un sort meilleur que la vie aux
tranchées.
Renvoi : Filon
Citations :
- « Bonne blessure, il s’en va content » (Eugène Desgranges a propos d’un de ses camarades en 1915, cité dans "Je suis mouton comme les autres": lettres, carnets et mémoires de poilus drômois et de leurs familles, Valence, Peuple libre/Notre temps, 2002. 466)
- « Chic ! J’ai la bonne blessure ! » (exclamation d’un caporal dans Jean-Pierre Biscay, Témoignage sur la guerre 1914-1918 par un chef de section, Montpellier, Causse, 1973, p. 72)
- « Si les Boches étaient assez chics pour me blesser légèrement, c’est là que ton Gaston serait heureux, aussi je n’attends que cela » (Lettre d’un combattant du 45 e BCP, 1917, Jean Nicot, Les poilus ont la parole : dans les tranchées, lettres du front, 1917-1918 , Bruxelles, Complexe, 1998 , p. 121).
Désignation
dans l’argot militaire d’un soldat
inexpérimenté, n’ayant pas ou peu vu le feu. Les
« bleuets » désignent en particulier les
soldats de la classe 1917, le terme apparaît dans un article de
L. Descaves dans Le Journal.
Renvoi : Classe
Bibliographie : Albert Dauzat, L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, Paris, A. Colin, 1918.
Citations :
- « Nous ne sommes pas des bleus dans le métier. » (Lettre de Marcel Papillon à ses parents, « Si je reviens comme je l’espère » Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, p. 114)
- « Je demandai naïvement à mes voisins ce qui m’était arrivé; ils me regardèrent de travers, croyant que je me moquais d’eux, puis comprenant mon ignorance de bleu. Mon cabot Hipp m’expliqua que c’était trois obus de 150 ou de 210, aux effets souvent terribles et d’où on se garait difficilement, à cause de leur rapidité d’arrivée. » (André Mestrallet, Souvenirs et feuilles de route d’un poilu de la grande guerre, 1914-1918, Paris, La pensée universelle, 1987, p. 37)
- « Ça va, bleusaille, ferme ta gueule et commande ». (apostrophe d’un soldat à un jeune officier dans le témoignage d’Albert Cruchard, cité par Antoine Prost, « La guerre de 1914 n’est pas perdue », Le Mouvement Social, n°199, avril-juin 2002, p. 101.
Nom
donné à la couleur de l’uniforme français
adopté après la bataille de la Marne en septembre 1914,
pour rompre avec la visibilité désastreuse des pantalons
rouge garance utilisés jusque-là. La distribution des
nouveaux uniformes s’étale dans le temps jusqu’en
1915.
Renvois : Bandes
molletières, Capote, Feldgrau
Citation :
- Un témoin évoque la « grande tache bleu horizon de centaines de cadavres amoncelés au même endroit » après l’offensive Nivelle de 1917 (Émile Carlier, Mort? Pas encore! Mes souvenirs 1914-1918 par un ancien soldat du 127e R.I., Douai, Soc. archéologique de Douai, 1993, p. 69)
Abri
pour tireur (fusil, mitrailleuse ou canon). Construit à
l’origine en madriers puis bétonné à partir
de mars 1915 (le terme bunker n’apparaît qu’avec la
Seconde Guerre Mondiale). Equivalent allemand de
« fortin » pour les Français.
Renvois : Abri, Banquette, Créneau
Bibliographie : Coll., La Butte meurtrie. Vauquois. La guerre des mines, 1914-1918, Verdun, Les Amis de Vauquois et de sa région, mai 2004.
En
argot des combattants, désigne un renseignement faux, non
vérifié, ou encore une rumeur. On parle par exemple de
« bobards de feuillées ». Le terme fait aussi
fréquemment référence aux informations
véhiculées par les journaux envers lesquelles les
combattants ont une méfiance croissante
Renvois : Bourrage
de crânes, Tuyaux
Bibliographie : Marc Bloch, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. « Quarto, 2006 [1 e éd. 1921], pp. 293-316.
Citation :
- « Le 17 août [1914], à 2 heures du matin, nous arrivons à Belfort. Tiens, ce n’est pas précisément le secteur des Alpes ! Ah, ces bobards ! » (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 25)
Désignation
des Allemands par les Français. L’origine du terme fit
débat dès les années de guerre, il est probable
qu’il s’agisse d’une abréviation de
l’argotique « alboche » pour
« allemand ». Cette désignation, comme
substantif ou comme adjectif, s’impose massivement aussi bien
pour les civils que les combattants. Il est à noter que cette
manière devenue habituelle de nommer l’adversaire ne
véhicule pas nécessairement l’hostilité, et
peut être employée par les combattants sans
animosité. Par extension l’Allemagne peut être
désignée comme la Bochie et l’Autriche-Hongrie
comme l’Austrobochie.
Renvois : Fritz, Pruscos
Citations :
- « Depuis quelque temps nous faisons de l’instruction dans un camp en vue de la prochaine offensive finale. Nous préparons quelque chose de soigné pour messieurs les boches » (Lettre de mars 1917 citée dans Alain Jacobzone, Sang d’encre: lettres de normaliens à leur directeur pendant la guerre 1914-1918, Vauchrétien, I. Davy, 1998, p. 124)
- « Ignoble race de boches. Je ne sais ce que l’avenir me réserve. Mais si l’occasion s’en présente, il n’y a pas de pardon, je le [son frère Joseph qui vient d’être tué] vengerai. » (Marcel Papillon, « Si je reviens comme je l’espère » Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, p. 253, 27 novembre 1915)
- « Septembre 1914. Je vous envoie la vue du château d’If ou dernièrement j’ai fait une ballade en canot-auto. J’ai vu les têtes carrées des Alboches qui sont prisonniers ». (Gérard Baconnier, André Minet, Louis Soler, La plume au fusil, les poilus du Midi à travers leur correspondance, Toulouse, Privat, 1985, p. 116.)
- « Dès le début, on avait décidé que l’Allemand était un déplorable soldat. Mal habillé, mal nourri, sans volonté et sans courage, il était voué à une défaite certaine, éclatante et rapide. L’opinion s’est modifiée depuis. On a compris qu’on diminuait singulièrement le mérite des vainqueurs en proclamant ainsi par avance l’impuissance des vaincus. On a reconnu que les soldats allemands étaient mieux organisés et mieux équipés qu’on ne le pensait. Mais ils sont restés, aux yeux de la plupart des gens, des individus totalement dépourvus de qualités. Cruel, inintelligent, incapable d’initiative, toujours prêt à fuir au danger, tel est le portait « classique » du « Boche. » (Georges Bonnet, L’âme du soldat, Paris, Payot, 1917, p. 52)
- « Enfin! Voilà que Bochie et Austrobochie se liquéfient. C'est comme une montagne de neige qui s'écroulerait au printemps. » (Henri Fauconnier, Lettres à Madeleine 1914-1919, Paris, Stock, 1998, p. 324, 30 octobre 1918)
- « Les Boches ne sont pas plus vaches que nous, ce sont les chefs qui le sont » ; « Vive les Boches ils ne sont pas si cons que nous ils ne s’en font pas » (Graffiti de soldats permissionnaires sur des trains, 4/7/1917 et 15/7/1917, Rapports de l’inspection des Chemins de fer du Nord, SHDT 16N1523)
- « Avec les Boches, nous sommes de vrais camarades. » (Lettre d’un soldat du 217e RI, contrôle postal du 24 janvier 1917, SHDT 16N1392.)
Dans
le langage des combattants, désignation d’une
opération militaire particulièrement meurtrière.
Le terme peut aussi être une désignation de la guerre dans
son ensemble.
Renvoi : Bec
Citations :
- « Je vois que l’on va aller à la boucherie. Je ne sais pas comment l’on pourra s’en tirer. C’est bien triste une existence pareille » (Contrôle postal, Rapport du 17/3/1917, 74 e RIT, SHDT 16N1388)
- « Malheureusement, je ne crois pas les grandes boucheries terminées. Il faudra sacrifier des masses d’hommes pour enlever des positions comme le fort de Brimont, et ce n’est pas les cavaliers qui marcheront. » (Étienne Tanty, Les violettes des tranchées. Lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre, Paris, France bleu/Italiques, 2002, p. 120)
- « Le col [de la Chipotte], lui, a été un immense tombeau. Pauvres victimes à la bouche emplie de terre, à jamais muettes ! Combien avez-vous été à perdre la vie sous les arbres ? Qui se souviendra de vous ? Cette boucherie, Seigneur, pourquoi ? » (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 47)
Pain
du soldat, ainsi désigné en raison de sa forme. Le pain
est une des bases de la ration quotidienne, à proportion
d’une demi-boule par jour et par personne.
Renvoi : Pinard, Popote, Roulante
Citation :
- « La boule, la demi-boule de pain plutôt, est joliment diminuée, et elle aura bien de la peine à arriver jusqu’à ce soir. Il y a longtemps que je n’ai mangé du bon pain, du pain civil, depuis la Belgique. » ( Étienne Tanty, Les violettes des tranchées. Lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre, Paris, France bleu/Italiques, 2002, p. 138-9, 2 nov 1914)
Désignation
irrévérencieuse du discours dominant patriotique.
L’expression, apparue dans la langue française à la
fin du XIXe siècle, prend un sens nouveau au cours de la
Première Guerre mondiale, et est dès lors employée
par les combattants qui acceptent mal le décalage entre «
bourrage de crânes » et réalités de la guerre
des tranchées. Bien qu’elle soit souvent, à tort,
comprise en ce sens, l’expression, dans l’esprit des
soldats, n’est pas un synonyme argotique de « propagande
», s’en distinguant par le caractère mensonger des
affirmations qu’elle stigmatise – alors que la propagande
en tant que telle peut également s’appuyer sur des faits
réels. Se diffusant peu à peu à la sphère
civile, le terme apparaît progressivement dans une fraction de la
presse s’élevant contre les articles outranciers des
journaux au zèle patriotique le plus affirmé (le Canard enchaîné,
fondé par Maurice Maréchal en septembre 1915,
procède à l’élection du « Grand chef
de la tribu des bourreurs de crâne »par le biais d’un
vote proposé à ses lecteurs le 29 novembre 1916. Les
résultats, publiés le 20 juin 1917, donnent la
préséance en la matière à Gustave
Hervé, suivi de près par Maurice Barrés et Charles
Humbert). C’est avant tout la presse qui est accusée de
diffuser le « bourrage de crâne», mais d’autres
vecteurs d’information sont également critiqués de
la sorte par les soldats.
Renvois : Bobard, Tuyaux
Bibliographie : Fabrice Pappola et Alexandre Lafon, « Bourrage de crânes et expérience combattante », dans La Grande Guerre, pratiques et expériences,
sous la dir. de Rémy Cazals, Emmanuelle Picard et Denis Rolland,
Toulouse, Privat, 2005, p. 311-320 ; Rémy Cazals, Les mots de 14-18, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2003, p. 20-21.
Citations :
- « Pendant la guerre, tandis que les chefs militaires, la presse, les élites bourgeoises, les orateurs publics, les gouvernements rivalisaient de grandiloquence, de noblesse et de sublimité, le peuple des tranchées, gouailleur et terriblement lucide, leur jeta soudain ce mot terrible à la face : “ bourreurs de crânes !” » (Jean de Pierrefeu, L’Anti-Plutarque, Paris, Les éditions de France, 1925, p.36)
- « On a trop souvent traité le soldat comme un enfant et abusé de sa crédulité ; il ne veut plus être dupé, il écoute, se tait et ne croit pas. Il ne pense qu’à lui ; tout ce qu’il entend ou lit, c’est, suivant son expression « du bourrage de crâne » (lettre d’un combattant du 299 e R.I. cité dans Jean Nicot, Les poilus ont la parole : dans les tranchées, lettres du front, 1917-1918 , Bruxelles, Complexe, 1998 , p. 204)
- « Mais le chansonnier qui éleva le bourrage de crânes à des hauteurs insoupçonnées jusqu’alors fut Théodore Botrel ; celui-ci s’honorait de l’amitié et de l’admiration de Maurice Barrès, qui avait écrit pour son livre Les Chants des bivouacs une préface où il notait avec satisfaction : « Millerand a fait une jolie chose : il a chargé Botrel de se rendre dans tous les cantonnements, casernes, ambulances, hôpitaux pour y dire et chanter aux troupes des poèmes patriotiques. » En réalité, les Poilus « commandés de corvée de Botrel » auraient tout fait pour y échapper. » (Émile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, p. 314).
Marmite
militaire de campagne qui fait partie de l’équipement des
fantassins, du nom de l’intendant qui l’inventa. La forme
« bouteillon » est une déformation
fréquente.
Renvoi : Barda
Bibliographie : Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre, Amiens, C.R.D.P., 1995, p. 72
Citations :
- « Quand les obus tombaient trop près, je posais mes deux bouteillons devant moi et me couchais à plat ventre pour parer les éclats, quand la rafale était terminée, je repartais, ainsi je suis parvenu à revenir avec mon chargement au complet » (Alphonse Thuillier, Mes mémoires de soldat. Un bleuet du 94e R.I., Rouen, R. Ternon, 1981, p.89)
- « Énumérons le bagage moyen (…) dans les secteurs qui ne sont pas de tout repos : (…) gamelle, boutéhon (sorte de marmite) pour le transport des aliments ; deux litres de vin ; café ou eau dans un bidon (…) » ( Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990 , p. 13)
Un
boyau est une voie de communication entre deux lignes de
tranchées. C’est par les boyaux que
« montent » et
« descendent » les unités lors des
relèves , non sans problèmes, dus à
l’étroitesse du boyau qui peut empêcher les files
d’hommes de se croiser, et aux ramifications multiples qui font
s’égarer les unités.
Renvois : Descendre, Lignes, Monter, Relève, Sape
Bibliographie : Rémy Cazals, « Tranchées et boyaux », in Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames, de l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, pp. 94-103.
Citations :
- « dans le secteur de Verdun, terre calcinée, ravagée, repérée, où les obus des canons lourds s’acharnent chaque nuit sur les routes et les pistes et menacent tous les abris jusqu’à dix et quinze kilomètres, les chemins de relève sont longs, les boyaux interminables. » (Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990, p. 17)
- « Le boyau c’est en petit les grands boulevards à l’apéritif. On s’y heurte, on s’y croise à l’heure des relèves, et l’on se demande si on arrivera un jour au bout (...) Le boyau est un cloaque où l’eau se plaît. Eau et boue vous enlisent jusqu’au genou et la circulation en est d’autant plus difficile (...) Vous voyez tout près le but et vous n’y arrivez jamais. Le boyau est un farceur. Le boyau est macabre. Tel une allée du cimetière il serpente entre des croix de bois, parmi les arbres décapités, ses parois s’ornent de bas-reliefs sculptés en pleine chair humaine... ». (« Le boyau » de Ch. Dehaene. Signé : Les Eparges, 1915 in Almanach du Combattant, 1923, p. 331)
Militaires
chargés de la récupération et du transport des
blessés aux tranchées et sur le champ de bataille. Leur
tâche est rendue particulièrement périlleuse par la
disparition progressive des trêves destinées à
permettre la récupération des blessés.
Renvoi : Ambulance
Bibliographie : Antoine Prost, « Le désastre sanitaire du Chemin des Dames », in Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames, de l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, pp. 137-151.
Citations :
- « Quand les brancardiers, qui sont fourbus et que tous les officiers engueulent parce qu’ils ne vont pas assez vite à leur gré, ont fini d’enlever tous les blessés de sur le terrain, on enterre les morts. » (Lucien Laby, Les carnets de l’aspirant Laby. Médecin dans les tranchées 28 juillet 1914-14 juillet 1919 , Paris, Bayard, 2001, coll. « Hachette Littératures/Pluriel », p. 252, 8 mai 1917)
- « Mais soudain, de toutes ses forces, Petitbru se met à hurler : « Je n’peux pas ! Je n’peux pas ! Brancardiers ! Oh ! mon pied ! Brancardiers ! Les brancardiers ! » Sa voix s’étrangle. Il scande, hors de lui, jetant les syllabes à coups de mâchoire enragés : « Bran-car-diers !... Bran-car-diers ! » (Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1950, réed. Seuil, coll « Points », p. 694)
Se
dit d’un officier passé par l’École de
guerre. Créée en 1880, celle-ci a pour fonction
théorique de former, par le biais d’un cursus de deux ans,
une partie des officiers français aux notions
stratégiques et techniques les plus modernes. Devant justifier
pour entrer à l’Ecole Supérieure de Guerre de cinq
années de service actif, dont trois au sein d’une
unité opérationnelle, l’officier se voit octroyer,
au terme de sa formation complémentaire, le diplôme
faisant de lui un « breveté », ce qui
constitue dans la plupart des cas un puissant
accélérateur de carrière et de promotion.
Bibliographie : Michel Goya, La Chair et l’Acier, Paris, Tallandier, 2004, p.27 sq.
Citation :
- « L’officier de l’E.M. breveté qui ne se sera jamais battu, qui aura multiplié les ordres sanglants et irréalisables sera devant l’Histoire, le grand responsable. » (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 359, 6 mars 1915)
Pendant la Grande Guerre, la brigade est une unité constituée par deux ou trois régiments (selon les cas) réunis sous le commandement d’un général.
Élément
décoratif de l’uniforme français qui signale la
durée de la présence au front et les blessures subies.
Renvois : Croix
de guerre, Fourragère
Citations :
- « Galons en forme d’accent circonflexe qui se portaient sur la manche gauche. Les combattants avaient droit à une brisque pour la première année de présence au front, puis une pour chaque nouvelle période de six mois. Chaque blessure donnait droit à une autre brisque qui se portait sur la manche droite. » (Émile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, p. 324).
Rouleau
de fil de fer barbelé, prêt à l’emploi, qui a
l’avantage de pouvoir être déployé et
déplié rapidement en avant des tranchées.
Renvoi : Barbelés
L’organisation
générale de l’armée fonctionne traditionnellement
en une division en quatre bureaux. Le premier s’occupe de
l’organisation générale et des questions de
personnel (mobilisation, effectifs, questions de justice militaire,
chancellerie, etc). Le 2e bureau recueille et évalue
tout ce qui concerne l’ennemi. Le troisième bureau
met au point les plans d’opération et en assure la
mise en œuvre. Le quatrième bureau suit particulièrement
la question des transports et donc de l’acheminement des
troupes, denrées et matériel vers l’avant
et les évacuations vers l’arrière. Cette organisation
se retrouve depuis l’administration centrale de l’Armée
à Paris jusqu’au niveau division, le personnel affecté
diminuant en nombre au fur et à mesure que l’échelon
hiérarchique est moins élevé. En 1914-1918,
les termes ont été utilisés avec une variante
pour le niveau GQG où le terme 4e bureau n’a
pas été utilisé, la fonction étant
remplie par la « Direction de l’Arrière »,
d’une grande importance dans une guerre, mettant en œuvre
un intense effort logistique, tandis que le 3ebureau
est le plus prestigieux de tous (il est logé à l’étage
noble de l’Hôtel du Grand Condé à Chantilly,
juste à côté du major général
et des aides majors généraux). C’est lui qui
est chargé d’établir les plans stratégiques.
Après le colonel Pont, c’est le colonel Gamelin qui
est à sa tête en 1915. Au
niveau de l’Administration Centrale, existera un cinquième
bureau traitant de la guerre économique et de l’information.
Renvoi : GQG
Citation :
- « Le 3e bureau, sur les données du 2e, chargé de découvrir les intentions de l’ennemi, établit les plans d’opération. Le 1er bureau assure la mise en état des effectifs et l’armement nécessaire ; il fournit l’instrument dont le 3e bureau a besoin pour réaliser ses projets » (Jean de Pierrefeu, GQG, secteur 1, Paris, L’édition française illustrée, 1920, t. I, p. 30).