Séquence pédagogique : La Grande Guerre en classe de Première :
Le témoignage de Paul Clerfeuille
Ce fantassin de 34 ans a participé à l'offensive du Chemin des Dames. Il en décrit les préparatifs, le déroulement et finalement l'échec.
3 avril 1917 : « Le bruit court dans le secteur que sous peu nous allons procéder à une offensive terrible à l'endroit où nous sommes, c'est-à-dire de Reims jusqu'à Soissons. Le plus fort sera la région de Craonne. » L'afflux de munitions et d'obus lui confirme cette rumeur.
11-12 et 13 avril 1917 : « Toutes nos pièces [...d'artillerie...] tirent ensemble dans un fracas épouvantable, sans arrêt. [...] Par-ci, par-là, quelques obus allemands tombent, certains font des victimes, tant hommes que chevaux, et du matériel démoli. Par contre, les Boches doivent prendre quelque chose aussi. »
16 avril 1917 : « grande offensive de Craonne, lieu-dit Chemin des Dames. Attaque par les Français. Ce matin, 16 avril 1917 [...], après une nuit sans sommeil due aux préparatifs, dans l'inquiétude, [...] dernier ordre, attaque à 5 heures. [...Les combattants se rendent en première ligne face aux positions allemandes à prendre...] Déjà l'ennemi attend, il est prêt, il guette, il bombarde presque aussi fort que nous. Nous, notre bataillon, ainsi que tout le 273e [R.I.], faisons partie de la deuxième vague d'assaut. Le pays est très cotoyeux, il faut grimper dans les coteaux et descendre des vallées abruptes et profondes. [...]
Voici une heure que nous attendons ; la première vague part, mais est aux deux tiers fauchée par les mitrailleuses ennemies qui sont dans des petits abris en ciment armé. Nous devrions être partis depuis trois quarts d'heures. Nos camarades de la première vague ramènent trente prisonniers, puis, c'est à nous de partir, car le signal est donné à notre régiment. [...] les mitrailleuses et les obus pleuvent autour de nous ; nous heurtons des morts de la première vague, ainsi que de notre régiment parti il y a 15 minutes. [...] En haut, il y a une crête, il faut coûte que coûte y arriver. [...la neige commence à tomber...] après mille péripéties, nous arrivons à cette fameuse crête : nous avons laissé de nombreux morts et blessés en route.
Ordre nous est donné de creuser des trous individuels. Moi qui ai entendu parler du plan, je sais qu'à cette heure nous devrions avoir déjà passé Craonne et être dans la vallée de l'Ailette. Je dis aux camarades : « Ça ne va pas ! » C'était vrai. [...]
Les abris blindés des ennemis où sont les mitrailleuses et canons légers ne sont pas démolis, c'est cela qui nous empêche d'avancer davantage. [...]
Enfin la nuit arrive avec ses heures d'angoisse ; il arrive aussi un ordre de monter en haut du plateau de Craonne pour prendre position. [...] Enfin, vers minuit, nous arrivons à l'endroit qui nous est désigné et que nous cherchons dans le chaos, les trous d'obus, les morts, les ténèbres, les engins de mort, la faim, la soif, l'inquiétude et la fièvre. [...] quelques tirs de barrage, des rafales d'obus tombent épars sur le champ de bataille. Les obus français passent sur nos têtes et tombent en avant de nous. Parfois, après ces éclatements, nous entendons des cris et des plaintes, probablement des blessés chez l'ennemi. Nous savons qu'en face il y a une mitrailleuse [... Au petit jour...] Quel spectacle ! Des tas de morts du 127e, 73e et 273e. Nous sommes écoeurés, nous avons les larmes aux yeux. [...] Le jour arrive, mardi 17 avril, nous sommes gelés et une eau glaciale a succédé à la neige. »
18 avril 1917 : « Les bombardements des deux artilleries durent toujours et nous sommes à demi sourds. C'est l'enfer ; le papier ne peut contenir et je ne puis exprimer les horreurs, les souffrances que nous avons endurées dans ce coin de terre de France ! Il faut y être passé pour comprendre. »
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1914-1918 Identités troubléesi