Séquence pédagogique : La Grande Guerre en classe de Première :
Petit dictionnaire de la Grande Guerre
à l'usage des élèves.
Si vous ne trouvez pas le mot recherché ici, pensez également à utiliser le « Lexique des termes employés en 1914-1918 » sur le site du CRID 14-18.
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Armes :
Chaque combattant sert dans une « arme » : l' infanterie, l' artillerie, la cavalerie, le génie, etc. De fait, tous les combattants ne sont pas soumis au même danger : l'inégalité devant la mort lorsqu'on compare les pertes selon les armes suffit à le démontrer : dans l'armée française, on compte 22% de tués dans l'infanterie, 8% dans la cavalerie et 6 % dans l'artillerie.
Arrière :
A l'arrière, loin des combats, la vie des civils est elle aussi bouleversée par la guerre. Le départ des hommes pour le front enleva brutalement la partie la plus active de la main d'oeuvre du temps de paix. Il fallait pourtant continuer à produire, d'autant plus que les besoins des armées allaient en augmentant. Dans les champs, les femmes et les enfants tentèrent de pallier à l'absence des hommes. Des permissions agricoles pouvaient être accordés à des agriculteurs mobilisés pour participer aux travaux des champs. Dans les usines, notamment dans la métallurgie et la fabrication d'armements firent appel à des « affectés spéciaux », c'est à dire à des ouvriers qualifiés (500 000 en France en juillet 1917), à des étrangers et à des femmes. Dans l'usine anglaise d'armement ici photographiée, le sol est couvert d'obus. Mis à part un homme en complet-veston – un cadre – le personnel est quasi-exclusivement composé de femmes qui transportent les obus sur un diable. Les femmes remplacèrent également les hommes mobilisés dans le tertiaire, les postes, le chemin de fer, l'enseignement.
La guerre pèse également à l'arrière par l'angoisse des familles qui a un homme au front. Le courrier est, ici aussi, un élément important du moral.
Atrocités :
De nombreuses atrocités furent commises contre les combattants et contre les civils. Les souffrances furent nombreuses. Mais le mot atrocités renvoie également aux actes de violence sur les civils des territoires envahis en Belgique et dans le nord de la France. On estime à 65000 le nombre de civils exécutés, soi-disant en représailles. Ces atrocités ont très rapidement été mise en avant par la propagande en France : ainsi voit-on fleurir dans les journaux des dénonciations de la « barbarie » allemande (voir haine) appuyées sur des récits parfois réels, parfois imaginaires, à l'image de cette carte postale où Guillaume II, empereur allemand et cible privilégiée des caricaturistes, a embroché sur sa baïonnette un religieux, une femme et un enfant. En Allemagne, on insiste sur les atrocités commises par les troupes coloniales françaises, accusées de se livrer à d'horribles mutilations à l'arme blanche sur des cadavres. Là encore, il s'agit de ranger l'ennemi parmi les « sauvages ».
Artillerie :
Ensemble des canons de tous calibres. Tous les combattants ont pu constater la puissance de feu de l'artillerie en 1914-1918, responsable de 70 % des blessures : à titre d'exemple, le 26 septembre 1918, les 75 (des canons français) tirèrent plus de 1,3 millions d'obus.
Face à l'impossibilité d'avancer, la tactique qui s'est imposée pour tenter de progresser était « l'artillerie conquiert, l' infanterie occupe ». Souvent moins exposés que les fantassins, les artilleurs bombardent donc les positions de l'ennemi afin de réduire sa résistance et de permettre aux fantassins de progresser sans trop de pertes. Quelquefois, les artilleurs tiraient trop court et bombardaient les positions des fantassins de leur propre camp. Les pièces étaient plus ou moins puissantes mais les effets souvent destructeurs : l'obus, éclatait à l'impact projetant des éclats tranchants ou des balles d'acier (shrapnells). Certains contenaient des gaz toxiques.
Attaquer :
La doctrine militaire française en 14 était l'offensive à outrance, censée correspondre à l'esprit français. « Pour être vainqueur, écrit un capitaine avant-guerre, il faut faire peur à l'ennemi ; quand on a peur, on est vaincu. Le seul moyen de faire peur à l'ennemi est de l'attaquer résolument sans s'inquiéter de savoir si on est le plus fort. » La puissance du feu a montré l'inanité de ce culte de la volonté : en seulement 5 mois, l'année 1914 a été très meurtrière (plus du ¼ des pertes de toute la guerre). A l'ouest, le front se stabilisa donc sur deux lignes défensives face à face (voir les cartes de l'évolution du front à l'ouest). Mais les tentatives de « percer » cette ligne furent obstinément tentées tout au long de la guerre au prix de pertes très importantes. Sortir des tranchées et partir à l'assaut des positions ennemies, c'était s'exposer au feu de l' artillerie et des mitrailleuses ennemies et devoir traverser les réseaux de fils de fer barbelés qui entravaient l'avancée des soldats.
Blessure :
On compte 3 millions de blessés français, certains plusieurs fois. Les chiffres sont éloquents et soulignent la nature de cette guerre : 60% des blessés l'ont été par éclat d'obus, 34% par balle, 0,3% par arme blanche. Les blessures étaient plus ou moins graves : après guerre, plus d'un million de personnes en France eurent droit à des pensions d'invalidité. On comptait par ailleurs plus de 100 000 mutilés ou amputés (voir la photographie), 42 000 aveugles ou borgnes, 15 000 gueules cassées. Enfin, les traumatismes psychologiques engendrés par l'expérience de guerre furent nombreux.
Mais la blessure légère, sans séquelles majeures, peut également être souhaitée par les combattants pour s'éloigner du danger du front. Selon les individus et les circonstances, elle pouvait être souhaitée ou recherchée (en dressant le bras au dessus de la tranchée par exemple). La mutilation volontaire était toutefois durement réprimée par les autorités militaires, y compris par le recours à la peine de mort.
Blocus :
Les Anglais et les Français imposèrent à l'Allemagne un blocus, c'est-à-dire qu'ils bloquèrent l'entrée par mer des matières premières et des produits indispensables à une économie moderne et à un niveau de vie décent. Le but était d'entraver l'Allemagne dans la poursuite de la guerre. Les autorités allemandes augmentèrent alors leurs importations terrestres, exploitèrent les territoires occupés et tentèrent d'avoir recours à des produits de substitution (ersatz). L'effet du blocus se fit durement sentir en 1916-1918 en Allemagne sur les populations civiles.
« Bourrage de crâne » :
Des journaux aux livres pour enfants en passant par les cartes postales ou les affiches, le bourrage de crâne est partout perceptible et montre en 1914 des représentations mensongères de la guerre : une guerre joyeuse, où l'on oppose d'un côté l'héroïsme des soldats nationaux et alliés, la haute valeur des chefs et la supériorité matérielle qui garantissent la victoire, et de l'autre, la lâcheté et la barbarie des ennemis que leur infériorité, leur bêtise et leur cruauté mèneront à la défaite. Ici, le supplément illustré du Petit Journal met en avant des Allemands exécutant ici à la mitrailleuse des civils – d'origine populaire ou bourgeoise, hommes ou femmes, vieillards, religieux (voir atrocités allemandes).
Excédés par la distance outrancière entre ce qu'ils vivaient et la vision qu'on en donnait, les combattants furent nombreux à dénoncer le « bourrage de crâne » qui, pourtant, s'essouffla au fil de la guerre. Les civils, plus éloignés des réalités du front, eurent plus de mal à poser sur cette désinformation un regard critique, mais ils ne furent pas toujours dupes.
Canard Enchaîné (Le) :
Ce journal hebdomadaire, toujours vivant aujourd'hui, est né le 10 septembre 1915. Son titre évoque la censure (canard = journal) et la volonté de réagir au « bourrage de crâne » par la dérision. Son éditorial annonçait sur un ton ironique : « chacun sait [...] que la presse française, sans exception, ne communique à ses lecteurs, depuis le début de la guerre, que des nouvelles implacablement vraies. Eh bien ! le public en a assez ! Le public veut des nouvelles fausses... pour changer. » Le journal lance d'ailleurs l'élection du « grand chef des bourreurs de crânes ». La censure ne lui fit pas de cadeau et opéra souvent des coupes dans le journal.
Censure :
Pour empêcher à des informations stratégiques de parvenir à l'ennemi et pour soutenir le moral de la population, des organismes furent mis en place. Les censeurs analysaient la presse (voir La Dépêche avant et après la censure), le théâtre, le cinéma, la chanson populaire, les cartes postales, etc., opéraient des coupures ou interdisaient carrément la diffusion. Parallèlement, un contrôle du courrier fut mis en place pour filtrer les nouvelles du front et connaître le moral des troupes. Le volume de lettres échangées ne permettait bien sûr pas de tout lire mais les combattants étaient parfois réticents à s'exprimer librement.
Combattant/Non combattant :
Peut-être qualifié de « combattant » « tout homme qui fait partie des troupes combattantes ou qui vit avec elles sous le feu, aux tranchées et au cantonnement, à l'ambulance du front, aux petits états-majors. Les médecins de bataillon n'avaient pas d'armes, les officiers de troupe n'étaient souvent armés que d'une canne ; vivant au feu ils étaient combattants » ( Jean Norton Cru, Témoin..., p. 19 ) . Ceux qui, à l'arrière des lignes, ne sont pas directement soumis aux dangers de la vie au front sont non-combattants. C'est donc l'exposition au danger qui définit les combattants. Mais le danger, là encore diffère selon l' arme dans laquelle sert le combattant.
Communiqué officiel :
Toutes les armées livraient régulièrement un communiqué officiel sur la situation militaire, pendant longtemps la seule source d'information de la presse. Opération délicate car il ne fallait rien divulguer qui risquerait se servir à l'ennemi ; il ne fallait pas affoler le pays en cas de déboires ; on ne pouvait pas trop mentir car on serait brutalement ramené aux réalités. Le dessin de ce caricaturiste audois souligne les dures réalités du front qu'une formule comme « rien à signaler » recouvrait.
Courrier :
On estime les lettres envoyées ou reçues par les soldats français à 4 millions par jour et à 10 milliards pour la durée de la guerre. Le courrier est souvent évoqué pour garder le moral. Ce lien ténu entre le combattant au front et ses proches restés sans nouvelles est un cordon ombilical qui permet au soldat de rassurer ses proches (« bonne santé » et « bon moral » sont des formules courantes), de suivre ce qui ce passe au « pays » (travaux agricoles, etc.). Ce type de cartes postales mettant en scène des personnages en train d'écrire est très répandu. La distribution de courrier était un moment fort de la vie des tranchées. Les lettres sont aujourd'hui des sources précieuses pour travailler au plus près des combattants mais il faut tenir compte de la censure que les hommes respectaient plus ou moins, et l'autocensure qui consistait à ne pas tout dire pour ne pas inquiéter son destinataire : on ne parle pas de la même façon à sa mère ou à un copain ; à la limite, on écrit parfois à son correspondant ce qu'il a envie de lire.
Embusqués :
Mot d'origine populaire désignant les hommes qui ont le privilège de rester à l'abri à occuper des fonctions plus ou moins utiles : il s'applique donc aux hommes restés à l' arrière (affectés spéciaux c'est à dire mobilisés dans les usines, employés de bureaux,...) et aux hommes du front jugés moins exposés (cuisinier, planton, coiffeur du colonel). Ces hommes suscitèrent l'envie et la colère des combattants et de leurs proches qui tout à la fois dénonçaient ces situations inégalitaires (et se réjouirent de lois comme la loi Dalbiez en août 1915 visant à mieux répartir l'impôt du sang), mais recherchaient et appréciaient les situations de relative « embuscade ». Cette caricature, parue dans un journal de tranchées, L'Écho des Marmites, en janvier 1917, oppose la vie de l'embusqué et la vie du combattant.
Fraternisations :
Les combattants prennent parfois conscience d'une communauté de situation avec ceux d'en face : d'une attitude réciproque (« si vous tirez, nous tirons »), on glisse peu à peu à un système de « vivre et laisser vivre », à des considérations morales (« ce sont des hommes comme nous ») et, parfois, à des fraternisations. Le haut commandement cherche constamment à augmenter les moyens d'agression et à empêcher ce type de rapprochements.
Cette photographie de Fritz Knecht, photographe à Sarrebourg, a été prise près de Leintrey, en Meurthe-et-Moselle en 1917, une zone alors relativement calme. La photographie est ici un moyen de fixer le souvenir de ce temps de répit. Notez les expressions et les gestes de détente.
Fusillés :
Dans toutes les armées, ils existe une justice militaire chargée d'appliquer un code des peines en fonction des délits et des crimes. Dès l'été 1914 se mit en place dans l'armée française une justice militaire dotés de pouvoirs très étendus permettant des jugements rapides et sans recours. Les fusillés « pour l'exemple » en symbolisent les excès : 550 Français, 750 Italiens, 330 Anglais, 48 Allemands (données officielles) tombèrent sous les balles de leur propre pays. A cela, il faut ajouter les exécutions sommaires et les soldats suspects désignés pour des missions très périlleuses. Ces chiffres, dérisoires en regard du chiffre total de pertes, rappellent pourtant l'existence d'un cadre militaire où la notion de choix ( tenir ou ne pas tenir) se heurte à celles de devoir et de contrainte.
Cet ensemble de photographies montre que l'exécution est très ritualisée : d'après l'historien Denis Rolland, l'homme attaché au poteau et exécuté avant que les troupes paradent devant son cadavre est Julien Brillant, fusillé dans l'Oise pour abandon de poste. La photographie a manifestement été prise par un soldat assistant à l'exécution.
Haine :
L'incitation à la haine de l'ennemi se perçoit clairement à la lecture de certains articles de presse, ou en analysant certaines caricatures de l'ennemi. Les atrocités qu'il commettait étaient l'occasion d'une dénonciation de sa cruauté, de sa barbarie et favorisaient sa diabolisation. Le dessin de Poulbot, sur cette carte postale, montre que l'Allemand n'est pas même considéré par les enfants comme un chien. Mais il reste difficile d'évaluer, au delà de ces images et de ces mots de violence, leurs effets sur les civils et sur les combattants. La haine de l'ennemi est une question complexe, indissociable des situations dans lesquelles elle s'exprime : flambée de haine lorsqu'un proche est tué, lorsqu'on est pris dans les bombardement ennemi, lorsqu'il s'agit de tuer ou d'être tué, compassion envers les blessés, respects des prisonniers accueillis par « Krieg fertig », complicité dans des ententes tacites (voir vivre et laisser vivre) voire, dans certains cas, des fraternisations, sont autant de sentiments que l'on rencontre fréquemment dans les témoignages de la Grande Guerre. Le dessin de Dantoine, ancien combattant et caricaturiste audois, offre ainsi un autre regard sur l'ennemi.
Infanterie :
L'infanterie est l' arme de loin la plus exposée en 1914-1918 : elle est constituée de troupes combattant à pied (contrairement à la cavalerie). La puissance nouvelle des fusils, des mitrailleuses ou des canons (voir artillerie) entrave la progression des fantassins sur le champ de bataille. Les tranchées sont alors creusées pour consolider les positions. Mais le haut commandement ne renonce pas pour autant à la percée des lignes ennemies et lancent régulièrement les fantassins à l'assaut des lignes ennemies (voir cartes de l'évolution du front à l'ouest, carte 1 à 4). Les pertes sont lourdes chez les fantassins (22 % sur l'ensemble de la guerre), plus exposés puisqu'au plus près de l'ennemi, dans les premières lignes.
Les images ci-dessous sont extraites du premier film d'assaut enregistré. Il a été réalisé le 1 er juillet 1916, premier jour de la bataille de la Somme, devant le village de Dompierre par un opérateur célèbre, Émile Pierre. Les fantassins français s'élancent dans le no man's land qui sépare les lignes françaises des lignes allemandes. Ils s'éloignent sans que l'opérateur puisse les suivre : l'appareil à prise de vie manuelle est beaucoup trop lourd pour cela.
Mitrailleuses :
armes caractéristiques de la guerre industrielle, apparue dans la 2 e moitié du XIX e siècle, pouvant tirer de 400 à 600 coups par minutes. Leur pouvoir meurtrier suscitait l'angoisse des combattants avant l'assaut.
Cette photographie du capitaine Léon Hudelle a été légendée « 1915. Une mitrailleuse en action contre le fort Hohenzollern ».
Morts :
Le nombre de morts fut effroyable :
|
Allemagne |
France |
Morts (en millions) |
2 |
1,4 |
En proportion du nombre de mobilisés |
15,4 % |
16,8 % |
Certaines années furent plus meurtrières que d'autres :
années |
1914 (mouvements à découvert) |
1915 (tentatives de percer vaines et meurtrières) |
1916 (grandes batailles : la Somme et Verdun) |
1917 (adoption progressive de méthodes de guerre plus économes en vies) |
1918 (reprise du mouvement) |
morts |
301 000 |
349 000 |
252 000 |
164 000 |
235 000 |
La mort faisait partie de l'univers des tranchées : comme menace tant elle constituait un risque permanent alimentant une angoisse telle que l'on arrivait à envier les camarades tués ; comme décor, puisque les témoins font souvent part de corps non enterrés ou déterrés aux côté desquels il fallait vivre, expérience à laquelle ils s'accoutumèrent en partie mais qui restait traumatisante : les morts restaient avant tout des individus à part entière auxquels on tentait de donner une sépulture en informant la famille sur l'emplacement du corps lorsque les circonstances le permettaient (les corps disparus furent légion). La mort faisait également partie des préoccupations de civils : rares sont les familles qui n'ont pas été touchées par la mort d'un proche. Le deuil familial (qui passait pour 30 % des morts identifiés par le rapatriement du corps) se doublait d'un deuil collectif dont témoignent les monuments aux morts dans la plupart des communes, portant le nom des hommes tombés en 14-18.
Mutineries :
Mouvements de refus collectif d'obéissance. Dans l'armée françaises, des mutineries éclatèrent au printemps et à l'été 1917 touchant des dizaines de milliers de soldats. Déclenchées par une offensive sanglante sur le Craonne et le Chemin des Dames, qui déboucha sur un échec, elles s'inscrivent dans un contexte plus large de contestations et de critiques accumulées. Lassés et usés par une guerre interminable dans des conditions inhumaines, les combattants protestèrent de manière plus ou moins violente contre la forme de guerre qu'on leur avait fait mener jusque là. Ces mouvements collectifs furent réprimés mais débouchèrent sur une plus grande attention portée aux conditions de vie des soldats.
Occupation :
L'invasion par les Allemands de la Belgique et d'une partie de la France, puis la fixation du front à l'ouest, ouvrit une situation d'occupation pour ces territoires : le pouvoir passa aux mains des Allemands qui imposèrent de lourdes contributions de guerre (en argent). Les réquisitions se succédèrent : vin, récoltes, outillage, meubles, métaux... La terreur et la misère étaient renforcées par le travail forcé, les prises d'otages, les déportations en Allemagne. Les civils se virent privés de toute information venant de France. La misère matérielle, par ailleurs, devint chaque jour un peu plus noire (le prix des denrées ne cessant d'augmenter). Les pommes de terre destinées à la semence ont ainsi fait l'objet le 1 er janvier 1917 d'un décret qui fixe des règles de conservation et prévoit des sanctions en cas de non respect. La mortalité qui était de 27 pour mille en 1914 passa à 41 pour mille en 1918.
Patrie/ Patriotisme :
En août 1914, la guerre fut accueillie avec une réaction de patriotisme défensif. Loin des manifestations de chauvinisme et des déchaînements cocardiers, les soldats partent à la guerre avec le sentiment de devoir défendre le sol national. Mais leur expérience de la mort et de la destruction, les conditions inhumaines imposées par la guerre de tranchées et les erreurs sanglantes du commandement sapèrent les convictions, laissant la place à une ténacité reposant sur de multiples facteurs. Le terme « patriote » prit alors une connotation péjorative, devenant presque synonyme d' embusqué.
Pays :
Désigne pour les soldats d'origine populaire le village, le canton, la petite région dont ils sont originaires. L'attachement à cette « petite patrie » se manifeste dans le plaisir pris par les soldats à rencontrer un camarade du pays, à parler le patois local, à échanger des nouvelles, à partager la nourriture envoyée dans les colis.
Permission :
En juillet 1915, le conflit s'éternisant, un tour de permission fut instauré dans l'armée française. Les soldats étaient alors autorisés, pour quelques jours à rentrer chez eux, auprès de leur famille restée à l' arrière. La permission, cruciale pour le moral, était vivement attendue par les soldats. La permission était également un moment de confrontation entre l' arrière et le front, comme dans ce dessin de Dantoine, un caricaturiste audois : un combattant, assis dans une gare « en attendant le train de permissionnaire », ne daigne pas saluer un officier d'administration qui s'en offusque. Ce dessin rappelle qu'avec la guerre, le respect dû au chef s'acquiert. Plus que les galons, c'est son comportement au feu qui distingue le bon officier aux yeux des soldats. Le dessin s'amuse donc du fossé entre ce combattant et ce non-combattant.
Prisonnier de guerre
Au cours des combats, il arrivait fréquemment de faire des prisonniers. Le traitement des prisonniers était, pour la première fois dans l'histoire, réglé par des conventions internationales. Elles ne furent cependant pas bien appliquées. Chacun usa de représailles et de menaces. Des camps de prisonniers furent créés pour accueillir ces hommes. L'action de la Croix-Rouge permit de mettre en contact les prisonniers de guerre et leur famille et d'améliorer leurs conditions de détention. Toutefois, le traitement réservé aux prisonniers roumains en Allemagne ou allemands en Russie fut inhumain. La captivité fut globalement vécue sans culpabilité, la plupart des prisonniers estimant, une fois le devoir accompli, avoir le droit de finir la guerre à l'abri des coups.
Nombre de prisonniers de guerre en 1918 (en milliers) |
en général |
en France |
en Allemagne |
en Autriche |
en Grande-Bretagne |
en Russie |
6637 |
350 |
2500 |
916 |
328 |
2250 |
Témoignages :
Sources produites par les acteurs d'un événement historique. Les témoignages de combattants ou de non-combattants constituent un matériau incontournable pour les historiens de la Grande Guerre. Pour la première fois, ces derniers disposent d'une masse incalculable de textes, publiés ou inédits, écrits par des individus de tous groupes sociaux. Le témoignage peut être immédiat : il n'est pas rare, par exemple, qu'un combattant écrive sous un bombardement. Ainsi, Victorin Bès, dans son carnet le 25 septembre 1915, d'une main un peu énervée avant l'attaque, fait ses adieux à ceux qui l'aiment, son « testament » en quelque sorte. Une offensive générale va être lancée en Champagne (voir cartes de l'évolution du front). L'écriture saccadée traduit bien l'agitation de l'auteur (voir photographie).
Les témoignages se présentent sous plusieurs formes :
- des journaux de guerre : le témoin écrit régulièrement ce qu'il vit, parfois au jour le jour, sur un cahier, un carnet ou d'autres supports. Le carnet de guerre de Victorin Bès en est un bon exemple.
- des souvenirs : composés de mémoire ou à partir de notes prises pendant la guerre, le témoin constitue un récit écrit de son expérience. Lorsqu'il s'agit d'un entretien enregistré, on parle de « témoignage oral ».
- des lettres : plusieurs millions de lettres furent échangées pendant la guerre. Elles constituent un témoignage de premier ordre. (voir courrier)
- des romans : le récit du témoin se veut fictif mais prend appui sur son expérience. Les noms de personnes sont changés, le vécu est articulé autour d'une intrigue, etc.
D'autres formes de témoignages existent : la photographie, le dessin (voir les dessins de Dantoine proposés dans ce lexique), etc.
Bien entendu, ces sources ne sont pas dénuées de limites : dans les lettres, par exemple, il n'est pas rare qu'un combattant passe sous silence les aspects les plus pénibles de son expérience ou ses sentiments, par peur de la censure ou pour rassurer ses proches. Mais ces limites ne sont pas insurmontables et ne doivent pas faire oublier l'exceptionnelle richesse de ces traces de la Grande Guerre.
Tenir :
Comment les hommes ont-ils tenus ? Cette question fait débat depuis quelques années parmi les historiens. Les facteurs que l'on peut avancer sont multiples, et diffèrent selon les hommes et les situations. Citons-en quelques uns : la solidarité entre les camarades, l´orgueil viril, la contrainte de la discipline militaire, le poids du regard des autres, l'habitude de l´obéissance (dispensée par l´école, l´Église, la caserne, le travail…), le recours à la foi et à la superstition et le patriotisme . Ont également comptées les stratégies d´évitement individuelle (la recherche du « filon ») et collectives (« vivre et laisser vivre ») pour limiter la violence, et les palliatifs au cafard et à l'angoisse que sont l'alcool et les lettres.
Tranchées :
A la fin de l'année 1914, les fronts sont fixés et des tranchées sont creusées. Progressivement, c'est tout un réseau qui se constitue, avec des 1 ères lignes, des 2 e lignes, etc. Des boyaux les relient entre elles. La première ligne est ainsi celle qui fait directement face aux lignes adverses, c’est la zone la plus dangereuse, où les combattants font des séjours généralement brefs (de l’ordre d’une semaine) hors des grandes batailles qui conduisent à rester longtemps en « ligne ».
Cette caricature réalisée par un caricaturiste audois, Dantoine, apparaît comme un condensé des conditions de vie pénibles des soldats dans les tranchées : deux soldats français en uniforme sont assis dans une tranchée, le visage dissimulé derrière un masque à gaz. Ce sont les conditions matérielles qui sont ici soulignées : la tranchée est inondée, les pieds des deux hommes semblent pris dans la boue, et la présence d'un rat fait écho aux nombreux témoignages de combattants qui se plaignent de leur présence dérangeante. Ce rongeur est mort, vraisemblablement tué par le nuage de gaz au second plan. Il vient rappeler que la tranchée est également un lieu dangereux mais qu'elle offre aux combattants une protection, renforcée par le fil de fer barbelé esquissé sur le parapet.
Vivre et laisser vivre :
Si les combats de la Grande Guerre furent marqués par un déferlement de violence (offensives, bombardements, ...), certains secteurs du front étaient plus calmes à certains moments de la guerre : la proximité avec l'ennemi dans des tranchées peu éloignées favorise les ententes tacites : on ne se tire pas dessus ou, pour obéir aux ordres, on tire, mais de manière à ne lui causer aucun dommage, afin d'obtenir la réciprocité. La photographie d'« une partie de football derrière un talus immédiatement en arrière de la tranchée de première ligne, à 120 mètres de l'ennemi (devant la fosse n°8 de Lens) » a été conservée par le capitaine Léon Hudelle (qui tient ici le ballon). Elle date de début 1915. La situation s'approche d'une situation de relatif « laisser vivre ». Un caporal du même régiment, Louis Barthas, écrit : « il eût fallu que les Allemands fussent aveugles pour ne point voir le ballon bondir dans les airs et parfois rebondir en avant de la première ligne dans les fils de fer où un joueur audacieux allait le prendre en s'en remettant à la courtoisie des Allemands qui, du reste, ne tirèrent jamais sur les joueurs. »
Bibliographie :
- Remy Cazals, Les mots de 14-18, Toulouse, PUM, 2003.
- « Lexique des termes employés en 1914-1918 » par le CRID 14-18, http://www.crid1418.org
- « Petit répertoire critique des concepts de la Grande Guerre » par André Loez avec la collaboration de Nicolas Offenstadt, décembre 2005. Consultable sur le site du CRID 14-18, http://www.crid1418.org
- Jean Norton Cru, Témoins : essai d'analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1928, Nancy, PUN, 1993 [1 ère éd. en 1929, Paris, Les Etincelles], 727 p.
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