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Les morts du 18e RI
par Rémy Cazals

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Les morts du 18e RI (1914-1919)

A l’occasion de l’édition des notes de guerre de Prosper Viguier (Un chirurgien de la Grande Guerre, Toulouse, Privat, collection « Témoignages pour l’histoire », 2007, notice dans le dictionnaire en ligne du CRID 14-18), son petit-fils Pierre Galabert m’a offert l’Historique du 18e Régiment d’Infanterie (par l’Amicale des 18e et 218e Régiments d’Infanterie, Pau, Marrimpouey Jeune, 1936). Les auteurs de l’ouvrage (comité de rédaction présidé par le commandant Louis Lespinasse) le présentent comme plus complet que l’Historique du 18e RI pendant la guerre 1914-1918 (Lavauzelle, 1920). Les onze premiers chapitres suivent l’ordre chronologique, depuis la mobilisation jusqu’au retour du 18e à Pau, le 30 juillet 1919. Le chapitre XII évoque l’Amicale des 18e et 218e et les monuments élevés à Pau et sur le plateau de Californie à la gloire du régiment, ainsi que celui du Chemin des Dames en l’honneur de la 36e division dont le 18e faisait partie. Le chapitre XIII est constitué par « l’état nominatif des militaires du 18e RI tués ou morts des suites de leurs blessures durant la guerre de 1914-1918 ». La liste, sur 56 pages, donne en trois colonnes les noms et prénoms, la date du décès, le lieu du décès. Une étude jour par jour reste possible. Sans aller jusque là, on peut faire les remarques suivantes.
1. Le total des morts pour la période s’élève à 3 198, c’est-à-dire presque l’effectif lors du départ en 1914 (57 officiers et 3 326 sous-officiers, caporaux et soldats). Pensons que, pour avoir le total des pertes, il faudrait compter aussi les blessés et les prisonniers.
2. Par année, le décompte s’établit ainsi :
en 1914 : 1076 morts
en 1915 :   528
en 1916 :   428
en 1917 :   622
en 1918 :   516
en 1919 :     28
On vérifie ce que l’on savait bien, le caractère particulièrement meurtrier de la première année de guerre : plus de mille morts en cinq mois, soit un tiers du total des morts du 18e RI pendant toute la guerre.
3. Si l’on veut dresser la courbe du nombre de morts par mois, il est nécessaire de déduire les soldats morts à l’arrière ou dans les camps de prisonniers en Allemagne, car ces décès, même s’ils sont la conséquence de blessures de guerre, sont décalés dans le temps, et la courbe serait faussée. Entre août 1914 et novembre 1918, le nombre de décès à l’arrière s’élève à 181 ; dans les camps (ou en Suisse), à 77. En décembre 1918 et en 1919, le 18e RI a compté 44 morts. Le chiffre global à prendre en compte dans le tableau qui suit est donc de 2 896.
1914


août

155

septembre

565

octobre

280

novembre

  13

décembre

  22

1915


janvier

391

février

  23

mars

  15

avril

  12

mai

    6

juin

  11

juillet

    6

août

    5

septembre

    5

octobre

    5

novembre

    0

décembre

    4

1916


janvier

    0

février

    0

mars

    0

avril

    6

mai

315

juin

  30

juillet

    8

août

  11

septembre

    9

octobre

    3

novembre

    3

décembre

    2

1917


janvier

  11

février

    7

mars

    4

avril

  44

mai

301

juin

163

juillet

    0

août

    8

septembre

    5

octobre

  11

novembre

  10

décembre

  16

1918


janvier

    8

février

    2

mars

  85

avril

  22

mai

  26

juin

107

juillet

    5

août

    5

septembre

101

octobre

  44

novembre

    5

Là encore on vérifie une évidence, peut-être pas suffisamment mise en valeur : le risque de mort peut être très élevé à certains moments, dans certains secteurs d’offensive ; beaucoup plus faible lorsque le régiment est au repos ou en secteur calme.
4. L’Historique permet d’identifier les moments les plus terribles :
- août, septembre, octobre 1914 : batailles de Charleroi et de Guise, la Marne, attaque du plateau de Vauclerc sur le Chemin des Dames ; en trois mois : mille morts ;
- janvier 1915 : combats de la Creute et du Bois Foulon, 391 morts ;
- mai 1916 : Verdun, 315 morts ;
- mai-juin 1917, surtout mai : prise de Craonne et du plateau de Californie, défense du plateau de Vauclerc, 464 morts ;
- en 1918, trois moments : la résistance aux offensives allemandes de mars (85 morts) et de juin (107 morts), puis le début de la poursuite en septembre et octobre (145 morts).
5. En dehors de ces moments, le 18e RI a connu de longues périodes de calme : de février 1915 à avril 1916 ; de juillet 1916 à avril 1917 ; de juillet 1917 à février 1918.
6. Sur la liste des morts du 18e, on remarque trois noms : Casimir Canel, Alphonse Didier, Jean Laplacette, tous trois morts à Maizy le 12 juin 1917, sans commentaire. Il s’agit de trois fusillés lors de la répression des mutineries de 1917. Evidemment, l’Historique ne pouvait tout dire là-dessus. Le passage mérite d’être reproduit ici :
« Pendant cette détente d’une vingtaine de jours [du 7 au 27 mai], les hommes sont abandonnés dans un "farniente" un peu excessif. Ils courent en effet un autre danger. La région au sud de l’Aisne est intoxiquée par un vent de défaitisme soigneusement entretenu par les ennemis de notre Patrie. En récupérant leurs forces physiques, nos magnifiques soldats ne laisseront pas entamer leurs ressources morales malgré l’action occulte et bien réglée de quelques traîtres disséminés dans les cantonnements. Le 27 mai, à la nuit, le régiment est alerté et enlevé en camions automobiles pour remonter en ligne où une attaque allemande est attendue sur les points conquis par la 36e DI. La rigueur de la loi militaire sera appliquée, deux jours plus tard, à quatre retardataires du 2e bataillon. »
On sait (voir les livres de Denis Rolland et d’André Loez) que la réalité fut bien différente. Mais ce paragraphe est aussi un témoignage direct sur la façon d’écrire les historiques de régiments. La liste des morts, si elle n’est pas à l’abri de quelques erreurs possibles sur un aussi grand nombre, ne devrait cependant pas être suspectée.

Rémy Cazals, CRID 14-18

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