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Recension : Antonio Gibelli, Il popolo bambino

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GIBELLI Antonio, Il popolo bambino. Infanzia e nazione dalla Grande Guerra a Salò, Torino, Einaudi, 2005, 412 p., illust.

Avec Cuore de De Amicis et dans la première décennie du XX e siècle, le processus de « nationalisation » des jeunes Italiens s’est poursuivi. La Grande Guerre a ensuite fourni un champ d’expérience beaucoup plus large, anticipant sur les méthodes « d’enveloppement » et d’embrigadement qui allaient prendre une dimension démesurée sous le régime fasciste et son avatar, la « République sociale » de Salò de 1943, jusqu’à la défaite.

Antonio Gibelli montre que, de 1915 à 1945, les enfants ont été pris dans la mobilisation nationale pour une politique de puissance, pour la guerre, pour la fabrication du consentement à l’Etat totalitaire. L’enfance est devenue une « construction théorique » dans un parcours qui va du premier uniforme de balilla à l’entrée dans l’armée. Contribuent à cette construction les récits d’aventures et de conquêtes, la fascination de l’Afrique, le thème de l’amélioration de la race par la vie au grand air et la présence du danger (une partie du livre développe la comparaison entre « balillismo » et scoutisme). C’est aussi l’époque où l’image de l’enfant fait une irruption décisive dans la publicité commerciale dont les techniques doivent être comparées à celles de la publicité politique.

Le travail très documenté d’Antonio Gibelli utilise les sources les plus variées, avec le souci de ne pas négliger les exercices scolaires, les cartes postales, les affiches, les lettres écrites aux combattants (tout cela très contrôlé). Le cahier de 16 pages d’illustrations en couleurs en donne une idée.

L’auteur ajoute que l’endoctrinement des enfants et des adolescents constitue seulement un aspect du contrôle général des masses considérées elles aussi comme infantiles, immatures, ayant besoin d’être guidées et encadrées. Notons que, pour une première approche, en français, le lien entre les pratiques gouvernementales de 1915-1918 et celles de la période fasciste sont présentées dans la communication de Giovanna Procacci, « Italie : la répression des dissensions intérieures », dans La Grande Guerre, pratiques et expériences, Toulouse, Privat, 2005, p. 67-76 (actes du colloque de 2004 à Soissons et Craonne, avec une large participation des membres du CRID 14-18).

Je profite également de ce compte rendu pour signaler le livre Les écoliers de Tournissan, 1939-1945, publié en 1978 par Privat à l’initiative de la Fédération audoise des œuvres laïques (comme Les carnets de guerre de Louis Barthas, et la même année). Ce livre reproduit des textes écrits par les enfants de ce village des Corbières pendant la Deuxième Guerre mondiale, en échappant complètement à l’endoctrinement de Vichy. Mais les quatre ans de l’Etat français n’étaient pas les vingt ans du régime de Mussolini.

Rémy Cazals

 

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