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Souvenirs de guerre de Frédéric Charignon (75e RI)

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            Dans la Revue drômoise, archéologie, histoire, géographie (n° 522 – 2006/4), Robert Serre, un des éditeurs du livre « Je suis mouton comme les autres », Lettres, carnets et mémoires de poilus drômois et de leur famille (Valence, Editions Peuple Libre et Notre Temps, 2002, 503 p.), présente les « Souvenirs de guerre d’un poilu de Châteaudouble ». Ce combattant, Frédéric Charignon, né en 1880, agriculteur, est parti pour le front le 4 septembre 1914 avec le 75e RI ; il a été grièvement blessé le 20 juin 1918. Ses souvenirs ont été rédigés après la guerre, d’après ses carnets, à la demande de ses enfants. On ignore pourquoi ils s’interrompent à la date du 27 avril 1915. Est-ce en rapport avec le traumatisme de l’exécution d’un camarade quelques jours auparavant ?
            Sur la vie des combattants, la description des tranchées et des cagnas, des attaques et des secteurs calmes, sur l’importance des liens avec le « pays », la famille, des nouvelles des travaux des champs dans les préoccupations des hommes du front, Frédéric Charignon apporte des éléments sur des thèmes bien connus. Il confirme aussi que l’horizon d’attente des combattants (lui-même et les camarades avec qui il discute) est la fin « prochaine » de la guerre (expression de décembre 1914), la « délivrance » (vœu du 1er janvier 1915).
            Il fournit aussi des renseignements utiles sur les rapports avec les chefs. Dès septembre 1914, il signale qu’on lit aux troupes des ordres sévères sur la discipline et les mutilations volontaires. Les soldats n’hésitent pas à suivre le lieutenant Million-Rousseau parce qu’il donne l’exemple et qu’il a dit avant la sortie : « S’il en est parmi vous qui ont peur, ils n’ont qu’à rester. » Avec le lieutenant Dumas, « tout se passe en famille ». Mais le lieutenant Cantero qui le remplace, venant de la cavalerie, « est loin de valoir l’ancien ». Il s’en prend au soldat Laprée, un gone débrouillard, peu discipliné : cela ne se passe plus « en famille ». Laprée est puni pour « refus d’obéissance devant l’ennemi » ; il est condamné à mort le 18 avril 1915, à une époque où la justice militaire était expéditive (voir Général André Bach, Fusillés pour l’exemple, 1914-1915, Paris, Tallandier, 2003, 617 p.).
            La section, « où Laprée était estimé », rédige une protestation en sa faveur. L’escouade de Charignon et de Laprée refuse de fournir le peloton d’exécution (on aimerait en savoir plus mais le texte ne donne pas de précisions). Au poteau, Laprée « critique les officiers, mais on l’arrête ». Le régiment doit défiler devant le corps. Charignon et ses camarades reviennent « bien ruinés de cette triste cérémonie ». « Le soir, à la nuit tombante, quand le lieutenant vient faire l’appel, il fut obligé de faire demi-tour : de tous les cantonnements, on criait : Voilà l’assassin, enlevez-le. » On n’en saura pas davantage.
            Consulté, le général Bach confirme la date et le lieu de l’exécution, Bayonvillers, ainsi que le numéro du régiment, le 75e RI. Sa documentation fournit les prénoms de Laprée, Claude, Frédéric, et sa date de naissance, le 8 janvier 1888 à Lyon.

  Rémy Cazals         

[On peut profiter de ce compte rendu pour signaler la nouvelle édition, revue, de Emile et Léa, Lettres d’un couple d’instituteurs bourguignons dans la tourmente de la Grande Guerre, présentées par Michel Mauny, chez l’auteur, 10 rue du 4 août 1789, 89400 Migennes. L’intérêt de la première édition avait été signalé sur ce même site du CRID 14-18.]

 

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