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Recension: Nicolas Beaupré, Ecrire en guerre, écrire la guerre

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Nicolas Beaupré, Écrire en guerre, écrire la guerre. France, Allemagne 1914-1920, préface d’Annette Becker, Paris, CNRS éditions, 2006, 292 pages.

Recension par Rémy Cazals :

Première remarque : des apports utiles

L’apport du livre est à chercher dans deux directions principales :

- une forte documentation allemande, des statistiques sur l’édition, des chiffres de tirage (p. 108), des tableaux ; on apprend ainsi que la littérature pacifiste était loin de dominer (p. 251) ;

- des notes sur la volonté du monde des lettres de se légitimer « en célébrant ses combattants, ses décorés, ses blessés et ses morts » (p. 50) ; sur la censure dans les deux pays, des écrivains acceptant de devenir censeurs « avec bonne grâce, évitant sans doute ainsi la rigueur, la violence et les risques de la vie au front. Devenir censeur ou propagandiste était aussi un bon moyen de s’embusquer (1) » (p. 90) ; sur les « stratégies narratives d’hommage qui tentaient de donner sens à l’immense deuil du milieu des gens de lettres » (p. 257).

Deuxième remarque : une thèse bien cadrée

La préface de la directrice de thèse fixe clairement les figures imposées, déjà présentes dans les livres et articles d’elle-même, Annette Becker, et de Stéphane Audoin-Rouzeau : consentement à la guerre ; propagande et censure non imposées par le haut à des sociétés rétives ; guerre de 14-18 comme laboratoire des violences du siècle… La brutalisation (transformation en brutes) des individus, la violence personnelle consciente et assumée sont posées a priori ; N. Beaupré cherche dans son corpus ce qui peut confirmer la thèse, en laissant de côté ce qui viendrait l’infirmer. Quelquefois, il faut donner un coup de pouce à la démonstration : « le poignard sert de métonymie à la violence du front dans son ensemble. Il dit par son surgissement même, dans le corps du texte, la violence du corps à corps et établit une connivence silencieuse avec le lecteur. » Remarquons l’ignorance des textes qui évoquent la distribution des poignards reçus avec répugnance et ironie. Si on suit les raisonnements de N. Beaupré, tous les écrivains combattants ont tué, consciemment, d’homme à homme. Certains l’ont écrit ? ils ont avoué. Les autres ne l’ont pas écrit ? c’est qu’ils l’ont caché. N. Beaupré ne se rend pas compte que l’on pourrait retourner les propositions : ceux qui l’ont écrit n’ont pas tué mais ont voulu se mettre en valeur auprès des lecteurs ; ceux qui n’ont pas décrit de corps à corps au cours desquels ils auraient tué, c’est simplement qu’ils n’ont pas voulu les inventer. La « haine parfois paroxystique » (p. 262) peut paraître générale si on sélectionne rigoureusement les citations. En fait, plusieurs auteurs, dont Léon Werth, que N. Beaupré aime à citer, pourraient être pris comme contre-exemples.

Parmi les termes et les situations « consacrés » par la vulgate, on retrouve bien sûr ici « la litanie des souffrances » des combattants, expression chère à Christophe Prochasson, citée deux fois p. 184 ; le cas du Dr Bérillon parlant de l’odeur des Allemands, qu’aiment bien citer Audoin-Rouzeau et A. Becker, revient ici deux fois (p. 158 et 262) pour renforcer son impact. Et la culture de guerre. Sur ce dernier concept, N. Beaupré n’insiste pas. Aurait-il lu la mise au point de Philippe Olivera, Emmanuelle Picard, Nicolas Offenstadt et Frédéric Rousseau ? Toujours est-il qu’il emploie parfois le pluriel (« cultures de guerre »). Mais voici la « culture de la mort en guerre » (p. 137). C’est un peu ridicule. Il me semble qu’en français il vaudrait mieux ne pas utiliser à tout propos le mot « culture » : on gagnerait à parler de « trait culturel ». Même les expressions « culture de la virilité » ou « culture de l’obéissance » seraient avantageusement remplacées par « existence, dans la culture occidentale du début du XXe siècle, de traits culturels valorisant la virilité, favorisant l’obéissance ».

Autre figure imposée : l’attente eschatologique. Dans les « preuves » que donne N. Beaupré, je remarque au moins trois erreurs de méthode :

- Un texte de Werth, signalant que les poilus attendent la paix, est suivi de la question : quelle paix ? et la réponse est apportée par un poème allemand : les soldats attendent une paix par la victoire. Un poème ; même si on ajoutait cinq ou dix autres citations, bien choisies, on n’aurait pas la réponse concernant la majorité des soldats. Un commentaire plus précis de cette erreur de méthode viendra plus loin.

- Une allusion est faite au drapeau français marqué du Sacré Cœur ; mais on pourrait trouver des textes en opposition complète. Pierre Roullet (2) raconte comment l’idée a suscité dans son régiment des réactions ironiques : pourquoi ne pas le marquer d’une bouteille de vin ? Les positions inverses ne s’annulent pas ; chacune devrait être mise dans son contexte.

- N. Beaupré mentionne des titres de livres évoquant « l’attente », c’est-à-dire la station immobile dans les tranchées (p. 197) ; cette attente est métamorphosée en « attente eschatologique ».

Des lacunes criantes apparaissent dans la bibliographie. Viennent-elles d’ordres stricts de ne pas citer tel ou tel historien, ou bien de la recherche insuffisante d’un débutant ? On ne peut évoquer le fait que la thèse a été rédigée avant la parution de certains ouvrages puisque des titres sortis en 2004, 2005 et même 2006 sont mentionnés. N. Beaupré ignore l’existence de La guerre censurée qui, à la différence de son livre, présente les auteurs cités avec quelque précision ; il ignore les ouvrages d’André Bach, François Cochet, Hardier et Jagielski, Nicolas Offenstadt ; le colloque Traces de 14-18 ; les articles de R. Cazals, N. Mariot, A. Prost (3). Il évoque la légende du coup de poignard dans le dos à propos de l’Allemagne sans connaître les travaux de Pierre Jardin. Parmi les textes qui auraient pu figurer dans son corpus, il ignore Touché ! de Célestin Freinet ; dans une étude qui se veut franco-allemande, on ne trouve aucune allusion à Dominik Richert, ni à Ennemis fraternels.

Troisième remarque : une démarche faussée dès le départ

Dès les premières pages, N. Beaupré définit son corpus (p. 12) : « les auteurs devaient avoir au moins l’une des caractéristiques suivantes : avoir écrit sur la guerre, avoir porté l’uniforme et avoir combattu, avoir été tué au combat, avoir été officier, avoir été engagé volontaire, avoir publié entre 1914 et 1920. » Si on prenait ce passage au pied de la lettre, on aurait alors, dans le corpus, des « écrivains combattants » qui auraient écrit sur la guerre sans avoir combattu ; des tués, des officiers et des engagés volontaires qui n’auraient pas écrit… Une telle incohérence provient vraisemblablement d’une grande maladresse, mais elle n’est pas de bon augure dans une introduction. Sans doute faut-il comprendre que N. Beaupré va s’intéresser aux combattants qui ont écrit et obtenu d’être publiés entre 1914 et 1920. On pouvait le dire simplement.

On note aussi une incohérence de fond. Affirmant qu’il existe « une concurrence des paradigmes entre le témoin d’un côté et l’écrivain combattant de l’autre » (p. 12), N. Beaupré condamne la position de Jean Norton Cru qui aurait voulu imposer la notion de témoin et, par là, « prescrire un paradigme à la fois normatif et porteur d’un discours mémoriel et « moral » sur la guerre ». N. Beaupré se place « délibérément en rupture avec une historiographie qui, à la suite de Jean Norton Cru, a cherché à démontrer ou à infirmer les affirmations de ce qu’elle a baptisé des « témoins ». Il ne s’agit pas en effet pour nous [N. Beaupré] de rechercher dans les textes étudiés un reflet représentatif de l’expérience des soldats à travers les textes littéraires. C’est la littérature en tant que pratique culturelle qui est notre objet, de même que les représentations qu’elle véhicule. » Une telle position, intenable, ne sera pas tenue. Tout au long du livre, les documents cités montrent qu’on n’a pas attendu Jean Norton Cru pour parler de témoignage. Pendant la guerre, les éditeurs ont lancé des collections de récits de témoins. N. Beaupré lui-même décrit en1916-1917 « la naissance d’un genre spécifique, une littérature de témoignage » (p. 58) ; il remarque, dans la période qu’il étudie, de 1914 à 1920, « le caractère central de la notion de témoignage » (p. 98) ; il affirme que « les écrivains combattants sont pris entre le devoir qu’ils s’imposent (4) de témoigner de leur vie de soldat et leur envie de littérature » (p. 103) ; il nous dit, de Duhamel, qu’il « fait partie de la vingtaine de médecins qui témoignèrent de leur expérience » (p. 143).

L’objectif de N. Beaupré de s’intéresser seulement à une pratique culturelle entre en contradiction avec sa mission de mettre en valeur des textes se posant comme des témoignages et décrivant la violence d’homme à homme, le plaisir de tuer. Quand N. Beaupré nous dit (p. 166) qu’Edmond Cazal « pointe les effets de la violence sur les hommes les plus proches de lui et sur lui-même », il le considère bien comme un témoin, qui écrit : « Il n’y a pas de volupté plus profonde, plus obscure et par conséquent plus passionnante que la volupté de tuer. […] j’ai tué comme tue un sauvage, et j’ai joui de l’acte brutal de la même manière qu’en jouit une brute quelconque ; la seule différence entre la brute et moi, c’est que je me suis analysé (5) . » Or, quand on sait que Cazal était médecin, il est difficile de croire qu’il ait eu l’occasion de tuer comme un sauvage. Jean Norton Cru, qui n’a pas lu ce livre en travers, mais qui l’a soigneusement étudié, grâce à son expérience directe et à sa connaissance profonde de la littérature de guerre, me paraît avoir raison lorsqu’il écrit : « Cazal est littérateur et il faut qu’il accommode la guerre pour lui faire rendre des effets littéraires. » (Témoins, p. 582)

N. Beaupré cite Robert Jamet comme un exemple de « la littérature de témoignage parue pendant la guerre », et il retient ce passage : « A un carrefour, un grenadier démuni de pétards ramasse une pelle. Il la brandit et fend les crânes. Ses bras tombent en cadence, la pelle coupe les mains qui se tendent en avant dans un geste impuissant de protection, fait jaillir les cervelles. L’outil de labeur est souillé jusqu’au manche d’une bouillie rouge et blanchâtre. » (p. 130) « Littérature ! », répond Jean Norton Cru. « Souvenirs du grand Ferré et des surhommes de l’anecdote historique ! Rien n’est plus faux. Un homme attelé à une machine de guerre peut faucher bien des ennemis, à distance. Mais dans le corps à corps il n’arrive jamais qu’un individu moissonne dans les rangs ennemis comme avec la faux dans un champ de blé. » (Témoins, p. 621)

Autre exemple de « la littérature de témoignage », d’après N. Beaupré, Georges Brethollon, qui raconte comment il a tué une sentinelle : « J’approche de la sentinelle et, au moment propice, je bondis sur elle comme un fauve, et je l’abats sur le sol sans qu’elle ait pu pousser un cri. » (Beaupré, p. 130) Or Jean Norton Cru, avec des arguments convaincants, montre que ce livre est un faux, vraisemblablement écrit par Auguste Brethollon, le père, non combattant, après la mort de son fils (Témoins, p. 504). Certes, Norton Cru a pu se tromper, mais, puisque N. Beaupré s’appuie sur une citation de Brethollon, il aurait dû lire la notice de Témoins et expliquer en quoi il ne souscrivait pas à ses conclusions.

Quatrième remarque : régler son compte à Jean Norton Cru

Le grand ouvrage de Jean Norton Cru a dérangé l’histoire établie lors de sa parution en 1929, lors de sa réédition en 1993 ; il en sera peut-être de même en 2006. On a vu plus haut où se situait N. Beaupré : parmi les auteurs qui lui sont hostiles ; parmi ceux qui le connaissent mal. On n’a pas l’impression qu’il ait lu les notices Brethollon, Cazal, Jamet dans Témoins. Il semble connaître Du témoignage par l’édition Allia, incomplète.

De la critique de Léon Werth par Norton Cru, Beaupré retient « quatre qualificatifs » s’appliquant à Clavel soldat : « laid, brutal, déplaisant, irritant ». Et il ajoute (p. 45) : « Ces quatre qualificatifs lancés par Norton Cru ne trahissent-ils pas le fait que, sans doute mieux que beaucoup d’autres, ce livre est bien le reflet de ce nouvel univers, laid, brutal, déplaisant et irritant qu’est le monde de la guerre. Univers d’une si profonde singularité qu’elle a sans doute été volontairement oubliée par le critique ancien combattant. Le refus manifesté à l’égard de Werth semble d’autant plus paradoxal que Norton Cru se veut lui-même grand pourfendeur de mythes. » Mais, allons à la notice Werth dans Témoins (p. 653-656). Si le livre est « laid, brutal, déplaisant, irritant », c’est « par l’impertinence de ses paradoxes », c’est à cause « de l’attitude de mauvais coucheur » de l’auteur, et non parce qu’il décrit une réalité de la guerre qui déplairait à Norton Cru. Il n’y a pas, de la part de ce dernier, de « refus manifesté à l’égard de Werth » (Beaupré, p. 45) puisqu’il lui consacre une notice élogieuse de trois pleines pages et qu’il le classe en deuxième catégorie sur une échelle qui en compte six (Genevoix figurant dans la première ; Brethollon et Cazal dans la dernière).

On peut se demander en outre en quoi « la grande vague romanesque » qui « explose en Allemagne comme en France au tournant des années vingt et trente » peut être considérée comme un « démenti cinglant à Norton Cru » (p. 107). Il ne s’agit ici que d’une attaque gratuite provenant d’une méconnaissance de Témoins. Non, Jean Norton Cru n’assigne pas au témoin « une seule fonction : celle de rapporter des faits bruts et vérifiables ». Non, si on l’a bien lu, on ne peut pas dire que Jean Norton Cru serait « un historien ultra-positiviste » et l’opposer à un « historien des mentalités » comme Marc Bloch (p. 226). Loin de privilégier les faits bruts, Norton Cru insiste sur l’importance des sentiments, sur le poids des représentations héritées. Il a compris qu’un témoignage mensonger, rigoureusement étudié, nous renseigne aussi sur son auteur. Il a su constater le « dualisme déconcertant de la pensée » (Témoins, p. 194). Alors que N. Beaupré, après avoir signalé que « toutes les évolutions » étaient présentes dans son corpus, ne leur accorde guère d’importance, Norton Cru a exposé précisément certaines de ces évolutions et a cherché à les comprendre (par exemple : Campana, Méléra, Morel-Journel, Vassal, etc.).

Cinquième remarque : problèmes de méthode

Quelques faiblesses méthodologiques ont été rapportées ci-dessus. Il y en a d’autres.

Le chapitre V, intitulé « Tuer » (Beaupré, p. 115), est ouvert, en exergue, par la phrase suivante, en indiquant l’auteur et l’ouvrage où elle figure :

« Je n’aurais jamais cru que ça me ferait tant rigoler de tuer un homme. »

Jacques ROUJON, Carnet de route, Paris, Plon, 1916, p. 72.

Ayant lu le livre de Roujon, cette citation m’a étonné. J’ai repris le livre, et voici la réalité : Roujon et deux camarades montent dans le train à la gare Saint-Lazare à Paris pour retourner au front ; dans le wagon, ils rencontrent un jeune caporal « ivre » de victoire, qui leur dit : « Si on les a ? Ah ! mes enfants, mais on rentre dedans que c’est un bonheur ! Et on en ramasse, on en ramasse ! J’en ai tué un cet après-midi : un sergent. » Et ce caporal ajoute, plus loin : « Je n’aurais jamais cru que ça me ferait tant rigoler de tuer un homme. » Il y a donc, de la part de N. Beaupré : 1) une falsification, puisque ce n’est pas Roujon qui parle ; 2) une incompréhension de la situation réelle car il s’agit d’une vantardise du caporal.

Page 197, N. Beaupré cite Clavel soldat de Léon Werth : « Et dans les granges, et sur les routes, et dans les champs, et dans les tranchées, c’est partout et chez tous l’attente d’une paix venant en miracle, d’on ne sait quelle intervention : les Etats-Unis, la Sainte Vierge, la duchesse d’Uzès, les femmes faisant la Révolution… » Puis Beaupré reprend la parole pour poser la question : « Mais cette attente de la paix n’était-elle pas d’abord et avant tout une attente de la victoire ? » Or il s’agit là d’une question incohérente par rapport au texte de Werth, ne serait-ce qu’à cause de l’attente d’une Révolution. Elle est cependant posée, et à la forme interro-négative, ce qui implique déjà la réponse. Et, en effet, la réponse est donnée par un poète allemand : cela ne peut pas être une paix sans victoire. A ce poème, on pourrait en ajouter cinq, dix, vingt, disant la même chose, on n’aurait qu’une réponse incomplète à la question posée. D’autres textes, lettres et carnets de ces hommes des granges, des routes, des champs et des tranchées, montrent que beaucoup souhaitaient une paix quelle qu’elle soit, avec ou sans victoire, envisageant ces « utopies brèves » que j’ai signalées ailleurs (6) et qu’évoque le passage de Werth.

Page 265, N. Beaupré risque l’hypothèse suivante : « Mais l’évocation de certaines violences peut permettre de cacher autre chose que des violences, ce dont on a honte : en fait, Jünger en ne parlant presque que du front masquait aussi peut-être ses comportements sexuels de guerre et les aspects peu ragoûtants de la vie des étapes. » Or le « peut-être » n’est pas un argument. Ceci rappelle la remarque de Prost et Winter à propos de S. Audoin-Rouzeau et A. Becker, écrivant dans Retrouver la guerre : « il n’est pas difficile d’imaginer que presque tous [les témoins] ont voulu exorciser et reconstruire une guerre différente, qui leur permette de vivre avec le traumatisme de l’expérience traversée. » Prost et Winter commentent (7) : « On peut l’imaginer en effet, mais à partir de quoi ? »

Sixième remarque : l’évacuation de l’histoire sociale

N. Beaupré nous donne très peu de renseignements sur le milieu social des auteurs. L’histoire qu’il nous livre est à l’écart de toute tension sociale. Ainsi, en 1917, la « révolution » ne serait qu’une idée « millénariste » : « Deux millénarismes s’opposent désormais. Pour les uns, il faut continuer la guerre et la finir en la gagnant, et, pour les autres, il faut la prolonger en une révolution, pour qu’elle ne soit pas vaine. Pour les uns, la guerre est inachevée, pour les autres, la révolution ne fait que commencer : c’est peut-être là leur vraie mobilisation. » (p. 209)

1- Ici, on est assez loin de l’engagement dans une Croisade.

2- Claude Rivals, Pierre Roullet, la vie d’un meunier, Marseille, Jeanne Laffitte, 1983, p. 128-129.

3- Les articles de N. Mariot (« Faut-il être motivé pour tuer ? Sur quelques explications aux violences de guerre », Genèses, 53, décembre 2003, p. 154-177) et d’A. Prost (« Les limites de la brutalisation. Tuer sur le front occidental, 1914-1918 », Vingtième siècle, revue d’histoire, n° 81, janvier-mars 2004, p. 5-20) auraient été directement utiles.

4- Souligné par R. Cazals : ce n’est donc pas Jean Norton Cru qui l’impose.

5- La coupure du texte est de N. Beaupré.

6- Voir « Méditations sur la paix d’un combattant de 1914-1915 », dans S. Caucanas, R. Cazals et N. Offenstadt, dir., Paroles de paix en temps de guerre, Toulouse, Privat, 2006, p. 127-130.

7- Voir le développement complet dans A. Prost et J. Winter, Penser la Grande Guerre, un essai d’historiographie, Paris, Seuil, 2004, p. 140.

(haut)

Recension par Frédéric Rousseau :

Issu d’une thèse de doctorat, ce livre expose les principaux résultats d’une étude ayant porté sur un groupe d’hommes (particulièrement restreint au regard du nombre de mobilisés estimés à plus de 8 millions en France) que Nicolas Beaupré désigne sous « l’étiquette » (p. 10) générique d’« écrivains-combattants ». Le corpus bi-national, franco-allemand, mobilisé par N. Beaupré est impressionnant (près de 1 300 auteurs) et le lecteur qu’intéresse la littérature de guerre est heureux de pouvoir glaner ici et là une foule de renseignements précieux sur de nombreux écrivains. Pour autant ce livre me paraît poser un certain nombre de questions de fond.

Et tout d’abord, qu’est-ce qu’un écrivain-combattant ? Si l’on suit les précisions fournies (page 12), un premier échantillon a été dégagé d’une liste imposante de 1287 noms ; les auteurs retenus devaient correspondre à « au moins l’une des caractéristiques suivantes : avoir écrit sur la guerre, avoir porté l’uniforme et avoir combattu, avoir été tué au combat, avoir été officier, avoir été engagé volontaire ». De mon point de vue, c’est pour le moins une définition élastique du mot combattant. Mais allons plus avant.
De ce premier tri, un second échantillon a été extrait comptant 181 auteurs allemands et 239 français, auteurs « correspondant à la totalité des critères de tri » ; l’expression est ici trop imprécise : ces auteurs satisfont-ils à chacun des critères (c’est-à-dire à tous) définis plus haut, ou à l’un d’eux au moins ? A cette question, l’étude du corpus permet de répondre : tous les écrivains traités n’ont pas été tués, ou n’ont pas été officier, ou n’ont pas tous été engagés volontaires... Fort heureusement, d’ailleurs, pour la représentativité du corpus.
Il n’en demeure pas moins que la sélection de l’échantillon finalement étudié soulève de nombreuses interrogations. Ainsi aurait-il été intéressant d’en savoir un peu plus sur ces « écrivains soldats » : par exemple, lorsque l’auteur traite des engagés volontaires (15% du corpus) on aurait aimé être renseigné sur leur âge, leur origine sociale, leur statut économique, social et littéraire, voire leur appartenance idéologique... Est-ce donc si indifférent pour un historien des représentations ? Nous aurions surtout voulu connaître, dans la mesure du possible leur date d’engagement ainsi que l’arme choisie. Car contrairement à ce qu’affirme l’auteur, l’engagement volontaire n’est pas toujours une « des formes d’adhésion les plus visibles à la guerre » (p. 33). Plusieurs historiens (en particulier, P. Boulanger, J. Maurin, F. Rousseau, voir le colloque de Montpellier sous presse) ont démontré qu’après la période des engagements éminemment patriotiques des premiers jours d’août 14 et des première semaines de guerre, est venu le temps des stratégies d’évitement et de contournement du danger le plus immédiat ; on sait que les engagés pouvaient choisir leur arme ; or, après avoir massivement opté pour l’infanterie durant les premiers mois — signe indiscutable d’une volonté d’en découdre au plus près de l’ennemi — les engagés « volontaires » se sont successivement portés vers les armes réputées les moins mortifères, artillerie légère, puis artillerie lourde ; les derniers mois de la guerre connaissent une véritable explosion des vocations maritimes...
Dans le même ordre d’idées, lorsque l’auteur affirme que l’engagement volontaire est la « preuve du consentement individuel » (p. 34 et encore p. 68) pendant le conflit, on peut certainement, dans une large mesure, souscrire à cette affirmation, notamment pour les premières semaines ; mais que dire alors des 85% qui ne se sont pas engagés et qui ont donc attendu de recevoir leur ordre de marche ? Pourquoi cette question n’est-elle pas posée ? Cette absence affaiblit considérablement le propos de l’auteur. Un peu plus loin, l’auteur note que devenir censeur ou propagandiste était un bon moyen de s’embusquer (p. 92) : dommage, là aussi, que nous n’ayons pas de statistiques à ce sujet... Les combattants faisaient très bien la différence entre un embusqué et un... combattant.

Mais le problème le plus important, est ailleurs et beaucoup plus profond : il concerne la notion « d’écrivains-combattants ». Disons tout de suite que le choix du terme ne pose pas de problème en soi. Il est exact qu’en France, le concept « d’écrivain-combattant » apparaît dès les premiers mois de la guerre et se généralise après 1918 (p. 11). Sans doute aussi, si l’on s’en tient à une histoire des représentations, n’est-il pas nécessaire d’interroger cette notion. Mais, n’en va-t-il pas différemment dès lors que l’on cherche à approcher les pratiques, les expériences, c’est-à-dire une certaine vérité des combats ? Ne faut-il pas tâcher de prendre en compte la diversité, la pluralité des situations ?

Or, il est facile de vérifier que certains de ces auteurs, quoi qu’en disent certaines anthologies, ne furent pas de véritables combattants. Leur expérience du feu, du front, des tranchées, fut pour certains fort limitée, voire nulle.
Pour le montrer, je me fonderai sur le travail récemment réédité de Jean Norton Cru, non par esprit de provocation mais parce que je crois utile de dire, une nouvelle fois, l’usage simple qu’il est possible de faire de ce livre. Je ne cite ici que les cas qui m’ont semblé les plus flagrants :
Henry Malherbe, fut artilleur et officier ; peut-on soutenir que son expérience du combat ne diffère pas de celle des fantassins ? Les deux expériences sont-elles assimilables ? Cette spécificité n’influe-t-elle pas sur ses représentations ? Ou bien devons-nous admettre définitivement qu’il n’y eut qu’une expérience de guerre, au singulier ? Délicat...
Elie Faure fut médecin aide-major : peut-on parler, en ce qui le concerne, d’un combattant ?
Emile Henriot était certes un cavalier ; mais quelle expérience a-t-il eue du combat ? A son propos, Jean Norton Cru écrit dans Témoins p. 162 : « On demeure confondu de voir tant de jeunes soldats, tant d’officiers de carrière — les plus férus qu’il soit de tradition militaire — passer leur temps presque comme en garnison tandis que leurs camarades de l’infanterie attaquaient en Champagne et se défendaient à Verdun... »; si Cru se trompe, pourquoi ne pas le dire ?
Georges Brethollon fut quant à lui caporal-fourrier pendant 8 mois d’une courte guerre ; il est mort pendant la guerre, c’est entendu ; mais mourir à la guerre suffit-il à faire d’un homme, portant l’uniforme et chargé des questions de ravitaillement, un combattant ? On est tout de même bien loin du légionnaire Cendrars ou du fringant Jünger ! Si ce type de récits délirants témoigne des représentations que certains auteurs des lignes arrières et des services se faisaient des combats de l’avant, en quoi peuvent-ils nous renseigner sur la violence réelle des combats ? Des remarques du même ordre pourraient être formulées, notamment lorsqu’est abordée la question de l’inévitable « brutalisation » (une notion pourtant, dont les limites ne peuvent plus être ignorées après les réflexions d’Antoine Prost, entre autres).
Henri Bouvier ? Officier d’artillerie lourde ! On se demande bien quand, et à quel titre, il a bien pu manier son « long poignard » : à ce propos, n’y aurait-il pas aussi, une fois pour toute, un choix à faire ? S’en tient-on aux représentations ? Dans ce cas, Bouvier est effectivement à prendre en considération. Mais pourquoi s’appuyer sur ce témoin douteux pour accréditer non pas l’idée, mais la pratique, sinon généralisée, du moins plus fréquente que ne l’aurait dit le trop pudique Jean Norton Cru, du corps à corps au couteau ? Il y a ici, me semble-t-il, un vrai problème qu’il faudrait pouvoir discuter sérieusement et éclairer. Par ailleurs, ce texte est publié en 1924. Pourquoi retenir ce témoignage tardif comme digne de foi sur les pratiques de violence sur le champ de bataille alors que le lecteur est sans cesse mis en garde, avec raison, sur le fait que les écrits du temps de guerre ne peuvent pas être assimilés à ceux de l’après-guerre ? Pourquoi accorder précisément à cet auteur une crédibilité, et à ce témoignage tardif une plausibilité, qui sont refusées à d’autres ?
Le glissement d’une histoire des représentations vers celle des pratiques apparaît encore plus nettement avec le cas de Henri Libermann (encore un officier) ; page 131, N. Beaupré écrit : « du côté français, des faits sensiblement proches sont évoqués par Henri Libermann ». Des FAITS ? Et de quoi s’agit-il ? « ceux qui ne se rendent pas sur-le-champ sont passés par les armes, lardés à coups de baïonnette... » Il me semble que lorsque l’on s’intéresse aux faits, aux pratiques réelles, et il faut évidemment s’y intéresser, il y a un préalable qui est la vérification de la qualité du témoin et du témoignage. A défaut de mener ces recherches préliminaires, le risque est grand de prendre des représentations pour des pratiques..., ce que fait précisément Nicolas Beaupré à plusieurs reprises, faute d’avoir interrogé la notion d’ « écrivain-combattant ».
Maurice d’Hartoy (classé en cinquième catégorie par J.-N. Cru) : n’insistons pas. Bien sûr, Témoins n’est pas la « bible » du témoignage et de la littérature de guerre et le classement du critique est discutable. Mais tout de même...
Henry d’Estre ? Officier d’état-major, indique la notice élaborée par Jean Norton Cru. A-t-il vraiment sa place dans le corpus ? Ou bien la notice de Cru est-elle erronée ?
Vient ensuite le cas d’Edmond Cazal  et son exquise « volupté » de tuer : là encore, il y a, selon moi, dérapage ; on échappe à nouveau aux représentations pour aborder la question de la réalité de la violence sur le champ de bataille, ce que l’auteur nomme la « brutalisation » (voir à ce propos et sur le site du CRID 14-18, le lexique et le répertoire critique des concepts). Or Cazal était médecin de bataillon et a fait l’essentiel de la guerre dans un hôpital de... l’arrière. Pour le moins, on le voit, la sélection des « écrivains combattants » pose toujours problème ; lorsque l’on veut aborder les expériences et les pratiques, la sélection des témoins convoqués devrait être beaucoup plus rigoureuse. Pour preuve, c’est précisément chez les écrivains « faux combattants » que l’on trouve de telles représentations ? Jean Norton Cru a pourtant écrit ce qu’il fallait penser de ce tartarin (p. 582) : « Je trouve qu’il faut avoir une singulière audace quand on est médecin non-combattant, et qu’on n’a pas tenu à garder son poste au front, pour venir parler en notre nom à nous, les poilus, et affirmer que nous eûmes la volupté de tuer, de nous sacrifier, de mourir. Cazal s’est bien gardé de rechercher ces voluptés-là. » Jean Norton Cru a-t-il menti ? S’est-il trompé ? C’est possible ; mais dans ce cas, il serait de bon aloi de le dire et de le démontrer. On peut évidemment ne pas partager toutes les analyses et tous les partis-pris de Cru. Mais si l’on répond par la négative, alors pourquoi utiliser ce type de témoin pour accréditer une telle pratique ?
Etienne Létard : ce cavalier ne connut que les trois premiers mois de guerre, et encore, en tant qu’aide vétérinaire aide-major. Bien sûr, il appelle à « ne jamais oublier » la barbarie allemande. Mais là encore, est-il raisonnable de le compter parmi les combattants véritables ? S’il s’agit d’aborder la question de la haine, ce qui d’ailleurs n’est pas interdit, pourquoi ne pas citer cette phrase de Marcel Etévé, un auteur qui est pourtant présent dans le corpus : « je n’ai pas la haine requise » ? Est-ce parce que ce combattant véritable est mort le 20 juillet 1916 et que son témoignage contredit la thèse défendue ? Pourquoi enfin citer Ernst von Salomon (p. 208) qui n’a pas combattu en 14-18 ?

Bien sûr, il serait possible d’allonger la liste. Mais d’ores et déjà, les quelques noms cités montrent, me semble-t-il, que la définition d’écrivain-combattant manque de fermeté et soulève un problème de méthode important. Pour nombre d’auteurs français, la simple consultation de Témoins aurait permis d’affermir le corpus. De cette défaillance foncière, découle un brouillage particulièrement préjudiciable à l’analyse qui parfois divague entre deux approches pourtant réputées — à tort — antagonistes, l’histoire des représentations d’un côté, l’histoire des expériences et des pratiques de l’autre. C’est pour nous l’occasion de redire que ces deux approches sont complémentaires, à deux conditions. Primo : ne pas privilégier un type de documentation aux dépens d’une autre ; autrement dit, s’intéresser aux élites ne dispense pas de porter attention aux autres composantes d’une société, et réciproquement. Deuxio : confronter autant que faire se peut, les représentations aux pratiques et aux expériences. C’est précisément la voie que nous proposons au CRID 14-18.

En revanche, à sa manière, le travail de Beaupré apporte quelques éléments bienvenus au débat qui consiste à se demander dans quelle mesure les représentations des élites étaient partagées par les sociétés en guerre. Les cas de Berger, von Unruh, Loos (p. 89) et bien d’autres encore, montrent de manière claire que l’on a affaire à des collaborateurs zélés du pouvoir en guerre. L’auteur lui-même précise (p. 90) que les hommes de lettres allemands engagés par l’Etat-Major, « modelaient de la guerre une image conforme aux yeux de la hiérarchie... ». Quant au cas représenté entre autres par Apollinaire, il dément, à mon sens, la thèse développée par Annette Becker dans sa préface, à savoir : « quand Apollinaire travaille à la censure, par exemple, on constate que propagande et censure, loin d’être imposées par le haut à des sociétés rétives à la guerre sont un aller-retour constant entre les créateurs et leur création » (p.6.). Pourtant, quand Apollinaire travaille à la censure, le poète ne peut-il pas, précisément, être assimilé à ce fameux « haut » qui impose, « par le haut », et d’en haut, propagande et censure ? D’ailleurs, et d’une façon plus générale, ne peut-on pas soutenir l’idée que les créateurs, quelle que soit la période historique considérée, sont rarement les derniers à se muer en médiateurs du pouvoir et de l’idéologie dominante ?
Mais continuons. Au fil des pages, les exemples révélés par l’auteur le conduisent à soutenir des positions difficilement compatibles. Ailleurs, Nicolas Beaupré écrit, à propos de la mobilisation d’août 14 : « cette mobilisation “intellectuelle” est le signe d’un enthousiasme réel, mais limité aux élites intellectuelles, et d’une adhésion à la cause nationale vue comme défensive ». On ne peut qu’acquiescer. Il affirme également : « [...] ces textes sont bien un témoignage, un témoignage conscient ou inconscient de l’enrôlement des écrivains dans le combat des représentations » (p. 172) : on ne saurait mieux dire !
Dans la conclusion, enfin, l’auteur évoque encore « le sens donné à la mort des écrivains [...] catégorie appartenant aux élites intellectuelles des pays : montrer l’exemple et donner sens. Dans leurs actes comme dans leurs œuvres, les écrivains combattants assumèrent dans leur grande majorité ce rôle assigné par leurs patries respectives et finirent par consentir à ce rapport, neuf, à la mort et à la guerre » (p. 257). Ainsi, et en définitive, ce travail montre bien quelle était la spécificité de cette catégorie de Français. Mais ce faisant, il apporte aussi un démenti à la thèse soutenue dans les pages introductives (p. 22), à savoir que « la mythification littéraire de la guerre rencontre aussi plus largement des représentations largement partagées par les sociétés en guerre et peut être considérée comme un pilier central des cultures de guerre ». En somme, toute la question est là : jusqu’à quel point, peut-on se demander, les représentations des « écrivains-combattants » dévoilent-elles et rendent-elles compte des représentations des autres catégories de citoyens ?

Je terminerai sur ce qui peut apparaître comme des questions de détail mais qui me semblent néanmoins poser de graves questions d’ordre méthodologique. N. Beaupré écrit en effet : « Léon Werth franchit un pas supplémentaire par rapport à Duhamel. Si les deux s’accordent sur l’horreur de la souffrance, sur la dépersonnalisation et la dégradation de l’image de soi qu’elle implique, Werth ne fait pas des blessés des martyrs. Il ne cache pas au contraire le dégoût qu’ils peuvent lui inspirer parfois en consentant à leur propre souffrance comme ils consentaient à la violence brutale du front ». Comme N. Beaupré a l’honnêteté de citer la phrase de Werth : « Car la masse confondait sagement l’obéissance aux dames de la Croix Rouge et l’obéissance aux chefs militaires », cela nous amène à lui demander pourquoi il s’autorise une telle traduction qui revient, à mon sens, à déformer profondément la portée du texte de Werth ? Pourquoi, dans ce cas précis, traduire le mot « obéissance » par celui de « consentement » ? Quel est l’intérêt de ce glissement langagier ?
Dans le même ordre d’idées, sans doute peut-on suivre l’auteur lorsqu’il suggère que « l’évocation de certaines violences peut permettre de cacher autre chose que des violences, ce dont on a honte » (p.264.). Ce n’est, évidemment, pas exclu. Mais pourquoi s’autoriser la phrase suivante ? : « en fait, Jünger en ne parlant presque que du front masquait aussi peut-être ses comportements sexuels de guerre et les aspects peu ragoûtants de la vie des étapes »... (p. 265). Voilà une pure élucubration dénuée de tout fondement... Cette fois, nous ne sommes plus dans l’histoire des représentations mais dans les représentations de l’historien Nicolas Beaupré. De tels dérapages me paraissent injustifiables.
Un dernier rebond encore : à la fin de son ouvrage, N. Beaupré cite et adhère au propos de Ch. Prochasson et A. Rasmussen qui « vont jusqu’à affirmer qu’on « ne comprendrait sans doute que peu de chose à la tournure prise par la vie intellectuelle dès les premiers jours de la Première Guerre mondiale si l’on n’avait en tête les profondes modifications qui l’affectèrent au cours des années dix » » (p. 196). Dans une large mesure, cette suggestion me paraît juste. Mais alors, peut-on se demander, que reste-t-il de la notion de culture de guerre ? Que reste-t-il de cette fameuse culture (voir sur ce site la critique de cette notion) dont on nous assure qu’elle se serait cristallisée durant les premières semaines du conflit ?

Bien d’autres questions ou objections pourraient certainement être posées et opposées à ce livre. Je souhaite, pour ma part, que ce compte-rendu permette d’ouvrir — enfin — le débat entre des approches qui pour être différentes se nourrissent l’une l’autre.

Frédéric Rousseau

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