Perron, Marcel (1897-1993)

Marcel Joseph Marie Perron est né le 9 décembre 1897 à Port-Louis, Morbihan, dans un milieu populaire catholique pratiquant. Titulaire du certificat d’études primaires, il devient électricien, s’engage sur un bateau de guerre et se spécialise dans le domaine des transmissions. Il fait toute la guerre de 1914-18 dans la marine. Marié à Brest en 1920, on le retrouve plus tard dans une usine hydroélectrique des Pyrénées. Sa petite-fille le présente comme résistant sous l’Occupation et grand admirateur de Charles de Gaulle. Membre et porte-drapeau de l’association des « Combattants de moins de 20 ans », il parlait volontiers de la solidarité et de la camaraderie entre marins. Il est mort à Toulouse le 15 novembre 1993 à l’âge de 95 ans.

Son manuscrit est rédigé à l’encre sur un cahier d’écolier. Il est bien écrit et lisible jusqu’à la dernière page où se trouve un passage au crayon difficile à déchiffrer. Il va du 1er août 1914 jusqu’en avril 1916. Une liste sur feuille détachée reprend les principales dates de l’itinéraire en Méditerranée. Elle se termine par : « du 16/8/17 au 6/5/18 – sous-marins ». La petite-fille de Marcel Perron se souvient en effet que son grand-père avait été sous-marinier. Mais on ne dispose d’aucun document précis. Pour la guerre des sous-marins français en 14-18, il reste à se référer au témoignage de Marius Reverdy (voir notice).

L’auteur ne livre pas de sentiments autres que de conformisme patriotique, sauf de la compassion pour les réfugiés arméniens cherchant à échapper au génocide de 1915.

La succession de périodes en mer ou au mouillage n’est pas passionnante, mais c’est un élément d’authenticité que l’on retrouve ailleurs, dans le témoignage de Joseph Madrènes, par exemple (voir notice). Au cours des premiers mois, il s’agit pour le cuirassé Jauréguiberry de croiser au large de Barcelone pour intercepter les bateaux transportant des réservistes allemands venant d’Amérique du Sud et cherchant à regagner leur pays d’origine par l’Italie et la Suisse. Corvées au mouillage et sorties en mer se succèdent.

Le 29 novembre 1914, brève description de Malte : « La ville est assez belle. La plupart des rues sont en escaliers. Il n’y a pas une rue sans église. Du matin jusqu’au soir, on n’entend que le son des cloches. On ne rencontre que des troupeaux de chèvres dans les rues. Les habitants sont froids envers les étrangers. »

Le 21 mars 1915, des nouvelles de la tentative de forcer le détroit des Dardanelles : « Faisons route sur Port-Saïd. Apprenons que le Bouvet est coulé, le Gaulois avarié, et que l’Océan et l’Irrésistible sont coulés. »

Les 24 et 25 avril, long récit du débarquement de troupes françaises sur la rive asiatique du détroit pour faire diversion pendant que les Britanniques prennent pied sur la péninsule de Gallipoli (côté européen). Au soir du 28, la manœuvre ayant réussi, le général D’Amade et l’amiral Guépratte paient « la double en vin ». Le 4 mai, Marcel Perron fait partie de la compagnie de débarquement qui vient renforcer les troupes à terre, mais qui repart sans avoir tiré un coup de fusil, ayant seulement souffert du froid pendant la nuit. Les opérations de bombardement des côtes turques se poursuivent en mai ; des sous-marins allemands torpillent des navires anglais. Un parlementaire français ayant été gardé en otage à Boutroum, le Latouche-Tréville détruit la ville. Sa compagnie de débarquement reçoit le « libre droit de pillage ». Les marins reviennent à bord chargés de poules, oies et canards, et font un grand repas, « le tout à la santé des Turcs ».

Le 28 juillet 1915, sur la côte syrienne, à Lattakié, voici un épisode étonnant mettant en scène le gros cuirassé : « Arrêtons deux barcasses, l’une chargée de blé, d’oignons et d’orge, de la volaille et un mouton, la deuxième chargée d’œufs. Enlevons une partie du chargement de la première et cinq caisses d’œufs de la deuxième. Accueillons leurs équipages et coulons les deux barcasses. » Une suite, le 24 août : « Croisons au sud de Jaffa. Apercevons une caravane de trente chameaux venant de Jaffa et se dirigeant vers le sud. La dispersons à coups de canon, plusieurs bêtes tuées et blessées. »

Le 3 septembre, à Port-Saïd : « La Foudre et le d’Estrées entrent en rade ayant à bord plus de 2000 Arméniens qui fuient leur pays pour échapper au massacre. Il n’y a que des vieillards, des femmes et des enfants, ils font tous pitié à voir. Les hommes sont restés combattre contre les Turcs pour favoriser le départ de leurs familles.

Le document est conservé par Mme Reberga née Perron, petite-fille de Marcel : joele.reberga@wanadoo.fr

Rémy Cazals, décembre 2024

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