Fils d’officier, il est né le 4 janvier 1863 à Bourgneuf (Charente-Maritime). Saint-Cyr, Algérie, Tunisie, Tonkin. En Chine contre les Boxers, il est blessé ; soigné à l’hôpital d’Hiroshima. Successivement professeur à Saint-Cyr et à l’école supérieure de Guerre. Marié en 1906 avec une jeune femme de la bourgeoisie toulousaine ; deux fils, nés en 1908 et 1909. Il se présente comme ami de Pétain, comme ayant les mêmes valeurs républicaines que Sarrail, mais il est bon catholique et va à la messe (pourtant il estime que la guerre a été « déchaînée par les jésuites d’Autriche »). Lors de la mobilisation, il est général de brigade et chef de cabinet du ministre de la Guerre Messimy. Son ordonnance Robillot est le mari de la cuisinière des Guillaumat. Les lettres à sa femme, à Toulouse, ont été retranscrites par celle-ci sur deux cahiers en coupant de nombreux passages, mais les 1300 pièces originales ont été conservées, retrouvées par un petit-fils et publiées en n’opérant pas le même choix. Promu à des fonctions très importantes, le général parle peu de son action militaire mais engage avec son épouse une conversation sur les études de leurs fils, les retards de ses promotions, les personnalités que son rang l’oblige à rencontrer. Il apprécie Abel Ferry (voir ce nom), Albert Thomas et Justin Godart ; il fuit quand on lui annonce Barrès ou Loti (voir ce nom). Quand Poincaré arrive « en tenue de chauffeur d’automobile », il note son inintelligence, son manque de cœur et les ridicules de son entourage. On aurait l’impression que l’activité principale d’un général est de recevoir Clemenceau et Churchill, le roi d’Italie qui ne fait pas bonne impression, des personnalités américaines et des évêques. Mais il avoue aussi, amusé, que l’autorité l’a invité à provoquer « discrètement » l’établissement de quelques maisons closes en Champagne en janvier 1916.
Fin juillet 14, il décrit, depuis le ministère, les jours de la marche à la guerre ; il a la certitude de la victoire grâce à la loi des trois ans ; il est satisfait que le ministre laisse Joffre tout mener à sa guise. Il n’accable pas le 15e corps : « on semble s’être acharné sur des positions fortifiées et les avoir mal abordées. » Au changement de ministre, il est nommé commandant de la 33e DI du 17e CA en pleine retraite. Dès la bataille de la Marne, il comprend que cette guerre est celle de l’artillerie ; il constate les énormes pertes en officiers et en chevaux ; quant aux hommes, ils « sont étonnants de résistance, et je n’aurais pas cru qu’on pouvait demander à l’animal humain une pareille épreuve ». En décembre, il commande la 4e DI en Argonne où se déroule une guerre « compartimentée » loin des généraux. En février 15, il est promu chef du 1er CA en Champagne et note, sur le saillant de Saint-Mihiel, des attaques coûteuses aux résultats minimes (mars), puis il croit au succès de l’offensive de septembre.
En février 16, il est à Verdun, sous les ordres de Pétain. Le secteur était très mal fortifié, les bombardements sont terribles, mais les hommes tiennent. Il résume ainsi la situation : « toute la question est de savoir qui pourra y manger le plus d’hommes et de munitions. » Et il critique « la réclame Nivelle pour faire oublier Pétain », tandis que Joffre est « aimable et inconsistant ». Lorsque Nivelle prend la place de Joffre, Guillaumat lui succède à la tête de la IIe armée. Il pense que c’est le moment de se débarrasser de la « camarilla odieuse, bête et méchante » qui entourait Joffre. Mais Nivelle n’en est pas capable. Pendant l’offensive du 16 avril, Guillaumat, commandant à Verdun, n’est pas directement concerné, mais il note, dès le 24 avril : « notre insuccès est indéniable ». La nomination de Pétain à la place de Nivelle est le signe d’un grave échec. Pas plus que Joffre, Nivelle n’a su s’imposer à cette « bande de galopins que toute l’armée maudit sous le nom de Jeunes Turcs ». Les conceptions de Mangin et de Nivelle touchaient à « la folie pure » et ils ne pouvaient être aidés par ce « génie désorganisateur qu’est Foch » ou cette « vieille baderne » de Fayolle, etc. Quant aux ministres, mieux vaut que Clemenceau remplace Painlevé qualifié de « hanneton mathématique ». On a l’impression que Guillaumat se défoule en écrivant à sa femme, et il se met même à critiquer Pétain.
Le 6 décembre 1917, Guillaumat est nommé commandant en chef de l’armée d’Orient. Au cours de son voyage, il visite Rome ; au cours de son séjour, il visite Athènes et l’Acropole. Il fait part de son anxiété à la nouvelle des offensives allemandes du printemps 1918. Lorsqu’il est rappelé d’urgence en France le 6 juin, il croit que c’est pour commander en chef les armées françaises à la place de Pétain qui lui-même prendrait la place de Foch. Mais il n’est nommé que gouverneur de Paris, puis commandant de la Ve armée. « Toujours changer, toujours reconstruire, toujours trimer », conclut-il.
Sur l’armistice, il a une remarque de bon sens : « Ce n’était pas un traité qu’on leur apportait [aux Allemands], c’était un verdict. » Mais, dans le cours de sa correspondance, il a parfois hasardé des affirmations plus discutables. Par exemple, le 1er février 1915 lorsqu’il évoque ainsi les atrocités allemandes : « on a trouvé des familles le père les yeux crevés, la mère les seins coupés, leur fille de six ans les poignets hachés. » Ou le 25 du même mois, lorsqu’il attend beaucoup de l’expédition des Dardanelles. Ou encore, le 21 décembre 1916 : « Je m’énerve plus que jamais à la pensée que le Boche est à bout, et que nous parlons au lieu de l’achever. »
RC
*Correspondance de guerre du général Guillaumat, transcrite et éditée par Paul Guillaumat, Paris, L’Harmattan, 2006, 445 p.