Collé, Alphonse (1867-1943)

1. Le témoin

L’abbé Collé avec Maurice Barrès sur une carte postale de sa collection

Alphonse Collé est né le 23 janvier 1867 à Gugney-aux-Aulx dans les Vosges. Il est ordonné prêtre le 8 juin 1895 et fera toute sa carrière dans les Vosges. Il est d’abord affecté comme Vicaire à Moyenmoutier, où il y reste 5 années avant de rejoindre la cure de La Vacheresse-et-la-Rouillie, le 10 décembre 1900. C’est le 5 novembre 1908 qu’il devient curé à Ménil-sur-Belvitte ; c’est là que la guerre le trouve à son ministère, le 25 août 1914 (état-civil reconstitué par Jacques Didier, qu’il en soit remercié). D’une personnalité manifestement hors norme, il est le modèle type du curé omnipotent, figure tutélaire de la paroisse et doué d’un entregent particulièrement efficace dans les milieux politiques comme littéraires. Il est ami de Maurice Barrès et du député des Vosges Louis Madelin, qui le décrit ainsi : « Quiconque a vu – ne fut-ce qu’une fois – ce prêtre vigoureux, à la figure pleine et énergique, aux yeux de flamme sous les forts sourcils noirs, à la bouche ferme, parfois légèrement ironique, à l’attitude résolue et à la parole prompte, se rend compte du caractère qu’il dut apporter dans des circonstances si critiques, en des heures tragiques. » (page 9), l’abbé Collé sera tout autant loué que décrié pour son action en faveur des soldats morts dans les combats du massif de la Chipotte. En effet, accusé de trahison il est arrêté par les troupes allemandes le 1er septembre 1914. Le massif de la Chipotte libéré après le recul allemand du 12 septembre, il et cette fois-ci accusé à plusieurs reprises (« sept fois » dit-il page 143) par les autorités françaises de dépouiller les cadavres après les avoir exhumés. En fait, il ne fait que pallier à l’incurie d’un pouvoir militaire au dessous de sa tâche de mémoire voire de dignité dans le traitement de ses morts et en prend à témoin militaires et politiques de tous grades. Le 20 décembre 1916, il lui est toutefois intimé « l’ordre d’interdire de la façon la plus complète toute exhumation et identification des corps des militaires inhumés sur le terrain des communes de la région » (page 144). Alphonse Collé poursuit alors une œuvre de commémoration qui ne s’achèvera qu’à sa mort le 20 mars 1943 à Ménil-sur-Belvitte.

2. Le témoignage

Alphonse Collé, (abbé), La bataille de la Mortagne. La Chipotte, l’occupation, Ménil et ses environs. Paris, Librairie Emmanuel Vitte, collection La guerre de 1914. – Les récits des témoins, 1925, 287 pages.

L’abbé Alphonse Collé, curé de Ménil-sur-Belvitte, retrace l’histoire de son village et de ses alentours dans les heures douloureuses de la bataille d’arrêt sur les derniers contreforts vosgiens, connue sous le vocable générique des combats de la Chipotte, du 27 août au 14 septembre 1914, avec le statut de témoin au centre de la narration. Constamment demeuré auprès de ses ouailles, multipliant les interventions et les secours et déployant une activité ininterrompue en tous domaines, il fut un témoin omniprésent et un acteur avéré des jours fébriles et sanglants des batailles et de la courte occupation allemande. Le flux des armées s’étant éloigné, il se déploie tout autant, et ce sera son œuvre, pour que jamais ne se perde le souvenir de cette hécatombe et des héros morts, dont il va tenter d’en identifier le plus grand nombre, palliant ainsi à l’incurie d’un pouvoir militaire impuissant devant l’ampleur de la mort de masse de ses soldats.

Après une préface de Louis Madelin, historien et député des Vosges, rendant honneur à l’infatigable « ouvrier de l’immortalité des héros », l’auteur introduit l’historique de la guerre dans les Vosges puis les forces, françaises comme allemandes, en présence à la veille de la tragédie. Le 25 août, les Français refluent sur les dernières montagnes avant la place forte d’Epinal, et l’auteur, se basant sur quelques témoignages d’officiers des régiments en ligne (tel le capitaine Jacquel du 159e RI ou le commandant Mazoyer du 54e BCA), retrace les jours intenses de massacres sous les sapins.

Il fustige bien sûr les exactions allemandes, telle l’ordre du général Stenger, appliqué dès les combats de Thiaville-sur-Meurthe, sur le flanc nord-est du massif, mais sait reconnaître l’humanité des ambulances allemandes. Il évoque également de grands chefs (commandant Baille, capitaine Vilarem, lieutenant Abeille parmi d’autres) et reproduit quelques extraits de carnets de combattants. Vient ensuite son propre témoignage. Collé se dédouble pour ses blessés, n’hésitant pas à presser les autorités allemandes, tant et si bien qu’il est accusé de trahir les positions ennemies. Accusation absurde dont il est vite libéré, il reprend son ministère sous les bombardements des journées fiévreuses de septembre, où l’ennemi n’avance plus et bute sans fin contre une défense acharnée. Le 11 septembre, Ménil est délivrée. Commence alors pour l’abbé Collé un autre sacerdoce.

Après avoir tenté de sauvegarder au mieux la vie des habitants de Ménil de la fureur ennemie, ce sont les corps des morts et leur souvenir qui occupent maintenant l’infatigable prélat. Parvenant à obtenir de l’armée des territoriaux (92e RIT) et quelques prisonniers allemands, il s’active à inhumer dignement des milliers de corps laissés sur la glèbe des champs de bataille de Ménil, Bazien, Brû, Sainte-Barbe, Saint-Benoît, la Chipotte, et tant d’autres lieux où la mort est restée après la bataille. Il œuvrera toute la guerre durant, regroupant les corps sur les lieux mêmes des plus durs combats, préfigurant la nécropole nationale de la Chipotte encore visible aujourd’hui. Mais la tâche ne fut pas simple et, comme il avait subi le soupçon allemand, il devra se défendre aussi contre le même, français, accusé d’exhumations voire de pillage ! Pourtant son œuvre fut reconnue.

Il érige également un musée de reliques, qu’il considère sacrées, puis cristallise les souvenirs et les honneurs des soldats comme des villes mêmes pour reconstruire et commémorer. Commune par commune, il fait état du martyrologe, des morts, des destructions et des travaux, de ses actes de foi, de toutes les tragédies des endroits où s’est arrêtée la vague de la guerre et y abandonnant ses débris.

Après la guerre, c’est par la commémoration qu’il prolonge son œuvre mémorielle des héros de la Chipotte et se pressent à ses messes de souvenir Barrès, les politiques et les généraux pour honorer les milliers de soldats morts pour la France. Il en donne enfin une impressionnante liste, issue de ses identifications.

L’ouvrage se clôture sur quelques poèmes et annexes, d’origines allemandes.

2. Analyse

Ouvrage incontournable dans l’étude des combats de la Chipotte et sans équivalent pour l’histoire intime des villages et des champs de bataille de ce secteur, « la bataille de la Mortagne » de l’abbé Collé est une mine de renseignements utiles à l’Historien. Passée l’impression d’un prêtre omnipotent, incontournable sauveur de son village, si ce n’est de sa région, le témoignage de cette figure de la Grande Guerre vosgienne, ami de Barrès et d’une personnalité aussi forte – écrivant en 1925, Collé garde sa haine à l’encontre de l’ennemi dans un plaidoyer sans concession (page 104) – que controversée, le témoignage est de premier ordre sur une certaine intimité des combats méconnus de la Chipotte, vus par un civil. Certes, l’abbé Collé est partout, voit les officiers allemands, sauve l’église, les blessés, les habitants, toutefois, dans les affres de la guerre et de l’occupation, sa vision est primordiale pour comprendre ce que furent la vie et les transes des villageois des Marches de l’Est où le soldat français, 15 jours avant la Marne, arrêta la vague allemande.

Bien que de construction hachée, voire brouillonne, l’ouvrage fourmille de documents, anecdotes, données, tableaux de guerre souvent martyrologes, noms et unités engagées dans cette bataille mais également s’avère référentiel dans l’étude du paradigme de la mort dans la guerre de mouvement et de son traitement après les combats. La vision et l’expérience de l’abbé Collé est démonstratrice de l’incurie militaire, même la cristallisation survenue et le déplacement du front de plusieurs dizaines de kilomètres, à traiter efficacement les dépouilles abandonnées à la terre sans souci de conserver le souvenir de leur identité. A ce sujet, il est évident que le travail de l’abbé Collé fut essentiel à éviter que jusqu’au nom même des soldats tués dans cette boucherie de 19 jours disparaisse dans l’anonymat des ossuaires.

L’ouvrage est à prendre toutefois avec toutes les précautions d’usage, qui peuvent être révélées par la terminologie employée (cf. « les crapouillauds allemands » le 7 septembre 1914 (page 94) ou « écoutez ce fait véridique rapporté par un capitaine… » préliminaire à un invraisemblable récit (page 56). Il rapporte aussi, tentant de répondre à cette question : « Que firent les Allemands de leurs morts ? On a raconté qu’ils les brûlaient ; rien ne le prouve. Ce qui est indéniable, c’est qu’ils les relevaient au plus vite au moyen de chariots, aux roues capitonnées de paille, enlevés aux habitants. Ils opéraient de nuit. A Baccarat, l’un des nôtres en vit tout un train. On s’expliquera, de ce fait, la raison pour laquelle le lendemain d’un, sanglant combat quelques-uns des leurs seulement restaient sur le terrain : c’était habile de leur part » (page 138).

Le livre, ponctué de trop nombreuses coquilles, est iconographié de quelques vues des destructions et agrémenté de quelques cartes, dont une, singulière, en frontispice des « incursions de dirigeables allemands en territoire français du 25 juillet au 2 août 1914 ». Il est toutefois aujourd’hui encore référentiel tant pour le secteur géographique concerné que pour l’étude du paradigme de la gestion de la mort militaire pendant et après le conflit. Il décrit en effet les différentes composantes de la gestion de la mort de masse et de la présence par milliers des cadavres des combats en terrain boisé, de montagne de surcroît. Il rapporte ainsi les impressions d’un capitaine Humbert de ses « immenses forêts dont les sous-bois toujours déserts, ont été peuplés de petites croix blanches et où les sangliers ont dispersé dans les feuilles flétries les ossements de nos morts ; immenses forêt dont l’humus, jonché des milliers de boîtes de « singe », conservera l’empreinte de nos pauvres petites tranchées, couvertes de branchages ; immenses forêts, dont le passant ne traversera plus sans inquiétude le silence religieux » (page 30). L’abbé Collé nous éclaire également sur les pratiques inhumatoires allemandes, la question du traitement post mortem des « Alsaciens francophiles tombés sous l’uniforme allemand » (page 82) en rapportant la note du Ministère des Pensions du 25 septembre 1920, précisant que « les corps des Alsaciens-Lorrains morts sous l’uniforme allemand, peuvent être, à l’occasion du groupement des tombes, placés dans les parties des cimetières militaires réservées aux soldats français » (page 107). Il dénonce violemment l’incurie, « par bêtise ou jalousie » (page 113), de la perte des identités des soldats du fait des croix nominatives non entretenues par un service des sépultures dépassé par la tâche. Malgré ses efforts de 1914-1915, l’abbé Collé déplore qu’« en 1919, quantité de noms étaient effacés, principalement dans la forêt » (page 113), alors que les exhumations et les regroupements ne feront à cette date que commencer. Il n’est pas étonnant à la lecture de cet ouvrage que parfois, on trouve encore aujourd’hui des soldats oubliés [sur le traitement archéologique contemporain de cette question, lire, Adam, Frédéric et Prouillet, Yann, Les sources archéologiques de la Grande Guerre dans les Vosges. L’archéologie appliquée aux vestiges de la Grande Guerre in La Grande Guerre dans le département des Vosges. Actes du colloque d’EPINAL des 4, 5 et 6 septembre 2008, Epinal, Conseil Général des Vosges, Archives départementales des Vosges, 2009, 348 pages]. Pour ces exhumations dans ce secteur, jusqu’à 300 prisonniers allemands « furent employés, dès avril 1919, aux travaux de regroupement des tombes. (…) Ils ne pourront pas dire qu’il y furent maltraités » (page 125).

Yann Prouillet, CRID 14-18, septembre 2011

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Chaussis, Ernest (1884-1950)

2. Le témoin

Ernest Chaussis est né le 10 septembre 1884 à Saint-Mard-de-Réno (Orne), issu d’une famille  paysanne mais dont le père est maire de la commune. Instituteur depuis 1903 en Normandie, il vient juste d’être nommé inspecteur primaire à Loudéac, dans les Côtes-du-Nord, où il habite lorsque se déclenche la Première guerre mondiale. Il s’est marié en 1906 avec Andrée Lévesque, fille d’un imprimeur de Flers (Orne), avec laquelle il aura un fils, André, né l’année suivante. Après-guerre, il reprend son métier d’inspecteur primaire à Lannion (1919), Saint-Brieuc (1922) puis Compiègne (1926) où il termine sa carrière en 1940. Socialiste déclaré et laïque convaincu, il fonde l’amicale laïque de Saint-Brieuc (1923), les Amis de l’Ecole Publique à Compiègne (1927) et est impliqué dans l’UFOLEP de l’Oise, où il organise une fête départementale en 1937. Enfin, il écrit au moins un ouvrage pédagogique (Les Côtes du Nord, nouvelle géographie départementale (Imprimerie Moderne, en 1926. Eclectique, comme le sont les instituteurs de cette époque, il est passionné de géographie, de lecture, de musique, l’écrivant lui-même et correspondant avec le chansonnier Roger Max. Pendant la guerre, son journal est teinté également d’un patriotisme mâtiné d’antimilitarisme anti-grade, qu’il ne passera pas lui-même d’ailleurs, sentiments auxquels s’ajoutera une lassitude profonde de la guerre. Il décède en 1950.

2. Le témoignage

Chaussis, Ernest, Journal du poilu Chaussis, inspecteur primaire normand, Louviers, Ysec, 2004, 366 pages.

Classé ante bellum dans le service auxiliaire, il passe en service armé par une commission de réforme mi-novembre 1914 et est mobilisé le mois suivant au 104e RI d’Argentan. Il reste au dépôt jusqu’au 6 juillet 1915, date à laquelle il intègre le 150e RI alors en Argonne. Il y reste peu de temps et est muté au 154e stationné en Champagne. Là, il attrape une sévère typhoïde qui l’éloigne du front, entre hôpitaux militaires (Châlons-sur-Marne, Sens, Villeblevin ou Auxerre) et dépôt (Saint-Brieuc-Pontrieux), jusque à la fin de 1916. Il ne retourne en première ligne que le 2 août 1917 pour retomber malade et être hospitalisé à Contrexeville dans les Vosges. Remis sur pied, il revient en Argonne le 23 mars 1918 avec le 202e RI dans le secteur de Verdun puis à nouveau en Champagne. A la fin de l’année, il change à nouveau d’affectation et devient cartographe régimentaire. Il garde ce poste quelques semaines et, à partir du 23 mars, remonte en ligne. Là, il parcours les fronts mouvants en Argonne, en Champagne, en Picardie, dans les Vosges et finalement en Alsace libérée jusqu’à sa démobilisation le 1er février 1919.

3. Analyse

L’introduction rapporte une lettre introductive du poilu Chaussis lui-même, intitulée « A qui ouvre ce carnet… », qui rappelle que certaines de ces pages ont été réécrites après coup, dans un hôpital d’Auxerre, en 1915. Suit un décryptage d’Arlette Playout-Chaussis qui présente la découverte et la publication des manuscrits, ses enrichissements, notamment cartographiques et surtout le ressort d’écriture de son aïeul. Elle s’interroge sur le public que le scripteur visait et rend hommage à son altruisme et à sa philosophie. Enfin, elle conclut sur son interrogation d’un certain oubli familial, corrigé par « devoir de mémoire ». L’aveu est toutefois formulé de cahiers non retranscrits en totalité, ce qui interroge l’historien sur les raisons et l’étendue de ce choix. Particulièrement dense bien que lacunaire et d’un suivi chrono temporel parfois ardu – ainsi, certaines parties du parcours n’ont pas pu être recomposées par les présentateurs mêmes -, l’apport à l’historiographie testimoniale est certain. Un autre écueil est celui du choix d’une présentation codée également compliquée, mal expliquée de surcroît, et sans apport évident à l’Historien, d’autant que ce point n’est expliqué qu’à la fin de l’ouvrage. En effet, des numéros, qui se révèlent parasites, entre parenthèses renvoient, au début de l’index (page 336) aux pages du manuscrit original (sur ce point, il est d’ailleurs mentionné un 17e carnet alors que 13 ont été retrouvés). A trop vouloir en dire, on s’y perd un peu parfois. Enfin, quelques abréviations auraient pu être opportunément traduites.

Décidément ce soldat aura été aussi itinérant que polyvalent dans cette guerre qui ne fut pas uniquement et loin de là une guerre de tranchées pour cet inspecteur primaire. On peut suivre dans son récit tour à tour le parcours d’un soldat de dépôt, d’un malade, d’un cartographe de PC de régiment, d’un chef de musique et d’un caporal fourrier. Il en ressort ainsi un excellent témoignage, Ernest Chaussis produisant le journal d’un homme clairvoyant, d’esprit vif et d’un réel don d’écriture, statut d’instituteur oblige. Il nous décrit précisément et importunément son environnement comme ses états d’âme sans concession pour ceux qui le commandent. Il fustige l’officier presque à chaque page, et la plupart du temps avec juste raison, du seul fait de côtoiement avec la « caste ». Il justifie longuement d’ailleurs (pages 307-308) son absence de galon comme de récompense par des circonstances fortuites ayant toutes pour origine l’impéritie militaire. Mais il doit certainement plus cet état de fait à son absence de faveurs envers ce milieu qu’il dénonce ouvertement. Car c’est au fil des pages, dans son évolution au sein des états-majors, qu’enflent les critiques des comportements de leurs officiers, de leur fonctionnement, des inepties voire de l’inutilité dont ils font preuve avec un caractère despote et cabotin. Chaussy enfonce le clou le 4 juin 1918, décrivant une guerre vaudevillesque face à « l’organisation et la volonté sérieuse de l’ennemi » (page 207). Son esprit critique rappelle sur certains points celui d’Henri Désagneaux (in Journal de guerre. 14-18, Paris, Denoël, 1971), par exemple sur le coup de main qui doit réussir (page 228) dans une formulation parfaitement similaire.

Ouvertement socialiste, il ne cache pas ses obédiences et en profite pour faire un plaidoyer constant pour les instituteurs. Quelques critiques littéraires (de « J’accuse », Sembat, Lysis ou Rédier) prouvent son éclectisme littéraire et plusieurs tableaux ethnographiques sont très intéressants, tel le réveil des soldats dans la baraque Adrian (pages 133 à 137). Le 30 janvier 1915, il endosse l’habit militaire qu’il qualifie de « livrée » (page 19) et dénonce les « embusqueurs » : « Je n’ai pas encore découvert les veules égoïstes qui (…) se dissimulent dans l’ombre des bureaux et mettent en mouvement toute une diplomatie dont les efforts coupables permettront à ces mauvais Français de demeurer à l’abri des glorieux dangers » (page 19). Il y revient plus loin longuement en donnant force exemples nominaux « d’embusqués d’Argentan », avec leurs méthodes (page 35). Il fait aussi en contrepoint une liste des faux embusqués : mitrailleurs, brancardiers, cyclistes ou ravitailleurs (page 318). A Sens, il décrit ses sentiments à la vue de prisonniers : « quelques invectives à leur adresse et surtout un violent sentiment de curiosité » (page 99). Il voit des Américains à Verdun, « nom mystérieux qui force l’admiration des Américains, faisant debout le salut militaire quand on prononce ce nom » (page 151), se plaint des Anglais « pillards et flanchards » (page 182), constatant la même chose chez les poilus français (pages 182 et 212), se plaignant des vols ordinaires dans les maisons abandonnées (page 201). A Wacquemoulin, il voit une femme assise entre deux gendarmes ; « une espionne allemande déposée par avion » selon le planton (page 182). Il donne en vrac quelques définitions et argot personnel : Singe, pigeon, Société des Nations, paix, tranchée, boyau, culot, la vie chère, bombe, quart, obus à shrapnells, éclat, piston, etc. (page 187) et fustige la paperasserie (page 191). La mort d’un camarade renvoie le poilu à sa propre mort, révélant le « désir de ne pas souffrir » et de « traverser cette grande tourmente imbécile sans y laisser trop de plumes et de fraîcheur d’esprit » (page 197). Chaussis à en effet conscience que la guerre vieillit l’homme et les éléments (d’où le titre de ce livre) : « Car les tranchées et les boyaux sont les rides du sol ; et le plus terrible est de voir vieillir en quelque jours des contrées vertes, joyeuses, pleines de vie (…) » (page 204). Le 17 novembre 1918, il passe l’ancienne frontière entre les Vosges et l’Alsace et « ce n’est pas sans émotion que nous foulons cette terre d’Alsace, et la chanson vole » (page 288). Il y constate immédiatement la fidélité du peuple alsacien (page 291) et s’indigne de leur traitement « entre deux soldats », au retour de captivité (page 298). La guerre à peine terminée, il constate, amer, que « les civils ont tenu. Et le poilu ne les épatait plus, sur la fin. On trouvait tout naturel que des hommes fussent prédestinés à une vie infernale pendant que les autres jouissaient de la vie, amassaient des bénéfices « de guerre » (Criminelle expression ! épouvantable mentalité que celle qui admet que la guerre puisse rapporter quelque chose à des individus, la mort des uns faisant la vie des autres !) ». Il augure ce qu’on retiendra de la guerre : « Quels exploits raconteront ceux qui auront contemplé, célébré, divinisé la guerre ? Que tairont, par modestie ou par dégoût, ceux qui l’on faite, vue ; soufferte ? » et d’achever ses acrimonies par cette sentence définitive sur l’arrière : « C’est curieux comme à beaucoup le front a paru plus gai, plus accueillant que l’« intérieur » (page 318).

L’ouvrage est enrichi d’un index des noms des unités militaires citées (page 337), de titres d’ouvrages cités (page 337 à 339), d’un index des noms de lieux et de personnes (pages 340 à 357), d’une table des illustrations (pages 357 à 359), d’une cartographie (page 359) et d’une table des matières détaillée (pages 359 à 366), le tout formant un excellent outil de recherche, manquant trop souvent dans ce type de parution. Le livre est illustré de nombreux dessins (jusqu’aux feuilles de température du malade Chaussis !), croquis, cartes, plans, et images, certes de qualité moyenne, mais complétant ce remarquable travail d’enrichissement évoqué ci-dessus, non diminué par quelques rares fautes (pages 197, 209 ou 253). Il témoigne également de l’imposant travail de réappropriation de la mémoire familiale et de recherches sur le parcours d’une descendante de poilu.

Liste des communes citées (datation et pagination entre parenthèses) :

1915 : Argentan (13 novembre 1914 – 13 juillet 1915 – 17-44), Sainte Menehould, camp de Florent II (14-23 juillet – 44-51), Florent, le Claon, la Chalade, le Four de Paris, la Harazée (24 juillet – 17 août – 51-64), Matougues (18 août – 18 septembre – 65-71).

1916 : Hôpitaux militaires (Châlons, Sens, Villeblevin, Bretagne) (19 septembre 1915 – 24 décembre 1916 – 72-133).

1917 : Champagne, Suippes (25 décembre 1916 – 2 août 1917 – 134-140), Mont-Haut, Mourmelon (2 août – 4 octobre 1917 – 141-148), Verdun, camp Driant, Douaumont, Souilly (4-31 octobre – 149-154), Contrexéville, camp de la Souveraine (novembre – 154)

1918 : Givry-en-Argonne, camp Marquet (21 janvier – 1er avril – 172-180), Picardie, Château-Thierry, la Ferté-Milon, la Croix-Saint-Ouen, le Meux, Arsy, Coivrel, Maignelay, Sains-Morainvilliers, Welles-Pérennes, Harinart, Prétoy, Plainville, ferme de la Hérelle, Mesnil, Orry-la-Ville, Lignières, Dancourt, Popincourt, Tilloloy, Beuvraignes, Amy, bois du Bec, Margny-aux-Cerises, ferme de la Croix, Frétoy-le-Château, Plessis-Patte-d’Oie, Berlancourt, château de Mesny, Villeserve, Haut-des-Bois, Petit-Détroit, Remigny-Rouquenet, bois de la Haute-Tombelle, Moÿ, ferme Cappone, Hinacourt, Hamegicourt, Regny, Itancourt, Flavy-le-Martel (2 avril – 17 octobre – 180-273), Vosges, Nancy, Corcieux, Taintrux, Rougiville, Saint-Dié, Dijon (1er-15 novembre – 275-285), Alsace, Frapelle, Combrimont, Provenchères-sur-Fave, Saales, Urbeis, Fouchy, Bleinschweiler, Dambach, Herbsheim, (15-24 novembre – 286-294), Boofzheim (24 novembre 1918 – 1er février 1919 – 294-324).

Yann Prouillet, Crid 14-18, septembre 2011

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Callies, Alexis (1870-1950)

1. Le témoin

Alexis Eugène Callies est né à Annecy le 26 mars 1870 d’un père médecin. Négligeant la carrière militaire, il souscrit à 21 ans un engagement volontaire pour trois ans à l’école polytechnique, mais sort dernier de sa promotion. De 1893 à 1895, il complète sa formation à l’école d’Application de l’Artillerie et du Génie de Fontainebleau, avec pour spécialisations l’artillerie de marine puis « de terre ». Il épouse le 26 août 1895 la fille d’un ingénieur télégraphiste, Marie-Louise Amiot, avec laquelle il aura 5 enfants. Dès octobre, il rejoint le 7e régiment d’artillerie de Rennes puis le 17e régiment d’artillerie à pied de Toulon. Capitaine en 1907, Alexis Callies entre en guerre à l’été 1914 à la tête d’une batterie de 75 du 19e régiment d’artillerie de Nîmes, élément du 15e Corps. Il a 44 ans. Entre 1914 et 1918, il occupe successivement les fonctions de capitaine commandant de batterie, officier adjoint au commandant d’une artillerie de corps d’armée puis chef d’escadron commandant un groupe d’artillerie de campagne. C’est à ce grade qu’il prend une retraite anticipée le 1er décembre 1919 et se reconvertit dans l’industrie, à Levallois-Perret. Il prend dans le civil de nombreuses responsabilités, dont celle d’arbitre-expert près le tribunal de commerce de la Seine. « Catholique pratiquant mais clérical modéré, rallié à la République mais non sans méfiance envers le régime, le commandant Callies appartient à la génération d’officiers la plus éprouvée par les scandales qui ébranlèrent l’armée entre 1890 et 1910 » selon son présentateur Eric Labayle (page 10). Son caractère et ses opinions furent très certainement une raison de sa carrière militaire inachevée, même s’il la poursuit comme officier de réserve, étant promu lieutenant-colonel en 1924. En 1928, il entame une carrière politique qui le propulse député d’Annecy et participe à la vie législative dans un groupe de l’Union Républicaine Démocratique. Battu en 1932, il met un terme à cette expérience et retourne à l’industrie. Il décède à Mars-sur-Allier (Nièvre) le 23 juin 1950.

2. Le témoignage

Callies, Alexis, Carnets de guerre d’Alexis Callies, (1914-1918), retranscrits et commentés par Eric Labayle, Château-Thierry, E/L éditions, 1999, 559 pages.

Le 1er août 1914, alors en manœuvre, il apprend le caractère inéluctable de la guerre qui fermente depuis plusieurs jours. Les jours suivants sont consacrés à la préparation du régiment à la grande revanche. Même s’il constate quelques dysfonctionnements organisationnels et humains, Alexis Callies est confiant et tient sa batterie en main dans le train qui l’emmène vers le nord. C’est en Lorraine, à Diarville, que débarque le régiment qui maintenant marche à l’ennemi. Le 10 août, il atteint Parroy, à l’est de Lunéville, et s’apprête à traverser la frontière. Le premier village allemand derrière celle-ci est Lagarde, où l’infanterie se trouve déjà. Le baptême du feu y est terrible le 11 août, qui voit la perte de deux batteries sur les trois du groupe et de 63 hommes. L’avance en territoire ennemi s’inscrit toutefois les jours suivants jusqu’à Dieuze. Le 20, un revers lent mais irrésistible s’opère et fait reculer infanterie et artillerie vers la France. Le 19ème retraite jusqu’à Blainville où le capitaine Callies séjourne jusqu’au 3 septembre.

Le 5, le régiment est déplacé pour échouer à Bar-le-Duc où, au sud de Revigny-sur-Ornain, se déroule « sa » bataille de la Marne. Une courte marche vers le nord suit la victoire pour cristalliser définitivement le front du 19e RA à l’ouest de Verdun, à proximité de Dombasle-en-Argonne. Là, malgré les espérances de reprises de la guerre de mouvement, le front lentement s’enlise et s’enterrent les batteries du capitaine Callies, qui doit faire l’apprentissage de la guerre de position. Soutien de plus en plus défini de l’infanterie dans des attaques ponctuelles, le groupe Callies ne quittera ce secteur que le 24 mai 1915. A cette date, il se trouve à l’est de Sainte-Menehould. Là encore, il ne déborde pas d’activité jusqu’à un nouveau départ du 15e Corps le 21 août suivant. Il échoue au sud de Craonne, où le support d’infanterie est désormais la mission unique de ses batteries de 75 dans la bataille. Son arrêt au début d’octobre préfigure une nouvelle campagne d’hiver. Le groupe d’artillerie voit alors un retour en Champagne pouilleuse, via Epernay, au sud de Massiges. Il est alors officier d’état-major, adjoint au général commandant l’artillerie du 15e Corps et s’éloigne quelque peu des fonctions de commandement de batteries. Il ne les retrouvera qu’en mars 1916, quand il est promu chef d’escadron et prend la direction du 1er groupe du 58e RAC.

Le 22 mai suivant, il gagne une nouvelle position au bois d’Esnes, à l’ombre de la terrible cote 304. Il y restera jusqu’en novembre où la poursuite de la reprise de Douaumont et de Vaux nécessite l’appui de toute l’artillerie disponible. Il se déplace vers l’ouest et la Meuse, sur la côte du Poivre.

1917 ne voit pas de changement important à sa situation statique devant Verdun, si ce n’est un rapprochement des batteries entre Fleury et Bézonvaux. Là, Callies y parle certes de ses rapports avec les officiers qui l’entourent mais aussi de sa situation périlleuse du fait de marmitages fréquents et souvent violents, notamment en août, où les Allemands déclenchent une attaque générale sur les deux rives, sans résultats probants toutefois.

La fin de cette nouvelle année de guerre voit un peu de repos pour le groupe qui revient en terre lorraine. Sa fonction de commandant de batterie éloigne également temporairement Alexis Callies du front. Il en est ainsi en décembre quand il participe à une instruction sur les gaz de quelques jours.

Mars 1918, une nouvelle offensive allemande fait craindre le pire. Callies rejoint son unité toujours en repos en Lorraine début juin puis débarque le 8 devant Compiègne menacé. Il est immédiatement dans la tourmente de la bataille d’arrêt des Allemands sur le Matz et qui attaquent furieusement les troupes placées devant eux. Les journées qui suivent sont terribles d’angoisse et d’activité jusqu’au mois de juillet où c’est sur Reims qu’une nouvelle offensive se déclenche, aussi rapidement stoppée.

Août voit un retour de fortune en faveur des Français qui reprennent l’ascendant comme l’offensive. Le 24, au cours d’un séjour à Paris, Callies passe au ministère et décroche un poste pour le cours de perfectionnement d’artillerie de Joigny. Il accepte, pensant acquérir par ce biais le commandement futur d’une artillerie divisionnaire. Hélas pour sa verve combattante, l’effondrement allemand se précipite comme la narration de la guerre d’Alexis Callies. Il prend son service à l’arrière le 23 septembre et ne retournera jamais au front. La guerre s’achevant sans lui, il stoppe son récit.

3. Analyse

C’est en 1919 et 1925, puis après 1935 qu’Alexis Callies met en forme ses carnets en y ajoutant des textes et documents divers, remplissant treize cahiers d’écolier. Eric Labayle, qui en fait une excellente présentation, a séparé ces deux origines de textes dans l’édition de ces carnets de guerre. Pour Eric Labayle, « Alexis Callies fait profession de pragmatisme, mais surtout d’une indéniable modernité dans son approche des problèmes tactiques » (page 11). Labayle n’omet pas de rappeler que le récit de Callies « est toujours accompagné d’une profonde douleur et d’une indignation sincère » à cause « de la mauvaise réputation qui est faite aux troupes du Midi en général et au 15e CA en particulier » (page 12). Cette « légende » est née des premiers combats en Lorraine, et notamment de « l’affaire de Lagarde », le 11 août 1914, dans laquelle l’officier entend justifier son action devant ce qui fut un désastre stratégique à l’échelle d’une batterie. L’ouvrage contient donc en filigrane un appel à la réhabilitation du 15ème Corps. Nombreuses y sont les allusions. Callies rapporte ainsi une anecdote d’un officier d’artillerie (le commandant de Lavigerie) refusant le 23 août de rendre un salut à un officier du 15e Corps (le commandant Boquillon) (page 74). L’extrême vindicte populaire, politique et militaire contre le 15ème Corps a profondément déçu et révolté son orgueil d’officier.

Sur le plan du suivi narratif, le contenu du témoignage change quelque peu tout au long de la guerre. D’abord axé sur les opérations militaires, Alexis Callies s’en éloigne dans son vécu d’état-major pour y revenir lors du commandement d’un groupe de batterie qui le renvoie au front. Callies lui-même rappelle cette précision utile, et qui doit rester constante au lecteur qui appréhende les carnets de guerre : « Je raconte les événements tels que je les ai vus, ou tels qu’ils sont arrivés à ma connaissance, ne garantissant que ma sincérité et non leur vérité objective, car chacun à sa vision propre, plus ou moins déformante« . Cette honnêteté éditoriale corrige le défaut récurrent de la littérature d’août 1914 où Callies rapporte des faits manifestement faux sans les constater toutefois. Comme les autres également, il occulte le contenu de ses permissions. Les mutineries de 1917 sont aussi un sujet peu évoqué. Peut-être par l’absence de mouvements au sein de ses unités ou de son entourage proche, peut-être aussi par une autocensure d’officier.

La présentation et la mise en valeur des carnets d’Alexis Callies par Eric Labayle qui nous apparaissent comme un modèle du genre. L’historien produit une relation enrichie, opportune et bien éditée. En effet, le livre est la juxtaposition du carnet original d’Alexis Callies, dont la première qualité littéraire est excellente, d’annotations ou d’ajouts ultérieurs (encadrés de noir) qui précisent un fait ou une situation et de documents iconographiques tirés d’articles du scripteur. Ces photographies et les textes annexes sont replacés dans leur contexte exact et commentés fort justement. Les notes de retranscription sont également très à propos et enrichissantes pour le lecteur. L’introduction démontre l’intérêt plus que jamais actuel de la présentation de témoignages de combattants en substitution d’une transmission directe de leur expérience.

Ainsi l’ouvrage révèle un document de référence à plusieurs niveaux. D’abord par l’homme et l’officier, Alexis Callies, dont le destin et la carrière militaire furent exemplaires. Du début à la fin, et même après son éloignement relatif du front, le capitaine puis commandant Callies a fait montre d’humanité et d’esprit critique. C’est vraisemblablement son discernement et sa compétence qui lui ont sauvé la vie lors de l’« affaire de Lagarde » et son dévouement à sa tâche qui l’a maintenu au front pendant plus de quatre années.

Ensuite par la vision singulière que le héros nous prodigue de la guerre. Alexis Callies est officier d’artillerie, capitaine de batterie d’artillerie pendant la première partie de la guerre. Il nous fournit à ce titre une relation précise, honnête et particulière d’un engagement d’artillerie au cours de la bataille des frontières en Lorraine, synonyme d’une mort héroïque mais parfaitement vaine. Un exemple de « bravoure » d’officiers, (ou de l’alcoolisme du commandant de batterie Adeler !) et de soldats dont les pertes inutiles ont alimenté l’hécatombe des batailles d’août-septembre 1914. Lors de la cristallisation du front, il passe capitaine-commandant adjoint au commandant d’artillerie du 15ème Corps d’Armée. A partir de ce moment, Alexis Callies, fidèle à son honnêteté intellectuelle, brosse un tableau des relations humaines au sein d’un état-major. Son récit se tourne alors vers une critique systématique des personnes qu’il rencontre et dont il évalue, et juge le comportement et les actes qu’ils subissent ou provoquent. Ce témoignage trouve son intérêt par l’admission du lecteur dans la psychologie d’un état-major. Coterie, hypocrisie, incompétence côtoient humanisme et lucidité dans un milieu se voulant homogène mais proche finalement de la politique. Ses descriptions mêlent un excellent esprit d’observation à une psychologie fine. On peut suivre ainsi, à divers endroits de l’ouvrage, des éléments sur des limogeages d’officiers et leurs réels motifs. Dès lors, les opérations militaires sont traitées très secondairement et le soldat est terriblement absent du témoignage même si Callies lui rend souvent hommage. Il parle peu également de l’ennemi mais une violente diatribe (page 204) contre les boches faisant la guerre « comme des sauvages » révèle de très forts sentiments anti-allemands. Mais ne sont-ils pas nés du bourrage de crâne journalistique en vigueur à cette époque (février 1915) ? En effet, il précise que les hommes apprennent les horreurs de la guerre allemande dans la presse.

Ses descriptions des premiers jours de campagne sont émaillées de multiples tableaux d’intérêt. Le 9 août 1914, il est prêt à faire exécuter un lâche de sa pièce (page 34). Plus loin, il décrit les sacs jetés par les hommes sur les routes lors des marches (page 34) et leur fatigue générale (page 41 ou 47). Malgré cet état de fait, il n’entend pas faillir et assure que la fonction de chef facilite le courage et annihile la peur (page 54). Elle n’évite pas toutefois l’imbécillité lorsqu’un officier sert comme dernier argument : « J’ai plus de galon que vous, donc je suis plus intelligent » (page 105) ou la couardise quand il dénonce des galonnards peureux refusant le grade, synonyme de mutation vers l’infanterie (page 126). Il y revient à plusieurs reprises et constate aussi que la guerre fait la sélection des « galopeurs de temps de paix » dont le lieutenant-colonel de chasseurs alpins Papillon-Bonnot (page 160). Il ne fait pas preuve non plus de commisération à la constatation de défaillances. Sur un lieutenant paniqué, criant « Tout est perdu, sauvez-vous », il soumet l’idée qu’« il est fâcheux que personne ne lui ait logé une balle dans la tête. Cela eût mieux valu pour tout le monde, lui compris » (page 70). Il rapporte cette pratique de la punition extrême aux actes de défaillances des subordonnés, quand un capitaine de chasseurs, non dénommé et non identifié toutefois, abat au revolver trois de ses hommes qui fuient devant l’avancée allemande. Callies assène pour conclure : « c’est nécessaire pour l’exemple » ! (page 100). Plus tard, il évoquera plus directement les « dépressions morales » des hommes, qui provoqueront l’envoi vers l’arrière de nombreux officiers (page 180). Il dénonce aussi l’inconduite morale du soldat : « La vie anormale qu’elle créé fait oublier et mépriser les devoirs de la famille. En ce qui concerne spécialement les combattants, ils n’ont pas assez d’activité, de fatigues physiques, ils ne sont pas défendus contre le rêve malsain. Pour certains il est vrai qu’ils tombent dans un état d’atonie qui les protège. Mais les autres ? ». Contre ces dépressions morales, il note singulièrement que « le canon, fixé au sol, sert de point de ralliement et l’occupation machinale de le servir met à l’abri des paniques et du découragement » (page 345). Sur ce point, il ne peut que constater que « ce qui caractérise cette guerre, c’est son incommensurable ennui » (page 376). Il revient sur cette lassitude de la durée de la guerre : « Nous sentons tous la fatigue. (…) La nervosité et l’aigreur du commandement à tous degrés en sont des preuves frappantes, comme aussi les réactions plus vives et profondes de ceux qui en souffrent » (page 507). D’habitude prolixe, il est peu disert sur les mutineries, qu’il n’évoque que par procuration (page 433).

Callies reste toutefois un excellent témoin ; il ne commente pas les exagérations entendues : « A certains endroits, dit-il, les Allemands étaient si serrés que la place leur manquait pour tomber ; ils se tenaient debout » (page 84). Sa vision du champ de bataille, des morts, des fossoyeurs, des cadavres torturés par la douleur, est saisissante (page 101) comme celle des effets horribles de l’artillerie, entraînant une rigidité cadavérique instantanée (page 104). Certes, comme la plupart, Callies se trompe, le 31 janvier 1915, sur la durée de la guerre tant il lui parait « évident qu’une guerre comme celle-là ne peut pas durer plusieurs années » (page 196). Il évoque les « ententes tacites », qu’il ne constate pas lui-même, se contentant de rapporter « que parfois des contestations ont été réglées à coups de poing entre Français et Boches. Mais la trêve ne concerne pas les officiers. Si l’un d’eux paraît il est aussitôt descendu » (page 205). Il y revient plus longuement, toujours par procuration un peu plus loin (pages 214 ou 228).

Au final, il s’agit d’un ouvrage remarquable dont la richesse impose à l’historien son étude détaillée, son recours systématique et un statut de référentiel dans la bibliographie de témoignage d’officier sur la Grande Guerre, avec des descriptions peut rencontrées et très vivantes du monde médian entre le front et l’arrière. L’ouvrage est aussi une pièce utile à verser au dossier du 15e Corps, dont les défaillances présumées sont devenues, militairement puis politiquement le catalyseur des revers de l’armée française de l’été 1914.

« Les carnets de guerre d’Alexies Callies » sont à comparer avec le journal d’Henri Morel-Journel « Journal d’un officier de la 74e DI. »

Parcours géographique de l’auteur (datation et pagination entre parenthèses) :

1914 : Caissargues (2 au 5 août) (17-24), vers le front (6 août) (29-30), Diarville, Ceintrey (7-8 août) (29-31), Hudiviller (8 août) (32), Haraucourt, Crévic, Lunéville (9 août) (34-37), Parroy (10 août) (37-40), Xures, Lagarde (11 août) (40-48), Bauzémont (12 août) (48), Maixe (13 août) (49), Valhey, Xures (14 août) (53-54), Parroy (15 août) (54-56), Xures, Lagarde (16 août) (56), Xures, Donnelay (17-18 août) (58-62), Dieuze, Lindre-Haute, Vergaville (19 août) (62-67), Dieuze, Lindre-Haute, Lindre-Basse, Guéblange, Moncourt, Coincourt (20 août) (67-71), Coincourt, Serres, Rosières-aux-Salines (21 août) (71), Saffais, Velle-sur-Moselle (22 août) (73), Velle, Saffais, (23-25 août) (74-77), Blainville-sur-l’Eau, Einville, Haussonville (26-27 août) (77-80), Blainville (28 août – 2 septembre) (81-87), Haussonville, Tantonville (3-4 septembre) (88-90), Tantonville, Barisey-au-Plain (5 septembre) (90), Rozières-en-Blois, Vaucouleurs, Ligny-en-Barrois, Menaucourt (6 septembre) (91), Menaucourt, Ligny-en-Barrois, Bar-le-Duc, Tannois (7 septembre) (92-96), Véel (8-10 septembre) (96-100), Combles (10 septembre) (100-101), Vassincourt, Véel (11 septembre) (101-104), Trémont (11-13 septembre) (104-105), Condé (13 septembre) (106), Nubécourt (14 septembre) (107-110), Sivry-la-Perche, Blercourt (15-20 septembre) (110-114), secteur Montzéville, Récicourt, Jubécourt, Brocourt (20 septembre – 29 octobre) (114-139), Dombasle-en-Argonne (30 octobre 1914 – 21 août 1915) (139 – 259),

1915 : Villers-Cotterêts (22 août – 25 août) (260), Branscourt (26-29 août) (260-261), Romain (30 août – 5 novembre) (262-279), Damery (8 novembre – 10 décembre) (279-286), Dampierre-le-Château (10 décembre) (286), Somme-Bionne (12-26 décembre) (286-288), Hans (26 décembre – 24 mars 1916) (288-312).

1916 : Minaucourt (3 avril – 14 mai) (312-330), Belval (15-18 mai) (330), Béthelainville – Esnes (19 mai – 1er novembre) (331-368), Villotte-devant-Louppy, ferme de Vaudroncourt, ferme des Merchines (2-22 novembre) (369-374), côte du Poivre, Louvemont, Thierville (22 novembre 1916 – 30 janvier 1917) (374-393),

1917 : Carrières-Sud (31 janvier – 25 août) (393-450), Blainville-sur-l’Eau (1er octobre) (453), Hoeville (11 octobre 1917 – 4 juin 1918) (454-488)

1918 : Verberie, Fontaine-les-Corps-Nuds (7-8 juin) (488-489), Estrées-Saint-Denis, Clairoix, Coudun (9 juin) (489), Giraumont, calvaire et ferme de Bertinval, Villers-sur-Coudun, Thiescourt, Ecouvillers, Noyon (9 juin – 23 août) (490-512).

Cartes :

Site du combat de Lagarde, 10 et 11 août 1914 (45)

Théâtre d’opérations du 15e CA en Lorraine – août 1914 – (72)

Théâtre d’opérations du 15e CA pendant la bataille de la Marne (7 – 16 septembre 1914 – (97)

Secteur du 15e CA sur la rive gauche de la Meuse (16 septembre – 24 mai 1915 et 20 mai – 1er novembre 1916) (184)

Le 15e C A dans le secteur de la Main de Massiges (25 mai – 21 août 1915 et 30 novembre 1915 – 2 mai 1916) (237)

Le 15e CA au sud-est du Chemin des Dames (25 août – 8 novembre 1915) (269)

Positions de l’AD 123 en juillet 1916 au sud-est d’Esnes (350)

Le 15e CA sur la rive droite de la Meuse (23 novembre 1916 – 2 septembre 1917) (407)

Site des combats du 15e CA sur le Matz (8 juin – 24 août 1918) (498)

Bibliographie comparative :

Morel-Journel Henry, Journal d’un officier de la 74e division d’infanterie et de l’armée française d’Italie (1914-1918). Montbrison, Eleuthère Brassart, 1922, 565 pages.

Yann Prouillet, Crid14-18, septembre 2011

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Bussillet, Henri (Bussi-Taillefer, Henri) (1882-1968)

1. Le témoin

Le docteur Henri Bussillet, alias Henri Bussi-Taillefer n’est pas un inconnu dès avant la guerre. Grand amateur de photographie, qu’il pratique autant en artiste qu’en ethnographe, il est ami de Louis Lumière et va exercer son art entre 1900 et 1910 dans les Alpes, où il est l’un des premiers à faire des autochromes ce, dès 1910. Universellement curieux, y compris en zoologie, il laisse ainsi nombre de collections, de notes et de témoignages de ses découvertes alpines au début du siècle, ainsi que plusieurs ouvrages sur la médecine et la montagne. Le 31 juillet 1914, alors qu’il exerce dans un hôpital de Lyon, il reçoit un télégramme lui intimant de rejoindre la caserne Aubry de Bourg-en-Bresse afin de prendre en compte une ambulance du 23e RI, le « régiment des photographes ». Le 2 août, le terminus ferroviaire échoue dans les Vosges, à Cornimont, pour le regroupement, et il pénètre en vainqueur en Alsace où il participe à la libération de Mulhouse. S’il voit quelques combats, il a fort peu d’activité et se trouve étonné de devoir abandonner la ville quelques jours plus tard. Il y revient pour une seconde libération tout aussi éphémère avant de passer les cols vosgiens dans une retraite plus qu’une déroute. Là commence un nouveau chapitre, celui de la défense des derniers contreforts des Vosges. Il installe pour sa part son ambulance à Saint-Léonard et vit les rudes journées dans ce secteur jusqu’à ce que la décision appartienne finalement aux Français le 12 septembre. Après un séjour à Mandray, il apprend la retraite allemande à l’hôpital de Fraize, participe à la liesse populaire et entre dans Saint-Dié libérée sous les honneurs. La guerre changeant de visage, il abandonne, le 14, ses souvenirs sur les pentes de l’Ormont, à la veille de la cristallisation qui verra le 23ème souffrir d’autres affres sur le sommet de la Fontenelle. Henri Bussillet décède en 1968.

2. Le témoignage

Les campagnes de Mulhouse et les combats dans les Vosges. 7 août – 14 septembre 1914. Notes recueillies par un aide Major du 23e d’infanterie, Dr Bussi-Taillefer, Niort, Imprimerie Nicolas (Niort), 1965, 122 pages

Hélas trop courts et trop lointains (Bussi-Taillefer met en forme ses notes à une date inconnue après la deuxième guerre mondiale), les souvenirs de ce médecin aide major du 23e RI forment toutefois un intéressant complétif des ouvrages sur ce régiment (voir Jean de Langenhager, André Maillet, Joseph Saint-Pierre, Claude-Marie Boucaud (propos recueillis par Jean-Yves Dana), Charles Aguetant, Louis de Corcelles ou le colonel Delorme) mais surtout des souvenirs de Frantz Adam à qui il est à associer intimement. L’ouvrage est constitué d’une succession de tableaux, parfois surréalistes tels ceux de la vision des deux séjours mulhousiens ou impressionnants comme la longue colonne hippomobile de « toutes les armes » abandonnant l’Alsace (page 49). Revenant comme une litanie est la description filigranée de l’incurie des services de santé dans les batailles des frontières où l’auteur confesse à demi-mot s’ennuyer, le 30 août, en pleine bataille des frontières : « Tout le groupe, ainsi que les deux autres médecins du 23e, demeurent en cet endroit sans avoir rien à faire et nous commençons à nous ennuyer (…) » (page 69). Plus loin, Bussi-Taillefer y revient : « Nous sommes trois médecins, sans compter le Médecin-Chef ; nous ne demandons qu’à travailler et à être utiles » (page 71) et enfonce le clou le 5 septembre : « Pour nous, nous attendons, nous n’avons rien de mieux à faire » (page 104). Bussy-Taillefer nous révèle également que les mythifiés « Taxis de la Marne » ont été précédés des « Taxis des Vosges » : « Sur le soir, [du 31 août 1914] a lieu une autre attaque par une section importante de chasseurs à pied venue de Chambéry en taxis. La même erreur ayant été commise, la même charge à la baïonnette, le même résultat imparfait en découle et nos si braves Diables Bleus sont rembarqués, quelques heures après, dans les mêmes voitures, écharpés en première » (page 78). Est-il un bon témoin ? Il est trop peu descriptif et son témoignage est trop ténu pour l’affirmer. En effet, il dit avoir « vu près de la rivière, deux hommes unis entre eux, appliquées l’un contre l’autre, s’étant tués mutuellement à coups de baïonnettes » (page 85) et rapporte les évocations des hommes de l’usage de balles dum-dum, ou, pour le moins, « quelqu’un du groupe, qui présente un cerveau plus calme, dit en toute simplicité qu’il ne s’agit vraisemblablement que de balles retournées » (page 103). Dernière antienne quand, « enfiévrés par la vinasse, par le questch (sic) ou le kirch, les militaires ont fait merveille et repris le col » (page 117). Enfin, la vue de l’ennemi, certes par procuration – celle d’un occupé – est rapportée d’une manière pour le moins « imagée » : « …Monsieur le Major, poursuit-il avec une fureur concentrée…, je les ai vus, ils sont venus ici… Eh bien ! Monsieur le Major, je n’ai jamais rencontré de goinfres pareils et pas davantage, s’il vous plaît, de gens qui sortent des merdes aussi phénoménales, plus grosses que mon bras, je vous en réponds ! …Je ne saurais trop vous le redire, ce sont des têtes de cochons ! » (page 96). Au final, ce court opuscule de souvenirs, non iconographié et couvrant la petite période du 31 juillet au 14 septembre 1914 reste référentiel pour l’étude des combats d’Alsace et des Vosges.

Liste des communes citées (date – page) :

1914 : Bourg-en-Bresse (31 juillet – 7-14), Cornimont (2-6 août – 15-16), Kruth, Thann (7-8 août – 17-20), Mulhouse (8-9 août – 21-34), Lutterbach, couvent d’Olenberg (9-10 août – 34-42), Einsbrücke, Roppe (10-11 août – 43-55), Schweigenhausen, Burschweiler, Pfastatt (16-28 août – 56-63), La Schlucht, Gérardmer, Saint-Léonard (auberge du Saumon) (30 août – 1er septembre – 65-82), Mandray (1er-2 septembre – 82-108), Clefcy, Fraize (2-12 septembre – 108-113), col des Journaux, le Chipal (12 septembre – 114-116), Laveline (13 septembre – 117-118), Saint-Dié, Ormont (14 septembre – 118-119).

Yann Prouillet, Crid 14-18, septembre 2011

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Buffereau, Alrhic (1896-1985)

Alrhic Buffereau en mai 1915

1. Le témoin

Alrhic (ou Alric) Armel Onésime Buffereau est né le 17 novembre 1896 à Naveil (Loir-et-Cher) de Anatole et de Lucie Norguet, cultivateurs possédant également des vignes. Ayant un frère, Alcide, né trois ans après lui, il est issu d’une famille modeste, dans un milieu rural où « peu de gens lisaient les journaux locaux. Bien des ménages et jamais sortis du « pays » (page 9). Il sort de l’école à 14 ans avec le certificat d’études primaires mais dit de son avenir : « Sans ambition à la sortie de l’école, ma place est toute trouvée : je devais remplacer à la maison le domestique que mon père embauchait tous les ans de la Chandeleur à la Saint-Martin » (page 9). Le 15 décembre 1914, l’appel de la classe 16 le mène au conseil de révision qui le déclare bon pour le service. S’il rejoint le 15 avril 1915 le 46e RI de Fontainebleau et fait son instruction de guerre à Estissac, dans l’Aube, il n’arrive au front qu’en novembre 1916, à Oulchy-le-Château dans l’Aisne. Là, il fait de nouvelles classes pour intégrer une compagnie de mitrailleuses, stage qui le tient éloigné des premières lignes encore quelques mois à l’issue desquels il entre dans la 3e compagnie de mitrailleuses du 53e RI de Perpignan, en ligne au Mont Têtu, en Champagne. En octobre, il gagne Dommiers, dans l‘Aisne jusqu’au début de 1917 où il monte dans le terrible secteur des Eparges. Il y connaît la guerre de tranchées dans un secteur bouleversé par les mines et sous le bombardement permanent des minenwerfer. A l’été 1917, il occupe à nouveau le secteur des Monts de Champagne et c’est à Verdun qu’il échoue au début de septembre, au tunnel de Tavannes, pour quelques jours. Il retourne en Champagne quand la situation alliée défaille sur la Somme. Il arrive en pleine bataille à Ailly-sur-Somme le 3 avril 1918. Constatant que « je n’ai que 21 ans et je suis le plus ancien de la compagnie » (page 60), il répond alors une demande de volontaires pour le poste de mitrailleur aérien. Contre toute attente, il part le 8 mai pour le 1er groupe d’aviation de Dijon commencer sa formation. Il change radicalement de condition, travaille correctement et est désigné « bombardier de jour » au camp de Châteaudun. Mais avant qu’il y parvienne, au cours d’une « épreuve de hauteur », l’avion, touché par un éclat d’obus au-dessus des lignes, atterrit en territoire ennemi. Buffereau est fait prisonnier avant même d’avoir été combattant aérien, le 28 septembre 1918. Il est interné au camp allemand de Bernau puis à celui de Lechfeld où il apprend la fin de la guerre le 25 novembre seulement. Le lendemain, les portes du camp sont ouvertes et il parvient à rentrer en France le lendemain de Noël 1918. Après guerre, de 1921 à 1967, il épouse Louise Toussaint et tient pendant 46 ans un café-restaurant dans sa commune de naissance, Naveil. C’est à sa retraite qu’Alrhic Buffereau décide de se remémorer sa terrible guerre et en rédige 200 pages de notes, adjointes de lettres, cartes postales, documents ou photos. Il décède à Naveil le 13 novembre 1985.

2. Le témoignage

Alrhic Buffereau, Carnets de guerre, 1914-1918, Vendôme, Libraidisque, 1983, 91 pages.

D’un indéniable intérêt, ces « carnets de guerre » en forme de souvenirs recomposés par leur auteur soixante années plus tard – si le présentateur parle de 1967, la dernière date notée est 1974 –, pêchent par leur minimalisme. Où sont les 200 pages de notes et de lettres évoquées par M. Ferrand, présentateur, tant il ne reste qu’une soixantaine de pages éditées sur cette masse. Comment s’est opérée la réduction ou l’épuration ? Dès lors, comment partager l’optimisme du préfacier sur la réalité du « mérite de l’auteur (…) d’avoir parfaitement réussi à coordonner les notes qu’Alrhic Buffereau portait sur des cahiers, lorsque les combats le permettaient, rendant ainsi plus sensibles la cohésion et l’unité du livre » (page 7). Il n’en reste hélas que trop peu pour conclure à un témoignage référentiel. En effet, si les différents épisodes de la guerre de Buffereau sont abondants quoique survolés, l’ensemble manque de précision et de délayage. Toutefois, on peut deviner en filigrane les évocations peu rencontrées par ailleurs de la misère sexuelle dont s’épanche épisodiquement l’auteur, exhaussant quelque peu l’intérêt de ces trop courtes notes. Mal introduit, l’ouvrage est ponctué de trop nombreuses fautes et erreurs toponymiques qui dénotent une absence de rigorisme de vérification (cf. la Loi Dalbiesse page 46 ou Cormontreuille page 28) et les noms de personnes sont caviardés.

3. Analyse

Ses premiers souvenirs concernent le climat de mobilisation : « Je me rappelle avoir passé la première nuit à garder un carrefour, à Naveil, un fusil de chasse à la main. Nous avions l’ordre d’arrêter tout le monde et de demander le mot de passe : « Cambronne », car soi-disant, le pays était infesté d’espions » (page 18). Suivent une vision intéressante de la classe 16 à l’arrière avant sa mobilisation : « Sachant que les femmes ont besoin de nous, nous jouons aux caïds. (…) Personne pour nous réprimander, nous en profitons. Les distractions étant toutes supprimées (bal, cinéma, fête foraine…), le dimanche, nous nous réunissons dans les caves, et buvons, buvons, pour oublier. » (page 20). Il fustige les pistonnés, amis d’un député influent, qui parviennent à se faire réformer et participe, le 12 janvier 1915, à une « chasse aux réformés » (page 23). Enfin arrivé au front, il assiste à la vision traumatique de l’exécution d’un jeune soldat : « C’est pénible à voir. (…) Lorsque nous revenons au campement, tous écoeurés, nous n’avons échangé aucune parole. Pauvre gars fusillé à vingt ans pour avoir eu peur. Ce spectacle reste gravé dans notre esprit pour toujours » (page 34). Tout aussi traumatique est l’impression dégagée par une permission, à l’été 1917 : « Les quelques civils du train nous fuient. (…) Dans les cafés, la clientèle se compose uniquement d’ouvriers réformés ou retirés de l’armée pour travailler dans les usines comme spécialistes ou des galonnés qui font l’instruction dans les centres mobilisateurs. Moi j’appelle ces messieurs des « embusqués ». En uniforme fantaisie, ils paradent et parlent de la guerre comme s’ils savaient ce qui se passe au front. (…) Je vais rendre visite à une cousine de Villiers. Pour me remonter le moral, elle me dit : « T’es donc encore pas mort ! » (…) Mes dix jours écoulés, il faut reprendre le chemin du retour. Ecœuré par toutes les réflexions entendues, fatigué par une journée entière passé dans le train, c’est le cœur gros que je retrouve mes camarades qui, comme moi, ont été déçus par les propos tenus par « l’arrière » (page 42). Il n’est pas non plus tendre avec les officiers ; en repos vers Vitry-le-François : « Les officiers se font voir, ils n’ont plus peur, même à l’exercice » (page 45). Il relate aussi sa misère sexuelle. Dans un café, il parvient « en cachette à embrasser la bonne » (page 46) ; « Il est vrai que le soldat trouve toutes les filles belles » (page 69). Y revenant ponctuellement, il constate que « les maisons publiques regorgent aussi de soldats, surtout de gradés en uniforme fantaisie qui dansent avec de belles filles maquillées, presque nues (…). Lorsque nous entrons là-dedans avec nos brodequins, bandes molletières, capotes et ceinture, personne ne fait attention à ces pauvres poilus. Nous nous contentons de regarder une demi-heure en sirotant un demi. C’est là tout le plaisir que nous avons. » (page 46). Il revient sur ces bordels car « un beau jour, [s]a section doit assurer un service de garde à la maison close » où « assis sur un banc, nous contemplons le défilé, un défilé incessant qui permet de regarder tous les régiments possibles et imaginables, même des tirailleurs sénégalais. Parfois il y a de la bagarre tant ils sont pressés (…) C’est l’abattage (cent clients par jour). (…) C’est pire qu’à l’usine : 9 heures-midi et 14 heures-20 heures, sans arrêt, ni buvette, ni musique. » (page 53). Buffereau rapporte aussi quelques rumeurs ; « J’ai entendu des choses incroyables qui se colportent : des Sénégalais avec des oreilles ennemies embrochées tout au long de leurs baïonnettes, des gendarmes pendus à des crocs de boucher à Verdun… » (page 54). Enfin, dans les souvenirs de sa captivité ressortent plus particulièrement une nourriture invariable, « pas de travail (…) rien à lire, aucun jeu. Nous restons avachis sur nos lits et parfois l’on s’amuse à « brûler des pets » ! (page 75).  L’ouvrage s’achève sur un rappel chiffré du bilan, d’une conclusion de Buffereau, d’une chanson, « La valse des réformés » et d’une lettre sur l’hécatombe de sa section.

Liste des communes citées (date – page) :

1914 : Naveil (Loir-et-Cher) (17-25).

1915 : Fontainebleau, Estissac (26-27).

1916 : Oulchy-le-Château, Grisolles (avril – 28-29), Cormontreuil, Oulchy-le-Château (juin – 29), Dampierre-le-Château, mont Têtu, Ville-sur-Tourbe, bois d’Auzi (26 juin – 1er octobre – 30-34), Mareuil-en-Dole, Dommiers (octobre – décembre – 35-36).

1917 : Nançois-Tranville, colline des Hures, Rupt-en-Woëvre, les Eparges, Point C (janvier – juillet – 37-42), Mont Haut (12-27 juillet – 43-45), repos à Saint-Amand-sur-Fion (28 juillet – 8 septembre – 45-46), Verdun, caserne Marceau, ravin de Hassoule, ravin des Rousses, tunnel de Tavannes (9-20 septembre – 47-51), Epernay, Flavigny, Avize (repos) (22 septembre – 19 novembre – 51-52), Prosne, ferme de Constantine, Mourmelon (20 novembre 1917 – 20 mars 1918 – 53-55).

1918 : Bois de la Pyramide, Sept-Saulx (20-27 mars – 54), Ailly-sur-Noye, Mailly-Raineval, Amiens, Estrée-Saint-Denis (3-9 avril – 55-58), Champagne, Sept-Saulx, les Marquises, Mont Cornillet, Mont Blon, Mont Haut, Mont Perthois, Mont Sans-Nom, la Cage à Poule (mai – 59-60), école d’aviation de Cazeau, La Teste, Arcachon, Le Crotoy (mai – septembre – 61-65), Allemagne, camp de Bernau, camp de Lechfeld, retour en France (septembre 1918 – février 1919 – 65-82).

Yann Prouillet, CRID14-18, septembre 2011

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Béthouart, Antoine (1889-1982)

En grand uniformeSource : http://promogalbethouart.free.fr/index.php?page=parrain_0.xhtml

1.  Le témoin

Né le 17 décembre 1889 à Dôle (Jura), Marie, Émile, Antoine Béthouart embrasse la carrière militaire (Saint-Cyr, promotion de Fez) en 1909. Il en sort en 1912 avec le grade de sous-lieutenant. Après la Grande Guerre, débute alors pour l’officier une période politique et militaire trouble d’entre-deux guerres qui se traduit par une déliquescence de l’armée française, laquelle va amener « au désastre » de la seconde guerre mondiale. Pourtant, il estime que « la disparition de l’armée allemande et le prestige de l’armée française victorieuse ont provoqué de nombreuses demandes de missions militaires françaises par les pays libérés de l’occupation ou de l’influence allemandes et qui avaient besoin d’organiser leur sécurité. » (page 126).

Il entre à l’école de guerre en 1920 et passe par diverses affectations dans l’armée alpine. En mars 1931, il est détaché en mission à Belgrade. Ainsi débute une aventure militaire et diplomatique dans l’imbroglio des Balkans soumis aux tensions européennes et à la montée du nouveau pouvoir allemand national-socialiste. La frilosité voire la démission politique française amèneront, malgré les informations précieuses de la légation française et des rapports adressés par l’officier, au lâchage de la Yougoslavie. Viennent alors l’Anschluss puis les différentes invasions de l’Axe, les fuites politiques de la France et de la S.D.N. devant la montée nazie avec l’aboutissement fatal d’une seconde guerre qui se déclenche. Le 1er août 1939, le colonel Béthouart prend le commandement, à Chambéry, d’une demi-brigade de chasseurs alpins et verrouille la Haute Maurienne en prévision d’une guerre avec l’Italie, qui restera neutre. Il participe à l’opération de Narvik, puis poursuit la guerre au Maroc, organisant l’opération Torch. Nommé général de division, il y gagne une mission militaire aux Etats-Unis afin de préparer le concours américain. Il débarque en Provence en août 1944, participe à la campagne de France, occupe l’Autriche puis se retire de l’active. Il garde un rôle politique et collabore au Figaro. Il décède le 17 octobre 1982 à Fréjus et est inhumé à Rue (Somme).

2. Le témoignage

Des hécatombes glorieuses au désastre, Paris, Presses de la Cité, 1972, 221 pages. La partie de ses souvenirs consacrée à la Grande Guerre occupe les pages 9 à 120.

Le général Béthouart poursuit avec cet ouvrage ses « Mémoires à l’envers« . Après avoir présenté ses années autrichiennes, de 1945 à 1950, puis ses années de la seconde guerre mondiale, il se souvient de sa jeunesse, de la Première guerre mondiale et de l’entre-deux guerres. Après un exposé sommaire nous présentant sa famille et l’armée à la veille de la guerre, il nous fait entrer dans le conflit avec le 152e régiment d’infanterie de Gérardmer (Vosges). Lieutenant, il apprend la déclaration de guerre à Longemer et part occuper le col de Louschpach. Puis il pénètre en Alsace par la vallée de Munster jusqu’à Wintzenheim, aux portes de Colmar avant de retraiter sur Saint-Dié pour y participer à la reprise du piton du Spitzemberg. Globalement, le 15-2 aura eu jusqu’alors moins de pertes que les autres régiments engagés. Aussi, l’hécatombe des officiers de la bataille des frontières oblige l’état-major à reconstituer les autres régiments exsangues.

Béthouart change d’unité et accède au commandement de la 7e compagnie du 158e RI avec laquelle il entre en ligne le 5 janvier 1915 face au bois de Berthonval, à dix kilomètres au nord d’Arras. Il y prend contact avec les tranchées et la boue sur un front qu’il qualifie de « monotone« . Cette situation ne durera pas et l’année 1915 sera terrible dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette. Prise par l’ennemi le 13 mai, le 158e est chargé de reprendre l’éperon. La bataille fait rage quand, debout sur le parapet, l’officier est gravement blessé à l’épaule. Il sera éloigné du front et déclaré inapte à l’infanterie. Après une longue convalescence, il parvient à être affecté à l’état-major de la 77e brigade qui stationne en secteur calme à Baccarat (Meurthe-et-Moselle). Le 17 février 1916, il est brusquement embarqué en train vers un nouveau front, à la veille de ce qui deviendra la fournaise de Verdun. Il y suit l’intensité de la bataille, d’abord à Fleury qu’il faut évacuer pour un abri-caverne de Froideterre, et à son élargissement à la rive gauche de la Meuse.

Le 1er juillet 1916, l’attaque anglo-française qui se déclenche sur la Somme voit la 77e brigade relever les unités anglaises dans le bois de Maricourt. Les attaques se succèdent entraînant de lourdes pertes pour la division, jusqu’au déclenchement de l’attaque française sur le Chemin des Dames. Après un mois de préparation, l’officier intègre le secteur ouest de Vendresse à la fin du mois de mars 1917. Dès le déclenchement de l’attaque, il constate, de l’état-major, l’échec de l’offensive dû à un dispositif linéaire et uniforme, faute indéniable, imputable au G.Q.G. Le capitaine Béthouart demande alors à son supérieur le commandement d’une compagnie, qu’il obtient immédiatement, le 10 mai 1917. A sa tête, il monte en ligne le 13 mai entre l’Epine de Chevregny et Braye-en-Laonnois et se trouve dès son arrivée sous le fouet de la mort. Il y subit à son tour la doctrine de l’attaque à outrance, comme aux jours les plus sombres de 1915. Ayant mal jugé la situation, il concède du terrain à l’ennemi, ce en pleine période de mutinerie. L’une d’elle se déclenche dans son secteur et nécessite sa diplomatie et son intervention énergique pour rétablir le calme.

Le 7 juin 1917, le 20e Corps est mis en repos en Lorraine, où les permissions sont rétablies et augmentées. Remis en secteur de Pont-à-Mousson, réputé calme, jusqu’au 6 janvier 1918, le 158e revient à Verdun. Il y restera engagé au nord de Vacherauville, secteur battu par une artillerie allemande « très active« . L’activité y est composée de patrouilles et de coups de main en attendant une attaque de plus grande ampleur. Le capitaine n’y participera pas. Il est nommé chef de bataillon, lequel est placé en réserve générale au printemps 1918 puis transporté, le 20 avril, en Belgique où les Allemands ont prononcé une attaque sur le Mont Kemmel. Le capitaine Béthouart reçoit l’ordre de contre-attaque le 30 et son action est décisive dans la sauvegarde de la situation. Malheureusement il est pris sous un tir de harcèlement dont un obus le blesse à la main et à la jambe. Il est évacué sur l’hôpital de Dinan et ne réintégrera une unité combattante que le 20 juillet suivant.

Les événements s’enchaînent alors rapidement et la déliquescence de l’armée allemande semble annoncer le dénouement. A la tête du 3e bataillon de son régiment, il va participer à l’irrésistible offensive franco-américaine devant Saint-Mihiel, déclenchée le 12 septembre. Projetant une large offensive de rupture en Lorraine pour la fin de l’année 1918, la division de Béthouart est relevée et placée en réserve à l’est de Nancy. C’est là qu’il va apprendre l’Armistice, « mélange d’incontestable joie, de soulagement, mais aussi d’une déception certaine de ne pas avoir terminé la guerre en territoire allemand » (page 119). Le 19 novembre, il entre triomphalement à Metz.

3. Analyse

Poursuivant son autobiographie militaire, le général Béthouart se souvient de son parcours de 14-18 dans le but de « montrer l’évolution de la guerre au cours de ces quatre années tragiques » (page 120).

Le lieutenant Béthouart n’a probablement pas tenu de carnet de guerre. Il a écrit ses mémoires militaires au soir de sa vie d’après ses souvenirs, mélanges de détails et d’imprécisions. Ainsi, les épisodes de guerre de l’officier sont rapportés en pointillés, avec une précision sommaire. Les combats sont tirés à grands traits, ponctués d’anecdotes et de commentaires, mais le récit est chronologiquement haché au gré des périodes de blessures ou d’inactivités relatives. Dès lors l’ouvrage apparaît comme un livre manqué par un témoin qui aurait pu se révéler exceptionnel tant par son affectation que par son parcours militaire, alternant régiment de couverture (le mythifié 15-2), officier d’état-major et commandant d’une compagnie d’attaque puis d’un bataillon. Malheureusement, la pauvreté d’intérêt du témoignage est navrante et le style narratif reflète cette absence de profondeur. L’ouvrage commence comme un exposé scolaire, relativement maladroit et contient ses impressions doctrinaires ; Béthouart est convaincu que le service militaire, réellement universel, favorise le brassage social (page 19) et impute à l’instituteur un rôle majeur dans la victoire « patriotique » de 1918 (page 29) ou d’impressions personnelles sur la stratégie qui hachent le récit.

Dans le détail, quelques anecdotes prêtent à la réflexion comme l’annonce de la mort du père de l’officier par l’Echo de Paris, début mai 1918, « seul moyen que ma mère ait trouvé pour m’annoncer cette triste nouvelle » ! (page 117). Blessé en mai 1915 devant Lorette, il nous donne une vue tragique d’un poste de secours (page 66) et évoque, plus loin, les « Morituri« , blessés insauvables (page 84). Sans s’étendre sur les mutineries, il évoque des hommes fatigués et nerveux, les limitant presque à un incident avec un gendarme, « hirondelle de malheur », tout en avouant mater la contestation au cours d’un « meeting forestier » (page 104).

Chronologie géographique du parcours suivi par l’auteur, (page) :

1914 : 3 août : Longemer (38), 6 août : secteur de Louschpach (39), 14 août : La Schlucht, l’Altenberg, Stosswihr, Soultzeren, col du Sattel (41), 16 août : Schmelzwassen (42), 20 août : Wihr-au-Wald (44), 21-27 août : Witzenheim (45), 28 août – 3 septembre : Wihr-au-Wald – La Chapelle-Sainte-Croix (45-49). Septembre : Spitzemberg (50)

1915 : 5-8 janvier : Dix kilomètres au nord d’Arras, face au bois de Berthonval (55), 8 janvier – 15 mars : Mengoval, alternance de secteur et de repos dans le secteur d’Aix-Noulette à Noeux-les-Mines (58-60), 15 mars – 14 mai : bois de Bouvigny – Notre-Dame de Lorette (60-66), 14 mai 1915 – 17 février 1916 : convalescence (66-77)

1916 : 17 février : Baccarat (77), 21 février : Revigny (77), 25 février : Regret, Fleury, Douaumont, Ouvrage de Froideterre (77-82), 11 mars : repos à Saint-Dizier (83), 3-14 avril : Cote 304 (84), 1er – 10 juillet : bois de Maricourt à 2 km au nord de la Somme et 13 km au nord de Péronne (86-88), 10-23 juillet : repos en arrière (88), 24 juillet – 8 août : attaques sur Maurepas (89), août – novembre : En réserve (90), fin novembre : Sailly-Saillisel (90), fin 1916 : repos en Lorraine (96)

1917 : 15 janvier : région de Château-Rhierry (96), 24 janvier – 27 février : pentes sud du Chemin des Dames (96), 28 février – 26 mars : nord-ouest de Château-Thierry (97), 26 mars – 21 avril : entre le canal de Braye et Vendresse (99-102), 10 mai : (commandant de compagnie) – attaque entre l’Epine de Chevregny et Braye-en-Laonnois (102), Juin : Nanteuil (104), 7 juin : région de Nancy (109), 25 juin 1917 – 6 janvier 1918 : région de Pont-à-Mousson (109)

1918 : 10 janvier : Toul (110), 15 janvier – 26 mars : Dugny – Verdun, nord de Vacherauville, Côte du Poivre, ravin de Vaudoines (110-112), 27 mars : région de Revigny (112-113), 20 avril – 5 mai : Roesbrugge, Mont Kemmel – Scherpenberg (113-117), (3 mai – 20 juillet) : hôpital de Dinan (117-118), 12 mai : Villers-Cotterêts (117), 20 juillet – 5 août : La Ferte-sous-Jouarre (118), 5 août – 12 septembre : secteur de Saint-Mihiel (118), 12 septembre : nord de Montsec, Buxières, Heudicourt, Vigneulles (119). 19 novembre : entrée à Metz (119)

Index des noms cités dans l’ouvrage – (page)

Soldat Lucien Forgeot, tué le 6 août (30), soldat Pierre Gross (39), soldat Aufray (tué) (40), colonel Nautré, tué dans les bois d’Ormont (51), commandant Prévot, chef d’un bataillon du 158e (15 mars 1915) (61), Girardot (62), lieutenant Bour (63), colonel Lebouc, artilleur, ancien professeur à l’école de guerre, commandant la 77e brigade de la 39e division du 20e Corps (à Baccarat le 16 février 1916) (77), capitaine Flageollet, capitaine commandant une compagnie du 146e RI tué à Douaumont le 26 février 1916 (79), capitaine Denis Cochin, du 146e, blessé le même jour (81), commandant Jacquesson, commandant le 3e bataillon du 146e (même période) (81), colonel Matter, commandant le 153e au Chemin des Dames (99), colonel de Coutard, commandant le 146e au Chemin des Dames (99), général Hellot, commandant une division sur le Chemin des Dames (17 avril 1917) (101), lieutenant de Vrégille, commandant de section au 146e, tué au Chemin des Dames le 13 mai (102), lieutenant Rouyer le remplace, prisonnier le 14 (103), capitaine Gauche, du 146e, tué vers le 15 janvier 1918 sur la côte du Poivre (110), adjudant de bataillon Nugue, tué le 30 avril 1918 sur le Mont Scherpenberg (116).

Bibliographie de l’auteur

La bataille pour l’Autriche, Paris, Presses de la Cité, 1965, 320 pages.

Cinq années d’espérance. Mémoires de guerre (1939-1945), Paris, Plon, 1968, 362 pages.

Des hécatombes glorieuses au désastre, 1914-1940, Paris, Presses de la Cité, 1972, 221 pages.

Yann Prouillet, CRID 14-18, septembre 2011

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Lechner, Jean (1893-1955)

1. Le témoin

Jean Lechner naît à Strasbourg le 14 juin 1893, d’un père alsacien et d’une mère allemande originaire de Düsseldorf. Cet exemple d’union mixte n’est pas inhabituel à cette époque en Alsace-Lorraine, surtout dans les grandes villes du Reichsland qui ont accueilli le plus grand nombre de migrants allemands au cours de l’Annexion. Né allemand, il poursuit sa scolarité jusqu’à l’obtention de l’Abitur, équivalent du Baccalauréat. Contrairement à la plupart des jeunes de son âge, il parle couramment français. Dès août 1914, à l’âge de 21 ans, il est mobilisé dans un régiment d’artillerie de l’armée allemande. Durant ses premiers mois de formation d’artilleur, il tire tous les bénéfices de sa bonne condition physique liée à une pratique régulière de la natation avant la guerre. Il rejoint le front de Champagne en février 1915 et y demeure jusqu’en avril, avant d’être transféré vers le front oriental en Pologne. En août, il est affecté aux équipes de téléphonistes. A sa grande satisfaction, sa campagne russe prend fin en septembre de la même année, quand il est redirigé vers la Champagne. Après avoir connu des combats très meurtriers dont il sort indemne, il est promu caporal le 20 octobre 1915. Un mois plus tard, il change de secteur pour celui de Verdun où il participe au début de la grande bataille en février 1916, avant d’obtenir sa première permission à Strasbourg le 1er avril. Là, il est affecté auprès d’une batterie de réserve à Schiltigheim afin de former les jeunes recrues. Il est par ailleurs cité à l’ordre de l’armée et décoré de la croix de fer 2e classe. Il repart au front à Verdun le 24 juin 1916. Ensuite, les permissions dans sa famille sont plus fréquentes et il connaît des promotions successives : le 1er janvier 1917 il est promu maréchal des logis, puis le 3 juillet lieutenant de réserve. Parallèlement, il intègre une formation d’officier d’artillerie qui  lui permet de quitter le front régulièrement pour des périodes variables. A chaque fois, ces périodes sont accueillies avec beaucoup de soulagement, comme autant de jours de répit loin du front (p.115). Après une dernière formation sur la logique de guerre entre le 25 juillet et le 8 septembre 1918, il rejoint le front dans les Ardennes. Bien que la guerre ne laisse plus aucun espoir de victoire du côté allemand, cet Alsacien est encore décoré de la croix de fer 1ère classe le 5 novembre. Malgré quelques difficultés rencontrées au passage du Rhin avec les troupes françaises, il peut enfin retrouver sa famille au début du mois de décembre 1918. Réintégré dans la nationalité française, il se marie en 1922 puis s’installe avec sa femme à Colmar, où il obtient un poste de fonctionnaire à la préfecture. Son passé militaire sous l’uniforme allemand le rattrape en 1940 quand l’Alsace est annexée de fait par l’Allemagne nazie. Les nouvelles autorités en place tentent alors de se rallier cet ancien officier de l’armée impériale, mais en vain car malgré les pressions et les menaces d’expulsion, celui-ci demeure hostile au IIIe Reich. Redevenu français en 1945, il s’éteint 10 ans plus tard, en décembre 1955.

2. Le témoignage

« Journal de la guerre 14/18 du soldat Jean Lechner », in Catherine Lechner, Alsace-Lorraine. Histoires d’une tragédie oubliée, Séguier, Paris, 2004, p.13-176.

Jean Lechner a rédigé son journal de guerre en allemand et semble avoir mis un point d’honneur à le tenir le plus régulièrement possible, depuis sa mobilisation jusqu’à son retour des armées. Ce n’est cependant pas la forme originale de ce journal qui a été éditée ici, mais la version traduite en français par les propres soins de son auteur. En effet, une fois la guerre terminée Jean Lechner entreprend de traduire son journal. Cela lui semble être un « bon exercice » linguistique au moment où le français redevient la langue officielle dans sa région natale (p.167). Il décide ensuite de brûler le journal original en allemand, comme pour effacer un peu d’un passé devenu controversé dans le contexte d’effervescence tricolore qui suit la réintégration de l’Alsace-Lorraine à la France. Cela rend donc impossible toute confrontation entre la source originale et sa traduction. Catherine Lechner, qui est à l’origine de sa publication, n’y a apporté aucune modification.

3. Analyse

Le premier intérêt d’un journal de guerre est d’offrir à l’historien une multitude de détails sur la vie quotidienne des soldats. Outre les qualités littéraires de Jean Lechner, la longueur de son service (52 mois) et la variété des théâtres d’opération sur lesquels il a été engagé font de son témoignage un outil remarquable pour appréhender les difficiles conditions de vie au front. Le froid (p.133), la boue (p.33, 39), les poux et plus généralement la mauvaise hygiène (p.34, 39, 52) sont des thèmes omniprésents, tout comme les préoccupations quotidiennes du soldat en dehors des combats : la faim, la soif et l’alimentation (voir notamment p.54, 102) occupent une place importante, de même que l’épuisement, la fatigue (p.85, 102), l’attente du courrier et la joie lors de son arrivée (p.45, 58, 78), ou encore la participation aux offices religieux (p.39, 110, 113, 127, 131, 139).

Ce témoignage permet également de suivre le parcours d’un soldat qui commence comme artilleur et finit la guerre comme officier. Les spécificités de la condition d’artilleur apparaissent au fil des pages, avec les changements réguliers de position, les longues marches, les travaux pour l’installation et le camouflage des pièces d’artillerie, puis les bombardements (l’auteur s’applique souvent à noter le nombre d’obus tirés), le bruit assourdissant qui occasionne des maux de tête, des vertiges, ou des saignements du nez et des oreilles (p.40). Pour Jean Lechner, à force de répéter sans cesse les mêmes gestes, la « guerre devient un métier » (p.63). Bien que moins soumis aux assauts de l’infanterie ennemie, l’artilleur craint des bombardements souvent meurtriers. Par ailleurs, Lechner est parfois désigné pour faire le guet en première ligne, ce qui constitue pour lui des moments où « la tension est à son comble » (p.57). Il connaît également l’épreuve du feu en première ligne en tant que téléphoniste, une fonction qui nécessite d’assurer les réparations des lignes lors des assauts. Cependant, malgré les risques encourus, il effectue son travail consciencieusement. Cela lui vaut de monter en grade et d’obtenir ainsi de meilleures conditions de vie, avec des heures de repos régulières, le confort d’un lit, une meilleure nourriture, une meilleure solde, et plus de temps libre qu’il peut mettre à profit pour ses loisirs (promenades à cheval, natation, théâtre, concerts ou casino).

Le style assez personnel d’un journal de guerre permet de pouvoir suivre l’évolution du moral de son auteur. Ici, le « cafard » et l’angoisse de la mort sont deux sentiments qui reviennent sans cesse. Dès août 1914, Jean Lechner fait part de ses réticences face à la guerre : « nous sommes jeunes et ne demandons qu’à vivre, à faire du sport, à poursuivre nos études et fonder une famille » (p.24). Puis, à partir de son baptême du feu en février 1915, il transcrit régulièrement et sans pudeur dans son journal la peur qui l’agite (p.34). Cette angoisse de la mort est très étroitement liée à sa profonde envie de vivre et/ou survivre à cette épreuve  (« je ne veux pas mourir » est une formule qui revient souvent). Tandis qu’à certains moments il veut croire à la bonne étoile qui l’a maintenu en vie quand ses camarades tombaient à ses côtés (p.74, 79), à d’autres sa désillusion est si grande qu’il se résigne à attendre une mort qui lui semble aussi certaine que prochaine (« J’ai un fort pressentiment. Cette fois je ne reviendrai pas », p.69. Voir aussi p.87-88). Ainsi, après la mort de ses plus proches camarades en septembre 1915, il n’attache plus aucune importance à sa vie et se porte volontaire pour des missions hautement dangereuses, qu’il s’agisse de faire le guet dans des postes d’observation pris pour cible par l’ennemi, ou bien d’aller réparer des lignes téléphoniques sous le feu de la mitraille. Il en sort pourtant à chaque fois indemne, et ses actes désespérés sont perçus par sa hiérarchie comme autant de preuves de courage et de bravoure qui lui valent une promotion au grade de caporal (p.89). Cependant, même avec les améliorations successives de sa condition, son fatalisme reprend régulièrement, notamment à partir de son arrivée à Verdun (« je vais mourir (…)  je ne reviendrai jamais de là », p.99). De la même manière, le cafard ne le quitte jamais longtemps et, même en permission auprès des siens, il a du mal à retrouver le calme intérieur auquel il aspire (p.58, 106, 150). Une forte lassitude se développe chez lui au cours de l’année 1918 devant une guerre qui ne se termine pas, accompagnée d’une amertume profonde envers les décideurs (« je hais ceux qui ont fait cette guerre » p.149, à nouveau p.162).

Enfin, l’intérêt principal de ce journal est de nous offrir un bon exemple de la complexité du cas des Alsaciens-Lorrains au cours de la Grande Guerre. Même s’il ne porte pas un grand intérêt aux affaires politiques de sa région natale, Jean Lechner semble être de tendance autonomiste, dans une famille dont le père et le frère sont francophiles et la mère allemande de naissance. Aussi, il est très vite confronté à un questionnement identitaire et s’interroge souvent sur le sens à donner à cette guerre. A la veille de son départ au front, il note : « Je n’ai pas de haine pour l’ennemi. Qui est l’ennemi, au juste ? Les Français aux côtés desquels certains de mes amis sont allés se battre ou les Allemands, les fils du pays de ma mère ? » (p.31). Cependant, les combats meurtriers auxquels il participe l’éloignent temporairement de ces réflexions, et il semble alors exercer son « travail » de soldat sérieusement et loyalement, sans jamais penser à déserter pour rejoindre les lignes françaises, ni hésiter à les combattre. Le 25 mars 1915, sur le front français, il écrit : « nous prenons des centaines d’obus sur la tête, j’en ferai prendre autant à mes ennemis (…) il faut tuer pour vivre » (p.41). Arriver à finir la guerre en vie et sans mutilation le préoccupe davantage que l’avenir politique de l’Alsace-Lorraine, qui fait pourtant l’objet de grands débats à l’arrière (p.107-108, et p.125 : « nous, Alsaciens, sommes les soldats oubliés de cette guerre (…) si plus tard je devais rester allemand ou devenir français, que m’importe »). Pourtant, les victoires alliées de l’été 1918 réactivent les questions d’identités et de sentiment d’appartenance : « beaucoup d’Alsaciens voudraient redevenir Français. Je le voudrais bien aussi » (p.159). Grâce à l’Armistice et à la démobilisation rapide de l’armée allemande, Jean Lechner arrive en gare de Kehl (première ville à l’est de Strasbourg, de l’autre côté du Rhin) le 4 décembre 1918. Impatient de retrouver les siens, il se heurte cependant aux contrôles des troupes françaises stationnées à la frontière. Ce n’est qu’après de longues heures d’interrogatoire qu’il peut enfin retrouver ses proches. Comme beaucoup d’Alsaciens-Lorrains rentrés de l’armée allemande défaite, il vit mal la méfiance dont il fait l’objet à son retour dans la région natale, autant celle des nouvelles autorités françaises en place que celle d’une population devenue hostile à tout ce qui rappelle l’Allemagne (« nous rentrons chez nous où notre population maudit les soldats allemands » p.166). Son malaise se poursuit les journées suivantes, quand toute la ville est plongée dans une euphorie tricolore à laquelle il se sent étranger : « je me sens très fatigué devant cette effervescence, ce déploiement d’enthousiasme. (…) Les cafés sont bondés de gens qui crient leur haine de l’Allemagne. Je ne crois pas qu’aucun soldat alsacien revenant du front puisse s’exclamer de la sorte. Nous sommes avant tout heureux d’être vivants. Des voisins à mes parents s’interrogent sur mon indifférence devant la victoire des Français et me soupçonnent presque d’être germanophile » (p.167). Trouver une place dans la nation du vainqueur après avoir combattu dans les rangs du vaincu : ce passage exprime très bien la difficulté que ces soldats rencontrent à partir de leur retour pour se réintégrer dans une société alsacienne-lorraine qui a radicalement changé depuis leur départ.

Raphaël GEORGES, août 2011.

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Préauchat, Elie (1876-1935)

1. Le témoin

Élie Préauchat est né le 10 mai 1876 à Saint-Launeuc (Côtes d’Armor) au lieu-dit La Bruyère, dans une ferme du château, disparue aujourd’hui. Il est le cadet d’une fratrie de cinq enfants. Très tôt, il travaille à la petite exploitation familiale mais fréquente aussi un peu l’école communale. Il épouse en 1909 Léonie Herpe, sa cousine germaine ; ils auront trois enfants.

Élie Préauchat fut mobilisé dès le 4 août 1914, comme soldat de 2ème classe à la 9ème compagnie du 74ème Régiment d’Infanterie Territoriale de Saint-Brieuc. Cette unité commença d’abord par surveiller les côtes de Normandie avant d’être appelée, dès octobre 1914, à renforcer le dispositif de défense du front dans le secteur d’Ypres. Après un hiver très éprouvant pour ces « vieux » soldats que les énormes pertes éprouvées par l’armée française de l’avant pendant les premières semaines de guerre condamnaient à tenir les tranchées, ce fut la terrible attaque allemande aux gaz du 22 avril 1915. Élie Préauchat y est fait prisonnier. Il subit d’abord les dures conditions de vie du grand camp de Meschede où il retrouve son frère cadet Jean-Baptiste. Tous deux étaient si amaigris, si affaiblis, si mal rasés qu’ils ne s’étaient pas reconnus au premier abord. Il apprend alors la mort accidentelle de son fils Pierre, âgé de 2 ans ½, décédé accidentellement, ébouillanté par de l’eau chauffant dans la cheminée alors que sa mère aidait les voisins à planter des choux. Le 21 juin 1915, il est détaché pour travailler dans une ferme à Lochtrop, non loin de Meschede. Il n’y subit pas de sévices, bien au contraire, mais connut, avec la population allemande, les privations. Après sa libération et jusqu’à sa mort, il resta en contact avec ses anciens « gardiens », des fermiers allemands qui lui avaient prédit une revanche pressentie par l’arrivée au pouvoir du Chancelier Hitler en 1933. Il n’eut pas le temps de connaître la suite.

De retour chez lui à Saint Launeuc, en mars 1919, il reconnut au milieu d’un groupe d’enfants sa fille Marie, âgée de 7 ans qu’il n’avait pas vue depuis 4 ans. Il rapporte ce journal de guerre écrit en Allemagne au cours de sa captivité, ainsi que ses carnets de captivité.

Il reprit son travail de cultivateur jusque sa mort, le 14 septembre 1935 des suites de problèmes pulmonaires, séquelles de l’attaque du 22 avril 1915. Il repose au cimetière de Saint-Launeuc.

2. Le témoignage

Carnets de guerre et de captivité d’Élie Préauchat, Janvier 2006, Bretagne 14-18, 76 pages (format 21×29)

Durant la Grande Guerre, Élie Préauchat a toujours pris des notes sur des carnets. À la mi novembre 1914, à l’occasion d’une violente attaque allemande, il écrit : « Les hommes disent qu’ils vont être prisonniers, ils sont presque cernés. La plupart se débarrassent de lettres et écrits compromettants. J’enterre mon calepin où j’inscrivais mes mémoires et mes lettres où il était question des Allemands. » (p. 22) C’est à cette occasion que le premier carnet de notes d’Élie Préauchat a disparu.

Le 22 avril 1915, après une vaine résistance des hommes du 74ème R.I.T. en ligne, Élie Préauchat essaie de se sauver vers l’arrière, abandonnant son sac et vraisemblablement son deuxième carnet de notes. À Meschede, en mai 1915, il nous dit n’avoir pour tout bien que sa gamelle (p. 40).

Dès son arrivée au camp de Meschede, il relate les événements de sa vie quotidienne et note ses impressions sur un troisième carnet constitué d’un petit calepin allemand couvert de Moleskine, contenant les calendriers 1915 et 1916 ainsi que des renseignements postaux.

Le dimanche 3 octobre 1915, il nous dit : « J’écris mes Mémoires de la guerre. Je ne peux me rappeler tout. » Il vient d’ouvrir un quatrième livret de notes sur lequel il a reconstitué ses « Souvenirs des principaux faits de guerre pendant son séjour au front ». Tous les dimanches, il rédige son texte de mémoire et certainement avec l’aide de compagnons du 74ème R.I.T., prisonniers comme lui à Lochtrop. Une fois ce texte terminé, il le retranscrit consciencieusement sur le Tagebuch qu’il vient d’acheter, cahier d’écolier allemand contenant également un emploi du temps d’élève et les cartes des colonies allemandes : le Cameroun, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Sud.

Sur ce cahier d’écolier allemand est transcrit le journal de guerre (août 1914-22 avril 1915) qui constitue la première partie du document publié.

La deuxième partie (avril 1915-août 1916) est un véritable carnet rempli de ses notes écrites au jour le jour, tout d’abord au camp de Meschede puis dans une ferme de Lochtrop. Ce texte s’arrête le 27 août 1916, à la fin du cahier. Très organisé, Élie Préauchat notait méthodiquement sur ce petit document la date des lettres écrites ainsi que l’expéditeur et la date de réception des lettres et des colis. On peut penser qu’il a continué à prendre des notes sur d’autres carnets ou cahiers mais que ceux-ci n’ont pas été conservés ou n’ont pas encore été découverts dans les archives familiales (le Tagebuch a d’abord été retrouvé par un arrière petit-fils à qui, plusieurs mois plus tard, une tante remettait le 3ème carnet oublié dans un vieux tiroir).

3. Analyse

Les témoignages de simples soldats ne sont pas très fréquents et celui d’Elie Préauchat est de qualité. Ce petit paysan de la partie « gallo » de la Bretagne, est de la province non bretonnant, n’a été que quelques mois à l’école communale mais il y a acquis le plaisir et le désir d’écrire et une belle et bonne culture. L’écriture est de qualité, le style est travaillé, l’orthographe est presque toujours correcte. Il veut témoigner et le fait de façon exemplaire : « Si la mort venait à me frapper pendant ma captivité, je prie celui de mes camarades ou autres de faire parvenir ce petit récit à ma famille qui serait reconnaissante à celui qui le lui ferait parvenir. » (p. 34)

Dans ce qui est son journal de guerre (1re partie), il relate de façon précise ce que furent les conditions de vie et de combat de ces territoriaux qui n’auraient jamais dû devenir des combattants de première ligne et qui furent traités, peut-être plus que leurs camarades plus jeunes, de façon indigne. Il écrit ne point se permettre de critiques car il est « trop patriote pour blâmer (son) pays »mais ce qu’il confie pages 32 et 33 est sans appel.

Dans son carnet de captivité (2e partie), Élie Préauchat décrit d’abord la vie étriquée et bornée du prisonnier d’un camp, le bonheur des retrouvailles avec son frère, les privations, le profond ennui, les attentes des colis et des lettres. La mort accidentelle et horrible de son jeune fils Pierre l’affecte tout particulièrement mais ce chrétien convaincu s’y résigne. Il conserve un esprit patriote et est à l’affût des nouvelles, encourageantes ou décevantes. Il s’élève contre ce soldat de son pays, compagnon de captivité qui est volontaire pour travailler et ainsi gagner de l’argent (p. 40). Tout change lorsqu’il est envoyé lui-même d’office dans une ferme. Il se trouve alors mêlé à la population allemande et est en régime de semi liberté. Au milieu de ces « ennemis » civils, point de haine et point d’exactions. La nourriture devient bien meilleure et il grossit. Le travail est rude mais sans contrainte excessive. Un climat de confiance règne entre le groupe de prisonniers et les patrons (dont le fils part à la guerre). Cette rédaction peut sembler très répétitive, mais elle est fidèle à ce qu’était la succession lancinante des jours et des travaux, est le reflet des « jours monotones » des captifs. Il souffre surtout de l’éloignement des siens ; les Allemands qu’il côtoie chaque jour subissent aussi la guerre, tout en espérant la gagner, comme les prisonniers français…. Lorsque la nourriture devient moins abondante, ce dont il se plaint à plusieurs reprises, c’est parce que les privations atteignent la population allemande (p. 71).

Témoignage rare, car rédigé vraiment sur place, quotidiennement. Témoignage sans concession mais sans outrance. Témoignage d’un honnête homme attaché à son pays et à sa famille, désirant la victoire de sa Patrie, mais comprenant aussi les douleurs et malheurs de « ceux d’en face » et déplorant « que la folie humaine a fait commettre beaucoup de crimes » (p. 55).

René Richard, août 2011

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Belleil, Jean-Baptiste (1877- 1970)

1. Le témoin.

Jean-Baptiste Belleil est né en 1877 dans une famille modeste de Loire-Atlantique. Après son Certificat d’Études Primaires et quelques années d’apprentissage, il contracte un engagement, à l’âge de 19 ans, au 35e RAC de Vannes. Il fut en garnison à Vannes, puis, à compter du 9 janvier 1912, au 31e RAC au Mans, en qualité de sous-lieutenant. Lieutenant le 9 janvier 1914, il fût aux Armées du 2 août 1914 au 20 juillet 1915 (front de Verdun, puis Vosges et Alsace). À cette dernière date et après avoir été trois fois blessé (7 septembre 1914 ; 28 avril 1915 ; 20 juillet 1915), il fût affecté au 104e régiment d’artillerie lourde, au Mans. Marié, père de 4 enfants de deux mariages, il est décédé le 27 juillet 1970 à Pontivy (56), où il s’était retiré après son départ à la retraite. Il était le beau-frère du capitaine Charles Mahé, commandant d’une compagnie du 48e RI de Guingamp, disparu à Roclincourt le 9 mai 1915, dont Bretagne 14-18 a également publié les carnets et lettres de guerre.

2. Le témoignage

Lieutenant Belleil J.B., Récit de guerre d’un officier d’artillerie (Période du 1er août 1914 au 12 février 1915), Adaptation Julien Prigent, Septembre 2005, Bretagne 14-18, 134 pages (21×29) – I.S.B.N. : 2-913518-35-4

Jean-Baptiste Belleil résume en avant-propos de ses mémoires, ce qui les a motivés :

« Cédant aux sollicitations pressantes et réitérées de mes enfants, je me décide à l’âge de 87 ans, à transcrire aussi fidèlement que possible sur les pages qui suivent, en consultant mes différents carnets où ils sont consignés au jour le jour, les principaux évènements de la journée, en remémorant mes souvenirs sur les faits dont j’ai été le témoin, l’auteur, le confident … ainsi que quelques correspondances et pièces d’archives en ma possession. » (p. 6)

Il rédigea sa chronique de guerre sur des carnets. Son récit nous conduit du 1er août 1914 au 12 février 1915. Les carnets suivants, de cette dernière date jusqu’à juillet 1915, mois où cet officier, blessé pour la troisième fois, quitta véritablement le front, n’ont pas été retrouvés.

Pendant toute cette narration, le lieutenant Belleil est au 31e régiment d’artillerie de campagne du Mans. Ce régiment va débarquer dans la zone des Armées, à Consenvoye, au nord immédiat de Verdun, le 12 août 1914, au sein de la 54e division de réserve, unité du Groupement des divisions de réserve de la défense de Verdun. Il va d’abord être engagé lors de la bataille de Spincourt, du 23 au 25 août, puis retraiter vers Verdun. Du 4 au 8 septembre, ce sera la dure bataille de la Vaux-Marie. Le 8 septembre, bien que blessé, il est appelé à prendre le commandement de la 25e batterie du 31e RAC.. À partir du 14 septembre, le régiment poursuit les Allemands jusqu’au nord de Verdun. Ce seront ensuite les combats pour Saint-Mihiel puis, à partir du 21 octobre 1915, la participation aux combats pour les Éparges. Le 5 décembre, Pierre Belleil doit céder la place de commandant de batterie à un certain capitaine B. , vieux réserviste du Train des Équipages, ami de Sarrail mais sans aucune expérience de l’artillerie et du front dont il devra sans cesse combler les incompétences en dirigeant de fait la batterie. Cette situation étrange se prolongera jusqu’au 31 janvier, date où le capitaine B. sera relevé et remplacé. Le lieutenant Belleil ressentira toujours de l’amertume de cette rétrogradation. Quand le journal se clôt, le 12 février 1915, le régiment est toujours en position sur la Calonne et près des Éparges.

3. Analyse

Ce récit n’est pas un document brut écrit à chaud ou en léger différé. C’est une reprise tardive de souvenirs basés sur des écrits d’époque, des carnets personnels peu structurés, des correspondances ou sur la seule mémoire mais avec l’intention certaine d’une rédaction autre que les carnets qui sont souvent des notes à l’emporte-pièce, des pensées résumées à quelques mots sans souci de syntaxe, de préoccupations quotidiennes et prosaïques. Ici nous avons quelque chose de construit avec une recherche de style. C’est un récit destiné à être lu et donc, nécessairement, cohérent dans la chronologie et dans l’écriture. C’est un récit écrit par un homme cultivé et soucieux d’éviter toute grossièreté de langage. Il semble que, même, il en arrive à un excès d’écriture que l’on n’attend pas à trouver chez un ancien combattant de la Grande Guerre. Par exemple, le mot « boche » n’apparaît jamais dans son texte qu’il a certainement épuré, car d’après sa famille, il usait toujours de ce qualificatif quand il évoquait la Guerre. Cela n’enlève rien à l’intérêt du récit, même si l’on est coutumier de propos plus cavaliers de la part des anciens de 14-18. Mais il dénote un certain apprêt qui peut ne pas cadrer avec ce qui fut dit ou vécu réellement au sein de sa batterie.

Au début du conflit, le récit présente un intérêt certain quant au fonctionnement d’une batterie constituée de réservistes qu’il faut reprendre en main, instruire le plus rapidement possible afin de les préparer aux opérations de guerre qui ne vont pas tarder.

L’auteur a, certes, eu l’intention de transmettre l’expérience de sa participation au conflit mondial mais transparaît aussi un dessein pédagogique : il veut expliquer la bonne marche d’une batterie de 75, avec ses déplacements toujours compliqués, quand il fallait sortir les canons de la boue et les évacuer sous le feu de l’ennemi ; on découvre aussi le casse tête et les astuces de l’intendance, des cantonnements de centaines d’hommes et de dizaines de chevaux, des approvisionnements d’une batterie en munitions, en nourriture, en fourrage, en avoine ; il détaille enfin les techniques de repérage, de camouflage ou de choix des positions de tir. Ce témoignage est très précieux car il décrit, à côté de la chronique des combats, leurs coulisses, moins clinquantes mais indispensables et rarement évoquées.

Il n’élude pas la complexité des relations humaines au sein d’une grosse unité en temps de guerre. Son passage sur l’arrivée du capitaine B., certes ami du général Sarrail mais artilleur totalement incompétent, et sur ses contacts avec cet officier dont il dut sans cesse réparer les bévues, est parfois savoureux mais on ressent bien que, même à 87 ans, J.B. Belleil, officier sorti du rang, estimant n’avoir pas failli, n’avait toujours pas accepté son éviction de la fonction de commandant de batterie.

René Richard, août 2011

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Curien, Henri-Georges (1877-1922)

Source de l’image Carnets de guerre de Georges Curien

1. Le témoin

Né à Fresse-sur-Moselle (Vosges) le 20 décembre 1877, Henri-Georges Curien a 37 ans lorsqu’il est mobilisé en 1914 au 43e RIT d’Épinal. Marié, père de deux petites filles, il exerce la profession de sagard, employé de scierie, au Thillot. Caporal à l’issue du service militaire, il est « heureux et fier » de devenir sergent en juin 1915. Passé au 250e RIT, puis au 112e RIT, il finit la guerre dans un bataillon de pionniers de la 61e DI. Il est démobilisé le 21 janvier 1919. Il reprend alors son travail et devient directeur de la scierie Boileau au Thillot. Il meurt le 26 février 1922, usé par quatre années de guerre.

2. Le témoignage

Le carnet original compte 97 pages rédigées entre le 19 décembre 1914 et le 21 janvier 1919. Il est publié sans retouches, sauf les accords de participes avec lesquels l’auteur entretenait des « rapports inamicaux » (p. 12). Le livre, Carnets de guerre de Georges Curien, territorial vosgien, paru aux éditions Anovi en 2001 (95 p.) est précédé d’un long avant-propos de son arrière-petit-fils, Éric Mansuy, qui illustre le parcours initiatique de celui-ci dans la passion pour 14-18, et illustré de quelques photos et de croquis de secteurs vosgiens. Dans sa préface, Jean-Noël Grandhomme tire trop rapidement le témoignage vers le thème à la mode de la « brutalisation ». Certes, Curien emploie à plusieurs reprises les termes de « sales Boches », « race maudite », « hordes tudesques » ; certes, le 28 décembre 1914, il écrit qu’il souhaite « le bonheur d’en décrocher un au bout de notre fusil ». Mais ces expressions disparaissent après janvier 1916, et les Allemands ne sont plus que « les Boches ». À s’en tenir à ce seul argument, on assisterait plutôt à une « débrutalisation » dans le cours de la guerre. En effet, le témoignage montre aussi, du début à la fin, l’importance des liens de tendresse familiale, qu’il s’agisse des allusions à sa femme et à ses filles, ou du souci de leur mentir pour ne pas les inquiéter. « J’en profite pour écrire à mes chéries, mais je suis obligé de leur mentir car, si elles savaient, quels tourments ! » (p. 30, et aussi p. 37). Le 21 février 1915, Curien souhaite le déclenchement d’une offensive « qui nous amènera la victoire et le retour au foyer ». Le 11 novembre 1918, le mot « victoire » n’est pas écrit ; c’est seulement « la fin des hostilités et la signature de l’armistice ». Puis : « L’année 1919 nous apporte la libération tant attendue, chacun va reprendre place au milieu des siens. Pour ma part, j’espère avoir bientôt oublié les misères et les souffrances endurées pendant le cours de cette guerre. Les caresses de mes chéries y pourvoiront. »

3. Analyse

Vosgien, Georges Curien, qui a occupé des secteurs du massif des Vosges jusqu’en 1918, a toujours rencontré des civils affables et se trouvait non loin de chez lui, ce qui l’avantageait pour les permissions. Il est entré tardivement dans la guerre et il est resté plutôt « sur les marges de l’enfer » (Jean-Noël Grandhomme), menant au début une « véritable vie de caserne à la campagne » (Éric Mansuy). Son baptême du feu date du 11 mars 1915 ; le 30 mai, il court pour la première fois un risque très sérieux ; le 4 octobre, il tire ses premières cartouches, sans cible car c’est une fausse alerte. Restent les corvées, le froid et la neige, les bombardements. Du 8 août 1916 au 11 février 1917, il est loin du front, obtenant successivement une évacuation pour entorse, une autre pour angine, de nombreuses permissions de tour normal ou de convalescence et un mois de repos. Les bombardements sont encore dangereux en mars 1917, ainsi que les coups de main : le 15 juin, au retour d’une permission qui lui a permis de passer les fêtes de Pentecôte en famille, il note qu’une embuscade boche a entraîné « la perte de trois hommes dont un caporal traîtreusement assommé et tué à coups de gourdin ». Les notes se réduisent en 1917 et 1918, faisant cependant apparaître de « pénibles moments » en mars 1918 lors de l’avance allemande, alors qu’il a quitté pour la première fois le front des Vosges.

Chronologie géographique du parcours suivi par l’auteur, (page) :

1914: 1er août : Epinal (25) – 5 août : Fort de Longchamp (25) – 18 août : Jeuxey (25) – 26 octobre : Aydoilles (25) – 19 décembre : Aydoilles à Bru via Rambervillers (25) – 20 décembre : Saint-Benoît-la-Chipotte, Col de la Chipotte, Thiaville-sur-Meurthe, Lachapelle (26) – 31 décembre : Baccarat, Hablainville, cote surnommée Notre-Dame-de-Lorette (29)

1915 : 5 janvier : Ogéviller (30), 11 janvier : Hablainville, Neufmaisons (31), 12 janvier : col de la Chapelotte, Péxonne, Badonviller, Vacqueville (31), 14 janvier : Neufmaisons (32), 20 janvier : Bertrichamps (34), 21 janvier : Raon-l’Etape, col de la Chipotte, Bru, Rambervillers, Vomécourt (34), 22 janvier : Aydoilles (34), 27 février : Epinal, Fraize (36), 28 février : La-Croix-aux-Mines, le Chipal (36), 1er mars : Saint-Dié, caserne de Saint-Roch, Mandray, Saulcy-sur-Meurthe (36), 11 mars : Pré de Raves, poste 3 (Coq de Bruyère), poste 4 (Wuestenloch), poste 5 (la Roche des Fées) (37), 19 avril : Fraize, Saint-Dié (42) , 29 avril : Robache (43), 8 mai : Denipaire (44), 10 mai : Robache, Saint-Michel-sur-Meurthe, Nompatelize, Ban-de-Sapt, la Fontenelle (44), 1er juin : Denipaire (46), 24 juin : la Fontenelle, bois Martignon (47), 19 juillet : Saint-Jean-d’Ormont, Moulin de Frabois (66), 27 juillet : Battant de Bourras (67), 28 septembre : Saint-Dié, Raon-l’Etape, Celles-sur-Plaine, secteur de Viragoutte (67), 7 décembre : hameau des Colins, Allarmont, Viragoutte, Pierre-à-Cheval, avant-poste « du Père la Victoire » (69)

1916 : 9 mars : (par train) Baccarat, Lunéville, Rambervillers, collet de la Schlucht, secteur du Linge (70), 21 mai : Cornimont (71), 13 juin : Kruth (ferme de Hüss), Sondernach (camp Micheneau) (71), 26 juin : Wildenstein, col de Bramont, Feignes-sur-Vologne, le Collet, le Tanet (72), 6 juillet : Sulzern (72), 28 juillet : Secteur entre Stsswihr et le Reichackerkopf (72), 11 août : Hôpital de Gérardmer (72), 2 décembre : Camp de Tinfronce, au-dessus du col du Bonhomme (73)

1917 : 5 janvier : Secteur devant le village du Bonhomme, Fraize (73), 31 janvier : Taintrux, Marzelay, Nayemont-les-Fosses, Saint-Dié (73), 20 février : Secteur du Linge (camps Bouquet et Morlière) (73), 21 mars : Cote 650, secteur d’Orbey-Pairis (74), 4 avril : Weber, secteur de la Tête des Faux (76), 15 juillet : Au-dessus de Sulzern (77), 22 septembre : Le Tanet (camp Lemoing), 12 novembre : Ampfersbach, secteur du Rudlin (camp de Reichberg) (78), 13 décembre : Camp Nicolas (78), 24 décembre : Segmatt (78), 28 décembre : Secteur du Reichackerkopf (78)

1918 : 6 février : Ravin du Chevreuil, pente est du Reichackerkopf (78), 16 février : Gerbépal (78), 22 février : Lepuix secteur de Giromagny (78), 22 mars : Belfort (79), 26 mars – 6 avril : Tricot, Welles-Pérennes, Pierrepont-Hargicourt, ferme Filescamps, Chirmont, la Hérelle, Gannes (79), 2 mai : Rotibéquet près de Saint-Just, Longueil (80), 8 mai : Gerbéviller, Marainviller, forêt de Parroy, Thiébauménil (80), 3 septembre : Rosnay-l’Hôpital, Suippes, Mourmelon-le-Grand (80), 18 septembre – 11 novembre : Bois de Cauroy, Ménil-Annelles, Camp Baudet entre Annelles et Bignicourt, Pauvres, Saulces-Champenoise, Mont-Laurent, Ecordal, Mazerny, La Francheville (81), 11 novembre – 30 décembre : Montigny-sur-Vence, Boutancourt, Nouvion-sur-Meuse, Bévilly, Lambermont (Belgique), Rossignol (Belgique), Nobressart, Bigonville (Luxembourg), Mercher, Kaundorf, Kautenbach, Goesdorf, Grasboux (Belgique), Toernich, Réhon près de Longwy (81 – 82).

Secteurs cartographiés (pages) :

Secteur Saint-Dié – Raon-l’Etape avec lignes de front (33)

Secteur du Pré de Raves au Linge avec lignes de front (41)

Secteur le Linge – Krüth et lignes de front (75)

Zone d’opérations du 2ème bataillon du 43ème R.I.T. entre le fort de Manonviller et Krüth (83)

Yann Prouillet & Rémy Cazals, juillet 2011

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