Delattre, André Lucien Maurice (1890 – 1945)

Ils ne sont pas passés !, Paris, Société des écrivains, 2013, 339 p.

1. Le témoin

André Delattre est né à Boulogne-sur-Mer en 1890. Il étudie le Droit à la Faculté de Lille puis est incorporé en 1912 au 72e RI d’Amiens. Malgré un niveau d’instruction 5 (licencié en Droit), il refuse à plusieurs reprises de devenir caporal et fait toute la guerre comme simple soldat, puis brancardier et infirmier. Il reste dans le même régiment du début à la fin des hostilités, avec deux évacuations pour maladie. Après la guerre, il est juge d’instruction en 1925 puis magistrat du siège ; il décède en 1945.

2. Le témoignage

Éric Lafourcade, érudit local à Soustons (Landes), a publié en 2013 « Ils ne sont pas passé ! » (André Delattre, Société des écrivains, 339 p.) à partir d’un texte dactylographié anonyme retrouvé dans une maison de Léon (Landes). Un patient travail d’enquête lui a permis d’authentifier l’auteur du témoignage ; en fait, le texte dormait à Léon dans la maison que le frère d’André, Fénelon-André Delattre, décédé en 1965, avait vendu en viager à des particuliers, et ceux-ci ont confié en 2011 le document à Éric Lafourcade, lui-même décédé en 2017. Sa démarche est bien décrite dans un article du quotidien Sud-Ouest (28.12.2013)

Par ailleurs, une vidéo (Landes TV), qu’on espère encore longtemps disponible, permet d’écouter les explications du découvreur et de voir le tapuscrit d’origine :

3. Analyse

C’est un témoignage d’une qualité exceptionnelle que nous a livré ce grenier des Landes en 2011, preuve que la « chasse au trésor » de textes inédits peut encore produire des trouvailles de choix.

1914 en rase campagne

On a d’abord une bonne évocation de septembre 1914, avec la description précise et prenante des combats d’infanterie le long de la Saulx ou dans le village de Maurupt. Le récit fait alterner le matin assaut inutile, compagnie décimée, fuite vers un talus, résistance obstinée… L’après-midi, c’est la description du pillage d’une ferme (p. 37) « Comme un gros tonneau est placé sur des chais, Engel, le gagnant du Tour de France, qui est à la 3e section, le défonce à coups de crosse et bientôt dans la cave, le vin atteint une hauteur d’au moins dix centimètres. ».  À Maurupt à 2 heures dans la nuit du 10, sa compagnie doit se tenir prête (p. 41), on citera un extrait d’ambiance : « Nous avançons en tirailleur jusqu’à un petit fossé. « Couchez-vous à plat ventre ! » crie le capitaine Gendry. À ce moment la fanfare des chasseurs à pied sonne la charge à l’entrée du village. Les fifres et les « tamboureries » allemands leur répondent. On entend des cris « en avant ! » et une longue clameur suivie d’une vive fusillade. Le 9e et le 18e bataillon de chasseurs attaquent pour reprendre le village. Le combat se déroule dans la nuit, éclairé seulement par la lueur des incendies et nous restons là, anxieux, à attendre, pendant une heure peut-être. » Lorsqu’ils entrent dans le village au matin, ils sont arrêtés par des mitrailleuses et y laissent « une trentaine de camarades ». Ils réattaquent à midi et sont fusillés derrière une petite haie qui ne les protège pas. La description est pleine du bruit des balles et des cris, on sent que l’auteur revit le combat instant par instant au moment où il le met par écrit : (p. 43) « Les balles sifflent de tous côtés à mes oreilles. Près de moi, Engel et Morin, deux coureurs cyclistes du Tour de France, reçoivent chacun une balle dans le ventre. La fusillade redouble. » Les hommes rescapés finissent par se replier en désordre et (p. 44) « l’un de nous, par inadvertance, renverse une ruche et une nuée d’abeilles s’abat sur nous. Un malheureux chasseur à pied, blessé sans doute depuis le matin et qui est resté sur le terrain se tord en hurlant dans l’herbe. Il a la figure couverte d’abeilles. (…)» André Delattre évoque ensuite les nombreux cadavres français et allemands dans les jardins (p.45), l’hébétude des rescapés. Le 11 septembre l’auteur mentionne les pièces d’or (il en a lui-même), cousues dans des ceintures de flanelle, qui attisent des convoitises (p. 47) « ils ont dû éloigner des civils qui venaient rôder autour des cadavres pour les dévaliser. » La suite de la poursuite (Servon-Melzicourt) est de la même qualité descriptive

L’Argonne

La page 57, qui raconte la lente et pénible montée, dans la forêt, sous la pluie (« elle tombe bientôt à torrent. ») au-dessus du village de La Harazée, pour arriver au point qui sera celui de la fixation du front pendant toute la guerre en Argonne est dans sa sobriété d’une très grande qualité : « Ma compagnie s’arrête enfin près d’une clairière. Nous sommes à la Fille Morte. L’endroit est vraiment sinistre. » Il décrit la précaire installation dans ces bois touffus et humides, dans des positions dangereuses, tous les tués à cette période l’étant par balle. L’auteur fait le récit de l’attaque sanglante du 11 novembre, où ils réussissent à prendre péniblement pied dans une première ligne allemande, mais bombardés sans répit ils doivent se replier en abandonnant leurs blessés : (p. 86) « le 3e bataillon ne comprend plus qu’une centaine d’hommes. Nous avons eu, dans cette attaque, 400 tués et blessés. C’est un beau résultat.»

L’offensive de Champagne

L’auteur est évacué le 17 novembre pour jaunisse, et revient au front en janvier 1915, pour être transporté au Mesnil-les-Hurlus pour l’offensive de Champagne (p. 108) « On fait halte à l’entrée du village. Il ne comprend que quelques misérables masures. Je me demande comment en temps de paix des gens pouvaient vivre au milieu d’un pareil bled et ce qu’ils pouvaient bien y récolter. » Il décrit l’attaque du 5 février, son échec devant des barbelés intacts. Après repli, repos et reconstitution de leur effectif, ils remontent en ligne (22.02), sur le secteur du Bois-en-Pioche. La préparation est meilleure, ils prennent la 1ère ligne allemande. Après reprise du tir de préparation, c’est un nouvel assaut sur la 2e ligne (p. 129) « J’aperçois maintenant avec netteté les fils de fer allemands. Notre artillerie n’a rien démoli. Ce n’est pas la peine d’aller plus loin, je me ferais fusiller à bout portant et je resterais à pourrir dans les barbelés. Un joli petit trou d’obus se trouve près de moi et je m’y enfonce autant que je peux. ».

Deux exécutions

L’auteur mentionne deux exécutions pour abandon de poste (mars 1915, p. 136 et p. 139), il est positionné loin de la première (service d’ordre pour empêcher les civils d’approcher), et mentionne la désapprobation de ses camarades. Il voit mieux la seconde exécution, la décrit en détail, en témoignant de sa révolte muette, dégoût qu’il estime partagé par tous ceux qui ont participé à la parade ; il y ajoute son expérience de magistrat des années trente (p. 141) : « Par la suite, j’ai assisté à bien des exécutions capitales mais jamais je n’ai rien vu d’aussi écœurant que celle-là. »

Les Éparges

A. Delattre y décrit en avril 1915 une attaque avortée de son bataillon devant Riaville, et la destruction de sa compagnie par le bombardement allemand. Ils finissent quand-même par attaquer dans la nuit noire, et devant les barbelés intacts. C’est sa dernière attaque comme fantassin en 1ère ligne. (p. 151) « L’attaque a encore raté mais, comme cette fois il n’y a eu ni tué, ni blessé, peu importe le résultat. Il est probable que beaucoup ne sont pas sortis ou se sont cachés derrière les gabions ou se sont contentés de sortir, d’avancer quelques mètres et de se coucher devant notre ligne. » C’est probablement son affectation comme agent de liaison – brancardier qui lui permet de finir la guerre indemne.

La Somme

Il revient d’une évacuation pour typhoïde dans la fournaise de la 2ème partie de la bataille de la Somme (octobre et novembre 1916), et l’auteur produit une très bonne description, vers Bouchavesnes, du paysage lunaire sur lequel la progression se fait sous un bombardement constant et meurtrier (p. 225). Des 4 brancardiers de son équipe, deux sont tués par obus. Lui-même est enseveli et dégagé de justesse. Il ne fait pas les attaques en première ligne, mais dans son rôle de brancardier, il est constamment menacé (p. 233) : « Souvent, on dit qu’un obus ne tombe pas dans le même trou. Dans notre coin, cette règle ne s’applique pas. A tout instant, je vois des obus succéder à d’autres exactement au même endroit. »

L’Algérie

De décembre 1916 à mars 1917, le 72e RI est transféré en Algérie à la suite de mouvements de protestation indigène contre la conscription. C’est pour l’auteur et ses camarades un séjour très calme, pendant lequel des détachements se contentent de se montrer par des marches dans différents secteurs.

Chemin des Dames et fin du conflit

Nommé infirmier, et revenu au Chemin des Dames où il est positionné jusqu’en septembre 1917, il est en permission lors du 16 avril ; il y mentionne ensuite des affrontements sérieux, évoquant l’aviateur allemand Fantômas, qui mitraille les corvées à basse altitude. En ligne en février 1918 devant le Mont sans Nom, il fait ensuite plusieurs mouvements avec son unité à la suite des offensives allemandes, puis participe aux durs combats de juillet 1918. Après l’Armistice, il est commis défenseur au Conseil de guerre, d’abord en Allemagne occupée puis de retour dans la Somme.

J’ai été frappé par la qualité de ce témoignage : un propos factuel, précis, sans « phrases », une forme de modernité dans la rédaction, bref la perle rare, au point que j’ai un moment soupçonné un bidouillage, mais l’authenticité du texte ne fait pas de doute ; il faut aussi noter, et c’est paradoxal, que le document fourmille d’erreurs de détail, inversions de dates, un nom propre sur deux mal orthographié, des bruits évoqués comme des faits… Laurent Soyez, pointilleux spécialiste du 72e RI, a compilé dans un exemplaire toutes les erreurs et imprécisions du texte. Dans un entretien téléphonique avec É. Lafourcade, L. Soyez lui avait dit – et il me l’a répété [janvier 2024] – qu’une édition purgée de ses scories, ou pour le moins avec un chapitre correctif ajouté, aurait été préférable, même s’il admet lui aussi la valeur du témoignage ; É. Lafourcade lui a répondu n’avoir fait aucune modification dans le texte pour en préserver l’authenticité : c’est en définitive un choix heureux, trop de témoignages étant mutilés par des initiatives mal maîtrisées. Toutes ces erreurs s’expliquent par le fait qu’A. Delattre, qui indique, au début de son ouvrage, avoir voulu fixer ses souvenirs de guerre avant qu’ils ne soient effacés par le temps, n’a pas tenu de journal.  Ces 330 pages ont été rédigées de mémoire 16 ans après l’Armistice, probablement d’un trait, avec une rédaction continue.

Alors pourquoi cette qualité ? On est d’abord agréablement surpris par la sobriété du récit, alors qu’un titre à la Jacques Péricard faisait craindre un pensum patriotique. Il est aussi certain que les fonctions de juge d’instruction de l’auteur, professionnel du constat, ont eu une influence heureuse sur la précision de l’écriture, donnant ainsi force aux descriptions. Autre qualité, c’est un clerc qualifié qui évoque de l’intérieur l’expérience du simple soldat, et non – occurrence plus fréquente – celle du sous-lieutenant officier de troupe. Enfin ce témoignage, non destiné à la publication, a une grande force car il ne s’autocensure pas, les noms propres sont conservés, ainsi que les indignations ; on vérifie une fois de plus que beaucoup des meilleurs témoignages sont ceux qui n’ont pas fait l’objet d’une publication du vivant des contemporains, ainsi par exemple (p. 299)  – arrivée à l’unité d’un nouveau médecin-major – le nom est cité – « Il nous vient d’un régiment d’artillerie. Nous le jugeons immédiatement, il est peureux, bête et ne connait pas un traître mot de médecine. » 

Vincent Suard, mai 2024

Share

Delon, Louis (1894-1964)

Fils de gantier, né à Valence (Drôme) le 16 juillet 1894, il devient lui-même gantier à Millau (Aveyron). Il est mobilisé au 72e RI, puis il passe dans les régiments d’infanterie coloniale, le 42e en décembre 1915, le 6e en juillet 1918. Il combat dans l’armée d’Orient et il est victime du paludisme. Pour le « soigner », rien ne vaut le froid et on l’envoie à Arkhangelsk avec le 21e bataillon de marche, peu avant l’armistice du 11 novembre. Motif officiel : empêcher que ce port devienne une base pour les sous-marins allemands. Les soldats s’aperçoivent bien vite qu’il s’agit de combattre les bolcheviks. Le seul témoignage qu’ait laissé Louis Delon concerne le séjour à Arkhangelsk et particulièrement la mutinerie de mars 1919. L’épisode est exposé par Patrick Facon, d’après les documents d’archives, notamment 7N 816 et 817 du SHAT, dans son article de 1977 de la Revue d’histoire moderne et contemporaine (p. 455-474). Louis Delon a recopié sur un cahier conservé par sa famille une série de témoignages favorables aux mutins : lettres de réclamation contre le manque de nourriture et de couvertures, contre les brimades de certains officiers, etc. Surtout, l’argument central est celui-ci : « Les journaux français qui nous parviennent nous rapportent les paroles prononcées au parlement par le ministre de la Guerre : « Depuis le 11 novembre 1918 le bruit du canon a cessé pour tous les Français. » Ici, bien après cette date, mille coups de canon ont été tirés par l’ennemi en vingt-quatre heures ! Sommes-nous Français ? » Traités de lâches, accusés de salir le drapeau, les mutins répondent qu’ils se sont battus pendant quatre ans sur tous les fronts contre les ennemis, mais que la France n’est pas en guerre contre la Russie. Enfermés dans une baraque, on leur envoie un provocateur (« ce n’était ni plus ni moins qu’un fumiste envoyé ici par les officiers ») qui se présente comme ayant « des idées complètement révolutionnaires », à quoi les hommes répondent qu’il n’en est pas de même pour eux, qu’ils se moquent un peu de la politique et qu’ils réclament seulement leurs droits.
En conseil de guerre pour « refus d’obéissance sur un territoire en état de guerre », le commissaire du gouvernement renonce finalement à soutenir l’accusation. Du sous-lieutenant Rivaud, défenseur, Patrick Facon nous apprend qu’il était avocat à la cour d’appel de Paris. Louis Delon a retranscrit un résumé de son habile plaidoirie : « Sommes-nous en guerre avec la Russie ? […] Après la signature de l’armistice avec les Allemands, nos soldats ne pouvaient-ils pas se croire en droit de refuser de marcher contre les bolcheviks ? L’article 227 du code de justice militaire punit de la peine de mort tout commandant d’unité qui continuerait, après la signature d’un armistice, à donner des ordres pour continuer les hostilités. Ce ne sont pas ces soldats qui sont assis au banc des accusés qui méritent d’être punis mais bien celui ou ceux qui sont la cause que les soldats alliés continuent à combattre en Russie. » Le verdict rapporté par Patrick Facon comme par Louis Delon : deux mois de prison avec sursis. Il n’empêche que les mutins, au lieu de rentrer en France, sont envoyés en bataillon disciplinaire au Maroc. Louis Delon finit par retrouver Millau où il se marie en juin 1921, reprenant son métier de gantier.
Rémy Cazals

Photo de Louis Delon dans 500 Témoins de la Grande Guerre, p. 179.

Share

Bloch, Marc (1886-1944)

D’une famille alsacienne juive ayant opté pour la France en 1871, fils de l’historien Gustave Bloch, Marc Bloch est né à Lyon le 6 juillet 1886. Lui aussi s’est dirigé vers le métier d’historien, passant par l’ENS et l’agrégation. En 1914, il est professeur au lycée d’Amiens ; il a déjà écrit des articles d’histoire médiévale et sa thèse est en cours. Sergent au 272e RI dans la Meuse, il fait la retraite et la Marne et s’installe dans la guerre de position en Argonne. Adjudant en novembre 1914, il est évacué pour cause de typhoïde de janvier à juin 1915. En Argonne avec le 72e jusqu’en juillet 1916, il échappe à l’offensive de Champagne de septembre 1915 et à Verdun. En mars 1916, il est nommé sous-lieutenant. Il participe à l’offensive de la Somme. De janvier à mars 1917, il est en Algérie, du côté de Constantine. En juin, sur le Chemin des Dames. En août, lieutenant, il est officier de renseignements. Il finit la guerre comme capitaine.
Ses « écrits de guerre 1914-1918 » sont très divers : des carnets contenant des notes laconiques ; des rapports en style officiel, rédigés par lui, mais signés par le colonel ; quelques lettres, dont des testaments à envoyer à sa famille en cas de décès ; des listes de livres à lire, ce qui montre qu’il n’avait pas oublié son projet intellectuel ; des souvenirs rédigés en 1915 ; un article de réflexion publié en 1921. Les « Souvenirs » ont été écrits pendant sa convalescence, « avant que le temps n’efface leurs couleurs aujourd’hui si fraîches et si vives ». Ils montrent d’abord le Paris de la mobilisation, paisible, solennel : « la tristesse qui était au fond de tous les cœurs ne s’étalait point » ; « les hommes pour la plupart n’étaient pas gais ; ils étaient résolus, ce qui vaut mieux ». Dans la retraite, le « cruel tableau » de l’exode des paysans, les pillages, la vie dans la boue, le 75 qui tire trop court, autant de notations présentes dans les carnets des fantassins. Concernant les chefs, Marc Bloch note qu’il ne connaît « qu’un moyen de persuader une troupe de braver un péril : c’est de le braver soi-même ». « Comme tout le monde, ajoute-t-il, j’ai constaté l’extrême insuffisance de notre préparation matérielle et de notre enseignement militaire. » Et : « Je n’ai pas toujours été content de tous les officiers. Je les ai trouvés parfois médiocrement attentifs au bien-être de leurs soldats, trop ignorants de la vie matérielle des hommes et trop peu désireux de la connaître. »
Dans la liste des livres à lire, figure celui de Fernand van Langenhove, Comment naît un cycle de légendes. Francs-Tireurs et atrocités en Belgique (Paris, 1916). Cet ouvrage et quelques autres ont servi de base à l’article de Marc Bloch, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », paru dans la Revue de synthèse historique en 1921. Dans l’histoire, dit-il, de faux récits ont été capables de soulever des foules. Or, la guerre de 1914-18 peut être considérée comme « une sorte de vaste expérience » en ce domaine, qui montre qu’une légende ne se crée que si l’erreur trouve « dans la société où elle se répand un bouillon de culture favorable ». Dans le cas de la guerre récente, il faut souligner le rôle de l’émotion et de la fatigue qui affaiblissent le sens critique, de la censure et du bourrage de crâne qui perturbent le sens du vrai et du faux, mais aussi le « renouveau prodigieux de la tradition orale » et l’importance des lieux de rencontre, notamment les cuisines qui furent comme « l’agora » du petit monde des tranchées.
Même s’il n’est pas possible de le développer ici, il est clair que l’œuvre historique ultérieure de Marc Bloch fut marquée par son expérience de la guerre, qu’il s’agisse de l’étude topographique des paysages ruraux ou de la réflexion comparative sur la défaite de 1940. Résistant sous l’Occupation, Marc Bloch fut pris par les Allemands et fusillé le 16 juin 1944, dix jours après le Débarquement.
RC
*Marc Bloch, Écrits de guerre 1914-1918, textes réunis et présentés par Étienne Bloch, introduction de Stéphane Audoin-Rouzeau, Paris, Armand Colin, 1997, illustrations.
*Olivier Dumoulin, Marc Bloch, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.

Share