Né à Fronton (Haute-Garonne) le 7 décembre 1890 dans une famille très catholique dont plusieurs membres sont des religieux. Lui-même est ordonné prêtre le 22 août 1915. Il a fait toute la guerre dans l’artillerie, au 57e RAC.
Son témoignage est déposé aux Archives départementales de la Haute-Garonne ; il est publié par l’Association des Amis des Archives, décembre 2014, 118 pages format A4, sous le titre Un prêtre frontonnais dans la Grande Guerre, Joseph Chansou, Journal 1914-1918 : amis.archives@laposte.net
Cassagnau, Ivan (1890-1966)
1. Le témoin
Ivan Cassagnau et son frère jumeau Marcel, sont nés à Sainte-Radegonde (Gers) le 11 novembre 1890. C’est son grand-père, instituteur, qui élève Ivan et lui donne une solide éducation classique, sanctifiée par le bac, obtenu en 1907. A 19 ans, il s’engage par amour des chevaux dans l’artillerie mais ne pourra y faire carrière comme officier. C’est donc au grade d’adjudant-chef que la guerre le trouve. Il venait de se marier en mai 1914 et son épouse décèdera en couches à l’été 1917, lui laissant un fils, Jules. Il est donc chef de la 30e batterie de renforcement du 57e régiment d’artillerie de campagne de Mirepoix, dans l’Ariège. Sa campagne l’emmène en Alsace le 17 août 1914. Il participe alors à la campagne des Vosges, (août-septembre 1914) puis connait la Meuse (1914 à 1916) l’armée d’Orient (1917-1918) puis le retour en Champagne (avril 1918). Sa guerre s’achève en convalescence pour paludisme. Mais elle se poursuivra sur les théâtres extérieurs (Orient, Roumanie, Bulgarie, Palestine, Egypte) jusqu’à Noël 1920. Il continuera sa carrière militaire après s’être installé dans les Vosges, à Raon-l’Etape, où il épousera sa seconde femme, Marie Ferry. En 1924, il quitte l’armée et devient employé de banque puis de papèterie. Il décède à Raon-l’Etape le 22 février 1966 et est enterré à Saint-Jau, hameau du village natal.
2. Le témoignage
Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves. Journal d’un artilleur. 1914 – 1916. Paris, Buchet-Chastel, 2003, 139 pages, non illustré, portrait en couverture.
L’auteur a tenu ses carnets dès le 20 août 1914, et repris ses souvenirs entre 1934 et 1942. La publication a été mise en forme par sa petite-fille, Florence, auteure elle-même et présentée par son petit-fils, Nicolas. Souvenirs hachés et sommaires, le journal d’Ivan Cassagnau fournit au lecteur une vision épisodique de la Grande Guerre dans une chronologie ponctuelle, dictée par les grandes heures, tragiques ou anecdotiques et diversement diluées. L’auteur se souvient des grandes lignes de sa guerre en Alsace et en Lorraine, voyageant ainsi entre journal et souvenirs. Ainsi, il fait le bilan de ses premiers jours de guerre le 20 août 1914 à Heiwiller en Alsace pour reprendre sans transition à Anglemont en Lorraine. Là, par tableaux, il évoque plutôt que ne décrit la bataille de la Chipotte, ponctuant de quelques dates le mois de septembre 1914, pourtant si intense dans les Vosges. On le retrouve sous Saint-Mihiel où l’année 15 s’écoule par bribes, d’anecdotes en descriptions. C’est Verdun qui déclenche véritablement l’intensité d’un récit en prise directe avec la boucherie. Ivan Cassagnau en fait un récit qui n’est plus ponctué que par deux dates : février 1916, début de l’enfer et 9 avril 1916, date de sa blessure. Entre celles-ci, est un long tableau des souffrances universelles, des bêtes et des hommes, du paroxysme de la lutte d’artillerie où plus rien ne compte que la résistance, jusqu’à la mort de l’ennemi. La préface filiale sur l’inconnu initiatique d’un enfant sur la Grande Guerre est agréable et opportune. L’est aussi le titre, tiré d’une citation d’Ivan Cassagnau (page 119). Au final, cet ouvrage révèle un témoignage ténu et mal daté mais intense et correctement présenté.
3. Résumé et analyse
Ivan Cassagnau est artilleur quand débute la Grande Guerre et c’est par un retour sur sa jeune vie qu’à Heiwiller, en Alsace, alors que sont déjà tombés nombre de jeunes soldats, il débute son carnet de guerre le 20 août 1914. Ils lui semblent déjà loin, les premiers jours de la mobilisation de la 30e batterie du 57e régiment d’artillerie, partie de Toulouse le 9. Débarqué à Belfort le 17, il constate bientôt les premières traces de la guerre, au moment où il entre en territoire pas tout à fait ennemi ; en Alsace reconquise. Comme souvent, le baptême du feu est terrible, mélange de pagaïe, d’impuissance, d’impréparation, d’inefficacité et d’inutilité ; la batterie n’a pas tiré un coup de canon. Ce baptême est subi ; rien de glorieux dans cette opération d’Alsace bien vite avortée. Rembarquée à Belfort ; la batterie de Cassagnau débarque dans les Vosges, à Lachapelle-devant-Bruyères et prend position à Anglemont, au nord-est de Rambervillers ce 24 août. La bataille des frontières est engagée et c’est très vite, le second baptême du feu, donné celui-ci. Dès lors, les heures s’accélèrent et le temps manque pour coucher sur le calepin cette terrible bataille de Chipotte qu’il couvre d’acier. Les Allemands ont déjà donné leur nom aux artilleurs de 75 ; les « bouchers noirs » (page 24). Le 4 septembre, l’ennemi reflue, battu, suivi par l’artilleur qui goûte quelques jours de relatif repos dans une ferme de Laneuveville. Il y remarquera une jeune fille triste qui deviendra après guerre son épouse. Pour l’heure, il est déplacé au sud de Saint-Mihiel, à Varnéville où il prend corps avec la guerre de position et la lutte d’artillerie, mélange de missions statiques et d’attente ponctuée. Le temps s’étire ainsi dans une inactivité d’immédiat arrière front ; un temps de séances de photographies et de mascottes.
Février 1916 l’affecte dans la forêt de Esnes-en-Argonne, à l’ombre du Mort-Homme, où « la batterie dévore littéralement les munitions » dans cette frénésie d’artillerie qui couvre d’une chape d’acier tout le front de la bataille de Verdun. Pièces, hommes et bêtes soufrent dans un commun calvaire et Ivan Cassagnau prend plus qu’ailleurs corps avec une guerre mutée en boucherie sans âme. On laisse gémir les blessés car la batterie doit tirer, même réduite à une seule pièce d’un seul servant ! Sans repos, sans roulement possible, au mépris des taux d’usure des pièces, la grande bataille d’artillerie dure jusqu’au mois d’avril quand le front devant Esnes cède. Ivan Cassagnau voit les Allemands avancer « lentement mais irrésistiblement ». La batterie est sacrifiée, il faut se faire tuer sur place. Il sort son revolver, prêt à défendre chèrement sa vie quand sa chair est atteinte de plusieurs shrapnels. Il est évacué au château d’Esnes, achevant ainsi un martyr qu’il ne dépeindra plus désormais par l’écriture. Les souvenirs d’Ivan Cassagnau s’achèvent sur une blessure – encore est-il sauvé par son livret et son carnet de notes (page 124) – qui termine son récit sur le front de l’ouest. Quelques pages résumant la Grande Guerre clôturent ce « journal d’un artilleur ».
Au détour des pages, il évoque les tirs amis (page 39), l’espionnite, à laquelle il ne veut pas céder (pages 42 et 59), la mort prémonitoire (pages 54 et 122), la folie d’un Marsouin, attaché et emmené à l’ambulance (page 54), le bruit de l’obus « comme si le ciel était peuplé de chats sauvages » (pages 62 et 77). Il décrit la naissance de l’artisanat de tranchée (page 82) et ses accidents (page 95), évoque la dotation, le 27 juin 1915, des premiers casques Adrian « dont le port nous cause des migraines » (page 97), la réprobation du soldat devant la création du censeur postal (page 99), l’horreur de la tranchée, botte et pied portemanteaux (page 101) et les soldats attaquants à la gnôle (page118).
4. Autres informations
La mort d’Ivan Cassagnau dans Parlange, Anne, Petite, Moyenmoutier, Edhisto, 2008, 287 pages.
Yann Prouillet