Né à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) le 29 juillet 1888, fils de maçon. Service militaire au 3e RAC de Castres, 1909-1911. Marié en 1912 à Villemur. Employé aux services commerciaux de l’entreprise Brusson Jeune. Mobilisé au 3e RAC en août 1914. C’est le régiment du capitaine Bonneau (voir ce nom). On a de lui deux lettres adressées à son patron Antonin Brusson (voir ce nom) en septembre 1914, dans lesquelles il remercie pour un mandat et il souhaite prospérité à l’entreprise (fabrication de pâtes alimentaires). La famille avait conservé son carnet de route lors de la publication de La Chanson des blés durs, Brusson Jeune 1872-1972, Toulouse, Loubatières et CAUE de la Haute-Garonne, en 1993, livre qui en reproduit quelques extraits. Jean-Claude François, auteur de Les Villemuriens dans la Grande Guerre, Les Amis du Villemur historique, 2014, signale que ce carnet est actuellement égaré.
Les serveurs du canon de 75 étaient menacés par l’éclatement de la pièce. En juin 1915, Victor Gay note : « C’est la série noire des éclatements prématurés. » Le 20 juillet 1916, lors de l’offensive de la Somme, sa batterie est arrosée d’obus au gaz et c’est la première fois qu’il doit mettre son masque. En mars 1918, il est intoxiqué lors d’un nouveau bombardement au gaz et doit passer à l’ambulance « quelques jours pendant lesquels le jeûne et la tisane atténuèrent petit à petit le mauvais effet de la drogue boche ». Depuis avril 1917, il était au 248e RAC.
Il a subi les intempéries : « La neige commençant à fondre, les routes sont transformées en de véritables bourbiers où hommes et chevaux pataugeons parfois jusqu’à moitié jambe. […] Malgré les rigueurs de la température, impossible de faire un peu de feu, n’ayant ni cheminée, ni combustible. » Le thermomètre marque douze degrés au-dessous de zéro : « Impossible de monter à cheval, ni sur les caissons, la route ressemblant à une vaste glace où les chevaux ont beaucoup de peine à se maintenir. […] Le pain et les conserves sont déjà gelés, tandis que les glaçons commencent à apparaitre dans nos bidons. »
Une affectation provisoire comme planton à la 30e section d’autocanons lui donne l’occasion de constater que l’on peut vivre à l’arrière dans « les douceurs » et d’y faire « bravement la guerre ». Il passe trois jours « parmi ces jeunes embusqués qu’un heureux hasard ou un puissant piston tient éloignés de la ligne de feu ». Quant aux permissions, elles paraissent toujours trop courtes et, « au grand désappointement des Poilus, les trains qui montaient vers la zone du front étaient toujours plus pressés que ceux qui en descendaient, aussi ce n’était pas avec beaucoup d’enthousiasme que le permissionnaire voyait arriver le moment du départ ».
Comme dans beaucoup de récits de combattants, les rencontres de compatriotes émaillent le journal de Victor Gay. C’est l’occasion d’un repas si le service en laisse le temps. C’est l’occasion de faire revivre le souvenir de Villemur. Jean-Claude François a retrouvé ce passage d’une lettre de son camarade Camille Terrisse (Vermelles, 9 avril 1915) : « J’ai été voir Victor Gay à sa pièce. Il m’a montré son logement qui est très confortable [c’est un fantassin qui parle]. Lui aussi a laissé pousser sa barbe et comme à tous ça lui a changé la physionomie, mais il semble qu’il se porte mieux qu’avant et qu’il a engraissé. » Une photo de Victor Gay barbu, avec sa femme, se trouve dans La Chanson des blés durs, p. 79.
Après la guerre, il est revenu à Villemur. En 1930, il tenait un commerce de graineterie. Il y est mort le 23 février 1974.
Rémy Cazals, avril 2016