Bousquet, Joseph (1889-1917)

 

1. Le témoin

Né en 1889 à Villelongue-lès-Béziers (Hérault) dans une famille de viticulteurs aisés. Catholique pratiquant et même dévot. Marié en 1912, deux enfants. Joseph Bousquet est tué le 20 août 1917 lors d’une attaque à Samogneux (Meuse). Sa tombe n’a pas été retrouvée.

 

2. Le témoignage

Joseph Bousquet, Journal de route 1914-1917, Bordeaux, Éditions des Saints Calus, 2000, 115 p., illustrations. Postface de C. Malécot.

 

3. Analyse

Joseph Bousquet arrive dans la zone du front en Lorraine le 10 août 1914 avec le 55e RI qui va ensuite dans les parages de Verdun, puis en Argonne au printemps 1915, en Champagne en septembre. Comme Barthas, il est à la cote 304 à Verdun en mai 1916. Il a été successivement brancardier, ordonnance d’un lieutenant, mineur, simple soldat au petit poste (« on les entend tousser »), caporal en novembre 1915.

Sur ses carnets, il note sa compassion pour les habitants chassés de leurs villages détruits, pour les morts français et allemands. Il décrit l’exécution d’un déserteur. Il rapporte les mêmes brimades que Barthas et dénonce les pressions exercées sur les combattants pour qu’ils souscrivent à l’emprunt de Défense nationale, et le gouvernement français (« bandits ») qui refuse les négociations de paix en décembre 1916. Dès la fin d’août 1914, il dit son horreur de la vie qu’il est obligé de mener ; il le répète à plusieurs reprises et signale la démoralisation précoce des soldats qui marchent quand même : « Tout le monde demande la paix à grands cris, moi le premier » (8 janvier 1915).

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Caubet, Georges (1887-1964)

1. Le témoin

Né à Toulouse le 12 octobre 1887. Fils de Baptiste Caubet, cheminot, et de Marie Ponsole, qui tient un petit café-restaurant. Ecole normale de Toulouse, de 1904 à 1908. Instituteur à Lagraulet en 1908. Marié, il a une fille unique. Sergent au 214e RI, 67e Division, celle du docteur Paul Voivenel. Après la guerre, instituteur à l’école de garçons de Fenouillet (Haute-Garonne), de 1919 à 1926, puis à Toulouse. Georges Caubet est mort à Toulouse le 9 mars 1964.

2. Le témoignage

Georges Caubet, Instituteur et sergent, Mémoires de guerre et de captivité, présentés par Claude Rivals, Carcassonne, FAOL, collection « La Mémoire de 14-18 en Languedoc », 1991, 135 p., illustrations.

De ses notes prises pendant la guerre, Georges Caubet a tiré trois récits rédigés : « Mes souvenirs sur Verdun – Cumières, Chattancourt, le Mort Homme » (février-mars 1916) ; « Comment je fus fait prisonnier » (8 juin 1918) ; « Six mois de captivité » (juin-décembre 1918). On sait par ailleurs qu’il fut blessé par éclat d’obus le 13 septembre 1916.

Important appareil critique par Claude Rivals, professeur de sociologie à l’université de Toulouse II.

3. Analyse

Le récit de Georges Caubet contient une description « classique » de l’enfer de Verdun, puis du poids de la faim en Allemagne, sur les civils, les soldats, les prisonniers. Il se caractérise par les jugements les plus variés sur les Allemands (combattants et gardiens, soldats et officiers, civils et civiles…) en fonction des multiples situations vécues sur le front, en marche vers la captivité, au travail près des lignes de tranchées en contravention avec les conventions de La Haye, enfin dans les camps de Dülmen et de Cottbus.

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Barbey, Valdo (1883-1964)

Voir la notice Fabrice Dongot, pseudonyme de Valdo Barbey, dans Témoins… de Jean Norton Cru, p. 130-133. Une réédition du témoignage de 1917 a été donnée récemment : Valdo Barbey, Soixante jours de guerre en 1914, Paris, Bernard Giovanangeli, 2004, avec une préface de Michel Mohrt, un portrait de l’auteur, et une biographie par Roland Bruneau.

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Barthas, Louis (1879-1952)

 

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1. Le témoin

Né à Homps (Aude) le 14 juillet 1879, fils de Jean Barthas, tonnelier, et de Louise Escande, couturière. La famille s’installe ensuite à Peyriac-Minervois dans le même département. Louis Barthas est allé seulement à l’école primaire, mais il a été reçu 1er du canton au Certificat d’études. Grand lecteur : dans son témoignage de guerre figurent de nombreuses citations tenant à l’histoire (Valmy, Crécy, Attila, Turenne, Louis XIV, Louis XVI, Napoléon, chevalier d’Assas, César, les Francs et les Wisigoths), à la littérature (Victor Hugo, Anatole France, Goethe, Mme de Sévigné, Courteline, André Theuriet, Dante, Homère), à la mythologie (Bacchus, Damoclès, les Danaïdes, Tantale, Mars, Vulcain, Borée).

Marié. Deux garçons, 8 et 6 ans en 1914. Tonnelier et propriétaire de quelques arpents de vigne.

Il se dit lui-même chrétien, il est de culture catholique (Jésus, le Calvaire, Sodome et Gomorrhe). Anticlérical sans excès (allusion aux rigueurs de l’Inquisition, au supplice du chevalier de la Barre).

Adhère au parti socialiste (très nombreuses allusions anticapitalistes). Antimilitariste.

Sa situation ne change pas après la guerre. Il meurt à Peyriac-Minervois le 4 mai 1952.

2. Le témoignage

L’édition la plus complète et la plus accessible est celle « du Centenaire » : Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918, introduction et postface de Rémy Cazals, cahier photo de 8 p., croquis de localisation, Paris, La Découverte poche, 2013, 567 p.

En 1977, la FAOL, à Carcassonne, avait publié des extraits réunis dans une brochure de 72 p. La 1ère édition par Maspero en 1978, grand format, ne comporte pas de postface. La première édition de poche par La Découverte date de 1997, avec une couverture différente. Edition en néerlandais : De Oorlogsdagboeken van Louis Barthas, tonnenmaker, 1914-1918, Amsterdam, Bas Lubberhuizen, 1998, 472 p., illustrations [6e édition 2014].

Les 19 cahiers originaux sont conservés par le petit-fils de Louis, Georges Barthas, à Carcassonne. Sur les originaux sont collées 333 illustrations dont 309 cartes postales, qui n’ont pu être reproduites dans l’édition. Existent en version numérisée aux Archives départementales de l’Aude.

Il s’agit de notes du temps de guerre mises au propre après la guerre. Abel Barthas a vu son père les recopier sur des cahiers d’écolier. Les notes originales elles-mêmes ont malheureusement disparu. Quelques phrases ont été rajoutées : remarques sur ses compagnons d’armes décédés, sur sa lecture d’Henri Bordeaux, sur la construction du monument aux morts de Peyriac-Minervois. Elles sont immédiatement identifiables. Il faut surtout souligner l’exactitude des dates (confirmée par la consultation des JMO des régiments), des lieux, des descriptions. Ses camarades, et même ses chefs, savaient qu’il rédigeait l’histoire de leurs souffrances. Il serait faux de dire qu’il a réécrit ses carnets avec d’autres sentiments que ceux qu’il avait pendant la guerre (voir ci-dessous la référence aux travaux de Romain Ducoulombier).

L’histoire du livre, son accueil, sont évoqués dans la postface à l’édition de poche.

3. Analyse

Du 4/8/14 au 6/11/14 : caporal au 125e RIT à Narbonne et garde de PG à Mont-Louis (P.-O.)

Du 8/11/14 au 20/12/15 : caporal au 280e RI de Narbonne, en Artois.

Du 20/12/15 (dissolution du 280e) au 5/3/16 : caporal au 296e RI de Béziers, même secteur.

Du 5/3/16 au 28/5/16, cassé de son grade, il est simple soldat.

Du 11 au 18/5/16 : Verdun, cote 304.

Du 28/5/16 au 26/9/16 : caporal au 296e RI, Champagne (autour de Suippes).

Du 26/9/16 au 28/1/17 : dans la Somme.

Du 29/1/17 au 31/5/17 : Valmy, Main de Massiges, Mont Cornillet.

Du 31/5/17 au 16/11/17 : La Harazée, secteur calme.

Du 20/11/17 (dissolution du 296e) au 6/4/18 : caporal au 248e RI de Guingamp. Meuse.

6/4/18 : évacué, hôpital de Châlons, puis Bourgoing, puis au dépôt à Guingamp.

14/2/19 : démobilisation.

Quelques mots-clés, parmi des centaines d’autres possibles :

prisonniers, fraternisations, bourrage de crâne, tranchées, pillages, soif, escouade, attaque, bombardement, alcool, humour, rats, panique, révolte, corvées, blessés, mort, décorations, baïonnette, embusqués du front et de l’arrière, détresse, poux, boue, déserteur, permission, gaz, destructions, coup de main, profiteurs, langages, mutineries, Gustave Hervé, Clemenceau, Poincaré, messe, coutelas, fine blessure, refus de sortir, brimades, gendarmes, camaraderie, cavaliers, artilleurs, censure, grignotage…

Le récit de Louis Barthas repose sur une observation précise et une curiosité toujours en éveil. Il fait connaître les sentiments profonds que les poilus n’expriment pas souvent en dehors de la petite famille qu’est l’escouade, en particulier sur la hiérarchie. Il donne une typologie intéressante des trêves et fraternisations (voir Marc Ferro et al., Frères de tranchées, Paris, Perrin, 2005, p. 76-85). Sa vision de la guerre est celle du combattant de première ligne, au ras du sol. En même temps il est capable de comprendre la nature de cette guerre de tranchées et d’artillerie. Ses pages sur les mutineries de 1917 sont confortées par les analyses les plus récentes des historiens (voir Denis Rolland, La grève des tranchées. Les mutineries de 1917, Paris, Imago, 2005, p.278-279). Très intéressant sur toutes les formes de sociabilité, il montre aussi les spécificités des combattants du Midi. Le talent et la capacité de réflexion du caporal tonnelier ont donné un grand livre alors que lui-même ne l’avait pas destiné à la publication, estimant toutefois qu’il avait écrit pour la postérité.

4. Autres informations

Sources

– Etat-civil, communes de Homps et Peyriac-Minervois.

– Registre matricule, Archives de l’Aude, RW 451.

– JMO du 280e RI et du 296e RI, SHDT 26N 737 et 26N 742.

– Lettre de Louis Barthas au député Brizon, 17 août 1916, dans Nous crions grâce. 154 lettres de pacifistes, juin-novembre 1916, présentées par Thierry Bonzon et Jean-Louis Robert, Paris, Les Editions ouvrières, 1989, p. 76-77.

La Grande Guerre 1914-1918, photographies du capitaine Hudelle, Carcassonne, Archives de l’Aude, 2006, 128 p.

Bibliographie

– Rémy Cazals, « La culture de Louis Barthas, tonnelier », dans Pratiques et cultures politiques dans la France contemporaine, Hommage à Raymond Huard, Montpellier, Université P. Valéry, 1995, p. 425-435.

– Pierre Barral, « Les cahiers de Louis Barthas », dans Sylvie Caucanas et Rémy Cazals, éd., Traces de 14-18, Carcassonne, Les Audois, 1997, p. 21-30.

– Rémy Cazals, « Les carnets de guerre de Louis Barthas », dans Les Cahiers de la Cinémathèque, Revue d’histoire du cinéma, n° 69 « Verdun et les batailles de 14-18 », novembre 1998, p. 77-82.

– Rémy Cazals, « Deux fantassins de la Grande Guerre : Louis Barthas et Dominik Richert », dans Jules Maurin et Jean-Charles Jauffret, éd., La Grande Guerre 1914-1918, 80 ans d’historiographie et de représentations, Montpellier, ESID, 2002, p. 339-364. Voir une version plus exacte sur le site http://dominique.richert.free.fr ou sur le site du Crid 14-18.

– Philippe Malrieu, La construction du sens dans les dires autobiographiques, Toulouse, Erès, 2003, p. 163-175, « La personne dans la cité de servitude. L’assujettissement de la personne dans l’état de guerre ».

– Romain Ducoulombier, « La Sociale sous l’uniforme : obéissance et résistance à l’obéissance dans les rangs du socialisme et du syndicalisme français, 1914-1916 », communication au colloque « Obéir/désobéir, Les mutineries de 1917 en perspective », Craonne-Laon, novembre 2007, Actes à paraître.

Iconographie

– En dehors des illustrations de l’ouvrage proprement dit et des photos de la collection Hudelle mentionnées ci-dessus, des reproductions de pages des cahiers originaux se trouvent dans le n° 232 de la revue Annales du Midi, « 1914-1918 », octobre-décembre 2000, et dans Rémy Cazals et Frédéric Rousseau, 14-18, le cri d’une génération, Toulouse, Privat, 2001.

Barthas dans l’espace public

Le caporal a inspiré une chanson de Marcel Amont, et la pièce de théâtre Caporal tonnelier avec Philippe Orgebin dans le rôle principal. Le livre a été au cœur du travail de Jean-Pierre Jeunet pour le film Un long dimanche de fiançailles (voir Jean-Pierre Jeunet, Guillaume Laurant, Phil Casoar, Un long dimanche de fiançailles, Album souvenir, Paris, les Arènes, 2004). Le monument pacifiste de Pontcharra-sur-Bréda (Isère) porte une phrase de Louis Barthas (voir Danielle et Pierre Roy, Autour de monuments aux morts pacifistes en France, FNLM, 1999, p. 55-56). D’une façon générale, voir : Rémy Cazals, « Témoins de la Grande Guerre », dans Réception et usages des témoignages, sous la dir. de François-Charles Gaudard et Modesta Suarez, Toulouse, Editions universitaires du Sud, 2007, p. 37-51.

Compléments :

Un article : Alexandre Lafon, « La camaraderie dévoilée dans les carnets de Louis Barthas, tonnelier (1914-1918) », Annales du Midi, avril-juin 2008, p. 219-236.

Une exposition à la BnF (Paris), reprise aux Archives de l’Aude qui en ont publié le catalogue : Sur les pas de Louis Barthas 1914-1918, Photographies de Jean-Pierre Bonfort, Archives de l’Aude, 2014, 80 pages.

Les Archives de l’Aude ont également publié : Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, 2014, 44 pages (textes de Georges Barthas et de Rémy Cazals, reproduction des cahiers et de documents d’archives). Et : Entre Histoire et Fiction, Autour de la bande dessinée Notre Mère la Guerre de Kris et Maël, 2015, 124 pages (Louis Barthas a inspiré ces deux auteurs et notamment le personnage du caporal Perrac).

Traduction en anglais par Edward M. Strauss : Poilu, The World War I Notebooks of Corporal Louis Barthas, Barrelmaker, 1914-1918, Yale University Press, 2014, 426 pages (en paperback en 2015). Traduction en espagnol par Eduardo Berti : Louis Barthas, Cuadernos de guerra (1914-1918), Madrid, Paginas de Espuma, 2014, 647 pages.

* Rémy Cazals, « Louis Barthas et la postérité. Réflexion sur la relation entre documents privés et publics », dans Ecrire en guerre, 1914-1918. Des archives privées aux usages publics, sous la direction de Philippe Henwood et Paule René-Bazin, rennes, PUR, 2016, p. 173-180.

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Bieisse, Antoine (1893-1947)

1. Le témoin (1893-1947)

Né à Castelnaudary (Aude) le 27 septembre 1893, petit-fils de meunier, fils d’un brigadier d’octroi devenu ensuite percepteur à Saint-Papoul (Aude). Etudes secondaires au collège de Castelnaudary. Joueur de rugby au Quinze Avenir Castelnaudarien (photo dans 500 Témoins de la Grande Guerre, p. 74). Au service militaire au 143e RI de Castelnaudary lors de la mobilisation. Gravement blessé, fait prisonnier, il est rapatrié par la Suisse en décembre 1915. Commis des contributions indirectes à Angoulême en 1917, puis à Albi (Tarn) où il se marie en 1919. Il est ensuite percepteur à Cadalen (Tarn) où il meurt le 1er avril 1947.

2. Le témoignage

Antoine Bieisse, « Souvenir de la campagne 1914-1915 », dans Eckart Birnstiel et Rémy Cazals, éd., Ennemis fraternels 1914-1915, Hans Rodewald, Antoine Bieisse, Fernand Tailhades, Carnets de guerre et de captivité, Toulouse, PUM, 2002, 191 p. [p. 133-153], illustrations.

Première édition sous le titre Plus d’espoir, il faut mourir ici !, carnets d’Antoine Bieisse et de Paul Garbissou, Carcassonne, FAOL, collection « La Mémoire de 14-18 en Languedoc », 1982, 62 p.

Dans les deux cas, il s’agit de la transcription directe des notes prises pendant la guerre par le témoin.

3. Analyse

Les premières pages contiennent des notes brèves sur l’atmosphère à la caserne du 143e RI en juillet 1914 et sur les premiers jours de la campagne. Arrivé sur le front en Lorraine le 9 août, il est grièvement blessé le 20, et ramassé par les brancardiers allemands le 25. Prisonnier à Ingolstadt, rapatrié via la Suisse en décembre 1915. La publication de son témoignage reprend le texte de son petit carnet rédigé en captivité, qui décrit longuement l’expérience traumatisante de ces cinq jours et cinq nuits passés allongé sur le champ de bataille.

Photo dans 500 Témoins de la Grande Guerre, p. 74

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