Safon, Jean (1896-1981)

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels (malheureusement pas toujours assez précis) publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Le témoignage oral de Jean Safon, boucher à Carcassonne, a été recueilli par Claude Marquié en 1980. On peut souligner certains passages :
– p. 20, le jour de l’annonce de la mobilisation, à Belpech, il a fait partie du groupe de jeunes qui sont allés sonner le tocsin
– p. 38, mobilisé dans l’infanterie, il souffre du manque de sommeil
– p. 52, ententes tacites pour l’heure d’explosion des mines et pour effectuer les corvées à découvert ; un capitaine abat un Allemand ; « c’était de l’assassinat. Cela nous valut une dégelée de bombes à ailettes qui nous fit des morts et des blessés. »
– p. 61, refus d’être nommé caporal pour ne pas, à 20 ans, avoir à commander des hommes de 40 ans
– p. 116, un lieutenant menace de son revolver un caporal pour l’obliger à une sortie qui serait un suicide : « Tous les soldats entourèrent l’officier, baïonnette au canon, en lui disant : Si vous le touchez, on vous embroche. »

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Cazamajou, Marcellin (1897-1981)

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels (malheureusement pas toujours assez précis) publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Le témoignage oral de Marcellin Cazamajou a été recueilli par Jean-Paul Boutibou, élève de 3e au collège Le Viguier de Carcassonne pour Années cruelles. Très gravement blessé dans une tranchée à la côte du Poivre à Verdun, ce jeune homme qui voulait devenir instituteur a choisi de devenir prêtre (il a terminé sa carrière comme chancelier de l’évêché de Carcassonne). Soigné à Chamalières « par des infirmières bénévoles comme les filles Michelin », il a remarqué : « C’était le paradis après l’enfer. » Quantité de combattants blessés qui ne sont pas devenus prêtres ont pu employer les mêmes mots dans les mêmes circonstances.

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Dantoine, Roger (1896- )

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels (malheureusement pas toujours assez précis) publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Roger Dantoine fait partie de ces témoins par son cahier de souvenirs. Né à Chalabre le 8 mars 1896, il fut mobilisé en 1916 dans l’infanterie. Il participa à l’offensive Nivelle du 16 avril 1917, sur laquelle il a écrit une très belle page (Années cruelles, p. 120 qui fait penser à Victorin Bès (voir ce nom) :
« Des coups de sifflet, des hurlements, « En avant ! » Et c’est l’escalade des parapets, disciplinés, lentement, masque pendant. Nous avançons sous un rideau d’obus, on marche, on tombe, on marche… Devant nous, des formes humaines sans armes, hagards, fous : l’ennemi est sorti de terre, les bras en l’air. On le néglige, il part vers l’arrière de nos lignes, s’il réussit à passer. Pour lui, la guerre sera finie. Nous marchons toujours sous le rideau d’obus. Le tir s’allonge à mesure que nous avançons. On tombe dans des tranchées. On piétine des morts et des blessés, et ceux qui restent en vie, les bras en l’air, vont vers nos arrières. On marche comme des ivrognes. Mais soudain, le front allemand réagit. Croisement d’artillerie, explosions, la fin du monde, cris, râles, la terre se soulève, il pleut du sang, je me retrouve dans un fossé, glisse dans un trou de sape, il fait noir, j’étouffe, ne sens plus rien. C’est le néant, tout s’efface…
« Combien de temps suis-je resté ainsi ? Je repris connaissance. J’ai froid, odeur de cadavre, contact glacé. Mes yeux s’habituent, je réalise, je suis couché sur des morts. »
Roger Dantoine se retrouve ensuite à Verdun, front qui conserve sa réputation de « mangeur d’hommes ». Afin de lui échapper, il se porte volontaire pour l’armée d’Orient au début de 1918. Il est en Roumanie, en mars 1919 lorsque son unité est envoyée combattre les bolcheviks : « Arrivée à Odessa le 14 mars par la Bessarabie. Moral très bas. Ce qui nous intéresse, c’est de rentrer en France. Sympathie avec la Révolution. Nous partons d’Odessa le 5 avril. Ce fut une retraite. Le commandement n’avait plus confiance en nous. Nous regardons vers la France. Laisser les Russes à leurs affaires. »

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Colson, Joseph (1875- ?)

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Joseph Colson fait partie de ces témoins (texte confié aux auteurs du livre par sa fille, Mme Paré). Lieutenant de réserve, il partit pour le front dès août 1914. Il a rédigé le récit des combats de Verdun au début de l’offensive allemande, son régiment subissant de plein fouet les terribles effets de l’artillerie lourde sur la côte du Poivre puis la cote 240. De larges extraits de ce témoignage sont publiés dans Années cruelles, p. 95-108. Ils concernent la courte période du 21 au 26 février 1916. Lorsque le lieutenant Colson est évacué, le 26, blessé par un éclat d’obus, il ne reste que 18 hommes sur les 48 que comptait sa section.

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Marquié, Camille (1906-1994)

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Camille Marquié fait partie de ces témoins. Il avait 8 ans en 1914 (né à Pexiora) et vivait à Sainte-Valière où son père tenait l’exploitation d’un propriétaire viticole, par ailleurs érudit audois, le docteur Paul Cayla ; son frère aîné partit au front. Le témoignage de Camille, enregistré par son fils Claude, professeur d’histoire et de géographie, porte sur la vie à l’arrière et sur les situations inoubliables pour un enfant : la réquisition des chevaux ; la participation aux travaux agricoles ; les restrictions alimentaires. Le jeudi, il allait avec des camarades aider le boulanger du village à pétrir la farine. Il a dû abandonner l’école à 11 ans pour « aider au bêchage, au soufrage et à tous les autres travaux de la vigne ». Il put cependant obtenir le certificat d’études primaires.

Après le service militaire, il resta dans l’armée où il monta jusqu’au grade d’adjudant-chef. L’armée étant en partie dissoute après l’armistice, il entra dans la police à Carcassonne, sous les ordres d’Aimé Ramond qu’il accompagna dans la Résistance.

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Fau, Pierre (1878-1949)

Né à Castres le 26 juin 1878 dans une famille de la bourgeoisie protestante de l’industrie textile. Séjour en Allemagne (Leipzig, Berlin) de 1899 à 1901. Marié en 1907 à Mazamet dans le même milieu ; travaille alors dans l’entreprise de son beau-père. Pas d’enfants. Sa mauvaise vue le fait classer dans le service auxiliaire, mais il est repris dans le service armé le 12 novembre 1914. Après un séjour au dépôt du 143e RI à Carcassonne, il est envoyé en avril 1915 au 346e RI qui a eu de lourdes pertes.
Il a rédigé son témoignage le 1er mai 1922 afin de fixer ses souvenirs. Il ajoute qu’il s’est efforcé « de passer sous silence les heures trop pénibles de cette partie » de sa vie : « Pour celles-là je n’ai pas besoin d’aide-mémoire, je ne les oublierai pas. » Mais le lecteur de son témoignage ne les connaitra pas. Le texte n’était destiné qu’à lui-même. Ses héritiers l’ont conservé et l’ont confié pour édition à la Société culturelle de sa ville natale : Pierre Fau, Pour me souvenir, Mémoire de guerre 1914-1918 d’un bourgeois castrais, Cahiers de la Société culturelle du pays castrais, 2014, format A4, 48 p. Le fascicule contient un tableau généalogique, une liste des secteurs évoqués, avec les croquis correspondants, et des photos de l’album de Pierre Fau. Parmi les secteurs : le Bois-le-Prêtre, le tunnel de Tavannes, le Bois-le-Comte près de Baccarat, le sud de l’Alsace et Pfetterhausen.
Il reconnait que sa nomination d’agent de liaison cycliste en octobre 1915 a été pour lui un événement capital et il fait tout pour conserver un poste, certes quelquefois dangereux, mais qui le fait échapper aux attaques (p. 17) et lui permet assez souvent de bénéficier de meilleures conditions de vie que les hommes en ligne. Il ne veut surtout pas de « l’honneur vague et dangereux d’un grade quelconque » qui risquerait de modifier une « situation de 1er ordre pour ce qui était des troupes du front ».
Les moyens financiers dont il dispose rendent assez souvent possible d’échapper à la condition commune. En août 1915 (p. 12) : « Je vais prendre mes repas non à la roulante mais dans un café où l’on me fait la cuisine. » Même date (p. 13) : « Excellent vin des Vosges. » Septembre 1916 (p. 18-19) : « Le Bois-le-Comte est pour nous un vrai paradis. […] On ne se croirait pas à la guerre. Je vais tous les jours à Baccarat où j’ai pris une chambre à l’hôtel, où je déjeune tous les jours. » Et encore en janvier 1917 (p. 20) : « Je vais tous les jours à Lunéville où j’ai une chambre à l’hôtel des Vosges. Je déjeune aussi à l’hôtel où la cuisine est excellente. »
Il critique les mercantis. À Dugny en août 1916 (p. 15) : « C’est du reste là, la dernière étape avant la mort pour tant de jeunes gens, que l’on rencontre le plus de mercantis de la race la plus abjecte. » En septembre 1917, à Dannemarie (p. 26), il a affaire à « une Alsacienne qui, avec des sentiments très francophiles, exploite de son mieux les soldats ».
On trouve encore des notations intéressantes :
– p. 10 : le 75 qui tire trop court
– p. 12 : la proximité avec Fritz qui fait que, toutes les nuits, on travaille côte à côte
– p. 28 : un coup de main qui échoue à cause de l’artillerie amie qui « fait des victimes parmi les nôtres »
– p. 33 : « le Caporetto français » lors de l’offensive allemande de mai 1918, la débâcle des artilleurs et des civils, tous mêlés sur les routes
– p. 44 : un projet d’attaque criminel alors que l’armistice va être signé.
En tant qu’agent de liaison, il peut témoigner de certains faits spécifiques :
– p. 16 : apporter « le résultat de combats imaginaires, ceci étant destiné dans l’esprit du lieutenant à se faire valoir auprès du colonel »
– p. 18 : un agent de liaison « couché avec 40° de fièvre » sommé d’aller à la ville voisine envoyer un télégramme à la femme d’un capitaine pour annoncer qu’il va venir en permission
– p. 32 : l’expérience lui ayant fait comprendre l’inutilité de certaines missions, il ne les fait pas.
Ajoutons encore ce colonel en fuite, passé en conseil de guerre, mis à pied puis à qui on a rendu un commandement. Conclusion de Pierre Fau (qui n’est pas un esprit particulièrement subversif) : « Un simple soldat aurait naturellement été fusillé. »
Pierre Fau est démobilisé le 19 février 1919, cinq jours après Louis Barthas.
Rémy Cazals, janvier 2016

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Brittain, Vera (1893-1971)

1. Le témoin

Vera Brittain naît le 29 décembre 1893 à Newcastle-under-Lyme dans une famille d’industriels où la foi dans le progrès, alliée au conservatisme victorien, entraîne un style de vie austère, que la future auteure ne manquera pas de dénoncer dans son récit autobiographique, Testament of Youth, paru en 1933. Arthur Brittain, le père de Vera, est allergique à la littérature et à la culture en général, ne se préoccupe que de politique locale et proclame avec fierté qu’aucun de ses ouvriers n’est syndicaliste. Vera est bonne élève et peut envisager des études supérieures. L’université d’Oxford ayant ouvert ses portes aux étudiantes en 1875, elle espère pouvoir s’y inscrire, mais pour cela il lui faut combattre les conventions de son époque. Son père considère que les études ne sont d’aucune utilité pour les filles. C’est Edward, le jeune frère, qui ira à Oxford. Vera est scandalisée par cette inégalité de traitement et devient féministe. Cette revendication de l’égalité entre hommes et femmes n’est pas seulement une réponse à une situation personnelle. Elle deviendra le combat de toute une vie. Dotée d’un fort tempérament, Vera ne baisse pas les bras et finit par obtenir de son père l’autorisation d’étudier à Oxford.
Vera entre à l’université à l’automne 1914 et se consacre aux études sans se soucier de ce qui se passe de l’autre côté de la Manche. Mais quand son frère Edward et son ami Roland Leighton décident de s’engager, elle commence à ressentir un décalage entre l’univers académique d’Oxford et le monde sanglant où les êtres proches risquent leur vie à tout instant. La correspondance avec celui qu’elle refuse d’appeler son fiancé, par principe féministe, l’amène à s’intéresser de plus en plus à la guerre et à regretter que les femmes en soient écartées. Au printemps 1915, elle décide d’arrêter ses études pour devenir infirmière bénévole.
Vera Brittain commence son parcours hospitalier dans un établissement du Devonshire avant de le poursuivre à Londres. Elle trouve une certaine sérénité dans cette vie de soins hospitaliers, qui lui permet de s’impliquer dans la réalité de la guerre et de se sentir ainsi plus proche de Roland. Les deux permissions de ce dernier affermissent leur lien. Vera et Roland sont deux jeunes intellectuels pétris d’ambition qui échangent leurs vues sur la littérature, la religion et la politique. Mais les lettres, si précieuses, produisent aussi de l’insatisfaction. Vera s’aperçoit que la guerre a changé Roland. Il est devenu distant et énigmatique. Elle attend avec impatience sa prochaine permission pour Noël. Mais Roland est tué le 23 décembre 1915 à Hébuterne.
Après la mort de Roland, Vera Brittain veut partir soigner les blessés à l’étranger. Affectée à Malte, où stationne la base arrière des troupes britanniques du front d’Orient, elle peut pendant quelques mois retrouver une certaine stabilité émotionnelle. De retour en Angleterre, elle reprend du service dans un hôpital londonien puis est affectée à Etaples. La mort de son frère Edward, en 1918, est suivie d’une nouvelle période de deuil, qui la déstabilise encore plus qu’en 1916. Après l’Armistice, elle reprend ses études à Oxford mais n’arrive pas à réintégrer le cours normal de la vie. Vera ne comprend pas cette faculté qu’a la société à oublier. Si les morts de la guerre sont officiellement commémorés et ont droit à leurs cérémonies standardisées, dans la vie quotidienne il n’est pas de bon ton de vivre le deuil de façon trop marquée.
Après Oxford, Vera s’attelle à l’écriture. Elle publie deux romans dans les années 20 et travaille pour la section britannique de la S.D.N., née du traité de Versailles. Convaincue que l’amitié et la coopération entre les peuples peuvent empêcher une nouvelle guerre, elle veut agir politiquement et se rapproche du parti travailliste. Ces activités l’aident à reprendre petit à petit confiance en elle. Mais c’est surtout l’amitié de Winifred Holtby, étudiante rencontrée à Oxford, qui la sauve. Les deux femmes deviennent inséparables. Toutes deux sont militantes féministes et ont l’intention de mener de front une carrière de journaliste et d’écrivain.
A trente ans, Vera épouse George Catlin, un professeur spécialiste de science politique. Deux enfants, John et Shirley, naissent en 1927 et 1930. George enseigne dans une université américaine mais Vera ne souhaite pas vivre aux États-Unis. Le couple vit une sorte de mariage à mi-temps. A Londres, Vera et Winifred font vie commune. Et quand George revient s’installer en Angleterre, Winifred habite sous le même toit que le couple. Cette situation génère des commentaires ironiques dans le milieu littéraire. Aujourd’hui, les milieux lesbiens font de Vera et Winifred des icônes de leur cause, mais les deux femmes de lettres ont toujours démenti une relation homosexuelle.
A la fin des années 20, Vera entreprend d’écrire son autobiographie centrée sur la Grande Guerre. Souhaitant profiter du regain d’intérêt qu’a le public pour la littérature de guerre, elle rédige Testament of Youth, qui se veut à la fois un récit personnel et une étude de la société britannique des années 1910-1925 vue sous l’angle de la femme. Le succès dépasse toutes ses espérances. Elle devient du jour au lendemain un nom qui compte sur la scène littéraire britannique. Les ventes du livre aux États-Unis lui permettent de franchir régulièrement l’Atlantique pour donner des conférences dans les grandes villes américaines. Mais au milieu des années 30, le malheur la frappe à nouveau. Winifred Holtby meurt à l’âge de 37 ans. En qualité d’exécutrice littéraire, Vera fait publier le dernier roman de son amie : South Riding, qui connaîtra le succès en librairie et sera adapté au cinéma.
A partir de 1936, le contexte international pousse Vera Brittain à épouser la cause du pacifisme. Comme un certain nombre de combattants de la Grande Guerre, elle veut agir pour empêcher une nouvelle guerre mondiale. Elle milite au sein de mouvements pacifistes, notamment quakers, et écrit plusieurs essais sur le sujet. Ses romans des années 30 et 40 traitent également des conséquences de la Première Guerre mondiale et sont autant de portraits d’une génération meurtrie qui refuse que l’on commette les mêmes erreurs que par le passé. Quand la guerre éclate, elle ne renonce pas au pacifisme, et intensifie même son action. Celle-ci prend d’autres formes : la lutte contre le blocus allié qui affame les populations européennes et la dénonciation des bombardements de masse sur l’Allemagne. Avec courage, elle s’oppose à la stratégie alliée et se retrouve mise à l’index.
Après la guerre, la notoriété de Vera Brittain décline, surtout aux États-Unis, où ses prises de position contre les bombardements dits stratégiques ont laissé des traces. Sa carrière littéraire suit également une pente descendante. Elle continue malgré tout de publier régulièrement des essais, des romans et des ouvrages autobiographiques mais sans jamais renouer avec le succès. A sa demande, ses cendres seront dispersées dans le cimetière italien où repose Edward.

2. Le témoignage

En 1933, Vera Brittain publie Testament of Youth, témoignage de guerre qui rencontrera un large public et établira durablement la renommée littéraire de son auteure. Une adaptation pour la télévision est diffusée sur la BBC en 1979 et un film sort en salles en 2015 sous le titre Mémoires de Jeunesse. Dans les années 80 et 90, le journal de guerre de Vera Brittain, Chronicle of Youth, est publié, ainsi que sa correspondance. Ces trois ouvrages constituent une documentation précise et ample sur la façon dont les jeunes Britanniques des classes moyennes ont vécu la guerre, et dresse un tableau particulièrement émouvant de la génération perdue.

3. Analyse

Testament of Youth, récit autobiographie centré sur la Grande Guerre, a séduit le public au début des années trente parce qu’il comblait un vide dans la littérature de témoignage. Le point de vue féminin avait déjà donné lieu à des mémoires intéressants, émanant essentiellement d’infirmières ayant soigné les blessés dans les hôpitaux du front, mais aucune œuvre majeure n’avait émergé sur ce thème. De par son ampleur et son parti pris de mêler une histoire personnelle à une étude sur le rôle de la femme pendant la guerre, cet ouvrage apporte un éclairage nouveau sur les années sombres qu’a connues la société britannique entre 1914 et 1918. Vera Brittain y dresse le tableau d’une nation confrontée à la mort de masse. Sa relation avec son fiancé Roland Leighton a duré à peine plus d’un an et n’a donné lieu qu’à un nombre restreint de rencontres mais la guerre lui donne une intensité singulière. Les lettres que les deux jeunes gens s’échangent, très analytiques, les autorisent à s’exprimer avec une liberté que n’auraient pas permise des circonstances ordinaires. Vera demande à Roland de ne faire aucune rétention d’informations. Elle veut connaître la réalité combattante dans ses moindres détails.
« Ta lettre écrite les 7, 8 et 9 avril est arrivée ce matin. Tu ne peux pas savoir à quel point elle m’a touchée. Je tremble à l’idée qu’au moment où je te lis tu es peut-être exposé au terrible danger de ces canons que tu as entendu tonner au loin, et malgré cela toutes mes peurs s’effacent devant l’espoir que je place dans ton avenir. Si seulement je pouvais les partager avec toi ! Je donnerais tout pour être un homme le temps que dure la guerre, et redevenir une femme, naturellement, au moment où elle se terminera. Si je pouvais voir avec toi le feu de l’artillerie et les fusées lumineuses qui s’élèvent des tranchées allemandes au lieu de me contenter de savoir que tu vois et entends ces choses, je crois que mon exultation bannirait toute peur. Il peut paraître facile de parler ainsi, mais je souhaiterais tant éprouver les contraintes physiques, les longues marches et même les nuits de corvées après des journées déjà beaucoup trop chargées. »
Chaque lettre reçue ou envoyée devient ce qui compte le plus au monde. Rarement, l’importance du courrier n’aura été aussi évidente à la lecture de Testament of Youth et de la correspondance publiée dans les années 80.
« Rien dans les journaux, pas même les descriptions les plus réalistes, ne m’a donné une idée de la guerre comme le font tes lettres.
Les tireurs embusqués, les balles, les tranchées allemandes à 80 mètres, l’imminence d’une attaque, avec tous ces dangers il semble presque impossible que quiconque puisse en réchapper. Si jamais tu es tenté d’accorder peu de prix à ta vie, n’oublie pas que tu as laissé derrière toi deux personnes qui lui accordent, elles, le prix le plus élevé. Comment peux-tu dire : « Ne vous inquiétez pas pour moi » ?
L’idée de Kingsley selon laquelle « les hommes doivent travailler et les femmes pleurer », même si elle est fausse, me semble valable pour le temps présent. Je m’acquitte autant que possible de la première action et ne me sens que très rarement encline à la seconde, mais j’avoue que celle-ci devient possible quand tu me dis que tu embrasses ma photo. »

Vera ne supporte pas d’être mise à l’écart. Son féminisme exige la vérité. A la fin des années 20, quand elle écrit son récit autobiographique, c’est le même souci de vérité qui l’anime. Elle cherche notamment à comprendre les raisons qui ont poussé Roland à s’engager et explore la notion d’héroïsme qu’il a toujours mis en avant. Les jeunes Britanniques issus des public schools sont imprégnés de cet « héroïsme abstrait » qu’ils ne parviennent pas toujours à définir mais qui n’en reste pas moins une des motivations premières à leur engagement.

Les étapes du deuil sont nommées et analysées, notamment le processus d’idéalisation du soldat tué au combat. Affectée dans un hôpital à Malte, Vera entreprend une correspondance assidue avec son frère et deux amis de celui-ci, Victor et Geoffrey, lesquels étaient également des amis de Roland. Pendant quelques mois, elle ne vit plus que par les liens qui se sont forgés au sein de cette petite communauté d’amitié. Quand elle apprend que Victor a été blessé et qu’il est devenu aveugle, elle décide de démissionner de son poste d’infirmière bénévole et de revenir en Angleterre pour l’épouser, estimant que c’est la seule façon pour elle d’être fidèle à ses amis et à la mémoire de Roland. Mais Victor meurt quelques semaines plus tard, tout comme Geoffrey, dont le corps ne sera jamais retrouvé. Vera réintègre le circuit du bénévolat hospitalier et se retrouve à Étaples, dans un des nombreux hôpitaux de la Côte d’Opale. Les conditions y sont particulièrement difficiles, surtout à l’approche de la grande offensive allemande du printemps 1918. C’est à ce moment-là que son père lui écrit pour lui demander de revenir soigner sa mère, tombée malade. Malgré l’indépendance qu’elle a acquise au cours des trois dernières années, le poids de son éducation la contraint à revenir au pays. Le télégramme annonçant la mort de son frère Edward sur le front italien arrive en juin.
Vera connaît à nouveau le deuil et sombre dans la dépression. Comme elle l’avait fait pour Roland, elle cherche à connaître les circonstances exactes de la mort d’Edward. Cette quête quasi obsessionnelle n’aboutit qu’à de maigres résultats, le colonel commandant l’unité d’Edward se contentant du discours stéréotypé qu’on tient en pareil cas à la famille. L’état de prostration dans lequel est plongée Vera continuera bien après l’Armistice. Cette réalité de la perte, dont des centaines de milliers de famille ont fait l’expérience, n’a que rarement eu le droit de cité dans la littérature de témoignage. Vera Brittain choisit de briser le silence et de dire précisément la douleur. Le succès de Testament of Youth s’explique en grande partie par cette parole dévoilée, qui a rarement pu être exprimée.

Le témoignage de guerre de Vera Brittain n’est pas seulement axé sur le deuil. Son expérience d’infirmière bénévole (V.A.D., Voluntary Aid Detachment) est largement documentée. Ayant travaillé dans plusieurs hôpitaux sur le sol britannique, à Malte et à Étaples, elle a une pratique diversifiée des soins hospitaliers militaires et peut dresser un tableau assez complet des conditions dans lesquelles les jeunes filles britanniques ont exercé leur mission pendant la Grande Guerre.

La lecture de Testament of Youth, du journal écrit pendant la guerre (Chronicle of Youth) et de la correspondance avec Roland, Edward, Victor et Geoffrey, permet de comparer différents niveaux d’écriture testimoniale et de dégager les problématiques associées à chacun d’entre eux. En 1939, elle comparait Testament of Youth « à une forêt dont on ne distingue pas les arbres, tandis que le journal permettait au contraire de voir les arbres un par un, sans perspective certes, mais avec davantage d’immédiateté. »

Francis Grembert, octobre 2015

4. Extrait traduit (Testament of Youth) : Les prisonniers allemands de l’hôpital 24 d’Etaples

« L’hôpital était d’un cosmopolitisme assez inhabituel, abritant entre autres des prisonniers allemands et des officiers portugais. De ces derniers, je ne me souviens de rien sauf de leur habitude de sauter en marche du tram qui rejoignait le Touquet pour aller se soulager la vessie à la vue de tous. La plupart des prisonniers étaient logés – si l’on peut utiliser ce mot – dans de grandes tentes, mais un marabout était réservé aux grands blessés. En août 1917, ses occupants – que l’on devait à Messines et à l’Yser – virent arriver de nouveaux venus, blessés pendant les récentes batailles du Saillant d’Ypres, au cours desquelles la Route de Menin et la Crête de Passchendaele avaient tristement gagné le droit à la postérité.
Bien qu’aujourd’hui encore nous nous targuions, il me semble, d’avoir traité les prisonniers en toute impartialité, il faut tout de même admettre que les tentes de ces derniers étaient souvent humides et que le personnel devenait rare dans le pavillon à chaque fois qu’il y avait une offensive, ce qui était presque toujours le cas. Une des choses de la guerre dont je me souviens avec le plus de plaisir est la disponibilité des infirmières et des bénévoles du pavillon des Allemands, qui préféraient subir une surcharge de travail plutôt que de négliger les prisonniers. A l’époque de mon arrivée, l’équipe du pavillon avait passé une consigne visant à supprimer les demi-journées libres, le personnel ne s’octroyant plus qu’une heure ou deux de repos quand se présentait une accalmie dans les soins à dispenser.
Avant la guerre, je n’étais jamais allée en Allemagne, et je n’avais quasiment jamais rencontré d’Allemands, à part deux-trois enseignantes à Sainte-Monica, que la petite provinciale que j’étais détestait sans réserve pour la simple raison qu’elles étaient étrangères. Il était donc un peu déconcertant de se retrouver lâchée, seule – les bénévoles commençaient une heure avant les infirmières – au milieu d’une trentaine de représentants de la nation qui, comme je l’avais entendu si souvent, avait crucifié des Canadiens, coupé des mains aux bébés et fait subir des « atrocités » innommables à de pauvres femmes vertueuses. Quand j’avais entendu ces récits, je n’y avais pas cru, du moins me semblait-il, mais finalement je n’en étais plus tout à fait sûre. En fait, je n’étais pas loin de m’attendre à ce qu’un ou deux patients sautent de leur lit pour essayer de me violer, mais je me suis vite aperçu qu’aucun d’entre eux n’était en mesure de violer qui que ce soit, l’effort démesuré qu’ils faisaient pour s’accrocher à une vie où la balance penchait déjà fortement du mauvais côté suffisait amplement à les occuper.
Au moins un tiers des hommes étaient en train de mourir ; les soins quotidiens ne consistaient pas à changer des bandes de gaze souillées mais à stopper des hémorragies, replacer des sondes intestinales et vider puis réinsérer d’innombrables tubes de caoutchouc. Attenant au pavillon, il y avait un petit bloc où tout au long de la journée un major opérait les cas difficiles. Basané de peau, il possédait des yeux bruns houleux et savait parler allemand. D’après ce qu’on m’a dit, il avait dirigé avant la guerre un hôpital allemand dans une quelconque région tropicale d’Amérique du Sud. Les deux premières semaines, j’ai travaillé sous ses ordres en compagnie d’une infirmière-en-chef au caractère accommodant. Notre entente était parfaite. Je me demande encore souvent comment nous pouvions boire du thé et manger des gâteaux dans la salle d’opération, ce que nous faisions régulièrement. La puanteur y était extrême, la température avoisinait les 35° et nous étions entourés de tas de pansements souillés et de restes humains. Après les « cas légers » que j’avais soignés à Malte, le pavillon des Allemands fut pour moi un véritable baptême de sang et de pus. »

Sources :
Testament of Youth, 1933
Chronicle of Youth (War diary 1913-1917),1981
Letters from a Lost Generation, Vera Brittain and four friends, 1998
Vera Brittain, a life, Paul Berry et Mark Bostridge, 1995

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Burrage, Alfred (1889-1956)

1. Le témoin
Né à Hillingdon, dans le Middlesex, Alfred McLelland Burrage est le fils d’Alfred Sherrington Burrage, auteur de romans pour la jeunesse. Son oncle écrit également des romans d’aventure qui connaissent un large succès. Alfred Burrage poursuit la tradition familiale et écrit sa première nouvelle à l’âge de 15 ans, suite à la mort de son père. Il devient dès lors un écrivain professionnel prolifique, qui travaille pour de nombreuses revues et s’essaie également à la littérature pour adultes sous le pseudonyme de Frank Lelland. Ses histoires de fantômes tout comme ses romances pour la jeunesse seront publiées dans un grand nombre de revues, mais parfois aussi sous forme de livres. Les années 1890-1914 sont l’âge d’or des revues de fiction. Le marché est florissant et permet à un grand nombre d’auteurs de vivre de leur plume.
En décembre 1915, Burrage s’inscrit sur les listes du Plan Derby, qui permet aux volontaires d’attester de leur disponibilité à être enrôlés. Peu de temps après, il rejoint le régiment des Artists Rifles. Pendant qu’il combat en France, il continue d’écrire des romances du type boy meets girl pour les revues. Il le fait surtout pour aider financièrement sa mère. C’est aussi une façon pour lui de s’extraire de la réalité de la guerre :  » C’était un grand soulagement d’écrire dès que la chose était possible : m’asseoir et me perdre dans le monde si paisible d’avant 1914 et me persuader que la guerre n’existait pas. » Pour éviter le problème de la censure, il se procure un maximum d’enveloppes vertes, dans lesquelles les combattants pouvaient insérer des lettres qui ne seraient pas relues.
Frank Burrage participe à la bataille de Passchendaele et à la retraite du printemps 1918, avant d’être évacué en avril. Il n’a jamais suivi la formation des sous-officiers, estimant qu’il n’avait pas suffisamment l’esprit militaire. Il est l’un des seuls écrivains professionnels britanniques à avoir combattu en tant que simple soldat.
Après la guerre, Burrage reprend son activité d’auteur pour revues. Dans plusieurs de ses histoires, il introduit des scènes relatives à son expérience de guerre, mais les éditeurs ne l’incitent pas à développer ce genre de thème. Le regain de popularité des histoires standardisées de la littérature d’évasion est symptomatique du peu d’intérêt qu’a le public du début des années 20 pour tout ce qui concerne la guerre, et ce malgré le grand nombre de témoignages publiés. Mais à la fin de la décennie, la vague éditoriale qui remet la guerre sur le devant de la scène pousse l’éditeur Victor Gollancz à demander à Burrage d’écrire ses mémoires.

2. Le témoignage
War is War paraît en 1930 de façon anonyme, sous le pseudonyme « Ex-Private-X ». L’éditeur craignait que les critiques ne prennent pas le livre au sérieux s’ils savaient que son auteur gagnait sa vie en publiant deux à trois histoires à l’eau de rose par semaine dans différentes revues.

3. Analyse
Les critiques ont reproché à l’auteur ses attaques violentes contre les officiers et tous ceux qui étaient absents des premières lignes. Ce n’est pas tant le langage cru auquel recourt Burrage qui a déplu que le ton caustique dont il use sans parcimonie. Plus d’un passage recèle un humour noir assez audacieux qui fait fi de la réserve habituelle à la plupart des mémoires de guerre.
Sitôt débarqué au Havre, la bataillon de Burrage est passé en revue par « un âne pompeux qui sentait le whiskey. » Le ton est donné. La colère sera un des leitmotivs de War is War. La suffisance des galonnés, les corvées inutiles, les propos condescendants des territoriaux, tout cela est systématiquement pointé du doigt. Burrage se targue de parler au nom du tommy anonyme et de dire une vérité que seul celui qui a combattu peut exprimer. A ce titre, ses remarques sur Sir Conan Doyle ne manquent pas de pertinence. Après avoir fait état de toute son admiration pour l’auteur de Sherlock Holmes, il ne peut néanmoins que regretter que celui-ci « se mêle de la guerre en se contentant de lire les journaux et d’étudier les cartes. »
Alfred Burrage ne s’épargne pas lui-même et ne glorifie pas le combattant. La lâcheté et l’égoïsme sont des attitudes présentes dans les tranchées et il ne cherche pas à les cacher :
« Je respectais ma manière d’être lâche, tout comme je respectais celle des autres, parce que nous étions capables d’en rire et que nous ne nous attendions pas à ce que quiconque puisse s’intéresser à des réactions somme toute très personnelles. Mais le vrai lâche, celui qui ne peut que nous révulser, existait bel et bien : c’était l’égoïste sans vergogne qui considérait que sa peau était trop précieuse pour être trouée, et s’attendait à ce que son voisin de tranchée – qui était dans le même bateau que lui – l’approuve sans réserve. »
« Nous sommes devenus d’un égoïsme sans limite. Nous ne pensons qu’à notre propre ventre et à notre propre peau. Nos coeurs se briseraient s’il fallait porter le fardeau des autres et laisser nos esprits s’attarder sur leurs souffrances ou leur mort. Il n’est pas prudent d’avoir un ami. A tout moment, il peut se transformer en un débris d’homme, les mains cramponnées à un fusil tordu, et il faut alors en trouver un autre. Quand un homme est tué, nous nous précipitons vers le corps pour voir s’il reste de la nourriture dans le barda ou, chose précieuse entre toutes, un rasoir de sûreté. »
Après avoir occupé le secteur du Mont Saint-Eloi et de Roclincourt, près d’Arras, le bataillon de Burrage se bat à Passchendaele. Sa description des combats et des hommes qui se noient dans la boue des Flandres est sans concession. Il n’obtient une permission qu’après une année de présence au front. Au pays, la situation familiale s’est dégradée avec la mort de son oncle écrivain, ce qui l’incite à augmenter ses envois de nouvelles pour les revues. Sa mère, sa sœur et sa tante dépendent en effet de l’argent qu’il gagne avec sa plume.
Son regard sur les Français et les Belges est sans état d’âme, ni amical, ni amer, juste lucide : « Les habitants viennent nous inspecter avec ce même intérêt que montrent les vaches pour les chiens égarés. Nous occupons les lieux qui séparent leurs maisons de l’ennemi mais ils ne montrent pas d’enthousiasme à notre égard. Pourquoi le feraient-ils ? Ils se sont habitués à nous. »
L’humour est omniprésent dans ces mémoires et tempère la noirceur générale du propos. La réponse de Burrage à un officier censeur lui interdisant de mentionner que les Allemands avaient détruit Monchy-sur-Bois est d’écrire une nouvelle lettre à sa mère pour lui dire qu’il ne pouvait pas mentionner « le village au cas où les Allemands découvriraient qu’une bataille y avait eu lieu. »
Aux lecteurs qui n’apprécieraient pas son cynisme, Burrage répond que la guerre est fondamentalement une réalité cynique, qui oscille entre la comédie et la tragédie. Les éléments tenant de la farce, comme la mention de cette prostituée du Havre qui rencontre beaucoup de succès parce qu’elle porte un uniforme d’officier, ne sont pas simplement là pour le plaisir de l’anecdote. Burrage veut brosser un tableau réaliste incluant tous les aspects de la guerre, n’hésitant pas à soulever un certain nombre de questions qui dérangent, quitte à forcer le trait :
« Je crois que le système de l’armée consistait à épuiser les hommes et à les rendre misérables au moment où ils atteignaient la ligne de front, et ceci dans le but de les rendre complètement indifférents à leur vie et leur destin. Aucun homme heureux ne veut mourir. En considérant ces choses avec le recul et sans passion, je dois admettre que cette méthode était aussi sensée qu’elle était cruelle. »
Le 7 avril 1918, il est touché par une balle perdue sur les berges de l’Ancre et croit avoir été gravement atteint. Il ne s’agit en fait que d’une égratignure. Ceci dit, il est presque incapable de marcher. On lui diagnostique un « pied de tranchée », qui lui vaut d’être évacué en Angleterre après une période d’hospitalisation à Trouville.
Francis Grembert, octobre 2015
Source :
War is War, Pen and Sword, 2010 (première édition : Gollancz, 1930, sous le pseudonyme de Ex-Soldier X)

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Langsdorff, Alexander (1898-1946)

1. L’auteur
Né le 14 décembre 1898 à Alsfeld (Hesse). Père banquier. Famille cultivée proche des milieux militaires. Alexander parle français, ce qui lui sera bien utile lors de sa captivité et de ses évasions. Dans sa jeunesse, il appartient au mouvement Wandervögel (oiseaux migrateurs) qui dénonce la société moderne industrialisée et le matérialisme. Dans sa situation de prisonnier, il évoque le faucon sauvage, prêt à s’élancer (Hans Rodewald, voir ce nom, PG en France, exprime une idée proche : « Ô Dieu, transforme-moi en une mouette », mais il s’agit d’une mouette et non d’un faucon sauvage, et d’aller retrouver son Erna et non de retourner sur le front). Ses descriptions des paysages, créations divines, sont très romantiques.
Il s’engage le 21 mars 1916 au 35e régiment de fusiliers brandebourgeois. Après cinq mois de formation, il est aspirant dans la Somme et en Champagne. Croix de fer de 2e et de 1ère classe. Il est capturé par les Français le 17 octobre 1916 ; son expérience directe de la guerre est donc assez courte.
Dès le 23 octobre, il essaie de s’évader du camp d’Irval, près de Reims, revêtu d’un uniforme français. Repris, il craint d’être fusillé, mais il est seulement condamné à trois ans de prison. Il commence sa peine à Avignon dans les dures conditions qui seront présentées plus loin. Cependant, dès le mois de mai 1917, il peut partir en commando agricole près d’Orange, d’où il lui est facile de s’enfuir pour sa deuxième évasion, le 10 juillet. Il est repris à Voiron et ramené à la prison d’Avignon. En mai 1918, il est transféré à Marseille sur le bateau Dock Pinède d’où il s’évade le 18 juin. Nouvel échec. Nouveau transfert en commando agricole fin septembre et quatrième évasion en octobre avec un camarade qui a plus de chance que lui car, arrivés à Bellegarde dans un wagon à destination de la Suisse, il peut passer la frontière tandis qu’Alexander est intercepté au dernier moment. En janvier 1919, il est transféré dans la région de Saint-Mihiel pour participer à la reconstruction, et il réussit enfin en avril à fouler « le sol de la patrie allemande » revêtu d’un uniforme américain.
Après la guerre, sa biographie alterne engagement politique et travaux archéologiques. Ainsi il participe au putsch d’Hitler en novembre 1923 et soutient en juin 1929 une thèse sur les œnochoés en bronze en contexte funéraire. Il participe à des missions en Egypte et à Persépolis comme archéologue, et à la Nuit des longs couteaux comme membre de la SS. En 1940, il est engagé dans la campagne de Norvège. En décembre 1943, il expédie vers l’Allemagne les trésors des musées de Florence. Il est fait prisonnier en Italie en mai 1945 et réussit sa sixième évasion à travers les Alpes pour rejoindre son épouse. Mais il contracte une grave infection et meurt le 15 mars 1946.

2. Le témoignage
Alexander Langsdorff dit (p. 92) qu’il a écrit son livre en août 1919. Il est publié en 1920 (titre allemand : Fluchtnächte in Frankreich) sous le pseudonyme de Sandro, peut-être pour ne pas avoir d’ennuis avec les troupes françaises d’occupation. Comme on va le voir, il est très critique envers la France et les Français, et il appartient à une littérature nationaliste avide de revanche. Le livre a eu trois nouvelles éditions dans la période nazie, en 1934, 1937 et 1942. La traduction en français vient de paraître : Nuits d’évasion en France, Villers-sur-Mer, Editions Pierre de Taillac, 2014, 208 p. L’avant-propos et l’appareil critique sont de François de Lannoy qui a retrouvé dans les Archives départementales du Vaucluse les télégrammes officiels signalant les évasions de Langsdorff. Biographie de l’auteur (d’où sont tirés les renseignements ci-dessus), chronologie de sa captivité et de ses évasions, index des noms de lieux. Un point de désaccord avec le présentateur lorsqu’il dit (p. 5) que le volontaire Langsdorff était « animé, comme la plupart des jeunes Européens de son époque, de la volonté de se battre pour sa patrie ». Il me semble que les choses n’étaient pas aussi simples.

3. Analyse du contenu
Le récit donne d’abord de nombreux détails qu’on retrouve dans les textes de ce genre, les éléments de méthode de l’évasion : cacher son identité de PG sous des vêtements civils ou même des uniformes dérobés aux gardiens ; marcher la nuit et se cacher le jour pour dormir, avec le problème des villes à traverser, Valence (p. 75), Romans (p. 81), etc. ; emporter du poivre et le semer pour dérouter les chiens (p. 70). La quatrième tentative d’évasion est originale puisque, au lieu de remonter la vallée du Rhône comme précédemment, Langsdorff et son camarade gagnent Sète pour s’installer clandestinement dans un wagon de blé à destination de la Suisse.
Comme les prisonniers de guerre de toutes les nationalités, Langsdorff présente les cas les plus divers d’attitudes des gardiens et des nationaux ennemis. Certains ont un comportement correct, par exemple lors de la capture : « globalement, sur les premières lignes, on restait convenables avec l’ennemi ». Il a affaire à quelques bons officiers français ; les relations sont bonnes avec les détenus français qui disent aux Allemands : « Dans le malheur, nous sommes tous pareils. » Il confie le plan de sa deuxième évasion à une vieille domestique du domaine sur lequel il travaille, et celle-ci lui fournit des vivres et même de l’argent (par contre il y a un traître chez les prisonniers allemands). Le fait que les PG donnent à leurs gardiens des surnoms dépréciatifs est parfaitement généralisable ; il en est de même pour les visites que les civils viennent leur rendre à distance et à travers les clôtures, comme s’il s’agissait d’animaux (voir la couverture du livre de Charles Gueugnier, voir ce nom). De l’autre côté, Langsdorff insiste sur les brimades et mauvais traitements qu’il a subis, en particulier à la prison d’Avignon, sur la privation d’air et de soleil, l’insuffisance de la nourriture. Il évoque un prisonnier qui aurait été fouetté (p. 90). Et, à partir de là, il monte en généralité en opposant les Allemands civilisés et les Français indignes : « Le plaisir sadique de tourmenter est profondément ancré dans le sang du Français » (p. 58). A de nombreuses reprises, la France est qualifiée avec dérision de « la Grande Nation », expression en français dans le texte original.
On retrouve souvent cette généralisation dans les récits de prisonniers français qui évoquent la barbarie de la « Kultur » allemande. Ici, cela va jusqu’à affirmer que l’humour fin de la littérature allemande ne peut être compris par les Français « car eux ne saisissent que la plaisanterie obscène » (p. 93). Et, si le camp de Carpentras marche bien (distribution du courrier, bibliothèque, orchestre, théâtre), c’est parce qu’il est pris en main par l’organisation allemande des prisonniers eux-mêmes. On peut rappeler ici l’opinion des Allemandes juives du pays de Bade, expulsées vers la France par les nazis en octobre 1940, sans prévenir le gouvernement de Vichy, parquées en catastrophe au camp de Gurs et critiquant sa vétusté en invoquant l’excellente organisation qu’il y aurait « chez nous en Allemagne » (Hanna Schramm et Barbara Vormeier, Vivre à Gurs, Paris, Maspero, 1979, p. 90).
Langsdorff ne manque pas de parler de races. D’abord avec les Corses (p. 57) : « Pour la garde des bagnards français, c’était le plus souvent des sergents corses qui étaient de service ; on jouait là deux races l’une contre l’autre, car le Corse est généralement haï de la plupart des Français pour sa présomption et son esprit de domination. La grossièreté de ces gardes-chiourme envers les individus était souvent vraiment diabolique. » Un autre tortionnaire corse est mentionné p. 125. Quant aux Noirs, on s’attendrait à une dure critique après la mention d’une fouille suivie avec attention par des Sénégalais, « l’humiliation d’un Blanc leur causant une joie toute particulière » (p. 45). Mais on ne va pas au-delà et, dans les troupes américaines, les Noirs sont les plus amicaux et les plus secourables.
Les conditions de vie des prisonniers dépendent aussi du système des représailles décidées par les gouvernements. « La patrie » intervient quand les PG allemands sont privés de colis de nourriture. En mai 1918, il faut cependant une véritable émeute des prisonniers d’Avignon pour que les conventions internationales soient respectées.
Un dernier point concerne l’allusion aux journaux. Prisonniers en Allemagne, les Français doivent apprendre à décrypter la presse locale. Il en est exactement de même pour les PG allemands en France, lisant « des journaux français totalement revus à la française et où le tableau de la situation mondiale était présenté entièrement à l’avantage de la France ». En 1917, les PG allemands peuvent cependant se réjouir des « événements à l’Est et sur mer », c’est-à-dire des révolutions en Russie et de l’apogée de la guerre sous-marine. Au printemps de 1918, ils considèrent comme des succès les offensives Ludendorff et les tirs de canons à très longue portée sur Paris. Mais il n’y a rien ensuite concernant la contre-offensive terminale des Alliés, et on se retrouve le 11 novembre 1918 avec un Langsdorff comme assommé, désespéré par la défaite et la fuite du Kaiser : « Le combat des Nibelungen était perdu », écrit-il (p. 153). Le nouveau gouvernement est accusé de laisser tomber les prisonniers ; en Allemagne, « le sentiment d’honneur national et de virilité y était mort » (p. 167). Les « temps honteux » de 1806-1807 sont revenus. Pourtant, le retour dans « l’indescriptible magie de la patrie allemande » lui fait écrire : « Ô Dieu, Allemagne que tu es belle », lui fait contempler le Rhin « avec son caractère foncièrement allemand », et lui fait dire aux Français fiers et présomptueux : « Oui, vainqueurs, mais pour combien de temps ? »

Rémy Cazals, août 2014

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Bouton, André (1890-1979)

*André Bouton, Mémoires d’un Manceau, soldat pendant la Grande Guerre, présentées et annotées par son petit-fils Didier Béoutis, Editions de la Société littéraire du Maine, 2014, 340 pages. En illustration : photos prises par l’auteur et d’autres de l’ECPAD. Préface de Stéphane Tison, maître de conférences à l’université du Maine : « Le témoignage important d’un mobilisé aux expériences multiples. »

1. L’auteur
Né le 30 novembre 1890 à Fresnay-sur-Sarthe où son père dirige une entreprise de tannerie. Son frère cadet deviendra prêtre. Lui-même exerce la profession de clerc de notaire. Il a fait le service militaire comme secrétaire d’état-major. En 1914, il est encore célibataire. Myope, il est classé service auxiliaire et il reste à la caserne Chanzy au Mans. Après l’hécatombe des premiers mois, il part en renfort au 117e RI, à sa demande expresse, nous dit-il. Arrivé au front le 12 novembre, il est blessé à la cuisse le 17 décembre et il décrit la mauvaise organisation de la chaîne d’évacuation, puis l’hôpital Ridgway à Pau. Guéri, il passe plusieurs semaines comme instructeur, puis il participe à la formation du 404e RI au camp de Mailly dont il donne une description (p. 138). Après trois semaines de tranchées, il vient soigner une scarlatine à Compiègne pendant deux mois. A partir de juillet 1915, suivent des « pérégrinations » et des occupations de tranchées dans l’Aisne, coupées par une permission en novembre. Il décrit la ferme de Confrécourt (p. 194), le secteur de Sacy (p. 225). Il est promu sergent en février 1916. Il est à nouveau blessé le 17 juillet et soigné à l’hôpital des Rothschild à Paris (p. 279). En février 1917, il revient dans les services auxiliaires et stationne près d’Alençon dans des postes de surveillance des avions et des dirigeables.
Après la guerre, il devient notaire à Mamers et se marie en 1923 avec une fille de notaire. De retour au Mans, il dirige un cabinet d’affaires. Membre des sociétés savantes, il écrit des ouvrages d’histoire locale et régionale. Il meurt le 1er avril 1979.

2. Le témoignage
André Bouton a tenu un journal quotidien pendant toute la durée de la guerre. Le présentateur nous dit qu’il utilisait un papier carbone et qu’il envoyait régulièrement le double à sa mère afin qu’une version au moins soit sauvée. Les 15 carnets font mille pages. Puisqu’ils sont conservés, une comparaison avec les mémoires serait intéressante. André Bouton nous dit qu’il a rédigé ses mémoires avant même la fin de la guerre, à partir de ses carnets et des souvenirs encore frais. En 1929, il a fait dactylographier le texte des mémoires par sa secrétaire ; il dit qu’après relecture il n’a rien modifié et il a écrit un avant-propos de forte critique de la guerre, qui pourrait constituer en fait une conclusion tardive. Les mémoires comprennent trois parties : 1. « Souvenirs d’un Manceau soldat au 117e régiment d’infanterie (août à décembre 1914) » ; 2. « Dix-huit mois avec le 404e régiment d’infanterie (janvier 1915 à juillet 1917) » ; 3. « Mémoires d’un « embusqué » (juillet 1916 à mars 1919) ». Il aurait alors renoncé à les publier (a-t-il essayé ? on ne le sait pas). Des passages ont été donnés à des périodiques locaux. L’édition de 2014 est la première publication complète et annotée. Le style évoque nettement une réécriture et une hésitation entre trois attitudes : celle du témoin direct ; celle de l’historien prenant du recul ; celle de l’écrivain soucieux d’attirer l’attention sur le pittoresque et les ridicules.

3. Analyse du contenu
Un premier thème est celui de l’entrée en guerre. André Bouton fait partie des rares Français qui prenaient des vacances. La mobilisation le ramène au Mans et il décrit les aspects les plus délirants des quelques jours du début août dans cette ville. Sans doute insiste-t-il sur les ridicules. En septembre-octobre, cependant, il signale des inscriptions contre la guerre sur les murs de la ville, épisode qu’on souhaiterait mieux connaître. Lui-même cherche à partir vers le front et il souligne qu’il est bien le seul : il fait autant d’efforts pour partir que les autres en font pour rester. Ses motivations : un patriotisme nourri d’un imaginaire guerrier ; la curiosité et le goût de l’aventure ; la volonté de ne pas devenir un objet de risée pour les filles.
Dès les premières pages, il critique violemment ceux qui veulent s’embusquer, mais aussi les infirmières, les Méridionaux, les ivrognes ; ceux-ci sont extrêmement nombreux et stigmatisés dans tout le livre, jusqu’à des aviateurs partis en mission et ayant cassé leur engin ; tous les spécimens d’embusqués rencontrés à Compiègne ; les brancardiers trop prudents ; d’autres « embusqués rutilants » (p. 207) ; les paysans des environs d’Alençon, abrutis vivant dans un pays sauvage ; la baronne de Rothschild dont il fait une critique au vitriol lorsqu’il est soigné dans son hôpital ; et enfin les Américains, grossiers, violents, vantards.
Ayant beaucoup fréquenté les hôpitaux, il donne son opinion sur le « moral » des blessés. Au tout début, ils souhaitent revenir au combat ; mais ce n’est plus le cas au tournant de 1914 et de 1915. Il faut dire qu’ils sont démoralisés par la vue des embusqués. Au printemps 1915, le 404e RI est présenté comme « un régiment sous-alimenté, malade et sans ressort ». Mais au printemps 1916 « l’état moral du front s’était amélioré » et les permissionnaires remontaient le moral de l’arrière, affirmations curieuses qui arrivent après des descriptions apocalyptiques de marches éreintantes, d’ivresses généralisées, d’officiers imbéciles.
La dernière partie raconte « l’embuscade ». Après sa deuxième blessure, il ne veut plus remonter au front, il fait tout pour cela, il accepte le qualificatif d’embusqué : « Et aucun remords ne vint troubler ma joie après deux ans de misère et de souffrances ! Je pouvais me reposer un peu, et laisser les périls de la lutte à ceux qui n’étaient au front que depuis six mois, et s’étaient chauffés à l’arrière pendant plus de deux ans ! » Il estime aussi que l’État tentaculaire est son débiteur (p. 305). C’est dans cette dernière partie que se voient le mieux les attitudes d’historien : il revient assez justement sur les responsabilités de la Serbie et de la Russie dans le déclenchement de la guerre ; mais il attribue les « troubles et séditions » de 1917 à l’action des Boches (p. 303).
Enfin, il coule des jours paisibles en 1917 et 1918 du côté d’Alençon, « excursionnant dans cette nature où il y a de jolis sites, m’entretenant avec les paysans, riant avec les filles qui venaient nous voir, faisant de l’archéologie »…

Rémy Cazals, juillet 2014

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