Fangeaud, Jules (1897-1917)

Le plus jeune des trois frères Fangeaud d’Oran engagés dans la Première Guerre mondiale (voir les notices de François et Émile Fangeaud). Cinq lettres de lui à ses parents sont reproduites, avec quelques photos, dans La Lettre du Chemin des Dames n° 34, mars 2015, p. 21-23. Après François, tué près de Soissons le 8 janvier 1915, Jules est mort le 10 mai 1917 au Mont des Singes. Peut-être à la suite des conseils de ses frères d’éviter l’infanterie, il avait choisi de s’engager en juillet 1915 au 2e régiment de cuirassiers. On le retrouve au 40e régiment de tirailleurs sénégalais à Dakar et en Guinée, puis au 23e colonial dans la Marne. Il aurait été cassé de son grade de caporal lors de l’offensive de la Somme en 1916. Les cinq lettres reproduites précèdent de peu sa mort.
Le 12 avril 1917, en décrivant les « vraies montagnes d’obus » en prévision de l’offensive Nivelle, il pense que « la victoire nous est certaine », d’autant que les Allemands crèvent de faim jusqu’à manger les chiens. Le 19 avril, l’offensive ayant échoué, le ton est moins optimiste : « Nous avons eu des pertes, je vous raconterai tout cela lorsque j’irai en permission. » Le 24 avril : « Nous en avons tous marre car nous ne voyons que jamais cela finira. » Le 4 mai : « Comme nous sommes des régiments d’élite (les coloniaux), il faut que nous fassions plus d’attaques que les autres, mais je crois que cela ne va pas durer car on en a déjà tous marre et un de ces jours ça va barder. » La lettre du 7 mai signale que les prisonniers allemands disent eux aussi qu’ils en ont marre. « J’ai toujours espoir de revenir de cette guerre », conclut-il. Jules Fangeaud est tué trois jours plus tard.
Rémy Cazals, avril 2016

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Creugnet, Georges

La Lettre du Chemin des Dames de mars 2015 (n° 34) a publié des documents concernant les frères Fangeaud d’Oran. Georges Creugnet y figure (p. 19-20) comme l’auteur de lettres adressées à Émile Fangeaud à propos de la mort de son frère François (voir la notice François Fangeaud). Ces six lettres, du 9 janvier au 4 février 1915, sont un bon exemple de la façon de faire connaitre une mauvaise nouvelle avec des ménagements. Ainsi, le 9 janvier, annonce-t-il que François a été blessé et qu’il ira le voir à Soissons où il a été évacué. Le 12 janvier, il écrit qu’il vient d’aller voir François, que sa blessure « est affreuse ». Le 13 janvier, le blessé serait à la dernière extrémité, mais il reste encore un espoir. Les autres lettres reconnaissent finalement que François a été tué dans l’attaque du 8 janvier. Le 4 février, Creugnet ajoute à l’intention du jeune frère en âge de participer à la guerre : « Ne fais pas l’imbécilité de venir. » Il rejoint ainsi une expression de François dans sa dernière lettre à Émile : « Ne fais pas l’imbécilité d’être volontaire en quoi que ce soit. »
On sait seulement que Georges Creugnet, d’Alger, était le caporal de l’escouade de François Fangeaud.
Rémy Cazals

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Fangeaud, François (1893-1915)

Les trois frères Fangeaud, d’Oran, sont venus combattre en France. La Lettre du Chemin des Dames de mars 2015 (n° 34) a publié plusieurs documents les concernant, avec quelques photos (p. 16 à 23). Voir les notices Fangeaud Émile, Fangeaud Jules et Creugnet Georges.
François était commis postier vers 1910. En 1913, il faisait le service militaire dans le Génie à Montpellier. Après un séjour à Timgad, il s’embarque pour Marseille et arrive au 2e Génie vers Soissons. Il est tué le 8 janvier 1915 à Vauxrot, au premier jour de la bataille de Crouy.
Sa lettre du 9 décembre 1914 évoque la proximité des deux lignes ennemies et la peur éprouvée sous les balles et les obus. Le 25 décembre, il décrit un colonel donnant ordre à quelques soldats de sortir de la tranchée pour aller couper les fils de fer en préalable à une attaque : « Ils hésitent un peu car c’est la mort certaine qu’ils voient devant eux, le colonel leur renouvelle l’ordre et les menace de les faire fusiller sur le champ. » Les camarades sortent et sont fauchés par les mitrailleuses, de même qu’une deuxième équipe : « Notre attaque a complétement échoué et bénéfice net une centaine de blessés et une trentaine de morts. »
Le repas du 1er janvier, grâce aux colis reçus et mis en commun, apporte un dernier moment de joie. Le 7 janvier, il écrit à son frère Émile qu’il s’agit peut-être de sa dernière lettre car une attaque est prévue pour le lendemain « au petit jour » : « Je vois la peine que vous aurez s’il m’arrivait malheur, j’ai eu jusqu’à présent du courage et j’en aurai jusqu’au bout car je suis algérien et avant tout français et je tiens à défendre mon pays lâchement attaqué par cette maudite race teutonne. » Et il donne la liste des personnes à prévenir en cas de décès.
Il peut cependant écrire encore à son frère le lendemain matin : « J’en ai marre d’être dans les tranchées depuis près d’un mois sans y sortir ; ce n’est pas le filon et j’ai un conseil à te donner : si tu peux rester à Hussein-Dey, restes-y, ne fais pas l’imbécilité d’être volontaire en quoi que ce soit ; demande plutôt d’aller à Ghardaïa ou à Biskra que de venir en France, car le plus mal que tu puisses être dans le bled, tu seras bien mieux qu’à ma place car ce n’est plus une vie que nous menons, étant à chaque moment exposés aux plus grands dangers ; lorsque nous étions à Kouba, il nous tardait de partir, mais maintenant que l’on y est il nous tarde de revenir. »
La contradiction de ton entre les deux dernières lettres s’explique par le fait que celle du 7 janvier, destinée à être lue par toute la famille, doit conserver une dimension patriotique affichée. Celle du 8 décrit la réalité de la situation et des sentiments de François et s’adresse uniquement à son frère afin de lui donner des conseils de sauvegarde personnelle.
Une série de lettres de Georges Creugnet, camarade de François Fangeaud, adressées à Émile entre le 9 janvier et le 4 février 1915, constitue un bon exemple de la façon d’annoncer avec précaution une mauvaise nouvelle (voir la notice Creugnet). En fait, François Fangeaud a été tué sur le coup le 8 janvier vers 10 heures, au cours de l’attaque.
Rémy Cazals

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Escalaïs, Julien (1881-1954)

Né le 29 juin 1881 à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne), de père inconnu. Reconnu en 1892 par son père, comptable dans l’entreprise Brusson Jeune. Marié en 1904, un fils né en 1912. Lui-même est employé chez Brusson (sans autre précision). Il a écrit une dizaine de lettres et cartes postales à ses patrons, conservées dans les archives de l’entreprise aux Archives de la Haute-Garonne. Il se plaint du froid, de la longueur de la guerre dès janvier 1915, et de la censure du courrier. Comme tous les salariés de l’entreprise, il a reçu de l’argent et des colis (le 17 janvier 1915, il remercie pour un colis « délicieux » arrivé intact).

Voir les notices Brusson. Voir Jean-Claude François, Les Villemuriens dans la Grande Guerre, Les Amis du Villemur historique, 2014. Photo de Julien Escalaïs dans La Chanson des blés durs, Brusson Jeune 1872-1972, Toulouse, CAUE et Loubatières, 1993, p. 78.

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Planté, Alban (1882-1919)

Né à Valence-sur-Baïse (Gers), le 16 avril 1882. Études au séminaire d’Auch. Curé de Margouet-Meymes. Nommé à Cassaigne le 18 avril 1914, il ne peut occuper son poste que pendant quelques mois car il est mobilisé et affecté à la 17e section d’infirmiers militaires de la 67e division de réserve (celle du docteur Voivenel, voir ce nom).
Henri Faget a retrouvé dans sa famille et autour les lettres envoyées à ses paroissiens notables par le curé devenu soldat (« déguisé en soldat », comme il le dit lui-même dans sa lettre du 28 août 1914, lettre qui demande aussi des nouvelles de « Monsieur Maurice », Maurice Faget, fils de ses correspondants principaux, et père d’Henri). Voir la notice Faget Maurice. Les lettres sont réunies dans un petit livre à compte d’auteur d’Henri Faget, publié sous le titre Alban Planté, Lettres d’un prêtre-soldat à ses paroissiens, avril 1914-décembre 1916, chez l’auteur (henri.faget459@orange.fr), 2014, 102 p.
Dans ses lettres, le curé emploie un ton de respectueuse et amicale plaisanterie. Il se préoccupe de la décoration de sa chère église ; il lance quelques piques à certains confrères à propos du denier du culte. Il demande l’envoi de son calice pour pouvoir dire la messe, mais il doit y renoncer car le paquet risquerait de s’égarer. De Cassaigne, ces dames lui envoient une étrenne qu’il utilise pour venir en aide à une famille éprouvée (p. 46 et 50). Lors des grandes fêtes chrétiennes, il adresse des lettres pastorales à ses paroissiens pour les réconforter.
Au début de la guerre, il passe quelque temps à Toulouse (p. 10), mais il arrive à Suippes en Champagne le 16 août, il gagne l’Argonne, puis se replie vers Verdun avant que la victoire de la Marne ne rétablisse la situation (p. 88). Il écrit : « Les services de la voirie n’ont plus de secrets pour moi, puisque j’ai passé un peu par tous : j’ai raclé la boue, cassé des cailloux, curé des fossés, enlevé des fumiers, déchargé du sable et du ciment, charrié du gravier avec la brouette pour la reconstruction d’un pont. […] Enfin, le 8 décembre, j’étais à ma grande joie affecté comme infirmier-major à la salle des fiévreux dans notre ambulance de Sommedieue. » Il lui arrive de dormir dans un grenier infesté de souris et de rats (p. 30-31), mais il est souvent accueilli dans des couvents (p. 20 et 38) car « les bonnes sœurs n’ont pas voulu que je couche dans le foin ».
Les lettres contiennent une fois l’expression « maudite guerre » (13 novembre 1914, p. 30), et reconnaissent l’existence du « cafard » qui est l’équivalent du spleen ou de l’ennui (p. 35). Mais il ne cesse de dire que la santé morale de l’armée est bonne (30 octobre 1914), que les soldats sont étonnants d’enthousiasme (17 janvier 1915), alors que les Allemands connaissent la faim (d’après la lettre d’un prisonnier qui aurait écrit : « assi lou pan coummenço à manca »). D’un autre côté, c’est Dieu qui dirige les opérations : « les fautes de la France pèsent bien lourd dans un plateau de la balance de Dieu », mais cela peut être compensé par les pleurs, les prières, les sacrifices (p. 25). Dans tous les cas, le Christ aime les Francs (p. 43) et Dieu ne voudra pas imposer à la France des épreuves trop dures (p. 47). Quant à la religion, « elle nous réconforte en ce sens qu’elle nous apprend à accepter la souffrance de la main de Dieu (p. 49).
La lettre pastorale pour être lue le 25 décembre 1915 (p. 75-80) revient sur « le courage incontestable de nos valeureux soldats et le génie incontesté des chefs qui les commandent ». Elle expose les raisons de ne pas faire la paix « dans l’état actuel des choses » et elle souhaite « que notre Patrie sorte de l’épreuve actuelle grandie moralement aux yeux du monde entier ».
La lettre du 5 avril 1916 est envoyée de Dax où le curé Planté est soigné par les Pères Lazaristes. Son état de santé s’est dégradé à un tel point qu’il a été évacué. De là, il s’insurge contre la « rumeur infâme » exposée par un journal de Toulouse (La Dépêche, dont il ne cite pas le titre) qui prétend que les prêtres ne font pas leur devoir militaire de Français. « Tous les prêtres-soldats de France ont magnifiquement rempli jusqu’au bout le rôle qui leur a été départi au début de la campagne. » Que les journalistes qui font la guerre à Toulouse viennent passer quelque temps dans les tranchées !
La dernière lettre retrouvée, de décembre 1916, envoyée aux paroissiens, évoque son départ pour l’armée d’Orient. Il en profite pour faire l’histoire des premières années du siècle, ouvertes par l’Exposition universelle et les affirmations de « Science, Civilisation, Progrès ». Mais « la principale préoccupation était le plaisir ». Puis on a voulu chasser les congrégations et imposer la loi de Séparation « pour étrangler l’Église de France ». C’est le danger de la Patrie et la guerre qui ont fait retrouver l’union.
Henri Faget nous informe qu’aucune autre lettre n’a été retrouvée. Revenu à son presbytère de Cassaigne, Alban Planté y est mort le 5 avril 1919.
Rémy Cazals, avril 2016

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Mercadié, Maurice

Dans le cadre des activités de la bibliothèque patrimoniale du Grand Cahors, ont été recueillis des témoignages lotois sur la période de la Grande Guerre, regroupés en chapitres thématiques : Didier Cambon et Sophie Villes, 1914-1918, Les Lotois dans la Grande Guerre, tome 1 Les Poilus, préface du général André Bach, Les Cahiers historiques du Grand Cahors, 2010, 197 p.
Cultivateur à Montgesty (Lot), Maurice Mercadié a laissé son témoignage dans 200 lettres adressées à sa famille. Il a combattu au 1er RI. Dès le 19 septembre 1915, il aspirait à la « bonne blessure » : « L’autre jour, j’ai eu des camarades qui ont été blessés au cours d’un bombardement, je voudrais bien être blessé moi aussi pour aller passer quelques jours tranquilles dans un hôpital. » Et il a été blessé deux fois, en septembre 1916 et en août 1918.
Son attitude d’hostilité à la guerre s’exprime en particulier en 1918 (p. 80). Le 19 mars, après de longues marches, il conclut : « Je vous assure que nous en avions assez. » Le 21 avril, contre les officiers : « Les officiers du bataillon ont été assez nettoyés. Mais celui que j’aurais voulu voir partir par exemple, c’est le nôtre, je ne lui souhaite pourtant pas de mal mais une belle blessure qu’on ne le voie pas de quelque temps. » Il va jusqu’à s’en prendre violemment à ceux qui dirigent le monde : « Ah c’est malheureux de passer une vie si pénible ! Mais je me demande si ces bandits qui sont en tête de tout ne seront pas bientôt fatigués de faire égorger les peuples ? Où veulent-ils en venir ces misérables ? »
Rémy Cazals, avril 2016

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Delcayre, Jean-Baptiste

Dans le cadre des activités de la bibliothèque patrimoniale du Grand Cahors, Didier Cambon et Sophie Villes ont recueilli des témoignages lotois sur la période de la Grande Guerre et les ont regroupés en chapitres thématiques : Didier Cambon et Sophie Villes, 1914-1918, Les Lotois dans la Grande Guerre, tome 1 Les Poilus, préface du général André Bach, Les Cahiers historiques du Grand Cahors, 2010, 197 p.
Jean-Baptiste Delcayre était cultivateur à Meyronne (Lot) avant la guerre. On a de lui 250 lettres adressées à sa famille. Parti au 131e RIT, il a été d’abord ordonnance d’un officier, puis affecté à diverses missions de transport. Avant même son départ, il a décrit la « grande animation » qui règne au chef-lieu, le 7 août 1914, la population cherchant à encourager les soldats : « Tous les régiments qui passent pour aller à la frontière sont salués par des bravos et Vive la France. C’est curieux à voir. Notre détachement est rentré à la caserne le jour de notre arrivée en chantant la Marseillaise et drapeaux en tête. Les officiers étaient joyeux, mon commandant nous a félicités. » En même temps, il se préoccupe du prix payé par la réquisition pour la jument de sa ferme. Et, peu après (30 septembre), il commence à donner des conseils pour les travaux agricoles : « Je vous recommande de laisser assez mûrir le tabac, vous verrez bien d’abord lorsque les autres le couperont et vous n’aurez qu’à leur montrer d’abord ; j’ai confiance avec Portal Gaubert car lui laisse assez mûrir, écoutez bien ses conseils. »
La séparation et les mauvaises conditions de vie sont pénibles à supporter, mais il y a de plus malheureux (3 décembre 1914) : « Pense aux habitants des pays ravagés où le mari est sur la ligne de feu, sa famille éparpillée à droite ou à gauche, sans correspondance dans des pays sans connaitre personne, souvent sans ressources, leurs récoltes ravagées, leurs maisons pillées ou incendiées ou écroulées à coups de canons. »
Le 29 mai 1917, il fait de manière un peu confuse une remarque de bon sens sur le rapport ambigu des soldats avec la presse : « Les communiqués, je ne les regarde plus mais les journaux viennent intéressants quand même si ce n’est que pour nous bourrer le crâne ; pardonnons-les quand même car en attendant ça nous relève le moral, car sans cela il commencerait à être bien bas et il y a de quoi. » Comment s’en sortir ? « Il n’y a pas d’autre cas de gale, mais d’abord c’est rien du tout que de la chance pour celui qui l’attrape. Celui qui n’a qu’un bras ou une jambe, on le réforme, il est content car il a la vie sauve mais cela ne veut pas dire que ça soit tout bonheur. Il faut être malade pour être réformé, il faut un cas sérieux mais en ce moment on est content de tout pour se sortir de cette tuerie » (17 septembre 1917).
Fin décembre 1917, « pour la quatrième fois », Jean-Baptiste est obligé d’envoyer ses vœux par lettre : « Tout de même, c’est bien triste de vivre ainsi de longues années séparés de ceux que l’on aime. Je vous souhaite une année avec une santé parfaite et que tous vos désirs surtout se réalisent car alors ça sera mon retour, j’en suis sûr. » En effet, l’année 1918 sera la dernière année de guerre, grâce aux tanks et aux Américains. Le 5 juillet, Jean-Baptiste écrit à son petit Marcel qui a bien grandi : « Tu me dis que tu penses à moi, crois-moi cher petit Marcel que moi aussi je pense à toi et à tous, il ne se passe guère de moment que je ne pense à vous tous et ainsi depuis 4 ans. Ceux qui prétendent qu’on s’y fait à la guerre ne doivent pas en avoir goûté. Cependant plus que jamais il faut le courage et la patience. Serait un lâche celui qui reculerait devant les sacrifices qu’il peut rendre [sacrifices ou services ?]. Aujourd’hui, mon cher petit Marcel, un millier de soldats américains sont à nos côtés. Ils ont couru de grands dangers pour venir sur notre sol. Ils sont curieux à voir. […] C’est frappant quand on voit ces hommes venir de si loin pour défendre notre cause. Ce sera dur encore quelques mois, mais le jour viendra où nous aurons la supériorité. Je voudrais bien t’avoir à côté de moi pour te montrer beaucoup de choses. Tu verrais ces avions français voler toute la journée au-dessus de nos têtes et en quantités. Ces régiments d’Américains avec leurs grands chapeaux, ces tanks que nous ramenons du combat et qui sont criblés de balles mais aucune ne peut traverser, pas même les éclats d’obus, ça ne fait que lui lever la peinture. »
Rémy Cazals, avril 2016

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Dantony, Etienne (1879-1917)

Dans le cadre des activités de la bibliothèque patrimoniale du Grand Cahors, Didier Cambon et Sophie Villes ont recueilli des témoignages lotois sur la période de la Grande Guerre et les ont regroupés en chapitres thématiques : Didier Cambon et Sophie Villes, 1914-1918, Les Lotois dans la Grande Guerre, tome 1 Les Poilus, préface du général André Bach, Les Cahiers historiques du Grand Cahors, 2010, 197 p. Un de ces témoins, Étienne Clément Dantony, né à Montgesty (Lot) le 29 novembre 1879, agriculteur, est parti en guerre au 131e RIT, puis a été versé au 9e RI. Dans sa lettre du 10 août 1914 , il tente de rassurer sa famille : « Nous sommes vieux pour aller au front, aussi nous sommes à passer du beau temps et il nous faut en profiter. » Il se soucie du travail à la ferme, là-bas, « au pays » : « Dans votre lettre, vous me dites qu’au pays il ne fait que pleuvoir, cela ne vous avancera pas pour les travaux du printemps, surtout pour commencer de labourer les vignes et s’il pleut comme vous me dites, c’est impossible que vous puissiez y rentrer, surtout dans le terrain du Sierey » (15 mars 1916). Et, le 20 avril : « Quoique nous soyons bien, notre absence se trouve à dire pour les travaux de la maison ; j’aurais bien voulu, s’il m’avait été possible, vous aider à travailler les vignes, le temps m’aurait pas été si long. »
Comme tant d’autres, il aspire à retrouver sa vie du temps de paix : « Il me tarde beaucoup que cette maudite guerre finisse et qu’on nous laisse reprendre l’ancienne vie civile car à présent l’on en est fatigué de cette maudite vie. Ce n’est pas une existence. Il faut avoir espoir que cette guerre ne peut pas durer toute la vie et qu’avant longtemps Dieu nous accordera la paix tant désirée et elle sera la bienvenue. »
La « maudite guerre » a pris sa vie le 22 mai 1917 dans la Meuse.
Rémy Cazals, avril 2016

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Gardes, Simon (1893-1914)

Dans le cadre des activités de la bibliothèque patrimoniale du Grand Cahors, Didier Cambon et Sophie Villes ont recueilli des témoignages lotois sur la période de la Grande Guerre et les ont regroupés en chapitres thématiques : Didier Cambon et Sophie Villes, 1914-1918, Les Lotois dans la Grande Guerre, tome 1 Les Poilus, préface du général André Bach, Les Cahiers historiques du Grand Cahors, 2010, 197 p.
Simon Antonin Gardes est l’un d’eux. Il est né le 28 octobre 1893 à Payrac (Lot) et a été tué à l’ennemi le 20 décembre 1914 à Perthes-les-Hurlus, à l’âge de 21 ans. Sergent au 7e RI, il était passé au 207e RI. On a peu de choses de lui : une photo (p. 63 du livre) et quelques lettres adressées à ses parents et à sa sœur Marie. Certaines nous apprennent qu’il était catholique pratiquant : il assiste à la messe, aux vêpres. Le 2 novembre 1914, il écrit : « Des Cadurciens se trouvent au 207e. Ils n’osaient pas faire leur devoir de catholique à Cahors, ils le font à 5 km de l’ennemi. J’ai encore fait ma communion ce matin. »
Le 29 juillet, en pleine crise internationale, il avait écrit à Marie : « Je vois que tu as l’air de te faire beaucoup de mauvais sang pour moi à cause de la guerre. Tu sais que, si elle éclate, il faut que je parte et cela fait que si je vous sais tous à vous faire de la bile et pleurer, comment veux-tu que moi, qui n’ai besoin que de courage et de sang-froid, je résiste à tout cela ? Je puis t’affirmer que, s’il le faut, je partirai de bon cœur et avec du courage en main. Tu sais qu’entre l’Allemagne et nous il faut que ça casse une fois ou l’autre. Si l’heure est arrivée, nous verrons qui aura le dernier mot, mais nous ne craignons rien. » Cependant, dès le 14 octobre, il écrit : « Nous en avons soupé presque tous de la guerre. » Et il termine sa lettre du 18 décembre par un « Vivement la paix ! » Il sera tué deux jours plus tard.
Rémy Cazals, avril 2016

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