Rodewald, Hans (1891-1929)

1. Le témoin

Né le 17 avril 1891 à Celle (Basse Saxe), fils de Karl Rodewald, chef de gare, et de Wilhelmine Busch, dans un milieu de petite bourgeoisie. Etudes au Collège professionnel supérieur, commis dans un magasin de porcelaine et verrerie. Fiançailles avec Erna Rahls, fille de la maison, en 1912. Il ne peut l’épouser qu’en 1920 après son retour de captivité en France ; il devient l’associé de son beau-père. Il a trois enfants. Il meurt le 10 septembre 1929.

2. Le témoignage

Le premier agenda sur lequel Hans Rodewald notait au jour le jour ses impressions lui a été enlevé, après sa capture, par un officier français qui l’a considéré comme un « souvenir ». A partir de décembre 1914, sur des cahiers d’écolier français, il a repris son récit en remontant au 1er août 1914. La rédaction s’arrête en mai 1915.

Les originaux sont conservés dans la famille Birnstiel. Une traduction française, dans un ouvrage comparatif franco-allemand, est donnée dans Eckart Birnstiel et Rémy Cazals éd., Ennemis fraternels 1914-1915, Hans Rodewald, Antoine Bieisse, Fernand Tailhades, Carnets de guerre et de captivité, Toulouse, PUM, 2002, 191 p., illustrations.

3. Analyse

Trois périodes dans le récit : la grande offensive à travers la Belgique ; la bataille de la Marne où Hans est grièvement blessé, abandonné dans la retraite allemande, capturé et soigné par les Français ; la captivité à l’île d’Oléron. En 1918-1919, on sait qu’il a travaillé sur des exploitations forestières dans le département de l’Aude, mais il n’a pas fait le récit de cette expérience.

4. Autres informations

– Archives familiales.

– Archives de l’Aude, 15M 81.

Rémy Cazals, 11/2007

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Thivolle-Cazat, Gabriel (1883-1970)

1. Le témoin

Né à Mureils (Drôme) le 30 décembre 1883. Famille d’agriculteurs. Ecole primaire. En 1914, marié, deux enfants. Il passe une partie de la guerre, au début, comme planton au GQG de Joffre (septembre 1914-janvier 1915), puis au QG de Dubail jusqu’en décembre 1915. Il est ensuite affecté au 13e Bataillon de Chasseurs alpins sur le front des Vosges où ses notes s’interrompent en mai 1916. On sait qu’il combattit ensuite en Italie et qu’il survécut à la guerre. Revenu sur l’exploitation familiale à Mureils, il y est décédé le 1er avril 1970.

2. Le témoignage

Deux carnets de notes sont conservés par la famille. Le premier carnet de Gabriel Thivolle-Cazat, de septembre 1914 à décembre 1915, est retranscrit dans Jean-Pierre Bernard et al., Je suis mouton comme les autres. Lettres, carnets et mémoires de poilus drômois et de leurs familles, Valence, Editions Peuple Libre et Notre Temps, 2002, p. 439-454.

3. Analyse

Lassitude, démoralisation et révolte apparaissent de bonne heure. D’abord (4 mars 1915), l’auteur espère la fin victorieuse, mais en novembre, c’est : « Que ça finisse donc comme ça voudra, mais que l’on rentre chez soi. » Il y a tant à faire à la maison et sur les terres. Sentiments d’animosité envers les officiers qui traitent les hommes comme les paysans traitent les animaux. Le 2 avril 1916, près de La Croix-aux-Mines, il entend les Boches de la tranchée d’en face chanter l’Internationale en français.

4. Autres informations

– Rémy Cazals, « Culture de guerre, culture de paix. Retour sur les témoignages de combattants », dans Histoire, défense et sociétés, revue de l’ESID, Université de Montpellier III, n° 1, 2004, « Guerre, paix et sociétés. Pour une histoire totale », p. 59-74.

Rémy Cazals, 12/2007

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Garbissou, Paul (1892-1914)

1. Le témoin

Né à Ouveillan (Aude) le 23 octobre 1892 dans une famille de petits propriétaires viticulteurs. Titulaire du Brevet élémentaire. Il fait son service militaire au 80e RI de Narbonne lorsque la guerre éclate. Grièvement blessé, il meurt à l’hôpital de Zuydcoote (Pas-de-Calais), le 27 décembre 1914.

2. Le témoignage

Dès le 1er août 1914, il prend des notes au crayon sur un très petit carnet, de format 10 x 6,5 cm. La dernière date mentionnée est celle du 25 décembre 1914 : « Nous nous préparons à revenir dans les tranchées […] ». Le carnet fut envoyé après sa mort à sa famille, qui l’a conservé. Le texte a été édité à la suite de celui d’Antoine Bieisse, sous un titre emprunté à ce dernier : Plus d’espoir, il faut mourir ici !, carnets d’Antoine Bieisse et de Paul Garbissou, Carcassonne, FAOL, collection « La Mémoire de 14-18 en Languedoc », 1982, 62 p. [le carnet de Paul Garbissou occupe les p. 27 à 49 ; son portrait se trouve en 4 de couverture].

3. Analyse

Début de la guerre dans les Vosges, puis transfert vers la Belgique en passant par l’Aisne. Bataille de l’Yser. Du 1er au 20 novembre, « journées terribles, ayant attaque sur attaque, et laissant chaque jour beaucoup de morts et de blessés ». En dehors des périodes de combat, il décrit les journées « tranquilles », il s’intéresse à la nourriture, il signale les rencontres avec des « pays ». Les nombreuses et longues marches sont aussi mentionnées.

Rémy Cazals, 11/2007

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Moulis, Charlotte (1891-1957)

1. Le témoin

Née à Albi (Tarn) le 16 avril 1891. Domestique engagée par la famille de Moustier, elle est aide de cuisine, sous les ordres du chef Thibault au château de Clémery, près de Nomény (Meurthe-et-Moselle). Restée célibataire, elle est décédée à Albi le 12 septembre 1957.

2. Le témoignage

Sur un petit carnet, Charlotte Moulis a pris des notes d’août 1914 à janvier 1915, texte qui se termine par la phrase : « Six mois de front inoubliables ». Le carnet (qui contenait aussi un certificat de bonne conduite) a été retrouvé dans le tiroir d’un meuble acheté aux enchères plus de vingt ans après son décès, qui appartenait peut-être à sa soeur. Il est publié dans Récits insolites. Carnets de Charlotte Moulis, Emile Bonneval, Etienne Loubet, présentation générale de Rémy Cazals, Carcassonne, FAOL, collection « La Mémoire de 14-18 en Languedoc », 1984, 67 p. [Charlotte Moulis : Six mois de front inoubliables, p. 13-33], illustrations.

Il est intéressant de remarquer que la fille des châtelains, Anne-Marie de Moustier, a publié son propre récit ; il existerait également un texte écrit par sa mère, la comtesse de Moustier elle-même.

3. Analyse

Le château de Clémery se trouve quasiment sur la frontière de 1914 entre la France et l’Allemagne. Pendant six mois, le secteur est épargné par les tirs d’artillerie, si bien que les nobles propriétaires et leurs serviteurs peuvent rester au château. La guerre qui se déroule à proximité, et jusque dans le parc, n’oppose que des patrouilles et ne fait que quelques morts et quelques blessés, soignés au château, qu’ils soient français ou allemands. Ceux-ci étant qualifiés de Prussiens, cela renforce encore le caractère anachronique de ces épisodes. Ce n’est qu’en janvier 1915 que Charlotte emploie le mot « les Boches » et que l’artillerie rend impossible de rester au château. Auparavant, Charlotte avait décrit les atrocités commises à Nomény, et la victoire de la Marne alors que tout le monde croyait que les combats avaient encore lieu en Belgique.

4. Autres informations

– Anne-Marie de Moustier, Six mois dans un château aux avant-postes. Journal de guerre du 1er août 1914 au 15 janvier 1915, s. l., 1916, 183 p. [se trouve à la BM de Nancy].

Rémy Cazals, 12/2007

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Loubet, Etienne (1887-1976)

1. Le témoin

Né à Pezens (Aude) le 23 février 1887 dans une famille de vignerons propriétaires et de commerçants, épiciers, transporteurs. Catholique pratiquant. Titulaire du Brevet élémentaire. Célibataire en 1914. Marié après la guerre et fixé à Aragon (Aude) comme vigneron, et où il est mort le 28 novembre 1976.

2. Le témoignage

Publié dans Récits insolites. Carnets de Charlotte Moulis, Emile Bonneval, Etienne Loubet, présentation générale de Rémy Cazals, Carcassonne, FAOL, collection « La Mémoire de 14-18 en Languedoc », 1984, 67 p. [Etienne Loubet : Ma campagne de Sibérie, p. 51-66], illustrations.

Dans le carnet d’Etienne Loubet, toutes les pages antérieures au 10 décembre 1918 ont été arrachées, vraisemblablement par lui-même avant sa mort. On pense dans la famille qu’il confia certains papiers à des amis pour les brûler. Son séjour sur le front en France n’est connu que par les témoignages familiaux.

3. Analyse

Blessé en février 1915, horrifié par ce qu’il avait enduré sur le front de l’ouest, et ne voulant plus y retourner, il se porta volontaire pour partir en Extrême-Orient en mars 1916. Après un séjour en Indochine, le Bataillon colonial sibérien arriva à Vladivostok le 9 août 1918. Il se dirigea vers l’ouest par le transsibérien pour prendre les Rouges à revers et il se trouvait à Novosibirsk le 11 novembre. Etienne Loubet ne participe pas aux affrontements. Il décrit surtout les déplacements en train et la température hivernale. La retraite commence le 24 décembre. Arrivé à Tien Tsin, il achève ainsi son carnet : « Campagne de Sibérie terminée le 19 février 1919 ».

4. Autres informations

– JMO du Bataillon colonial sibérien, SHDT, 26N 868.

Rémy Cazals, 12/2007

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Gueugnier, Charles (1878- )

1. Le témoin

Charles Gueugnier est né le 5 novembre 1878 à Sétif (Algérie) de François Gueugnier et Carmen Calleya. A 20 ans, il part en Angleterre où il est cuisinier. La guerre le surprend chef de cuisine de l’amiral anglais Berkeley-Milne commandant en chef de l’escadre britannique en Méditerranée. Ce dernier lui propose d’être incorporé dans les forces britanniques mais il décline la proposition et rejoint son régiment, le 4e Zouaves, le 3 août 1914. Charles Gueugnier, fait prisonnier le 12 octobre 1914 au Chemin des Dames, est interné au camp de Merseburg (Saxe). En mai 1918, bénéficiant des accords de Berne, il est libéré du camp et transféré en Suisse, en semi-liberté. Il rentre en Algérie à la fin de 1918, mais sa trace est perdue après la guerre.

2. Le témoignage

A partir du 12 octobre 1914, Charles Gueugnier écrit tous les jours sur des feuillets qu’il cache. Il les recopie sur des cahiers pendant son séjour en Suisse à partir du 4 juin 1918 et continue à écrire régulièrement en Suisse, plus épisodiquement après son retour en Algérie jusqu’à sa démobilisation le 3 mars 1919. Ces neuf cahiers ont été conservés par la famille. De larges extraits des cahiers ont été publiés sous le titre Les carnets de captivité de Charles Gueugnier 1914-1918, présentés par Nicole Dabernat-Poitevin, Toulouse, Accord édition, 1998, 239 p., illustrations.

3. Analyse

La durée du séjour, 4 ans, dans le même camp est tout à fait exceptionnelle et apporte un intérêt accru à son témoignage. Le souci continuel de l’auteur de préserver ses notes souligne sa volonté de ne rien oublier de ses années d’enfermement. De son poste d’observation, de sa situation particulière d’interprète (puisqu’il parlait anglais), il donne une photographie du camp dans le temps, en montrant les liens ou l’animosité entre les prisonniers de différentes nationalités, selon l’importance des groupes, mais aussi l’évolution des rapports entre les prisonniers et les Allemands. A travers ses notes, on repère les différents mouvements de prisonniers vers d’autres camps ou détachements de travail. Le moral des troupes françaises affleure avec l’arrivée de nouveaux prisonniers qui sont, pour ceux du camp, une source d’information sur l’évolution de la guerre. Il note scrupuleusement la météo quotidienne et les menus. Très affecté par une faim permanente, il dresse un panorama de toutes les aides destinées aux prisonniers à travers ses attentes de colis, des envois de pain et des avatars de l’acheminement. On retrouve, comme souvent dans la littérature des prisonniers, les distractions du camp, le commerce interne voire un marché aux puces. Pendant son séjour en Suisse, il décrit les ravages de la grippe parmi les prisonniers qui avaient bénéficié d’un internement ou d’une hospitalisation dans ce pays.

Ce témoignage fourmille de détails au quotidien qui donnent un bon aperçu de la vie d’un camp de prisonniers de guerre.

Nicole Dabernat-Poitevin, 12/2007

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Bargy, Pierre (1896-1923)

1. Le témoin

Né le 29 janvier 1896 à Meymac (Corrèze). Ses parents tiennent une boucherie. Un de ses oncles est médecin. Baccalauréat en 1913. Inscrit à la Faculté de Médecine de Lyon où il peut suivre deux années de formation avant la mobilisation. Section d’infirmiers du 11e RI, puis médecin auxiliaire en mars 1916. Affecté au 30e Bataillon de tirailleurs sénégalais, sur le front de la Somme du 12 mai au 23 août 1916. Armée d’Orient jusqu’en mai 1918. Après la guerre, il termine son cursus et devient docteur en médecine en 1922. Mort l’année suivante. Sa famille a fait marquer sur sa tombe : « victime de la Grande Guerre ».

2. Le témoignage

Carnets tenus du 25 juin 1916 au 13 juin 1917. Quelques lettres et cartes postales en complément.
Carnets retranscrits par Pierre Chassagne en annexe (54 p.) de son mémoire de maîtrise : Un combattant de 1914-1918 : Pierre Bargy, Université de Toulouse II, 2000, 118 p., avec portrait de P. Bargy et autres illustrations.

3. Analyse

Ayant un certain bagage intellectuel, Pierre Bargy n’insère cependant dans ses notes aucune construction rhétorique sur le thème de la patrie. Il soigne les blessés allemands ; il note que les prisonniers aident à transporter des blessés français. Nombreuses informations sur les conditions matérielles. Fines observations sur les combattants de son unité, les tirailleurs sénégalais en particulier, sur le commandement, sur les forces alliées, sur l’ennemi. Il analyse diverses rumeurs. Vision intéressante de Salonique et de la Macédoine.
4. Autres informations
– Rémy Cazals, « Culture de guerre, culture de paix. Retour sur les témoignages de combattants », dans Histoire, défense et sociétés, revue de l’ESID, Université de Montpellier III, n° 1, 2004, « Guerre, paix et sociétés. Pour une histoire totale », p. 59-74.

Rémy Cazals, 12/2007

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Noé, Léopold (1877-1957) et son frère Félicien

1. Le témoin

Né à Montséret (Aude) le 3 mars 1877, fils de Félix Noé et d’Olympie Rivière. Ecole primaire. Marié et père de deux enfants, il a 37 ans à la mobilisation. Journalier dans le travail des vignes dès la sortie de l’école, il était devenu ouvrier dans la grande entreprise audoise de production et distribution de l’électricité, la Société Méridionale de Transport de Force. Socialiste, autodidacte, il fonde, après la guerre, la bibliothèque de la section socialiste de Montséret où il meurt le 5 janvier 1957.

 

2. Le témoignage

Léopold Noé, Nous étions ennemis sans savoir pourquoi ni comment, Carcassonne, FAOL, collection « La Mémoire de 14-18 en Languedoc », 1980, 82 p. Notes du temps de guerre recopiées après le retour.

 

3. Analyse

Mobilisé dans la Territoriale, il passe au 280e, régiment de Louis Barthas, mais pas dans le même bataillon, et arrive sur le front en juin 1915 en Artois. Le récit des deux Audois (Barthas et Noé), qui ne se connaissaient pas, concorde (bombardements, discours du colonel, attaques, pluie et fraternisation de décembre 1915). Passé au 281e, Léopold Noé combat en Flandre, dans la Somme, en Alsace. Son frère Félicien est tué le 16 avril au Chemin des Dames. La rédaction du carnet de guerre change alors de nature : Léopold raconte l’expérience de guerre de son frère, jusqu’à s’identifier à lui. Elle s’interrompt brutalement à la date de mai 1917, au milieu d’une phrase.

 

4. Autres informations

– Registre matricule, Archives de l’Aude, RW 444.

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Morin, Émile (1895-1980)

1. Le témoin

Né le 2 janvier 1895 à La Neuvelle-lès-Scey (Haute-Saône) dans une famille paysanne de six enfants. École normale d’instituteurs de Chaumont. Appelé de la classe 15, sergent en juillet 1915, sous-lieutenant en mai 1917. Avec le 60e RI en Champagne où il est blessé (septembre 1915) ; avec le 42e dans la Somme en septembre 1916 ; dans l’Aisne au printemps 1917, à Verdun en octobre ; deuxième bataille de la Marne où il est à nouveau blessé en juillet 1918. Emile Morin se marie en 1919. Il exerce les fonctions d’instituteur jusqu’en 1951 et milite au sein d’associations d’anciens combattants. Il meurt en 1980.

2. Le témoignage

Emile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, 336 p., illustrations.

Retrouvé et publié par son fils, son témoignage suit de près les notes prises au jour le jour.

3. Analyse

On y retrouve, concrètement exposés les gestes du soldat puis du gradé de la tranchée : poser un réseau de fils de fer ; lutter contre la boue ; fabriquer cannes, bagues et autres objets ; pester contre les chefs, les embusqués, le bourrage de crâne et l’incompréhension de l’arrière… Mais aussi des remarques plus fines sur l’hostilité des fantassins pour « les crapouillots » dont le tir va provoquer des représailles ; l’apprentissage des jeunes auprès des anciens ; les trêves tacites ; « les bruits de la nuit » ; les symptômes précurseurs de l’attaque ; la participation aux soins à des blessés français d’infirmiers allemands capturés… Il ironise sur l’exaltation par l’arrière de la baïonnette et du corps à corps ; il note le rejet par la majorité des combattants des coutelas de boucher qu’on leur distribue en septembre 1915 (voir aussi Louis Barthas) ; il condamne les massacres inutiles de Champagne et d’Artois. Il écrit un passage sur le scandale de l’exécution du soldat Bersot et les pèlerinages de ses camarades sur le lieu du crime. Le long passage sur les mutineries du 6 juin 1917 à Ville-en-Tardenois est à verser au dossier de ce mouvement de révolte au sein de l’armée française (largement cité dans le livre de Denis Rolland, La grève des tranchées. Les mutineries de 1917, Paris, Imago, 2005).

Vers la fin de son texte, Émile Morin écrit : « Ayant survécu, j’avais atteint l’objectif qui, pour tous les Poilus, s’était placé depuis longtemps avant tous les autres buts de guerre, qu’il s’agisse de la délivrance de l’Alsace et de la Lorraine, ou de la défense du Droit et de la Liberté ! »

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Chaïla, Xavier (1886-1961)

1. Le témoin

Né le 7 mai 1886 à Brousses (Aude), fils d’Auguste Chaïla et de Marie Sagnes. Sorti de l’école primaire avec un bon niveau, mais sans le certificat d’études. Travaille au moulin à carton de son père. Célibataire en 1914. Son frère cadet Louis est tué le 25 juin 1917 à Hurtebise sur le Chemin des Dames. Xavier Chaïla a obtenu une citation à l’ordre de la Division, portée sur sa fiche matricule : « Brancardier très courageux et dévoué, s’est distingué dans la période du 16 au 28 avril 1917 en soignant et en transportant un grand nombre de blessés sous un violent feu d’artillerie. Croix de guerre et droit au port de la fourragère. » Après la guerre, il se marie et reprend le moulin à carton jusqu’à sa retraite en 1948. Il meurt à Brousses le 8 octobre 1961. Son petit-fils a relancé au moulin la fabrication de papier à l’ancienne.

 

2. Le témoignage

C’est à Craonne, sur le plateau… Journal de route 1914-15-16-17-18-19 de Xavier Chaïla, présenté par Sandrine Laspalles, Carcassonne, FAOL, collection « La Mémoire de 14-18 en Languedoc », 1997, 112 p., illustrations.

Simple soldat, non professionnel de l’écriture, Xavier Chaïla eut un grand souci de préserver ses notes, puis de les recopier au propre pour en faire un récit continu. Sa famille a conservé trois versions successives du texte : sans qu’il y ait de différence fondamentale entre elles, on peut cependant en étudier les variantes et les inflexions.

 

3. Analyse

Xavier Chaïla part dans le 1er Hussards, puis passe au 8e Cuirassiers (mai 1916), régiments qui doivent abandonner les chevaux pour combattre dans les tranchées dans les Vosges et en Lorraine. L’expérience la plus largement décrite est l’offensive du 16 avril 1917, sa préparation, les effets de « la bataille de Craonne ». Xavier Chaïla se trouve précisément à l’est du plateau ; il cite abondamment Berry-au-Bac (en décrivant les tanks incendiés), la ferme du Choléra, la montagne de Reims, puis le mont Cornillet. Il est alors brancardier. En 1918, le voici en Champagne et dans la Somme. Evacué en avril pour maladie, il revient en mai (bataille de Villers-Cotterêts) ; en juillet il est à Verdun puis participe à la poursuite. Le 11 novembre, à Mézières, il décrit des « exécutions » : « La population faisait justice de ceux qui avaient fraternisé avec les Boches pendant l’occupation ou qui avaient servi d’espions. » Les dernières pages concernent l’installation sur la rive droite du Rhin. L’auteur livre un récit très simple, contenant peu de prises de position, qui contribue à la connaissance de la guerre vécue par les simples soldats. Il se termine ainsi (21 mars 1919) : « Le cauchemar est fini. Une vie nouvelle qui va recommencer, et le plus beau pour les survivants de l’hécatombe : La Liberté. »

 

4. Autres informations

– Registre matricule, Archives de l’Aude, RW520.

– Sandrine Laspalles, Un cartonnier sur le plateau de Craonne. Journal de Xavier Chaïla (1914-1918), mémoire de maîtrise, Université de Toulouse II, 1997.

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