Mérand, Emile (1873-1943)

1. Le témoinEmile Alexandre Mérand naît à Venère (Haute-Saône) le 20 mai 1873. Cultivateur, il est appelé sous les drapeaux le 13 novembre 1894 et incorporé au 21e RI de Langres, régiment dans lequel il reste jusqu’au 25 septembre 1895. Le 7 octobre 1907, il est placé dans l’armée territoriale et c’est ainsi qu’il est affecté le 2 août 1914 au 51e RIT de Langres ; il a 41 ans. De retour de la guerre, il reste célibataire et décède à Venère le 23 mars 1943.

2. Le témoignage

Biagini, Daniel (prés), La  Grande Guerre. Témoignage de monsieur Emile Mérand de Venère, Haute-Saône, 1914-1918, Vesoul, ONAC, 2004, non paginé, 69 pages.

Conformément à son livret militaire, Emile Mérand se rend au 2e jour de la mobilisation au dépôt du 51e régiment d’infanterie territoriale de Langres. Il part dès le lendemain dans l’ouest du département des Vosges, secteur de Bulgnéville, où il a pour mission de garder les espions et les
étrangers ; « ramassis de tous les peuples (…) de 19 nationalités » (page 3). Après un bref retour à Langres, il rejoint le front cristallisé dans
le secteur de Saint-Dié (Vosges), ville de l’immédiat arrière-front où, le 6 novembre, il subit un bombardement qui est son baptême du feu. Il va rester dans ce secteur, entre la Chapelotte au nord et le Violu au sud jusqu’à la dissolution du 51e RIT le 2 juillet 1918. Il est alors versé au 1er BTCA (Bataillon Territorial de Chasseurs Alpins) et rejoint le secteur de Moosch (Haut-Rhin) en Alsace, puis il revient à la Chapelotte pour y occuper la fonction de téléphoniste (juillet 1918). Le 10 novembre suivant, il change à nouveau d’affection, est versé au train C de combat pour trois jours et rejoint le lendemain de l’Armistice le 87e RIT. Sur le 11 novembre, il dit : « Il faudrait une plume plus éloquente que la mienne, pour décrire cette journée inoubliable » et note, fait rare dans l’expérience combattante, qu’il voit la fin de la guerre « au lieu même où je l’avais commencée en 1914 » (page 57). Quelques jours plus tard (le 20), il est hospitalisé du fait d’une grippe infectieuse, certainement espagnole, puisqu’il va rester « quinze jours entre la vie et la mort » (page 57), avant d’être démobilisé le 16 janvier 1919.

3. Analyse

Particulièrement représentatif d’un soldat de l’armée territoriale, Emile Mérand occupe de nombreuses fonctions au sein de cette unité aux tâches multiples, tour à tour gardien de camp, ouvrier, voltigeur signaleur, observateur, brancardier, téléphoniste, il s’initie également à la télégraphie. Clérical patriote d’origine plébéienne, Mérand, un peu botaniste et artiste, offre un témoignage utile du fait de son emploi, dans un régiment, le 51ème territorial, et un secteur, l’Ormont, dans les Vosges, tous deux sous évoqués par la littérature testimoniale. Toutefois, on ne sait à qui attribuer les multiples imprécisions de ce récit tant il est desservi par une transcription et une présentation confinant à l’impéritie, qui auraient pu être aisément corrigées à la lecture d’une simple carte d’état-major. Les toponymes sont erronés, les patronymes parfois fantaisistes (cas du « brave » soldat Kalferdings (page 24), devenu « Volferding, traitre, fusillé au col d’Hermanpère » (page 27) puis enfin « Roi de Kalferdings, tué le 23 septembre 1915 à la ferme de Hermonpère » page 63) et la typographie déplorable. De même, les présentateurs de l’ouvrage indiquent qu’il est capitaine (page 61) alors qu’il s’agit d’un homonyme d’une compagnie voisine qu’Emile Mérand cite lui-même, page 46. Malgré ces approximations très préjudiciables à la publication, ce témoignage, augmenté encore par des croquis intéressants, revêt pourtant pour l’historien de la zone décrite, un remarquable attrait. Certes, il rapporte des faits inexacts, tels ces « 180 soldats français que l’on avait fusillé [sic] pour avoir fui devant l’ennemi », dont il voit la fosse commune à Vomécourt (Vosges) en septembre 1914 (page 5), ou contemple des « débris humains à demi-calcinés » des Allemands ayant « jeté leurs morts pour les brûler » dans l’église de Mandray (page 6), mais confronté à la réalité du front, son témoignage se précise et gagne en crédibilité. Comme la plupart des soldats, il teinte de mysticisme le fait d’être encore en vie après son baptême du feu : « Le 3 mars [1915] a été pour nous une terrible journée, mais je remercie la divine Providence qui m’a préservé de tout mal. Le matin de ce jour, j’avais reçu la Sainte communion à l’église de Ban de Lavelines [sic] au milieu des rires des camarades, mais cela m’a porté bonheur » (page 17), il y revient en ces termes page 57, attribuant à cette divine Providence d’avoir vu la fin de la guerre. Mais il confesse : « Je suis bien familiarisé avec les choses de la guerre et c’est cette certitude qui est mon ressort et ma chance. Cette même certitude nous pénètre tous » (page 25). Il évoque, le 20 juin 1915, une rébellion due à l’alcool lors de la revue d’un général (page 20), la guerre par le feu de forêt (page 24), spécifique aux Vosges, et évoquée dans d’autres témoignages. Il y côtoie des figures de femmes peu amènes : « Nous logeons dans un grenier chez une espèce de gouipe (!). Nous l’appelons la grande Nina. Si dans ma vie j’ai rencontré une salope, c’est celle là. Passons » (page 31) et fustige les officiers : « Le 8 mars 1917, nous avons la joie d’apprendre le départ du lieutenant Burtey, notre commandant de compagnie. C’était le type de la brute. Officier sans valeur et sans éducation, il n’a pas laissé un seul regret à la compagnie. Il n’était bon qu’à faire un garde champêtre et un mauvais » (page 40), et la bêtise militaire : « Pendant le jour, nous allons travailler à la cime du Spitzemberg à la vue de l’ennemi. Le colonel est un misérable d’exposer aussi bêtement des hommes pour faire des travaux idiots et stupides qui ne serviront jamais à rien mais c’est la bêtise militaire. Il ne faut pas chercher à comprendre » (page 40).
Yann Prouillet, février 2013

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Rocacher, Emilien (1882-1915), et Marie

Né le 29 juin 1882 à Cambon-les-Lavaur (Tarn) dans une famille paysanne, il était lui-même cultivateur à Marzens, marié et père de deux fillettes lorsque la mobilisation le prit au 8e RIC. Arrivé sur le front en octobre 1914, il resta dans le secteur de la Main de Massiges où il fut tué le 3 février 1915, sans avoir pu revoir sa famille. Il a adressé de nombreuses lettres à sa femme, Marie, et lui a renvoyé les siennes en lui demandant de conserver le tout comme souvenirs.
Le premier centre d’intérêt est la poursuite de la vie civile : le soldat interroge sur la vente du mulet, des cochons ; l’épouse décrit les vendanges, la récolte du maïs, la foire de Puylaurens. Elle lui envoie des curbelets (sortes de gaufrettes), du foie d’oie, un pâté de lapin sauvage… Émilien tente de décrire ses conditions de vie et le danger que représentent les marmites, mais Marie doit avouer : « Je m’évertue de comprendre dans quelle situation tu dois être, et malgré toutes mes réflexions je ne peux absolument pas y arriver » (15-11-14). Elle remarque cependant, le 1er décembre : « Je pense que tu as beaucoup de choses dans la tête qui t’ennuient, et il me semble que tu montrais au début beaucoup plus de courage pour tout. » Le soldat trouve la guerre plus longue que prévu : « Je commence bien d’être fatigué d’entendre tout ce mal qui se fait et de voir que personne ne parle de fin, au contraire » (6-12-14). Marie prie « la Vierge protectrice de la France » ; Émilien pense que, prisonnier, il pourrait sauver sa vie, ou bien il aspire à la fine blessure : « Si on pouvait conduire une bonne balle qui nous blesse sans gravité, on la ferait bien venir » (16-1-15).
La guerre est l’occasion de redécouvrir l’amour et l’affection. Émilien termine une de ses lettres par : « En attendant toujours de tes nouvelles qui me renaissent quand j’entends appeler mon nom » (11-12-14). Marie évoque la fin : « Alors nous n’écouterons plus rien, et nous irons à la hâte l’un vers l’autre » (24-1-15). Mais : « On nous dit que nous en avons pour jusqu’à la fin juillet, époque où nous ne pourrons jamais arriver car nous sommes trop dans la souffrance. Il faut espérer que les Chambres se réunissent et que les diplomates fassent cesser les hostilités, sans cela nous n’en sortirons pas. » Le corpus contient les dernières lettres de Marie, marquées : « Retour à l’envoyeur : le destinataire n’a pu être atteint en temps utile. »
RC
*Philippe Bloqué, « La guerre d’Émilien Rocacher », in Revue du Tarn, n° 196, hiver 2004, p. 636-657.

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Bouignol, Maurice (1891-1918)

Ses parents sont originaires de l’Ariège et du Quercy mais, au hasard de la carrière de professeur de lettres de son père, Maurice est né à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) le 16 janvier 1891. Normalien, agrégé, il est sous-lieutenant au 249e RI en 1914, blessé le 20 septembre au Chemin des Dames, après avoir connu Charleroi et la Marne. Il a écrit des poèmes inspirés par la vie des combattants (par exemple : « Douaumont »), que la comtesse de Noailles trouvait magnifiques. Il était soutenu par un amour « interdit » pour une cousine bien plus âgée, morte en 1917. Lui-même fut tué au 39e RI dans la Somme, à Rubescourt, le 26 avril 1918.
RC
*Biographie et choix de poèmes dans Maurice Greslé-Bouignol, « Maurice Bouignol, poète et combattant », in Revue du Tarn, n° 196, hiver 2004, p. 597-633.

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Barthès, Emile (1883-1939)

Né à Castres dans une famille très catholique, prêtre en 1908, Émile Barthès était professeur de philosophie au grand séminaire d’Albi lorsqu’il fut mobilisé comme brancardier au GBD 31 du 16e corps. Après la Lorraine, l’Yser et la Champagne, il passa au 9e RAC où il chercha principalement à jouer un rôle de prêtre, son chef lui reprochant de négliger ses devoirs de brancardier. Il faisait de la photo, ce qu’il considérait comme un moyen de gagner la confiance des soldats, et circulait beaucoup, « commis voyageur du bon Dieu ». Même s’il n’a pas connu les combats de première ligne, il fallait pouvoir tenir plus de quatre ans, et l’écriture fut un moyen. À partir de 25 carnets, sa nièce dactylographia un texte intitulé Memorandum, 7 volumes, 2456 pages illustrées de 601 photos et 63 cartes postales. Après la guerre, il soutint une thèse de doctorat sur Eugénie de Guérin et contribua à la publication de ses œuvres. Il devint vicaire général, puis évêque auxiliaire d’Albi en 1932.
RC
*André Minet, « Émile Barthès, « curé de campagne en costume d’artilleur » », in Revue du Tarn, n° 196, hiver 2004, p. 659-672.

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Amalric, Adrien (1892-1917)

1) Le témoin

Né le 21 octobre 1892 à St Sulpice la Pointe (Tarn). Les parents sont des « cultivateurs aisés », des « propriétaires », possédant plusieurs métairies. Leur maison compte 9 pièces, ils disposent d’un pigeonnier et d’un « grand chai » contenant vins en fût et eaux de vie. Adrien passe par l’Ecole normale, devient instituteur. A 22 ans, il est déjà (selon l’éditeur de son journal de route) inspecteur primaire.
Mobilisé à Castelnaudary (Aude) dans le 143e RI, il part sur le front de Lorraine et devient agent de liaison dès le 9 septembre 1914. Le 9 octobre, il part vers l’Ouest et accompagne la « course à la mer ». Le 31 octobre il arrive près de Calais et se trouve pris dans les combats sur l’Yser.
Au début de 1915, il quitte la Belgique, combat en Champagne, en Argonne. En 1916, il passe au 70e RI, se retrouve à Verdun et finit l’année à Mourmelon le Grand, au lieu-dit « le camp russe ». 1917 le voit d’abord sur l’Aisne, puis à Abbeville, puis dans la Marne et, en juin, à Lavoye (Meuse) près de Verdun. Il passe alors dans le 35ème RIC et s’embarque pour Salonique sur le Parana, un ancien vapeur devenu transport de troupes. Il périt en mer le 24 août près de l’île grecque de l’Eubée, le Parana ayant été atteint par un sous-marin allemand.

2) Le témoignage

Adrien Amalric, dès le 1er août 1914 a noté chaque jour en 1914 (sauf le 7 novembre) ses observations sur un carnet ou « cahier de poche ». Il a écrit plusieurs carnets et seul le dernier a disparu après le torpillage du Parana. Les carnets jusqu’au début de 1917 ont été conservés par la famille. Seul le contenu du carnet tenu en 1914 a été édité, en 2006, par M. Adrien Bélanger de Domérat (Allier), auteur de plusieurs ouvrages, à diffusion limitée, sur la guerre de 14. La BNF conserve un exemplaire de l’ouvrage intitulé C’était 14. Les événements et, parallèlement le carnet de guerre d’Adrien Amalric. Auto-édité, cet ouvrage de 303 pages a été imprimé chez Chaumeil à Clermont-Ferrand. Il est préfacé par Aline Torchassé, petite-nièce d’Adrien Amalric.
Adrien Bélanger a disposé du tapuscrit établi par M. Jean-Claude Planès mais aussi, semble-t-il des carnets eux-mêmes. Il publie l’intégralité du texte, jour après jour, se contentant de modifier la graphie de certains toponymes (Mülhwald au lieu de Mulevalde). Il assortit le texte d’exposés sur l’évolution générale de la guerre et de commentaires personnels, bien intentionnés, parfois utiles, parfois discutables voire hors-sujet. Adrien Bélanger ne donne aucune précision sur l’état de conservation des carnets, sur leur aspect matériel. Il ne donne aucun extrait des carnets à partir de 1915 et se contente de donner en quelques lignes les indications sur les étapes de la guerre d’Amalric indiquées ci-dessus.

3) Analyse

Instruit, Adrien Amalric écrit avec netteté, dans un style sobre mais non exempt par moment d’une sensibilité maîtrisée. Il trouve le temps d’observer à l’occasion la beauté de la région traversée. Ainsi après Château-Thierry : « les villages de ce coin de France avec les aiguilles de leur clochers sont très coquets. A les voir de loin au milieu de la nature jaunissante, ils font penser à des hameaux miniature ». Il ne compare pas avec son Tarn natal, qu’il n’évoque jamais.

Bélanger note très justement qu’Adrien Amalric porte sur ce qu’il voit un « regard d’inspecteur ». Agent de liaison, il saisit les attitudes du commandement et observe bien le mouvement des troupes. La description de l’offensive en Lorraine en août 14 est précise et vivante, et plus encore la débâcle à partir du 21 août, entraînant aussi les civils (un « exode à grande échelle »).
Instituteur de la jeune génération très laïque du début du XXème siècle, Amalric est indifférent en matière religieuse, contrairement à sa mère. Patriote à la manière républicaine (il est heureux d’envoyer à sa sœur une carte postale de Valmy, le jour anniversaire de la fameuse bataille de 1792), il n’est pas patriotard. Il estime que la retraite de Lorraine à la fin août est « une honte ». La brutalité de certains officiers le révulse. Ainsi l’odieux lieutenant-colonel Bertrand qui en Flandre, le 17 décembre, invective ses hommes : « il paraît que quelques hommes d’une compagnie auraient manifesté leur fatigue ce matin par des propos qui auraient immédiatement mérité la peine de mort (…) Les soldats qui se plaignent hautement sont des lâches. Ils mériteraient que les bons Français leur crachent à la figure. Ce sont des gens qui mériteraient d’être émasculés pour que leur race de pleutres et de lâches ne se reproduise plus ».
Adrien Amalric note les exactions commises par les « Alboches » (expression employée dès le 27 août) : pillages (par exemple de l’école des Eaux et Forêts de Nancy), cadavres jetés dans les puits pour les infecter etc. Mais lors de l’offensive en Lorraine il est impressionné par les tombes individuelles des Allemands, avec casques alignés au-dessus : « des couronnes de grains et de fleurs ont été placées sur les croix ; c’est dire s’ils ont les morts en grande vénération tandis que chez nous les morts sont mis en grand nombre dans des fosses avec du gazon sur le corps ce qui a pour effet d’infester l’air. Par ailleurs les Boches soignent aussi bien les blessés qu’ils enterrent leurs morts ».
Amalric est peu effusif et pas du genre à se plaindre sans cesse (« il ne se plaint jamais », note A. Bélanger). Mais il vit pleinement l’horreur de la guerre. Le 3 novembre, il note : « avec l’ennemi qui nous cerne et cette pluie torrentielle et glacée, la nuit devient tragiquement angoissante. Comment ne pas avoir cette impression de terreur tant est grande la brutalité des hommes ? »
Lucide et humaniste, tel apparaît Adrien Amalric. Le 20 août 1914, lors de la bataille de Dieuze Morhange, il surprend un officier allemand blessé qui a essayé de tuer d’un coup de pistolet l’officier français qui venait de lui planter sa baïonnette dans le corps : « loin de mettre fin à ses jours, je lui retire l’arme de la main et je laisse là ces deux blessés jadis ennemis et maintenant frères dans le malheur ». D’ailleurs, note Amalric, cet officier français « ne valait pas cher non plus ». Amalric aspire implicitement à la paix et au dialogue entre les nations. Rencontrant des aviateurs « britanniques » à l’Est de Soissons, où ils disposent d’un mini-aéroport, il observe qu’ils ont chipé quelques fruits dans un verger et déplore de ne pas pouvoir parler avec eux ; mais lui et ses compagnons d’armes couchent à leurs côtés « comme si nous étions de la même nation, de la même patrie ».
Jean Faury

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Cantié, Marius (1884-1917)

Sa famille a conservé de lui des notes prises entre août 1914 et juillet 1916, lorsqu’il était sergent dans le groupe de brancardiers de la 31e division. Commençons par les lire. Ce Méridional est surpris par le climat lorrain comme le montre son récit de la nuit du 15 au 16 août : « Nous devons coucher sur le champ avec 5 cm d’eau, on réussit cependant à s’abriter tout mouillés dans ou sous les voitures d’ambulance et nous passons ainsi une nuit glacée à grelotter dans nos effets mouillés, car impossible de se changer, le sac étant tout trempé aussi. Les officiers de l’ambulance avaient fait monter une tente Tortoise pouvant abriter 50 hommes, mais ont mis tout le monde à la porte et ont supporté d’y coucher seuls sur un brancard, quand les infirmiers n’avaient aucun abri. » D’une façon générale, les officiers gestionnaires, qui ne combattent pas, qui ne soignent pas, sont épinglés pour leurs brimades. En janvier 1915, par exemple, Marius est puni pour avoir fait son service alors qu’il en était exempt ! En février 1916, la popote des sergents est supprimée parce que les officiers veulent prendre le cuisinier à la leur. Aussi, lorsque la formation est disloquée, tout le monde est content « dès l’instant que l’on doit vivre loin de l’officier d’administration ».
Ramasser les blessés, enterrer les morts
Les premiers combats, en Lorraine, sont terribles : « Les blessés arrivent en si grand nombre qu’on est stupéfait. On voit des plaies ignobles, on entend des râles et les cris déchirants des blessés, que le cœur se serre d’angoisse. Le 142 est décimé, le colonel tué, ainsi que le 81, le 96 et le 122 [voir Ferroul]. Les Allemands étaient retranchés dans des fossés profonds et ne craignaient rien de notre artillerie ainsi que de l’infanterie. Les nôtres étant à découvert étaient décimés. » C’était le 18 août, et le lendemain ceux qui restent du 142 et du 122 sont relancés à l’attaque des « Prussiens » fortifiés et se font anéantir : « On les mène autrement dit à la boucherie. » Les brancardiers participent à la retraite, puis à la course à la mer. Le 21 novembre 1914, Marius décrit la ville d’Ypres : « À 8 h les Boches bombardent Ypres avec leurs grosses marmites, brisent le clocher de l’hôtel de ville et l’incendient. Les halles brûlent aussi et le feu se communique à la cathédrale. La ville n’est qu’un immense foyer ardent, et à la nuit c’est tout à fait lugubre. En ville, on ne trouve pas âme qui vive, tout est désert, les rues sont encombrées d’un amoncellement de ruines, les maisons éventrées ou calcinées, des objets épars, çà et là quelque poutre qui fume encore. On dirait qu’un fléau est passé là et a emporté toute la vie avec lui, et n’a laissé qu’une vaste nécropole. »
En février 1915, déplacement vers la Somme (près d’Amiens, « un marchand de vins du Midi nous fait boire tous et remplit nos bidons à titre gracieux »), puis vers la Champagne (« dans des wagons à bestiaux ayant contenu des chevaux et non désinfectés, ayant encore l’odeur et la trace des déjections »). La nuit du 29 mars, près de Mesnil-les-Hurlus, est un bon exemple de ce qui attend les brancardiers après les combats : « D’espace en espace on y rencontre des casemates boisées sur les côtés ayant servi sans doute d’abris aux gradés boches, car tout ceci est un travail boche, et ce n’est pas une petite affaire. En approchant de la ligne de feu, le boyau a, sur tout le long, des niches en terre servant d’abri aux troupes. Nous passons devant la guitoune du général et enfin nous entrons dans les boyaux abandonnés. Tout y est bouleversé, les trous d’obus se touchent et tous les morts qui sont à côté y sont enfouis. Certains forment de véritables murailles. Ils sont là, entassés pêle-mêle, et recouverts de la boue calcaire du pays. Elle a fait prise, et les morts restent là dans ce mortier, oubliés et perdus. Quelquefois on aperçoit un pied ou une main qui dépasse, semblant nous dire : « Je suis là, donnez-moi donc une autre sépulture ! » On trouve aussi des membres épars, des corps sans tête ou à moitié déchiquetés. C’est horrible. La lune de son disque brillant éclaire ces scènes funèbres. Les fusées éclairantes projettent encore leur vive lumière et viennent parfois retomber jusque chez nous. Les balles sifflent toute la nuit, un peu haut il est vrai, mais de nombreux ricochets font voler la poussière autour de nous. »
Les combats et leurs suites
Le 10 juin 1915, Marius Cantié mentionne un épisode comme il y en eut tant : « On annonce qu’hier au soir les Boches ont tenté de reprendre au 96e et au 322e la tranchée du Trapèze. Ils y ont réussi mais une contre-attaque les en a délogés. Une 2e tentative réussit encore mais une vive contre-attaque de nous les en chasse définitivement. Les blessés sont nombreux. Plus de 300 et une quarantaine de morts. » En septembre, du côté de Valmy, il faut faire face aux gaz ; le 1er décembre, « on commence à avoir des évacués pour gelure des pieds ». Des prisonniers allemands passent : « Tous sont contents de s’en tirer ainsi et sont gais, quelques officiers seuls ont l’air maussade et ennuyés comme des rats qui se voient pris. » La lecture des citations à l’ordre de la division ne suscite que ce commentaire : « Quelle blague !!! » En décembre, le 96 refuse de monter à l’assaut, « alléguant que le 81 avait perdu la tranchée et n’avait qu’à la reprendre ». La nuit de Noël, quelques brancardiers « ont fêté un peu trop le mousseux » et bousculent les officiers qui veulent intervenir.
La boue reste un ennemi implacable. « Plusieurs cuisines roulantes restent en panne dans les grands trous de la route avec des roues cassées et des essieux faussés. Il est formé un projet d’évacuer les blessés par le petit chemin de fer à voie étroite. Nous allons passer chefs de gare. » Mais cette proposition du 16 novembre, réitérée le 2 décembre, ne reçoit pas de réponse. Il faut atteler 4 à 5 chevaux à une voiture faite pour un seul. « Il pleut toujours, les cagnas s’effondrent dans les tranchées et même chez nous. Les routes sont des lacs de boue. »
À la recherche de l’auteur
Le carnet de Marius Cantié, peu fourni pour 1916, ne dépasse pas le mois de juillet de cette année. La famille a retenu de lui qu’il était originaire du Pays de Sault, que son père avait été nommé gendarme à Narbonne et que lui-même était employé de banque dans cette ville. La famille avait encore la date et le lieu du décès : 14 septembre 1917 au Bois des Caurières (Meuse). La consultation du site « Mémoire des Hommes » donne la date de naissance du sergent Cantié Célestin Marius Achille, le 27 décembre 1894 à Roquefort-de-Sault.
RC

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Anonyme du 329e RI

Campagne 1914-1915 au 329ème R.I.,
Bretagne 14-18, 2002, 37 pages 21×29,5. ISBN : 2-913518-15-X
Reliure souple, peu d’iconographie.

1 – L’auteur.
Nous ne le connaissons nullement. Nous savons juste qu’il était ouvrier au Havre, réserviste au 329e RI, qu’il fit la guerre de la mobilisation au 22 novembre 1915, date à laquelle il quitta le front pour rejoindre une usine, comme affecté spécial.

2 – Le carnet.
Peu de choses à dire de ce petit carnet banal sur lequel le réserviste havrais jetait sommairement et quotidiennement quelques notes. Le document fut conservé par la famille avant de nous être confié. Son auteur n’avait jamais dû envisager une quelconque publication.

3 – Le témoignage.
Certains combattants ont laissé trace de leur expérience de guerre, dans leurs lettres, dans des carnets, dans des journaux, dans leurs mémoires. Mais il ne s’est agi, la plupart du temps, que de lettrés, souvent officiers. Dans ce petit document, c’est un soldat de 2e classe, un simple ouvrier qui nous offre de courtes chroniques. Rédigé souvent de façon télégraphique, sans effet de style ou apprêt littéraire, ce témoignage nous montre une guerre sans fard, dans tous ses aspects, des plus terribles aux plus ordinaires. Il ne cèle rien de ce qu’il a vécu, ne détaille pas, ne se met aucunement en avant, loin s’en faut. Les banalités horribles du combat sont décrites lapidairement. Point de sentiments exprimés, compassions, regrets ou glorioles. Nous sommes au plus près de ce que fut cette guerre, sans concession et sans guère d’humanité.
René Richard

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Mahé, Charles (1875-1915)

Le capitaine Charles Mahé au 48e régiment d’infanterie de Guingamp,
Carnets et lettres de guerre (août 1914 – 9 mai 1915),
Bretagne 14-18, Juin 2006, 59 pages 21×29,5, ISBN : 2-913518-38-9
Reliure souple, iconographie.

L’auteur.
Charles Mahé était un officier issu du corps, engagé volontaire comme simple soldat en 1893, à l’âge de 18 ans, promu capitaine en 1913. Il était parti au front dès le 5 août 1914 comme commandant de compagnie au sein du 48e régiment d’infanterie de Guingamp et avait participé ou assisté aux offensives de Belgique des 21 et 22 août 1914, avant de subir la retraite. À Lemé, le 29 août, pendant la bataille de Guise, il est blessé et évacué. Il rejoint son régiment le 20 octobre, pas sur le Rhin comme il l’espérait mais dans le dispositif de défense d’Arras. Il va y vivre la guerre de tranchée qui « pourrit les hommes » pendant de longs mois, jusqu’à la fatidique offensive du 9 mai 1915. À l’est de Roclincourt, dans le secteur de la ferme de Chantecler, il tombait et disparaissait à la tête de sa 11e compagnie. Son corps ne fut pas retrouvé, malgré les interrogations de sa famille pendant la guerre et les recherches de son beau-frère, le lieutenant Jean-Baptiste Belleil, après la guerre. Il est considéré comme disparu et ses restes reposent probablement dans une fosse commune de la nécropole de N.D. de Lorette ou d’un des nombreux cimetières militaires de cette région d’Artois. Et pourtant, ce corps fut identifié par des Allemands dans les lignes desquels il était tombé, et ses papiers furent conservés par eux. En effet, après la guerre, son carnet de guerre fut restitué à la famille dans des conditions assez étonnantes que nous narre Pierre Belleil, son neveu, dépositaire et gardien des archives de Charles Mahé.

Le témoignage.
Dans le petit ouvrage a été repris intégralement le carnet du capitaine Mahé. Celui-ci le remplissait chaque jour, d’une écriture fine et nerveuse. Le 8 mai 1915, le crayon à papier trace quelques dernières lignes plus grossières, ponctuées par un point d’interrogation et 4 points d’exclamation. Inquiétude sûrement, prémonition, nous ne le savons.
Outre la relation journalière de la guerre, rédigée de manière souvent télégraphique, sans souci de style ou de forme, on y trouve l’énumération des cadres et des hommes de sa compagnie, section par section, et même, au début de la guerre, escouade par escouade (avec même la profession  » utile  » et le sort de certains de ces soldats). Il lui servait aussi de manuel d’allemand avec une transcription de mots, de phrases et de règles grammaticales. Quelques relevés comptables et même de petits essais rimés ( » Ainsi que des petits canetons/ Sans répit nous barbotons/ Depuis 12 à 15 semaines/ Plus souvent couchés que debout, dans la boue… »).
Nous avons placé en encadré, entre les chroniques quotidiennes du carnet, des lettres envoyées à la famille et conservées par celle-ci. Nous voyons ainsi le décalage entre la lettre, où il ne faut pas tout décrire pour ne pas inquiéter … ou être censuré, et le carnet, confident discret de toutes les heures, sombres ou plus gaies, et de toutes les rancoeurs ou critiques.
À la fin du carnet, ont été ajoutés divers documents : l’échange de correspondances entre la famille inquiète sur le sort du capitaine et sa hiérarchie régimentaire, l’émouvant petit  » testament « , griffonné à la fin du carnet et qui a sans doute permis de retrouver la famille, les états de service de Charles Mahé, une relation historique du combat du 48e RI à Chantecler où le capitaine Mahé est cité.
René Richard

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Lachiver, Jules (1891-1915)

Lettres de guerre (août 1914-mai 1915) de Jules Lachiver, déclaré « mort pour la France » le 9 mai 1915,
Bretagne 14-18, 2000, 31 pages 21×29,5 ISBN : 2-913518-12-5

1 – L’auteur.
Jules Lachiver est né le « décembre 1891 à Gomené, dans le sud-est du département des Côtes-du-Nord, où ses parents étaient instituteurs publics. C’est presque naturellement que leur fils s’orienta vers l’enseignement. Quand il partit au service militaire, le 9 octobre 1912, il exerçait dans l’école publique de Pléhérel, sur la côte. La guerre le surprit à la caserne de Vitré, incorporé au 70e RI, où il était sergent depuis le 2 octobre 1913. Il fit le début de la campagne, sur la Sambre, à Guise et sur la Marne ; il fut blessé le 3 octobre 1914 à Neuville-Vitasse ; blessure légère, hospitalisation brève, remontée au front d’Artois à la mi-novembre. Il passe l’hiver dans ce secteur. Le 9 mai 1915, sa compagnie, la 10e, fait partie de la première vague d’assaut du régiment. Elle est lancée au nord-est de Roclincourt et est décimée par les mitrailleuses allemandes. Jules Lachiver est tombé lors de cette vaine attaque et son corps ne fut jamais retrouvé.

2 – L’ouvrage.
Les parents de Jules Lachiver, très affectés par la disparition de leur fils unique (le père décèdera trois mois après, miné par le chagrin), avaient conservé ses lettres. Ce lot de missives, surtout important de janvier au 8 mai 1915, a été sauvegardé par un neveu qui l’a confié à Bretagne 14-18. Y ont été ajoutés divers documents et, en particulier les courriers échangés après la disparition de Jules Lachiver. La famille garda longtemps l’espoir de retrouver son corps.

3 – Le témoignage.
La correspondance de Jules Lachiver, surtout adressée à ses parents, révèle son entrain et son patriotisme. Pour lui, après la déconvenue de Belgique et le retournement de la Marne, il faut bouter les Allemands hors de France ; là est son devoir qu’il rappelle dans nombre de lettres ; après seulement, il pourra rentrer à la maison, espoir qu’il exprime cependant de plus en plus souvent. On sent, très imperceptiblement percer la lassitude et l’émotion se fait jour de plus en plus. Civil devenu soldat par la force des événements, il se borne à relater les faits de la vie quotidienne à la guerre, sans porter de jugements sur ce que l’on ordonne aux combattants. Sa détermination ne semble jamais faiblir. Mais, au-delà de ses déclarations patriotiques, sa dernière phrase pathétique dans sa dernière lettre (« Écrivez-moi souvent. ») traduit bien une certaine détresse. Il pensait passer encore une fois entre les balles et retrouver les siens. Espoir cruellement déçu.
René Richard

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Ledeux, Maurice (1893-1918)

Maurice LEDEUX, Correspondances,
Lettres de Maurice Ledeux, sous-lieutenant au 330ème R.I. (août 1914-mars 1917),
Bretagne 14-18, avril 2007, 310 pages 21×29,5
Reliure souple, quelques clichés, dessins ou cartes. ISBN : 2-913518-40-0

1 – L’auteur.
Maurice Ledeux, étudiant ecclésiastique, né à Vitré (I-et-V) le 13 juillet 1893, était au service militaire à la déclaration de guerre. Il part pour la frontière avec le 130ème R.I. de Mayenne. Blessé au combat de Mangiennes, il est ensuite affecté au 330e RI qu’il rejoint début novembre 1914 dans la Woëvre, dans le secteur d’Etain-Fresnes. Nommé sous-lieutenant, il fera toute la campagne avec ce régiment avant de tomber, le 20 août 1918, au combat du Mont de Choisy, près de Noyon.

2 – L’ouvrage.
Pendant toutes ses années de front, Maurice Ledeux écrira une, sinon 2 ou 3 lettres par jour, à ses parents, commerçants aisés de Vitré dont il était l’unique fils, à sa seule sœur ou à sa grand-mère. Ce lot de 695 lettres, conservé dans deux albums, a été sauvé lors d’une vente et elles ont été confiées à l’association Bretagne 14-18 qui les a reprises intégralement. La correspondance s’arrête le 31 mars 1917.

3 – Le témoignage.
Les lettres s’étendent donc de la période du 1er août 1914 au 31 mars 1917. Maurice Ledeux se pose en épistolier d’une fécondité impressionnante. Aux lettres quasi-quotidiennes à son père, à sa mère ou à sa sœur, quelques soient l’endroit et les circonstances de l’instant, il faut ajouter les courriers qu’il échangeait avec les autres membres de la famille, les amis, les anciens professeurs, les relations familiales … Écrire était manifestement pour lui le moyen de tenir et il ne fait que très rarement état d’un quelconque cafard.
Maurice Ledeux se présente comme un patriote fervent, anti-allemand. Sa foi en Dieu lui permet de supporter toutes les misères du soldat à la guerre et il est convaincu de l’intense nécessité de la prière pour aller vers la victoire et donc vers la paix.
D’après sa correspondance, il apparaît comme un jeune homme de santé fragile, surveillant de près ses dysfonctionnements internes et en rendant compte à la famille, se soignant au front comme il le faisait à la maison, recevant de Vitré tous les médicaments nécessaires. Sa famille pourvoira très largement au complément de nourriture par d’importants ravitaillements en de multiples colis alimentaires et autres, que la Maison Potin familiale assurera régulièrement à son cher Maurice.
L’essentiel de chaque lettre est consacré à des échanges strictement familiaux et domestiques (santé des uns et des autres, nourriture, hygiène, vêtements …) ou à la spiritualité (famille très religieuse). Il ne s’étend pas sur les combats ou sur les relations dans les tranchées ou aux cantonnements. Pourtant, il appartiendra de novembre 1914 au 20 août 1918 au 330e RI de Mayenne, régiment qui fit partie de la Division de marche de Verdun longtemps en position dans la Woëvre, dans le secteur de Fresnes-en Woëvre, devant Marchéville, là où tomba Louis Pergaud, le 8 avril 1915. Le très bon carnet d’Auguste Georget, autre instituteur public, incorporé au même 330ème R.I. et tombé en ce même lieu le 13 avril, montre en effet qu’en ce seul secteur, les affrontements furent, chaque jour, meurtriers (Publié en plusieurs parties par l’Oribus de Laval, numéros 2, 3, 4, 5, 6 de mars 1981 à juin 1982). Pour le 13 avril, Maurice Ledeux écrit sobrement : « Hier, nous avons été aux tranchées et prononcé une attaque, Pendant des heures, nous avons été sous le feu de l’ennemi, nous en avons reçu des marmites … Le régiment compte quelques tués et blessés. » – dans la réalité le régiment déplora pour cette journée 40 tués, 150 blessés et 16 disparus – Sur la Somme, le 17 juillet 1916, alors que le régiment est durement engagé : « Je suis heureux que ma compagnie ait été relevée des premières lignes car il n’y fait pas bon. Et, pour quatre jours, nous avons pu nous en tirer sans trop de mal. » Il cherche manifestement à ne pas inquiéter les siens. Et il en sera ainsi pendant toute la guerre, dans toutes ses lettres. Maurice Ledeux, quand on le lit, donne l’impression de vivre dans la guerre ou même en marge mais de ne point la faire.
René Richard

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