Barthès, Emile (1883-1939)

Né à Castres dans une famille très catholique, prêtre en 1908, Émile Barthès était professeur de philosophie au grand séminaire d’Albi lorsqu’il fut mobilisé comme brancardier au GBD 31 du 16e corps. Après la Lorraine, l’Yser et la Champagne, il passa au 9e RAC où il chercha principalement à jouer un rôle de prêtre, son chef lui reprochant de négliger ses devoirs de brancardier. Il faisait de la photo, ce qu’il considérait comme un moyen de gagner la confiance des soldats, et circulait beaucoup, « commis voyageur du bon Dieu ». Même s’il n’a pas connu les combats de première ligne, il fallait pouvoir tenir plus de quatre ans, et l’écriture fut un moyen. À partir de 25 carnets, sa nièce dactylographia un texte intitulé Memorandum, 7 volumes, 2456 pages illustrées de 601 photos et 63 cartes postales. Après la guerre, il soutint une thèse de doctorat sur Eugénie de Guérin et contribua à la publication de ses œuvres. Il devint vicaire général, puis évêque auxiliaire d’Albi en 1932.
RC
*André Minet, « Émile Barthès, « curé de campagne en costume d’artilleur » », in Revue du Tarn, n° 196, hiver 2004, p. 659-672.

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Amalric, Adrien (1892-1917)

1) Le témoin

Né le 21 octobre 1892 à St Sulpice la Pointe (Tarn). Les parents sont des « cultivateurs aisés », des « propriétaires », possédant plusieurs métairies. Leur maison compte 9 pièces, ils disposent d’un pigeonnier et d’un « grand chai » contenant vins en fût et eaux de vie. Adrien passe par l’Ecole normale, devient instituteur. A 22 ans, il est déjà (selon l’éditeur de son journal de route) inspecteur primaire.
Mobilisé à Castelnaudary (Aude) dans le 143e RI, il part sur le front de Lorraine et devient agent de liaison dès le 9 septembre 1914. Le 9 octobre, il part vers l’Ouest et accompagne la « course à la mer ». Le 31 octobre il arrive près de Calais et se trouve pris dans les combats sur l’Yser.
Au début de 1915, il quitte la Belgique, combat en Champagne, en Argonne. En 1916, il passe au 70e RI, se retrouve à Verdun et finit l’année à Mourmelon le Grand, au lieu-dit « le camp russe ». 1917 le voit d’abord sur l’Aisne, puis à Abbeville, puis dans la Marne et, en juin, à Lavoye (Meuse) près de Verdun. Il passe alors dans le 35ème RIC et s’embarque pour Salonique sur le Parana, un ancien vapeur devenu transport de troupes. Il périt en mer le 24 août près de l’île grecque de l’Eubée, le Parana ayant été atteint par un sous-marin allemand.

2) Le témoignage

Adrien Amalric, dès le 1er août 1914 a noté chaque jour en 1914 (sauf le 7 novembre) ses observations sur un carnet ou « cahier de poche ». Il a écrit plusieurs carnets et seul le dernier a disparu après le torpillage du Parana. Les carnets jusqu’au début de 1917 ont été conservés par la famille. Seul le contenu du carnet tenu en 1914 a été édité, en 2006, par M. Adrien Bélanger de Domérat (Allier), auteur de plusieurs ouvrages, à diffusion limitée, sur la guerre de 14. La BNF conserve un exemplaire de l’ouvrage intitulé C’était 14. Les événements et, parallèlement le carnet de guerre d’Adrien Amalric. Auto-édité, cet ouvrage de 303 pages a été imprimé chez Chaumeil à Clermont-Ferrand. Il est préfacé par Aline Torchassé, petite-nièce d’Adrien Amalric.
Adrien Bélanger a disposé du tapuscrit établi par M. Jean-Claude Planès mais aussi, semble-t-il des carnets eux-mêmes. Il publie l’intégralité du texte, jour après jour, se contentant de modifier la graphie de certains toponymes (Mülhwald au lieu de Mulevalde). Il assortit le texte d’exposés sur l’évolution générale de la guerre et de commentaires personnels, bien intentionnés, parfois utiles, parfois discutables voire hors-sujet. Adrien Bélanger ne donne aucune précision sur l’état de conservation des carnets, sur leur aspect matériel. Il ne donne aucun extrait des carnets à partir de 1915 et se contente de donner en quelques lignes les indications sur les étapes de la guerre d’Amalric indiquées ci-dessus.

3) Analyse

Instruit, Adrien Amalric écrit avec netteté, dans un style sobre mais non exempt par moment d’une sensibilité maîtrisée. Il trouve le temps d’observer à l’occasion la beauté de la région traversée. Ainsi après Château-Thierry : « les villages de ce coin de France avec les aiguilles de leur clochers sont très coquets. A les voir de loin au milieu de la nature jaunissante, ils font penser à des hameaux miniature ». Il ne compare pas avec son Tarn natal, qu’il n’évoque jamais.

Bélanger note très justement qu’Adrien Amalric porte sur ce qu’il voit un « regard d’inspecteur ». Agent de liaison, il saisit les attitudes du commandement et observe bien le mouvement des troupes. La description de l’offensive en Lorraine en août 14 est précise et vivante, et plus encore la débâcle à partir du 21 août, entraînant aussi les civils (un « exode à grande échelle »).
Instituteur de la jeune génération très laïque du début du XXème siècle, Amalric est indifférent en matière religieuse, contrairement à sa mère. Patriote à la manière républicaine (il est heureux d’envoyer à sa sœur une carte postale de Valmy, le jour anniversaire de la fameuse bataille de 1792), il n’est pas patriotard. Il estime que la retraite de Lorraine à la fin août est « une honte ». La brutalité de certains officiers le révulse. Ainsi l’odieux lieutenant-colonel Bertrand qui en Flandre, le 17 décembre, invective ses hommes : « il paraît que quelques hommes d’une compagnie auraient manifesté leur fatigue ce matin par des propos qui auraient immédiatement mérité la peine de mort (…) Les soldats qui se plaignent hautement sont des lâches. Ils mériteraient que les bons Français leur crachent à la figure. Ce sont des gens qui mériteraient d’être émasculés pour que leur race de pleutres et de lâches ne se reproduise plus ».
Adrien Amalric note les exactions commises par les « Alboches » (expression employée dès le 27 août) : pillages (par exemple de l’école des Eaux et Forêts de Nancy), cadavres jetés dans les puits pour les infecter etc. Mais lors de l’offensive en Lorraine il est impressionné par les tombes individuelles des Allemands, avec casques alignés au-dessus : « des couronnes de grains et de fleurs ont été placées sur les croix ; c’est dire s’ils ont les morts en grande vénération tandis que chez nous les morts sont mis en grand nombre dans des fosses avec du gazon sur le corps ce qui a pour effet d’infester l’air. Par ailleurs les Boches soignent aussi bien les blessés qu’ils enterrent leurs morts ».
Amalric est peu effusif et pas du genre à se plaindre sans cesse (« il ne se plaint jamais », note A. Bélanger). Mais il vit pleinement l’horreur de la guerre. Le 3 novembre, il note : « avec l’ennemi qui nous cerne et cette pluie torrentielle et glacée, la nuit devient tragiquement angoissante. Comment ne pas avoir cette impression de terreur tant est grande la brutalité des hommes ? »
Lucide et humaniste, tel apparaît Adrien Amalric. Le 20 août 1914, lors de la bataille de Dieuze Morhange, il surprend un officier allemand blessé qui a essayé de tuer d’un coup de pistolet l’officier français qui venait de lui planter sa baïonnette dans le corps : « loin de mettre fin à ses jours, je lui retire l’arme de la main et je laisse là ces deux blessés jadis ennemis et maintenant frères dans le malheur ». D’ailleurs, note Amalric, cet officier français « ne valait pas cher non plus ». Amalric aspire implicitement à la paix et au dialogue entre les nations. Rencontrant des aviateurs « britanniques » à l’Est de Soissons, où ils disposent d’un mini-aéroport, il observe qu’ils ont chipé quelques fruits dans un verger et déplore de ne pas pouvoir parler avec eux ; mais lui et ses compagnons d’armes couchent à leurs côtés « comme si nous étions de la même nation, de la même patrie ».
Jean Faury

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Cantié, Marius (1884-1917)

Sa famille a conservé de lui des notes prises entre août 1914 et juillet 1916, lorsqu’il était sergent dans le groupe de brancardiers de la 31e division. Commençons par les lire. Ce Méridional est surpris par le climat lorrain comme le montre son récit de la nuit du 15 au 16 août : « Nous devons coucher sur le champ avec 5 cm d’eau, on réussit cependant à s’abriter tout mouillés dans ou sous les voitures d’ambulance et nous passons ainsi une nuit glacée à grelotter dans nos effets mouillés, car impossible de se changer, le sac étant tout trempé aussi. Les officiers de l’ambulance avaient fait monter une tente Tortoise pouvant abriter 50 hommes, mais ont mis tout le monde à la porte et ont supporté d’y coucher seuls sur un brancard, quand les infirmiers n’avaient aucun abri. » D’une façon générale, les officiers gestionnaires, qui ne combattent pas, qui ne soignent pas, sont épinglés pour leurs brimades. En janvier 1915, par exemple, Marius est puni pour avoir fait son service alors qu’il en était exempt ! En février 1916, la popote des sergents est supprimée parce que les officiers veulent prendre le cuisinier à la leur. Aussi, lorsque la formation est disloquée, tout le monde est content « dès l’instant que l’on doit vivre loin de l’officier d’administration ».
Ramasser les blessés, enterrer les morts
Les premiers combats, en Lorraine, sont terribles : « Les blessés arrivent en si grand nombre qu’on est stupéfait. On voit des plaies ignobles, on entend des râles et les cris déchirants des blessés, que le cœur se serre d’angoisse. Le 142 est décimé, le colonel tué, ainsi que le 81, le 96 et le 122 [voir Ferroul]. Les Allemands étaient retranchés dans des fossés profonds et ne craignaient rien de notre artillerie ainsi que de l’infanterie. Les nôtres étant à découvert étaient décimés. » C’était le 18 août, et le lendemain ceux qui restent du 142 et du 122 sont relancés à l’attaque des « Prussiens » fortifiés et se font anéantir : « On les mène autrement dit à la boucherie. » Les brancardiers participent à la retraite, puis à la course à la mer. Le 21 novembre 1914, Marius décrit la ville d’Ypres : « À 8 h les Boches bombardent Ypres avec leurs grosses marmites, brisent le clocher de l’hôtel de ville et l’incendient. Les halles brûlent aussi et le feu se communique à la cathédrale. La ville n’est qu’un immense foyer ardent, et à la nuit c’est tout à fait lugubre. En ville, on ne trouve pas âme qui vive, tout est désert, les rues sont encombrées d’un amoncellement de ruines, les maisons éventrées ou calcinées, des objets épars, çà et là quelque poutre qui fume encore. On dirait qu’un fléau est passé là et a emporté toute la vie avec lui, et n’a laissé qu’une vaste nécropole. »
En février 1915, déplacement vers la Somme (près d’Amiens, « un marchand de vins du Midi nous fait boire tous et remplit nos bidons à titre gracieux »), puis vers la Champagne (« dans des wagons à bestiaux ayant contenu des chevaux et non désinfectés, ayant encore l’odeur et la trace des déjections »). La nuit du 29 mars, près de Mesnil-les-Hurlus, est un bon exemple de ce qui attend les brancardiers après les combats : « D’espace en espace on y rencontre des casemates boisées sur les côtés ayant servi sans doute d’abris aux gradés boches, car tout ceci est un travail boche, et ce n’est pas une petite affaire. En approchant de la ligne de feu, le boyau a, sur tout le long, des niches en terre servant d’abri aux troupes. Nous passons devant la guitoune du général et enfin nous entrons dans les boyaux abandonnés. Tout y est bouleversé, les trous d’obus se touchent et tous les morts qui sont à côté y sont enfouis. Certains forment de véritables murailles. Ils sont là, entassés pêle-mêle, et recouverts de la boue calcaire du pays. Elle a fait prise, et les morts restent là dans ce mortier, oubliés et perdus. Quelquefois on aperçoit un pied ou une main qui dépasse, semblant nous dire : « Je suis là, donnez-moi donc une autre sépulture ! » On trouve aussi des membres épars, des corps sans tête ou à moitié déchiquetés. C’est horrible. La lune de son disque brillant éclaire ces scènes funèbres. Les fusées éclairantes projettent encore leur vive lumière et viennent parfois retomber jusque chez nous. Les balles sifflent toute la nuit, un peu haut il est vrai, mais de nombreux ricochets font voler la poussière autour de nous. »
Les combats et leurs suites
Le 10 juin 1915, Marius Cantié mentionne un épisode comme il y en eut tant : « On annonce qu’hier au soir les Boches ont tenté de reprendre au 96e et au 322e la tranchée du Trapèze. Ils y ont réussi mais une contre-attaque les en a délogés. Une 2e tentative réussit encore mais une vive contre-attaque de nous les en chasse définitivement. Les blessés sont nombreux. Plus de 300 et une quarantaine de morts. » En septembre, du côté de Valmy, il faut faire face aux gaz ; le 1er décembre, « on commence à avoir des évacués pour gelure des pieds ». Des prisonniers allemands passent : « Tous sont contents de s’en tirer ainsi et sont gais, quelques officiers seuls ont l’air maussade et ennuyés comme des rats qui se voient pris. » La lecture des citations à l’ordre de la division ne suscite que ce commentaire : « Quelle blague !!! » En décembre, le 96 refuse de monter à l’assaut, « alléguant que le 81 avait perdu la tranchée et n’avait qu’à la reprendre ». La nuit de Noël, quelques brancardiers « ont fêté un peu trop le mousseux » et bousculent les officiers qui veulent intervenir.
La boue reste un ennemi implacable. « Plusieurs cuisines roulantes restent en panne dans les grands trous de la route avec des roues cassées et des essieux faussés. Il est formé un projet d’évacuer les blessés par le petit chemin de fer à voie étroite. Nous allons passer chefs de gare. » Mais cette proposition du 16 novembre, réitérée le 2 décembre, ne reçoit pas de réponse. Il faut atteler 4 à 5 chevaux à une voiture faite pour un seul. « Il pleut toujours, les cagnas s’effondrent dans les tranchées et même chez nous. Les routes sont des lacs de boue. »
À la recherche de l’auteur
Le carnet de Marius Cantié, peu fourni pour 1916, ne dépasse pas le mois de juillet de cette année. La famille a retenu de lui qu’il était originaire du Pays de Sault, que son père avait été nommé gendarme à Narbonne et que lui-même était employé de banque dans cette ville. La famille avait encore la date et le lieu du décès : 14 septembre 1917 au Bois des Caurières (Meuse). La consultation du site « Mémoire des Hommes » donne la date de naissance du sergent Cantié Célestin Marius Achille, le 27 décembre 1894 à Roquefort-de-Sault.
RC

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Anonyme du 329e RI

Campagne 1914-1915 au 329ème R.I.,
Bretagne 14-18, 2002, 37 pages 21×29,5. ISBN : 2-913518-15-X
Reliure souple, peu d’iconographie.

1 – L’auteur.
Nous ne le connaissons nullement. Nous savons juste qu’il était ouvrier au Havre, réserviste au 329e RI, qu’il fit la guerre de la mobilisation au 22 novembre 1915, date à laquelle il quitta le front pour rejoindre une usine, comme affecté spécial.

2 – Le carnet.
Peu de choses à dire de ce petit carnet banal sur lequel le réserviste havrais jetait sommairement et quotidiennement quelques notes. Le document fut conservé par la famille avant de nous être confié. Son auteur n’avait jamais dû envisager une quelconque publication.

3 – Le témoignage.
Certains combattants ont laissé trace de leur expérience de guerre, dans leurs lettres, dans des carnets, dans des journaux, dans leurs mémoires. Mais il ne s’est agi, la plupart du temps, que de lettrés, souvent officiers. Dans ce petit document, c’est un soldat de 2e classe, un simple ouvrier qui nous offre de courtes chroniques. Rédigé souvent de façon télégraphique, sans effet de style ou apprêt littéraire, ce témoignage nous montre une guerre sans fard, dans tous ses aspects, des plus terribles aux plus ordinaires. Il ne cèle rien de ce qu’il a vécu, ne détaille pas, ne se met aucunement en avant, loin s’en faut. Les banalités horribles du combat sont décrites lapidairement. Point de sentiments exprimés, compassions, regrets ou glorioles. Nous sommes au plus près de ce que fut cette guerre, sans concession et sans guère d’humanité.
René Richard

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Mahé, Charles (1875-1915)

Le capitaine Charles Mahé au 48e régiment d’infanterie de Guingamp,
Carnets et lettres de guerre (août 1914 – 9 mai 1915),
Bretagne 14-18, Juin 2006, 59 pages 21×29,5, ISBN : 2-913518-38-9
Reliure souple, iconographie.

L’auteur.
Charles Mahé était un officier issu du corps, engagé volontaire comme simple soldat en 1893, à l’âge de 18 ans, promu capitaine en 1913. Il était parti au front dès le 5 août 1914 comme commandant de compagnie au sein du 48e régiment d’infanterie de Guingamp et avait participé ou assisté aux offensives de Belgique des 21 et 22 août 1914, avant de subir la retraite. À Lemé, le 29 août, pendant la bataille de Guise, il est blessé et évacué. Il rejoint son régiment le 20 octobre, pas sur le Rhin comme il l’espérait mais dans le dispositif de défense d’Arras. Il va y vivre la guerre de tranchée qui « pourrit les hommes » pendant de longs mois, jusqu’à la fatidique offensive du 9 mai 1915. À l’est de Roclincourt, dans le secteur de la ferme de Chantecler, il tombait et disparaissait à la tête de sa 11e compagnie. Son corps ne fut pas retrouvé, malgré les interrogations de sa famille pendant la guerre et les recherches de son beau-frère, le lieutenant Jean-Baptiste Belleil, après la guerre. Il est considéré comme disparu et ses restes reposent probablement dans une fosse commune de la nécropole de N.D. de Lorette ou d’un des nombreux cimetières militaires de cette région d’Artois. Et pourtant, ce corps fut identifié par des Allemands dans les lignes desquels il était tombé, et ses papiers furent conservés par eux. En effet, après la guerre, son carnet de guerre fut restitué à la famille dans des conditions assez étonnantes que nous narre Pierre Belleil, son neveu, dépositaire et gardien des archives de Charles Mahé.

Le témoignage.
Dans le petit ouvrage a été repris intégralement le carnet du capitaine Mahé. Celui-ci le remplissait chaque jour, d’une écriture fine et nerveuse. Le 8 mai 1915, le crayon à papier trace quelques dernières lignes plus grossières, ponctuées par un point d’interrogation et 4 points d’exclamation. Inquiétude sûrement, prémonition, nous ne le savons.
Outre la relation journalière de la guerre, rédigée de manière souvent télégraphique, sans souci de style ou de forme, on y trouve l’énumération des cadres et des hommes de sa compagnie, section par section, et même, au début de la guerre, escouade par escouade (avec même la profession  » utile  » et le sort de certains de ces soldats). Il lui servait aussi de manuel d’allemand avec une transcription de mots, de phrases et de règles grammaticales. Quelques relevés comptables et même de petits essais rimés ( » Ainsi que des petits canetons/ Sans répit nous barbotons/ Depuis 12 à 15 semaines/ Plus souvent couchés que debout, dans la boue… »).
Nous avons placé en encadré, entre les chroniques quotidiennes du carnet, des lettres envoyées à la famille et conservées par celle-ci. Nous voyons ainsi le décalage entre la lettre, où il ne faut pas tout décrire pour ne pas inquiéter … ou être censuré, et le carnet, confident discret de toutes les heures, sombres ou plus gaies, et de toutes les rancoeurs ou critiques.
À la fin du carnet, ont été ajoutés divers documents : l’échange de correspondances entre la famille inquiète sur le sort du capitaine et sa hiérarchie régimentaire, l’émouvant petit  » testament « , griffonné à la fin du carnet et qui a sans doute permis de retrouver la famille, les états de service de Charles Mahé, une relation historique du combat du 48e RI à Chantecler où le capitaine Mahé est cité.
René Richard

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Lachiver, Jules (1891-1915)

Lettres de guerre (août 1914-mai 1915) de Jules Lachiver, déclaré « mort pour la France » le 9 mai 1915,
Bretagne 14-18, 2000, 31 pages 21×29,5 ISBN : 2-913518-12-5

1 – L’auteur.
Jules Lachiver est né le « décembre 1891 à Gomené, dans le sud-est du département des Côtes-du-Nord, où ses parents étaient instituteurs publics. C’est presque naturellement que leur fils s’orienta vers l’enseignement. Quand il partit au service militaire, le 9 octobre 1912, il exerçait dans l’école publique de Pléhérel, sur la côte. La guerre le surprit à la caserne de Vitré, incorporé au 70e RI, où il était sergent depuis le 2 octobre 1913. Il fit le début de la campagne, sur la Sambre, à Guise et sur la Marne ; il fut blessé le 3 octobre 1914 à Neuville-Vitasse ; blessure légère, hospitalisation brève, remontée au front d’Artois à la mi-novembre. Il passe l’hiver dans ce secteur. Le 9 mai 1915, sa compagnie, la 10e, fait partie de la première vague d’assaut du régiment. Elle est lancée au nord-est de Roclincourt et est décimée par les mitrailleuses allemandes. Jules Lachiver est tombé lors de cette vaine attaque et son corps ne fut jamais retrouvé.

2 – L’ouvrage.
Les parents de Jules Lachiver, très affectés par la disparition de leur fils unique (le père décèdera trois mois après, miné par le chagrin), avaient conservé ses lettres. Ce lot de missives, surtout important de janvier au 8 mai 1915, a été sauvegardé par un neveu qui l’a confié à Bretagne 14-18. Y ont été ajoutés divers documents et, en particulier les courriers échangés après la disparition de Jules Lachiver. La famille garda longtemps l’espoir de retrouver son corps.

3 – Le témoignage.
La correspondance de Jules Lachiver, surtout adressée à ses parents, révèle son entrain et son patriotisme. Pour lui, après la déconvenue de Belgique et le retournement de la Marne, il faut bouter les Allemands hors de France ; là est son devoir qu’il rappelle dans nombre de lettres ; après seulement, il pourra rentrer à la maison, espoir qu’il exprime cependant de plus en plus souvent. On sent, très imperceptiblement percer la lassitude et l’émotion se fait jour de plus en plus. Civil devenu soldat par la force des événements, il se borne à relater les faits de la vie quotidienne à la guerre, sans porter de jugements sur ce que l’on ordonne aux combattants. Sa détermination ne semble jamais faiblir. Mais, au-delà de ses déclarations patriotiques, sa dernière phrase pathétique dans sa dernière lettre (« Écrivez-moi souvent. ») traduit bien une certaine détresse. Il pensait passer encore une fois entre les balles et retrouver les siens. Espoir cruellement déçu.
René Richard

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Ledeux, Maurice (1893-1918)

Maurice LEDEUX, Correspondances,
Lettres de Maurice Ledeux, sous-lieutenant au 330ème R.I. (août 1914-mars 1917),
Bretagne 14-18, avril 2007, 310 pages 21×29,5
Reliure souple, quelques clichés, dessins ou cartes. ISBN : 2-913518-40-0

1 – L’auteur.
Maurice Ledeux, étudiant ecclésiastique, né à Vitré (I-et-V) le 13 juillet 1893, était au service militaire à la déclaration de guerre. Il part pour la frontière avec le 130ème R.I. de Mayenne. Blessé au combat de Mangiennes, il est ensuite affecté au 330e RI qu’il rejoint début novembre 1914 dans la Woëvre, dans le secteur d’Etain-Fresnes. Nommé sous-lieutenant, il fera toute la campagne avec ce régiment avant de tomber, le 20 août 1918, au combat du Mont de Choisy, près de Noyon.

2 – L’ouvrage.
Pendant toutes ses années de front, Maurice Ledeux écrira une, sinon 2 ou 3 lettres par jour, à ses parents, commerçants aisés de Vitré dont il était l’unique fils, à sa seule sœur ou à sa grand-mère. Ce lot de 695 lettres, conservé dans deux albums, a été sauvé lors d’une vente et elles ont été confiées à l’association Bretagne 14-18 qui les a reprises intégralement. La correspondance s’arrête le 31 mars 1917.

3 – Le témoignage.
Les lettres s’étendent donc de la période du 1er août 1914 au 31 mars 1917. Maurice Ledeux se pose en épistolier d’une fécondité impressionnante. Aux lettres quasi-quotidiennes à son père, à sa mère ou à sa sœur, quelques soient l’endroit et les circonstances de l’instant, il faut ajouter les courriers qu’il échangeait avec les autres membres de la famille, les amis, les anciens professeurs, les relations familiales … Écrire était manifestement pour lui le moyen de tenir et il ne fait que très rarement état d’un quelconque cafard.
Maurice Ledeux se présente comme un patriote fervent, anti-allemand. Sa foi en Dieu lui permet de supporter toutes les misères du soldat à la guerre et il est convaincu de l’intense nécessité de la prière pour aller vers la victoire et donc vers la paix.
D’après sa correspondance, il apparaît comme un jeune homme de santé fragile, surveillant de près ses dysfonctionnements internes et en rendant compte à la famille, se soignant au front comme il le faisait à la maison, recevant de Vitré tous les médicaments nécessaires. Sa famille pourvoira très largement au complément de nourriture par d’importants ravitaillements en de multiples colis alimentaires et autres, que la Maison Potin familiale assurera régulièrement à son cher Maurice.
L’essentiel de chaque lettre est consacré à des échanges strictement familiaux et domestiques (santé des uns et des autres, nourriture, hygiène, vêtements …) ou à la spiritualité (famille très religieuse). Il ne s’étend pas sur les combats ou sur les relations dans les tranchées ou aux cantonnements. Pourtant, il appartiendra de novembre 1914 au 20 août 1918 au 330e RI de Mayenne, régiment qui fit partie de la Division de marche de Verdun longtemps en position dans la Woëvre, dans le secteur de Fresnes-en Woëvre, devant Marchéville, là où tomba Louis Pergaud, le 8 avril 1915. Le très bon carnet d’Auguste Georget, autre instituteur public, incorporé au même 330ème R.I. et tombé en ce même lieu le 13 avril, montre en effet qu’en ce seul secteur, les affrontements furent, chaque jour, meurtriers (Publié en plusieurs parties par l’Oribus de Laval, numéros 2, 3, 4, 5, 6 de mars 1981 à juin 1982). Pour le 13 avril, Maurice Ledeux écrit sobrement : « Hier, nous avons été aux tranchées et prononcé une attaque, Pendant des heures, nous avons été sous le feu de l’ennemi, nous en avons reçu des marmites … Le régiment compte quelques tués et blessés. » – dans la réalité le régiment déplora pour cette journée 40 tués, 150 blessés et 16 disparus – Sur la Somme, le 17 juillet 1916, alors que le régiment est durement engagé : « Je suis heureux que ma compagnie ait été relevée des premières lignes car il n’y fait pas bon. Et, pour quatre jours, nous avons pu nous en tirer sans trop de mal. » Il cherche manifestement à ne pas inquiéter les siens. Et il en sera ainsi pendant toute la guerre, dans toutes ses lettres. Maurice Ledeux, quand on le lit, donne l’impression de vivre dans la guerre ou même en marge mais de ne point la faire.
René Richard

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Escande, Mathieu (1877-1929)

Né à Escoussens (Tarn) le 10 avril 1877, il est issu d’une dynastie de charpentiers-apiculteurs. Surnommé Albigeois l’Ami du Trait, Mathieu fait son tour de France de compagnon, puis le service militaire comme télégraphiste à El Goléa (dans l’édition, les lettres du Sahara précèdent le journal de 14-18). Il se marie en 1906 et il a un fils et une fille avant la guerre. Son petit-fils a édité son journal à partir de 7 cahiers d’écolier, texte qui comporte de fortes lacunes pour les premières années de guerre. En effet, mobilisé à Montpellier au 2e Génie, Mathieu reste à l’arrière, Angoulême et Chinon, jusqu’au printemps 1917, à travailler le bois, par exemple à fabriquer des caillebotis pour les tranchées. Au cours de cette vie monotone et sans danger, il y a peu à raconter en dehors des gaspillages et absurdités de l’armée, des cuites des camarades, de l’animosité entre soldats du Nord et du Midi, de discussions politiques au cours desquelles Mathieu s’oppose aux socialistes. Il part pour l’arrière-front en mai 1917, étonné que le paysage de Verdun, désertifié par les bombardements, lui rappelle celui du Sahara. Là aussi, il travaille le bois, réalisant des coffrages pour abris, construisant un établissement de douches (et même, exception, faisant les vendanges pour Moët et Chandon). Il appelle les bleus « les enfants » ; il critique le bourrage de crâne ; il transcrit un rêve (29-11-17) : « Cette nuit j’ai rêvé que j’étais avec le Kaiser et le Kronprinz, que ce dernier m’a assuré que la guerre serait encore longue. » En 1918, Mathieu est promu maître ouvrier. Dans l’Aisne, il décrit le repli lors de l’offensive allemande sur le Chemin des Dames. De retour dans sa région en 1919, il reprend à Labruguière son activité de charpentier dans le civil.
*Jean Escande, Le journal de Mathieu, La guerre de 14 vue par un charpentier de Labruguière, sapeur au 2e Génie, Castres, 1986, plaquette de format A4, 80 p.

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Clément, Joseph (1876-1968)

Le témoin
Il est né le 23 décembre 1876 à La Bouillie, dans les Côtes-du-Nord. Il s’engage dans l’armée le 30 octobre 1896. Caporal le 2 avril 1898, il est nommé sous-officier le 18 novembre 1898. Le 30 octobre 1909, alors qu’il est au 70e RI de Vitré, il quitte l’armée. Il est mobilisé le 2 août 1914 au 76e régiment d’infanterie territoriale de Vitré. Nommé sergent-major le 4 août 1914, puis adjudant-chef le 25 septembre 1914, il gagne son galon de sous-lieutenant à titre temporaire le 10 novembre 1914. Nommé lieutenant à titre temporaire le 16 juillet 1915, il est confirmé à titre définitif dans ce grade le 12 juillet 1917. À la dissolution du 76e RIT en janvier 1918, il est affecté au 80e RIT de St-Lô. Après la guerre, il sera rattaché au 136e RI de St-Lô, puis passera comme capitaine au 71e RI de St-Brieuc. Directeur de banque à St-Brieuc, Joseph-Marie Clément y décèdera en 1968.
Le témoignage
Il nous a laissé trois petits carnets dans lesquels il a noté, au jour le jour, les événements, grands ou petits, auxquels il a participé de près ou de loin. Ils couvrent la période du 5 octobre 1914 au 20 novembre 1918. Ce sont de tous petits calepins (à peine 8×5) rédigés en une écriture serrée, parfois difficilement lisible. Auprès des annotations rapportées ici, apparaissent toutes les préoccupations matérielles quotidiennes qui sollicitent tout officier d’infanterie. On y trouve des listes de noms de soldats, des instructions pour les vaccinations, des quantités de matériel à prendre au parc, des adresses de parents, d’amis, etc.
Son journal débute par des notes brèves, parfois sèches, témoignages d’une période de mouvements peu propice à des travaux d’écritures. Ensuite, les comptes rendus prennent plus de consistance et introduisent toutes les préoccupations du moment, y compris les récriminations contre les injustices de promotions dans les grades et décorations dirigées vers les non-combattants des États-majors, si petits soient-ils.
L’ouvrage
La reprise des carnets de Joseph-Marie Clément aurait pu se suffire à elle-même. Cependant, p. 8 à 10, il se montre exceptionnellement très disert et relate l’attaque aux gaz du 22 avril 1915, événement que son régiment vécut d’abord en spectateur alors que le 76e RIT s’apprêtait à relever l’autre brigade de la 87e DIT bretonne, celle formée par les 73e RIT (Guingamp) et 74e RIT (St-Brieuc). Ces deux unités vont se trouver plongées dans la nappe de gaz et être décimées, ce qui obligera le régiment territorial vitréen à monter en ligne pour combler la brèche qui se formait, ce que narre le lieutenant Clément. Sur cette journée du 22 avril, les témoignages sont multiples, fort variés, voire contradictoires. Nous avons voulu ajouter au texte du lieutenant Clément (37 pages) un dossier sur cette fameuse journée du 22 avril (60 pages). En consultant les archives militaires de plusieurs pays ou des témoignages de combattants ayant subi cette attaque ou y ayant assisté, nous constatons que, selon la nationalité des témoins, elle fut « la journée » des Belges, celle des Bretons, celle des Anglais ou celle des Canadiens, de façon exclusive. Selon le lieu de la ligne de front, au nord et à l’est d’Ypres, les relations divergent et, surtout, ignorent que ce fut tout un ensemble de régiments de plusieurs nations qui fut touché et non seulement des régiments belges, bretons, anglais ou canadiens. Parmi ces unités, se trouvèrent des troupes qu’on n’évoque presque jamais, alors qu’elles furent sans doute les plus éprouvées : le 1er bataillon de marche d’Infanterie Légère d’Afrique, des « Joyeux » presque tous asphyxiés, et le 1er régiment de marche de tirailleurs algériens. Nous avons voulu présenter un dossier aussi complet que possible sur cette terrible journée et sur « cet incident fâcheux, sans résultat grave » (général Joffre), sans parti pris national ou régional. Nous savons ce que des régiments territoriaux bretons subirent ce 22 avril. Nous savons aussi qu’ils n’étaient pas seuls en ligne et qu’ils ne furent pas les seuls décimés.
René Richard
Carnets de guerre d’un officier d’infanterie territoriale. Lieutenant CLEMENT Joseph 76e RIT de Vitré et La première attaque aux gaz du 22 avril 1915, Plessala, Bretagne 14-18, 2006, 99 p.

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Capel, Georges (1887-1915)

1. Le témoin
Georges Capel est né le 17 octobre1887 à Saint Valérien, canton de Chéroy, dans l’Yonne, de Florent Capel, charcutier et de Victorine Larrivé, sans profession. Lors de son incorporation au service militaire il exerce la profession d’employé de chemin de fer et est domicilié à Paris (2e arr.). Il a épousé Jeanne, Aline Daguenet le 11 octobre 1911. Il est mobilisé au 289e régiment d’infanterie (55e DI), régiment de réserve du 89e RI de l’Yonne. Georges Capel décède le 22 janvier 1915 à l’hôpital temporaire 22 à Cholet (Maine et Loire) des suites de blessure de guerre.
2. Le témoignage
Journal de guerre 1914-1915. Cet opuscule a été composé par Patrick Capel, arrière-petit-fils de Georges, édité par Editions JPB à Villemandeur (45200) Loiret, ISBN 10 : 2-907055-28-3, ISBN 13 : 9782907055284, 1994, 41 pages, à partir des notes manuscrites de Georges. Ce document est consultable à la Bibliothèque universitaire Sainte Geneviève à Paris. Les notes ont la forme d’un journal quotidien s’étendant du 10 août 1914 au 15 janvier 1915 sans aucun manque. Les apports de l’arrière-petit-fils, Patrick Capel, sont limités à la dédicace, un court « avis au lecteur » et quelques lignes en forme d’ex-libris. En outre, le petit-fils Michel Capel a ajouté un commentaire de 17 lignes dans lequel il rappelle l’authenticité du texte et précise que « l’original s’effaçant petit à petit a été intégralement recopié mot pour mot par Jeanne Daguenet » la veuve de Georges. Il termine par un court paragraphe constituant un hommage aux poilus, à leurs veuves à leurs orphelins (page 41).
3. Analyse
Georges Capel appartient à la classe 1907, il a 27 ans à la déclaration de guerre. Son journal apporte peu d’éléments originaux autres que ceux que l’on recueillerait dans le JMO de son régiment, ce qui n’est pas sans intérêt étant observé précisément que le JMO du 289e RI n’apparaît pas dans le site SGA Mémoire des Hommes arrêté malheureusement au 288e RI. On n’y dispose que de ceux de la 109e brigade (à laquelle est rattaché le 289e RI), de la 110e brigade et de la 55e DIR dont ces unités sont les composantes.
Le 289e RI reçut son drapeau lors d’une cérémonie sur la place de l’Esplanade de Sens le samedi 8 août 1914 à 4 heures du soir. Le lieutenant porte-drapeau était un « enfant du pays » : M. Régnier fils du conseiller général du canton de Chéroy (source : Gaston Gaudaire, Une Ville pendant la guerre, Sens, 1914-1919, Charles Lavauzelle & Cie, 1922).
Avec son régiment Georges Capel quitte Sens le 10 août. Son parcours est ensuite celui du 289e RI faisant mouvement vers la Lorraine. Dans tout le journal l’ennemi est désigné par le vocable « les Prussiens ». Le premier engagement et les premiers morts, dont le commandant Blomme Benjamin Aimé, tué « par le premier obus » (source : Memorialgenweb fiche n° A 284265) sont mentionnés le 25 août dans le secteur de Brainville Porcher, dans la Meurthe-et-Moselle (le texte retranscrit porte « Poncey » mais il s’agit très vraisemblablement d’une erreur de retranscription, il s’agirait plutôt de Porcher à 6 km à l’ouest-nord-ouest de Mars-la-Tour). Après cet épisode de la « bataille des frontières, le 289e RI se replie sur Saint Mihiel et Sampigny.
Embarqué par chemin de fer le 28 août, le régiment fait mouvement vers l’Oise à Tricot pour faire partie d’une nouvelle armée, dite 6e armée, sous les ordres du général Maunoury. Puis une marche de 25 km l’amène à Roye dans la Somme. C’est à nouveau une retraite et, de retour dans l’Oise, le 30 août « la moitié de la compagnie est perdue ».
Une nouvelle marche de « 40 à 45 km » conduit le régiment à Rantigny à 7 km au nord-nord-est de Creil le 31 août. Puis à Cinqueux le 1er septembre. Suivent plusieurs déplacements indiqués par le succession des lieux d’étape pour arriver finalement après un nouveau repli – à pied – à Marly-la-Ville le 3 septembre. Le 6 septembre, Georges note : « Nous n’avons pas pris part à la bataille qui a duré jusqu’à 8 heures du soir ; les trois quarts des officiers de la Division (il en reste 17 au régiment) sont tués ou blessés, la moitié des hommes sont hors de combat. »
Quittant les approches de Paris, un nouveau mouvement est décrit jusqu’au secteur de Soissons atteint le 12 septembre. Le régiment connaît alors une succession de montées en ligne dans le secteur de Crouy (Aisne) et de repos en cantonnements dans divers villages proches de Soissons. Il relève et, alternativement, est relevé par le 246e RI appartenant à la même 55e DI mais à la 109e Brigade. Parfois aussi le 289e RI est relevé par le 231e RI de la 110e brigade.
Le 12 janvier 1915, lors de l’attaque « à la baïonnette » de la cote 132, le lieutenant est tué et Georges Capel reçoit une balle dans l’épaule. Il est évacué le lendemain sur l’hôpital temporaire n° 22 de Cholet. Il y décède le 22 janvier. Sa dépouille est ramenée à Saint Valérien le 25 janvier et il y est inhumé le 26 janvier 1915.
Les apports originaux ressortant du journal de Georges Capel sont rares. On notera essentiellement les suivants :
Un accident se produit dès le départ en chemin de fer de Sens le 10 août 1914 : son train est stoppé suite à un tamponnement en gare de Sompuis (Marne), causant 7 morts et 54 blessés. La cause en est la fréquence élevée des convois allant tous dans la même direction.
Bien que l’on distingue habituellement une phase initiale qualifiée de « guerre de mouvement » suivie d’une « guerre de position » caractérisée par la fixation du front et l’établissement de tranchées, on voit apparaître dès le 14 août le recours aux tranchées dans le secteur de Vigneulles en avant de Saint Mihiel.
Le 12 septembre il est signalé près de Cravançon devant Soissons : « À 11 heures nous avons vu fusiller deux Prussiens pour tentative de vol, nous en avons vu passer neuf autres qui doivent être fusillés pour vol à main armée. »
Le 30 octobre il est fait mention sans le nommer de la mort du général de brigade. Il s’agit du général Arrivet Paul, Blaise, Marcel, tué le 29 octobre à 10h 30 d’une balle dans la tête lors d’une visite de tranchées dans le secteur de Crouy (source : JMO 109e Brigade du 3 août 1914 au 22 mars 1915, registre 26 N 526/1 p. 20/33).
Le 12 janvier 1915, jour de sa blessure par balle à l’épaule, Georges Capel fait état de la mort de son lieutenant. Il est fort probable qu’il s’agisse en fait du sous-lieutenant De Laët Edmond, Ernest, instituteur, chevalier de la Légion d’Honneur, comme le montre sa fiche sur SGA Mémoire des Hommes. La confusion de grade est possible sous la plume de Georges Capel, rappelons que la coutume dans l’armée française est d’appeler « mon lieutenant » aussi bien les aspirants que les sous-lieutenants et les lieutenants (et même les adjudants-chefs dans la cavalerie).
Page 41, Michel Capel, petit-fils de Georges apporte une précision sur les convictions de son grand-père : « Sa femme lui tint la main dans ses derniers moments durant lesquels il garda toute sa lucidité. Il refusa d’un geste le Christ que le prêtre lui présentait dans sa dernière heure. »

Michel Mauny, janvier 2013

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