Molinet, Louis (1883-1979)

Louis Molinet naît de parents alsaciens le 31 octobre 1883 à Wengelsbach, une annexe de Niedersteinbach, en Alsace du Nord. A la fin de sa scolarité, il est employé à la carrière de Pirmasens (Palatinat), puis aux aciéries de Rombas et de Hayange (Moselle), et enfin comme charbonnier. D’octobre 1905 à septembre 1907, il effectue son service militaire au 9e régiment d’infanterie rhénan à Diez-an-der-Lahn. En novembre 1909, il épouse Madeleine Spill ; le couple s’installe à Lembach. De leur union naissent quatre enfants, dont trois avant 1914. Au début de la guerre, il est mobilisé dans le 60e régiment d’infanterie de réserve et participe aux combats sur le front de Lorraine. Il passe près d’une année, entre juillet 1915 et juin 1916 dans le secteur d’Avricourt-Amenoncourt. De juillet à novembre 1916, il alterne les séjours à l’hôpital pour soins dentaires et les permissions pour travaux agricoles et forestiers. Cette période à l’arrière prend fin le 22 novembre, jour de son départ pour le front oriental (en Volhynie, Galicie et Bucovine). A la mi-mai 1917, l’ensemble de son régiment retourne sur le front ouest, à l’exception des Alsaciens-Lorrains. Transféré dans un autre régiment, Molinet est alors formé au tir de mortier, poste auquel il est désormais affecté. Il passe l’été 1917 entre le front et l’arrière. En septembre, son régiment rejoint le front balte, et il y participe notamment à la conquête des îles estoniennes. Il est décoré de la Croix de fer 2e classe le 20 novembre 1917. Suite à une hospitalisation au début de janvier 1918, il est muté dans un bataillon de réserve et demeure dès lors à l’arrière. Il obtient deux permissions d’un mois en juin (suite au décès de son frère Alfred au front), et en septembre. Le 9 novembre, il adhère au comité de soldats de son régiment. Il est ensuite démobilisé le 16 janvier 1919. De retour, il est employé comme mineur aux puits de pétrole de Pechelbronn, où il travaille jusqu’à sa retraite en 1939. Le 1er septembre 1939, comme tous les habitants de Lembach, la famille Molinet est évacuée à Droux en Haute-Vienne. A leur retour, l’Alsace est à nouveau allemande, mais cette fois sous le régime nazi. Leur maison est détruite par un obus américain en décembre 1944 et n’est reconstruite qu’en 1955 grâce aux dommages de guerre. Louis Molinet décède en septembre 1979 à l’âge de 96 ans. Tout au long de sa vie, son expérience de la Grande Guerre demeura un souvenir fort, qu’il se plaisait à raconter (selon le témoignage de son petit-fils Jean-Claude Fischer, que nous remercions pour ses nombreuses précisions).
Publié sous une forme traduite (« Le carnet de Louis Molinet. Un habitant de Lembach raconte sa guerre de 14-18 », in l’Outre-Forêt, n°109, 2000, p.21-36), ce journal de guerre est à l’origine rédigé par Louis Molinet au fur et à mesure des évènements, au crayon et en allemand, sa langue maternelle, dans un petit carnet de poche. Celui-ci contient en outre un certain nombre d’informations usuelles : des listes d’adresses (les siennes, successives, ainsi que celles d’amis, camarades ou parents), des listes de courriers ou colis reçus, les dates auxquelles il a communié, la signification des signaux lumineux, les dates et le montant versé aux emprunts de guerre, ainsi qu’une liste de mots courants français traduits et transcrits phonétiquement. L’ensemble s’apparente donc à un carnet de route recueillant les informations que l’auteur a jugé utile de conserver auprès de lui. Dans ce carnet, le récit ne commence qu’en juin 1915, sans aucune référence aux mois précédents, ce qui laisse supposer qu’un premier carnet contenant les mois d’août 1914 à juin 1915 a dû être perdu.
Louis Molinet y livre un récit chronologique très détaillé de ses mouvements, stipulant consciencieusement les dates, horaires et lieux de destination. Il s’agit souvent de l’essentiel de l’information relatée. Il ne s’attarde pas sur certaines périodes comme ses séjours à l’hôpital ou ses permissions, ni sur l’année 1918 passée essentiellement à l’arrière. Les descriptions des évènements vécus ne tiennent souvent qu’en quelques mots, jugés sans doute suffisamment évocateurs pour pouvoir lui rappeler les faits le moment venu. C’est le cas pour les moments de la vie quotidienne comme pour les combats successifs. Certaines batailles, notamment celle où il échappa de peu à la mort, et certains évènements exceptionnels sont un peu mieux renseignés, comme les tentatives de fraternisations russes en avril 1917 ou la désertion de deux soldats français le 9 mai 1916 : « vidant une grenade à main, ils y ont mis un billet signé avertissant de leur venue dans la soirée (…) ils sont arrivés comme prévu » (p.26). Quand il revient plus longuement sur des épisodes, il garde un certain détachement : il décrit ainsi, sans émotion, comme trop habitué à ce genre de spectacle, les derniers moments d’un camarade alsacien mourant, qui en plus est en parenté avec sa femme : « Jambes et entrailles arrachées, il ne mesurait plus que 80 cm, mais vivait encore (…) puis il a rendu l’âme » (p.29). Ses impressions personnelles, plutôt rares, sont aussi succinctes. Elles portent cependant autant sur les horreurs (le 8 octobre 1915 : « c’est terrible à voir (…) C’est en fait la journée la plus terrible que j’aie vécu jusque-là »), les difficultés (liées au froid et à la neige par exemple : « je n’ai jamais vu ça de ma vie », p.29), que sur les moments plus agréables (le 14 mai 1917, après un repas copieux et une séance de cinéma, représente sa « plus belle journée en Russie »). De la même manière, il nous laisse entrevoir ses préoccupations de soldat, qu’il s’agisse de sauver sa peau et de survivre aux épreuves de la guerre (la religion tient une place importante à cet égard), de la nourriture qui manque parfois cruellement, notamment sur le front oriental (« nous souffrons beaucoup de la faim », p.30), ou de l’attente impatiente du courrier et des colis de sa famille.
Contrairement à certains témoignages d’Alsaciens ou de Lorrains, le carnet de Louis Molinet ne contient aucune considération politique, ni formes de critiques à l’égard du militarisme allemand. Certes, il peut exister une forme d’autocensure, l’auteur pouvant être soucieux de ne rien écrire qui puisse se retourner contre lui dans le cas où le carnet se perde. Il ne fait par exemple aucun commentaire lorsque tout son régiment, à l’exception des Alsaciens-Lorrains, retourne sur le front occidental. Cependant, il semble qu’il ne remette pas en cause son service dans l’armée allemande et qu’il effectue sa tâche avec un certain sens du devoir. Peut-être est-ce lié à la transmission de valeurs militaires par un père qui connut le service de 6 ans et la guerre de Crimée dans l’armée de Napoléon III. En tout cas, tandis que Louis est décoré de la Croix de fer en novembre 1917, son frère Pierre est élevé au rang de caporal. Par ailleurs, Louis évoque avec déférence ses généraux (« Son Excellence le général en chef Falkenhausen », p.22 ; « son Excellence le lieutenant général Von Estorff », p.30), et quand son camarade alsacien décède au front, c’est en « donnant ainsi sa vie pour la patrie » (p.29). Loyal pour le régime impérial, il ne semble pas pour autant vouer de haine particulière à l’égard des Français. Ceux-ci sont simplement les adversaires d’en face, contre qui « nous déployons (…) nos mitrailleuses devant les barbelés et vengeons nos camarades qui viennent de tomber » (p.22). Cela ne l’empêche pas de noter plus loin : « nos fusils crachent le plomb sur ces pauvres Français (…) Les pauvres camarades Français tombent comme fauchés ». Dans cette guerre qui divise les hommes en deux camps, Molinet reste à la place qui lui est attribuée, et projette ses espoirs sur les moments préservés du danger du front : il apprécie ainsi la période de formation au tir de mortier « car là nous sommes en paix, bien tranquilles à l’arrière du front » (p.30). De même, il n’hésite pas à contrevenir au règlement quand il s’agit de rejoindre se femme lors de cantonnement à Sarrebourg (p.25).
Raphaël GEORGES, mars 2013

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Denis, Omer (1880-1951)

Né le 24 octobre 1880 à Chantonnay (Vendée). Son père est menuisier ; les témoins à l’état-civil sont charron et charpentier. Séminaire. Service militaire d’un an au 137e RI. Depuis 1909, professeur à l’institution Mirville de La Roche-sur-Yon. Mobilisé à l’ambulance 12/11 où il remplit les fonctions de secrétaire et aumônier bénévole. Il a à faire l’inventaire des objets personnels des tués, besogne « particulièrement pénible, tous les cadavres sont déchiquetés, broyés ». En mai 1916, il passe infirmier et toujours aumônier bénévole dans l’artillerie, 5e RAC puis 25e RAC (il est blessé en avril 1917). Pendant la guerre, il remplit 18 carnets destinés à ses parents et amis, masse considérable que la publication n’a pu reprendre dans sa totalité. Malgré l’horreur souvent rencontrée, le style est assez détaché, avec un brin d’humour ; une lassitude certaine apparaît toutefois, surtout après sa blessure. « Rallié » à la République, ce prêtre ne cesse de critiquer la loi de séparation des Églises et de l’État, l’action des gouvernements républicains et il n’aime pas les socialistes. Dans le vignoble champenois, par exemple, d’après lui, « l’élément socialiste » a obtenu que « la classe ouvrière se trouve, aux frais des propriétaires naturellement, étrangement gâtée ». Les hauts salaires sont dilapidés dans « le goût du luxe » ; règne « une facilité de mœurs scandaleuse » ; « au point de vue religieux, ces contrées sont franchement mauvaises » ; l’antipatriotisme et l’internationalisme y produisent un espionnage actif. « La grande faute incombe tout entière au gouvernement qui, s’absorbant dans les mesquines et tracassières menées d’une politique uniquement anticléricale n’a rien su prévoir et rien su empêcher. »
L’ensemble décrit des situations bien connues : la boue, les bombardements et les secteurs calmes, les artilleurs privilégiés par rapport aux fantassins, les blessés allemands, les tentatives de mutilation volontaire, le bourrage de crâne par les journaux, les récriminations contre l’arrière où on ne s’en fait pas, etc. Parmi les remarques originales, on peut noter l’attitude du prêtre devant le corps d’un suicidé du 69e RIT en janvier 1916 : il refuse de l’enterrer religieusement. Plus tard, en avril, un passage est vraiment surprenant. Ses confrères prêtres de l’ambulance sont jaloux du fait qu’on l’ait choisi, lui, pour remplir les fonctions d’aumônier, et de la confiance que lui témoignent les majors. « Ces premières raisons qui les poussaient déjà à m’en vouloir s’accrurent encore du fait que je refusai de les suivre dans leurs ripailles, au café où ils fréquentaient régulièrement chaque soir. Ils affectèrent de m’ignorer et peu à peu s’habituèrent à faire bande à part. Je trouvais à cette solitude une ample compensation auprès des blessés et des malades. Mais secrètement je souffrais de cet état de chose qui, je le savais, était exploité contre nous par nos camarades de l’ambulance. La position que j’avais prise me mettait à l’abri de leur malignité, mais je ne pouvais pas rester indifférent aux plaisanteries, aux réflexions qui, en visant mes confrères, nous atteignaient forcément nous tous. »
En février 1917, dans une gare, il décrit « une foule de femmes et de jeunes filles qui travaillent dans les usines de guerre » de Survilliers et des environs, babillant et jacassant « sans pudeur ni réserve ». Et le prêtre de s’indigner : « Je n’ai jamais eu, je souligne à dessein le mot, l’occasion même parmi les soldats d’entendre de pires grossièretés. » Le 10 avril, blessé par des éclats d’obus, il pense devoir la vie à « la protection spéciale » de la Divine Providence : « Cette protection, je la dois aux prières de mes amis bien plus qu’à mes mérites. » Il passe sa convalescence au château d’une marquise, grâce à l’entremise d’une comtesse. Plus tard, en avril 1918, il loge dans le château d’une autre comtesse. Entre temps (15-1-18), il décrit une visite à la petite église d’Oulches, mutilée par la guerre et tapissée d’ex-voto. En été de la dernière année de guerre, il est en admiration devant « le réconfortant spectacle de la puissance américaine qui s’affirme chaque jour davantage ». Il se trouve à Laon lors de l’annonce de l’armistice qui provoque « une explosion de joie indescriptible ». La guerre est finie : « Nous avions rêvé d’entrer, en vainqueurs, dans la Bochie vaincue, et nous allons tout prosaïquement combler les trous de mines, remettre en état les routes défoncées, récupérer tout ce qui traîne aux alentours et, par surcroît, recommencer la vie stupide du quartier avec ses rassemblements, ses revues, ses exercices et ses manœuvres. »
Rémy Cazals
*Omer Denis, Un prêtre missionnaire dans la Grande Guerre 1914-1919, extraits choisis et annotés des carnets de guerre par Denise et Allain Bernède, s. l., éditions Soteca, 2011, 398 p.

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Bizard, Léon

Présenté comme médecin de Saint-Lazare, médecin principal de la préfecture de Paris, le docteur Léon Bizard devait être trop âgé pour partir en 14. Il est donc resté à son poste dans la capitale et, en 1925, il a publié chez Grasset les Souvenirs d’un médecin des prisons de Paris (1914-1918), en mêlant à ce vécu des anecdotes prises à travers l’histoire. Le livre est divisé en quatre parties : la prison des femmes (Saint-Lazare), la prison des hommes (la Santé), la prison des enfants (la Petite Roquette), la prostitution. On y trouve une description de Saint-Lazare, des cellules surpeuplées, de l’emploi du temps, des menus (avec un cas de révolte contre leur monotonie), du personnel, gardiens et bonnes sœurs. On y apprend que « les pistolières » ne sont pas là pour avoir joué du pistolet ; elles sont « les grandes dames de Saint-Lazare », logées à leurs frais (système de la pistole sous l’Ancien Régime) et défendues par les plus grands avocats. Mme Caillaux, en 1914, en est un exemple ; pour l’héberger correctement, il a fallu expulser quelques pensionnaires, mais elle a couché dans un vrai lit de prisonnière, et ce sont des ragots qui ont décrit le prétendu luxe dans lequel elle aurait vécu. Autre personnage fameux, Mata Hari (avec deux représentations, l’une habillée, l’autre moins) ; deux autres « espionnes » y ont également séjourné avant d’être fusillées, Marguerite Francillard et la « femme Tichelly ». A la Santé, le docteur Bizard a rendu visite à Raoul Villain, l’assassin de Jaurès. Quant à la Petite Roquette, il a fallu en expulser les enfants pour qu’elle devienne en 1918 la prison des Américains. Les chapitres sur la prostitution montrent l’importance du phénomène, sa « prospérité ».
Rémy Cazals

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Clermont, Théodore (1888-1973)

Fils de cultivateurs, il est né à Sabaillan (Gers) le 18 février 1888. Titulaire du certificat d’études primaires, il travaille sur l’exploitation familiale. Au cours du service militaire à Montauban, il devient ordonnance du colonel de la Ruelle, et il le suit dans sa retraite en Bretagne. C’est là que la mobilisation le trouve et il descend vers la caserne du 20e RI à Marmande. Il se marie après la guerre (deux enfants) et tient une ferme à Seysses-Savès (Gers). Pendant la guerre, il a pris des notes et les a mises au propre, visiblement de manière fidèle sur un gros cahier de 340 pages, format 18×23, qui débute ainsi : « Ces quelques lignes qui vont suivre ont été écrites au jour le jour pendant la Grande Guerre. Elles ne contiennent que l’emploi de mon temps, les impressions personnelles sur les faits de guerre qui m’ont le plus frappé. Vous ne trouverez donc pas ici le récit de grandes opérations, le but que j’ai poursuivi en écrivant mon carnet de route a été celui de vous renseigner au jour le jour dans le cas où la bonne fortune ne m’aurait pas favorisé ; dans le cas où comme tant de bons camarades que j’ai eus, j’aurais pu rester sur quelque champ de bataille. » Et se termine ainsi : « Tels sont les souvenirs que je garde du 2 août 1914 au 1er janvier 1920, temps pendant lequel l’humanité entière a été bouleversée par la plus terrible des guerres qu’un tyran à la tête d’une nation militarisée a enclenchée. Transcrit des carnets de route pendant l’hiver 1920 et l’hiver 1920-21. Terminé le 25 novembre 1921. » La copie au propre reste bien datée et localisée ; les notes de certains jours sont très brèves.
Fin juillet, en Bretagne, le colonel de la Ruelle est inquiet, et sa cuisinière aussi car elle a vu 1870. Il faut partir au milieu de Bretons que le cidre rend fort joyeux, puis très malades. Le 22 août, c’est le spectacle atroce des blessés lors de la bataille de Bertrix. Le régiment passe l’hiver en Champagne et le suivant en Artois. En décembre 1915, Théodore signale la pluie, mais pas de sortie des tranchées ou de fraternisation. En janvier 1916, il passe à la compagnie de mitrailleuses. En mai, il signale le travail intense des soldats pour assurer à un lieutenant un confort qui choque : « Ils [les officiers] ne sont en général que des égoïstes qui ne pensent qu’à leur bien-être propre et se soucient peu du bonheur de leurs subordonnés. » Lui-même devient ordonnance du sous-lieutenant Archinard. À Verdun, le 26 juillet, l’officier et l’ordonnance sont blessés, Théodore par un éclat d’obus. Courte convalo et le voici en septembre à la côte du Poivre où la vie est fort triste, le ravitaillement arrivant mal. Le 9 février 1917, il note, sachant de quoi il parle : « Les officiers, qui sont comme des petits seigneurs dans un secteur calme, exigent de leur subordonné une exactitude qui ne peut être possible que dans un intérieur où rien ne manque. Si ces messieurs trouvent des ordonnances, cuisiniers et autres employés, c’est que ceux-ci, uniquement pour leur bien-être et pour la sécurité, mais pas complète, de leur existence, préfèrent souffrir ces petits ennuis de tout moment que de monter la garde à la tranchée. »
Le 17 avril 1917, près de la ferme de Moscou, il aménage les tranchées allemandes de 1ère ligne tout juste prises. Après la relève, le 28, les soldats grognent parce qu’on parle de les faire remonter pour attaquer. Alors, situation insolite, « pour punir la compagnie, nous sommes privés de confitures ». Le lendemain, tandis que Théodore et les autres montent, il y a des mutins qui se défilent (la moitié de l’effectif, dit-il). Le 1er mai, tandis que quelques mutins reviennent, les autorités enquêtent pour identifier les meneurs. L’épisode du 20e RI est considéré comme le premier de la crise de 1917 ; il est assez grave pour que 6 condamnations à mort soient prononcées (mais non exécutées). Théodore n’en parle pas, mais signale que les mutins vont être dispersés dans d’autres unités. Lorsqu’il part et revient de permission, il ne dit rien des troubles dans les trains. Aurait-il supprimé quelques notes lors de la mise au propre de son texte ?
Le 23 juillet 1918, il est blessé au bras par un nouvel éclat, et pris en charge par « des gentilles Américaines » à Paris et il reçoit à l’hôpital la visite du colonel de la Ruelle. Retour à la compagnie fin septembre, où manquent beaucoup de camarades : « Que de vies que la dernière offensive y a volées ! » Sa demande pour servir dans les tanks est acceptée et il part pour le camp de Cercottes près d’Orléans, où l’instruction doit durer trois semaines. Au cours de la première : « nous n’avons rien fait. » Au cours de la seconde, les instructeurs donnent des explications très claires. L’armistice survient au cours de la troisième.
RC
*« Journal de guerre de Théodore Clermont », dans Savès-Patrimoine, 3e et 4e trimestres 2008, 207 p. format A4. Contient un tableau très détaillé des lieux et des dates.

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Gaymard, Henri (1884-1963)

Ce cultivateur de Grâne (Drôme) avait 30 ans en 1914 ; sa femme se prénommait Léa, et sa fillette Henriette ; sa mère, Marie Arsac, et le père de celle-ci, un des insurgés grânois de 1851, vivaient aussi à la maison. Henri part dans l’artillerie pour la Lorraine et les Vosges ; en septembre 1915, il participe à l’offensive de Champagne. En octobre, c’est l’embarquement pour Salonique : « Après avoir roulé toute la France, fallait aller encore au diable. » Atteint de paludisme, il est rapatrié, le 16 janvier 1917, à bord du navire hôpital France. La famille n’a pas conservé ses lettres, mais deux versions successives de son journal de guerre, la première au crayon sur deux petits carnets, la deuxième mise au propre avec des compléments sur deux cahiers d’écolier. Il semble qu’il ait dicté cette dernière après sa démobilisation.
Le témoignage d’Henri contient les éléments habituels sur les conditions de vie et les dangers affrontés. Près de Saint-Dié, le 6 septembre 1914, il décrit le champ de bataille : « les arbres tous cassés par les obus ; les fusils cassés en deux ; des vestes de Boches ensanglantées ; çà et là quelques cadavres qu’on n’avait pas pu enterrer ; beaucoup de tombes le long de la route, marquées par de petites croix. » Plus tard, à Montdidier, il note, souvenir scolaire, qu’il a vu la maison de Parmentier. De même, en 1916, dans l’armée d’Orient, il rencontre « un convoi de réfugiés grecs et serbes qui s’en allaient dans la direction de Salonique. […] C’est leurs attelages qui sont à voir aussi, ils ont des buffles avec des cornes très longues. J’avais vu ça il y a quelques années sur le Petit Journal pendant la guerre des Balkans, mais je me serais jamais figuré de le voir de mes propres yeux. » Un peu plus tôt, il avait décrit le caractère cosmopolite de la grande ville de Grèce du nord : « Que de monde à Salonique : des Turcs et des Grecs, voilà ce qui domine, puis des soldats français, anglais, grecs, serbes. Il y a un mouvement extraordinaire. La ville n’est pas mal surtout avec la mer. Nous avons bu du vin de Samos qui est épatant. »
Pendant ce temps, sa mère préparait sur un cahier de brouillon les lettres qu’elle allait envoyer à ses deux fils et à d’autres personnes, et c’est ce brouillon qui a été conservé. Elle signale qu’il faut à la fois accomplir le travail de l’absent (« Léa laboure au Grand Fonds », « Léa est au Plot ramasser la luzerne ») et accélérer son retour (« si tu voyais comme [Henriette] sait bien faire ses prières, surtout pour son papa Henri, qu’il revienne de la guerre »). En avril 1915 : « Cette semaine nous avons bien travaillé, on a charrié le fumier, labouré et semé les pommes de terre au Plot et je te réponds que c’est fait. Il y a encore un coin de colverts à semer, mais nous le ferons cette semaine. Hier, avec Chastan, nous sommes allés labourer au Grand Fonds pour enterrer un peu l’herbe et, un de ces jours, il va charrier le fumier et labourer afin de semer les betteraves. Les blés sont très jolis. Petit à petit, le travail se fait mais combien se fait sentir ton absence. »
Il semble que, dans sa correspondance, Henri ait pratiqué l’autocensure. Mais il a envoyé son premier carnet personnel et la famille l’a lu. Marie écrit à son autre fils, Louis : « Nous qui nous figurions qu’il n’était pas en danger. Eh bien il en voit de dures. Espérons que le bon Dieu le protège encore » (27 décembre 1914). Le fils aîné, Louis, était prêtre. Marie écrit, le 16 mars 1915, à une certaine Élise : « Mon curé soldat est très content à Lyon ; il est parti ravi d’être soldat et de pouvoir faire son devoir comme les autres. […] Il est à la Brasserie du Parc transformée en ambulance. […] Il est surtout occupé au bureau et accompagne le major dans sa tournée aux malades et prend note de tous les malades en traitement pour transcrire cela sur un registre. […] Il a l’autorisation de dire sa messe tous les matins. »
On peut citer en conclusion cet extrait de lettre de Marie en avril 1915 : « La vie est bien triste ici et la liste des victimes de la guerre s’allonge à Grâne, le pays est très éprouvé, il y a aussi bien des disparus et des mutilés. Quand finira cet horrible cauchemar ? On se le demande avec effroi car il n’a pas mine de s’arrêter, nous aurions bien besoin que le bon Dieu y mette la main. »
Rémy Cazals
*Je suis mouton comme les autres…, 2002, p. 395-437. Photo d’Henri Gaymard dans 500 Témoins de la Grande Guerre, p. 224.

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Deschamps, Paul (1889-1983)

Fils d’un couple d’instituteurs de la région nantaise, il fait des études de médecine et exerce, après la guerre, dans la région parisienne. À la retraite près de Dinard, il y écrit ses Mémoires de n’importe qui, souvenirs de guerre qu’il confie à un jeune ami instituteur. Passionné de littérature, d’histoire, de politique, d’art et de nature, il porte un regard lucide, généreux, parfois ironique sur les hommes. Avant la guerre, monté de Nantes à Paris, il y vit chichement, fréquentant artistes et écrivains célèbres, participant aux réunions d’un groupe de jeunes gens amoureux d’art et de littérature, la Ghilde des Forgerons. Le déclenchement de la guerre le surprend à Paris. Ce réformé pour myopie s’engage au service de la Croix-Rouge. Bien que signataire d’une pétition de soutien à Romain Rolland, il ne refuse pas le fait d’être récupéré en décembre 1914 et déclaré bon pour le service armé. Il débute sa guerre comme aide-major dans un bataillon du 21e RIT, dans le secteur d’Hébuterne, près des régiments du 11e corps d’armée. Il passe ensuite au GBD de sa division territoriale, toujours dans la Somme. Il connaît, en formation sanitaire de soutien de diverses unités, d’autres fronts, calmes comme en Lorraine, très tourmentés comme après l’offensive de septembre 1915 en Champagne, en particulier au fameux Trou Bricot. En février 1916, il est affecté comme médecin de bataillon au 7e RIC, tout en continuant de préparer sa thèse de médecine. Affecté brièvement à l’artillerie légère, il participe au début de la bataille de la Somme. Il rejoint ensuite de nouveau, un bataillon du 7e RIC. En février 1917, il se marie et il continue de rester en contact avec le groupe de la Ghilde qui lance une revue un peu anarchiste, La Forge. Fin avril 17, il est nommé médecin de la place de Quimperlé, Finistère. Ce répit ne dure que 4 mois. Fin août, il doit rejoindre le front, au 101e RIT, dans le secteur de la Côte du Poivre. En décembre 1917, il est sanctionné pour avoir volontairement évacué une section de territoriaux, présentés comme souffrant d’une intoxication alimentaire, alors qu’ils cuvaient un retour de « cuite » collective. Il est alors affecté, pendant plusieurs mois, à l’ambulance 15/5, en Lorraine qui devint un temps ambulance Z, spécialisée dans le traitement des gazés. Surmené, lui-même intoxiqué, soupçonné d’un début de tuberculose, il est évacué, fin 1917, dans le Midi, près de Menton. Il ne retourne pas au front.
Paul Deschamps décrit ce parcours militaire quelque peu tourmenté avec verve et humour. Il ne cache pas les horreurs de la guerre mais il dresse une série de portraits de médecins, d’officiers ou de soldats tantôt attachants, tantôt méprisables, tantôt misérables. L’histoire du pauvre Rabourdin, condamné et fusillé dans des conditions révoltantes et lamentables, est poignante, et la comparaison qu’il fait entre le « type formidable » que fut son premier commandant de bataillon en Champagne et le « salaud », sadique et insupportable (décrit de façon implacable), qui lui succède ressemble à un jugement sans appel.
Dans cette guerre, Deschamps ne perd pas le contact avec l’arrière. Il continue de participer aux actions de la Ghilde. Et, dans ses contacts réguliers avec ce cercle d’artistes et d’écrivains dont certains étaient comme lui au front, il constate une belle vitalité intellectuelle où le rejet de la guerre point. Deschamps est, aux armées, un homme libre et veut le rester. Il ne se résigne pas, ne se replie pas. Ses rencontres et échanges avec son ami Élie Faure (qui sortait de la fournaise) le réconfortent et il avoue que « sa présence spirituelle m’aide encore à vivre … et m’aidera tout à l’heure à mourir ». Et, clôturant son journal de guerre, sa rencontre avec un Henri Barbusse, péremptoire et tout à sa gloire littéraire nouvelle, le laisse un peu décontenancé et amer. Au total, ce journal de guerre est celui d’un honnête homme, lucide et engagé. Le lire offre un plaisir renforcé par l’humour, la malice des propos et la saveur de certains portraits.
René Richard
*Paul Deschamps, Mémoires de n’importe qui (1914-1919), Bretagne 14-18, 1999, 52 p.

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Cadoret, Louis (1892-1915)

Né à La Chèze, près de Loudéac (Côtes-du-Nord), le 11 février 1892. Il effectue son service militaire, au 67e RI de Soissons, lorsque la guerre éclate. Il va s’efforcer de transcrire ce qu’il voit et vit dans un petit carnet. Cet unique carnet va de fin juillet au 6 septembre 1914. Louis Cadoret continua t-il d’écrire ? Nous n’en savons rien. Il disparut le 6 février 1915 dans les combats des Éparges. Ce petit document a été sauvé par un lointain cousin, Louis Cadoret et sa famille étant totalement oubliés à la Chèze. Le document édité compte 29 pages. Mais la transcription même du carnet tient seulement dans 8 pages. Le soldat de 1ère classe Louis Cadoret y raconte dans un récit au style très simple, sans commentaire superflu, les premiers jours de la guerre, les marches d’approche, et, à partir du 22 août, les combats (Longwy, Longuyon, la ferme de Constantine, Mangiennes…) jusqu’au repli vers Montfaucon et Amblaincourt. Les détails sont précis ; les désordres, désillusions et incertitudes de ces premiers combats ne sont point cachés dans ce témoignage captivant et qu’on regrette trop bref.
René Richard
*Mémoires d’un combattant de 1914 : Louis Cadoret, Bretagne 14-18 et Amicale laïque de Plaintel, 1997, 29 pages.

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Pouleriguen, François (1888-1962)

Né le 4 juillet 1888 à Langonnet, dans le nord-ouest du Morbihan. Il ne quittera guère cette commune que pour aller au service militaire, puis à la guerre. Il se marie en 1911 et le couple aura 11 enfants, dont deux avant le conflit mondial. François et son épouse s’installent dans une ferme, leur propriété. Ils y mènent la vie laborieuse des paysans du Centre Bretagne. Les carnets de guerre commencent le 1er janvier 1916. Le 52e RI auquel il est affecté est alors dans les Vosges, secteur qui s’apaise. En mars, le régiment va prendre position dans le secteur de Verdun, rive droite, vers Tavannes et Damloup. Il y reste jusqu’au début juin, dans des conditions souvent épouvantables qu’il décrit de façon à la fois précise et concise. C’est le passage le plus fort des carnets, car ce sont manifestement les mois les plus angoissants de sa période de guerre. Évacué, il reste dans les dépôts jusqu’en mai 1917. Affecté au 418e RI, il monte en renfort au Chemin des Dames. Nouvelles semaines difficiles pour le narrateur qui est dirigé ensuite vers le Bois-le-Prêtre avant de revenir à Verdun, secteur assagi. Il y cherche en vain la tombe de son beau-frère, Joseph Lincy, tué à l’ennemi le 4 novembre 1916 près du fort de Vaux. De lieux de combats en dépôts, François raconte une guerre presque banale, avec ses longues périodes de secteurs calmes ou de dépôt entrecoupées de mois épouvantables où il s’étonne de survivre. On est étonné de trouver certaines riches descriptions de lieux ou de monuments sous le crayon de ce petit paysan, manifestement lettré. Il est soutenu dans cette éprouvante traversée des années de guerre par une foi sans faille qu’il exprime et revendique souvent, reproduisant même des cantiques de son pays.
René Richard
*Carnets de guerre de François Pouleriguen aux 52e et 418e RI (janvier 1916 – mai 1919), Bretagne 14-18, 2005.

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Bataille, Jules (1895-1954)

Né en 1895 à Cancale (Ille-et-Vilaine) où son père est cantonnier et sa mère garde-barrière. Titulaire du certificat d’études. Au grand dam de sa sœur institutrice, il décide d’entrer dans la vie active, aux chemins de fer. Toute sa vie, il se présentera comme cheminot. Embauché pour accrocher les wagons, il termine sa carrière comme inspecteur de la sécurité pour la région Bretagne puis pour la Normandie. Visiblement très marqué par les deux guerres mondiales, il n’en parlait guère, juste pour vitupérer après toute guerre et dire que la sienne, celle de 14-18, passée au front d’Orient, avait été une sale guerre. Il avait fêté ses 20 ans sur ce front et était plein de dynamisme mais aussi rempli d’angoisse face à ce qu’il vivait au jour le jour. Comme de nombreux poilus, il éprouva sans doute le besoin de mettre ce vécu par écrit, plus pour exorciser ce qu’il voyait et ce que lui et les autres soldats enduraient qu’avec l’espoir qu’on le lise plus tard. Son témoignage est assez rare sur cette guerre de Serbie et de Macédoine et en est d’autant plus précieux. D’autant plus rare et précieux qu’il s’agit d’un pionnier du Génie, confiné dans des tâches ingrates et méconnues de construction, de reconstruction, de consolidation de voies ferrées. Ces soldats du Génie pouvaient être un peu méprisés par les fantassins qui les considéraient comme des embusqués. Et pourtant, leur travail était indispensable, bien que sous-estimé. Les combattants de ce front furent souvent sujets à des maladies, à de multiples parasitoses, et les évacuations se comptaient par milliers. Le passage sur les conditions dans lesquelles opéraient les formations sanitaires du front de Salonique illustre bien cette face cachée du conflit en ces régions. J. Bataille est évacué pour dysenterie le 23 février 1917, rapatrié en France où il arrive le 6 juin. Nous ignorons ce que fut ensuite sa guerre.
René Richard
*La Campagne d’Orient de Jules Bataille au 1er Régiment du Génie (octobre 1915-juin 1917), Bretagne 14-18, 2005.

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Chevallier, Gabriel (1895-1969)

Cet écrivain rendu célèbre par son roman Clochemerle, publié en 1934, succès national et mondial, toujours réédité en collection de poche, a fait la guerre de 1914-18 et a tiré de son expérience le livre La Peur, édité en 1930 par Stock. Fils de clerc de notaire, Gabriel Chevallier est né à Lyon le 3 mai 1895 et il a commencé des études aux Beaux-Arts de cette ville, interrompues par la mobilisation anticipée de la classe 15. Resté simple soldat, blessé en 1915, il a survécu. Après divers métiers, il s’est lancé en 1925 dans l’écriture. La Peur est sous-titré « roman », mais il s’agit clairement d’un texte autobiographique, comme le montre ce passage : « Dix mois après ceux de 14, nous partîmes pour le front, en faisant bonne contenance, et la population, un peu blasée, nous fêta encore très honorablement parce que nous n’avions guère que dix-neuf ans. » Les pages sur les illusions des bleus démontées par les anciens, sur les conseils de ces derniers, vont dans le même sens. Ainsi que les notations prises sur le terrain à propos du paysage des premières lignes, des boyaux trop étroits, de la boue, des attaques stupides, des râles et appels des blessés, du souhait de la bonne blessure et des mutilations volontaires, de l’artillerie qui tire trop court, des accords tacites avec l’ennemi…
Même si la peur a été repérée par Jean Norton Cru dans les témoignages qu’il a analysés, l’originalité du livre de Gabriel Chevallier est l’aveu direct qu’il a eu peur, un aveu fait à l’hôpital devant les infirmières indignées. C’est alors pour lui l’occasion de stigmatiser les pressions de l’arrière : combien d’hommes se sont fait tuer pour que des femmes ne les traitent pas de peureux ? Cet arrière où se trouve son propre père qui ne le comprend pas car, écrit-il, « toute la guerre nous sépare, la guerre que je connais et qu’il ignore ». En secteur calme, dans les Vosges, il note : « Pour l’infanterie, elle se garde de troubler un secteur aussi paisible, aussi agréablement champêtre. Les provocations ne viendront pas de notre part, si des ordres de l’arrière ne nous imposent pas l’agressivité. » Et revient le leitmotiv : « Si on mettait le père Joffre là dans mon trou, et le vieux Hindenburg en face, avec tous les mecs à brassard, ça serait vite tassé leur guerre ! »
Il y a de très belles pages pleines de détails concrets sur un déserteur allemand (« Il est moins c… que nous, ce client-là ! »), sur l’insupportable capitaine B. (« les soldats le tueraient plus volontiers qu’un Allemand »), sur le froid et la longueur des nuits, l’effet moral du bombardement, les hommes habitués à la résignation et à l’obéissance. Une remarque très utile concerne le « ton de dilettante » qu’il emploie dans ses lettres à sa sœur parce qu’elle ne pourrait pas comprendre ses « vraies pensées », ce ton que l’on rencontre dans bien d’autres correspondances. Le livre n’est pas un journal structuré par des dates, mais un chapitre concerne la bataille du Chemin des Dames, sans récit de mutinerie, et avec préjugé favorable pour Pétain qui « a la réputation de vouloir économiser les hommes. Après les tueries organisées par Nivelle et Mangin, qu’on appelle ici des brutes sanguinaires, l’armée avait besoin d’être rassurée. » En 1918, il faut s’attendre à des offensives allemandes, et voilà des avions qui passent pour aller bombarder Paris : « Les patriotes vont en prendre un vieux coup ! »
Il ne faut pas s’étonner de cette conclusion que Chevallier met dans la bouche d’un camarade : « Je vais te dresser le bilan de la guerre : 50 grands hommes dans les manuels d’histoire, des millions de morts dont il ne sera plus question, et 1000 millionnaires qui feront la loi. »
Rémy Cazals

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