Rudrauf, Charles (1895-1916)

– le témoin :
Charles Rudrauf naît le 23 décembre 1895 dans une famille alsacienne traditionnellement francophile. Son père est chef d’atelier à la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM) de Graffenstaden et la famille, qui compte six enfants (Emile, Louise, Lucien, Charles, Lina et Albert, mort en bas âge) vit dans un logement de fonction proche de l’usine. Après une scolarité à l’école communale d’Illkirch, il suit comme Lucien avant lui un enseignement scientifique à l’Oberrealschule beim Kaiserpalast (« école supérieure près du Palais impérial »), selon le vœu de son père qui les destine à une carrière d’ingénieur à la SACM. Toutefois, les deux finissent par s’écarter de cette voie et Charles, qui manifeste assez tôt un goût pour la peinture, décide de poursuivre ses études à l’Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg. En juin 1912, il effectue son premier séjour à Paris et y retrouve Lucien, déjà installé, qui l’introduit dans le milieu artistique et dans les cercles patriotiques de la capitale, notamment les associations d’Alsaciens-Lorrains. Au terme de sa deuxième année en école d’arts, en automne 1913, il y retourne pour un long séjour, logeant quelque temps avec Lucien chez Paul Ledoux, un artiste peintre lui aussi originaire d’Illkirch-Graffenstaden. Recommandé par son professeur de français strasbourgeois, il intègre l’atelier de l’artiste Cormon et bénéficie en outre d’une bourse délivrée par le même mécène que Lucien. En dehors de l’atelier d’apprentissage, il fréquente assidument les musées et les expositions de Paris, et perfectionne ainsi son art. Il rentre en Alsace en juillet 1914 et s’y trouve donc au moment de la déclaration de guerre, contrairement à Lucien. Dans un premier temps, il est incorporé dans l’Ungedienter Landsturm (territoriale pour ceux qui n’ont pas encore effectué leur service militaire), au sein d’un bataillon de travailleurs occupé à creuser des tranchées à l’ouest de Strasbourg. En novembre, il passe devant le conseil de révision qui le déclare apte à servir dans la prestigieuse Garde impériale, mais attend encore quelques mois avant de recevoir son ordre de mobilisation, prévue finalement le 1er juillet 1915. Comme beaucoup d’étudiants, il s’est engagé comme volontaire, sans doute pour pouvoir bénéficier d’une formation supplémentaire d’élève-officier. Il l’entame dans une caserne de Berlin, revêtu de la tenue de grenadier de la Garde. Sa première période d’instruction s’achève en septembre 1915 ; il est alors envoyé parfaire son apprentissage au sein d’une compagnie de mitrailleurs alpins dans le Riesengebirge (les Monts des Géants, dans le massif des Sudètes). Il se réjouit d’être préservé des dangers du front et y apprécie les bonnes conditions de vie, ayant désormais « le loisir de penser quelquefois à autre chose qu’à graisser des bottes et à nettoyer des armes » (p. 45), c’est-à-dire la possibilité d’exploiter la source d’inspiration que constituent les montagnes pour s’exercer à son art. A la fin du mois de mars 1916, un ordre interrompt cette quiétude et l’envoie en renfort sur le front ouest avec tous les hommes non encore partis combattre. Il part ainsi le 9 avril à destination des Ardennes, où il reste quelques jours avant de rejoindre le secteur de Verdun, en retrait de la ligne de front. En juillet, il est chargé du ravitaillement de l’état-major du régiment au fort de Douaumont. Le 15 juillet, alors qu’il se trouve dans la zone des combats, il est blessé au menton et à la main. Deux semaines plus tard, il décède de ses blessures dans une ambulance allemande à Romagne-sous-les-Côtes. Inhumé dans un cimetière militaire allemand, sa tombe est par la suite transférée par les autorités françaises avec celles d’autres Alsaciens au cimetière national de Mangiennes, où une croix indique : « Ici repose Rudrauf Charles, Alsacien, mort pour la France ».

– le témoignage :
Charles Rudrauf, Le drame de la mauvaise frontière : Lettres d’un Alsacien (1914-1916), Nancy-Paris-Strasbourg, Berger-Levrault, 1924, 115 p.
Le parcours de ce témoin mort au front en 1916 serait resté inconnu sans le travail de mémoire mené inlassablement par son frère, Lucien Rudrauf. A l’aide de ses propres compléments dans l’ouvrage, ainsi que de ses publications postérieures, il nous est possible – et cela est nécessaire pour bien comprendre le témoignage – de reconstituer son parcours et de comprendre ses motivations. Aîné de Charles avec six ans de plus, il semble avoir exercé sur lui une certaine influence artistique et politique (patriotisme pro-français). Proches depuis leur enfance, leurs liens sont encore renforcés par ces centres d’intérêts communs. Après des études de philosophie à l’Université de Strasbourg, Lucien quitte l’Alsace pour Paris en octobre 1911 afin d’y parfaire sa connaissance du français, et d’y continuer ses études de littérature française et d’histoire de l’art. Recommandé par son professeur de français Hubert Gillot, lecteur à l’Université de Strasbourg, il est introduit dès son arrivée dans le cercle des patriotes alsaciens de la capitale par l’intermédiaire d’Esther Chevé, collaboratrice de Zislin pour la revue satirique Dur’s Elsass. Il rencontre ainsi les grands noms de la cause française en Alsace-Lorraine tels que Zislin, Hansi, Preiss, Laugel, Wetterlé, Bucher, mais aussi les membres de la Ligue des jeunes amis d’Alsace, ainsi que ceux de la Ligue des patriotes, notamment Paul Déroulède. Six mois après son arrivée, après avoir écoulé toutes ses économies, il bénéficie du mécénat généreux de Paul Mellon, lié par alliance (par un de ses fils) à la famille d’industriels alsaciens De Dietrich, ce qui lui permet de rester à Paris. Il entreprend ainsi une thèse sur la lithographie romantique. A l’entrée en guerre, il s’engage volontairement et combat sur le front français avec le 113e RI, notamment en Argonne, sous le nom d’emprunt de Lucien Rivière. Blessé puis promu sergent, il finit la guerre en entrant à Strasbourg avec le 55e RI, dont il porte le drapeau.
En 1924, Lucien est à l’origine de la publication posthume des lettres de son frère, après les avoir rassemblées (elles proviennent de la famille et de quelques amis de Charles), triées (un choix a été opéré : il ne s’agit pas d’un corpus complet de correspondance), et traduites de l‘allemand en français. Dans les lettres sélectionnées, certains passages ont été supprimés, considérés sans importance, résumés parfois en une phrase comme : « (Ici quelques plaintes au sujet de la nourriture insuffisante) » (p. 18). En outre, les passages laissant entrevoir le patriotisme pro-français de Charles sont mis en valeur avec des caractères en italique.
Les lettres ne sont jamais très longues, et comportent très peu de détails sur les aspects militaires de la vie quotidienne. Elles sont principalement adressées à ses parents, à son frère Emile, à sa sœur Louise, institutrice à Mutzig, et à un ami (Schenkbecher). Une ou l’autre sont adressées à son frère Lucien. En effet, la famille peut compter sur une dame originaire d’Illkirch-Graffenstaden, Mme Cruchon, pour passer le courrier en France, via la Suisse où elle réside (elle est pourvue pendant quelques temps d’un laisser-passer pour se rendre en Alsace auprès de sa mère malade).
En définitive, il s’agit d’un témoignage partiel et partial, à classer parmi les œuvres de propagande francophile. Son contenu, mis en forme par Lucien, reflète certes l’état d’esprit d’une partie minoritaire de la population de ces provinces, mais tend à être généralisé à tous les Alsaciens-Lorrains sous le titre Le drame de la mauvaise frontière. C’est d’ailleurs confirmé en 1966 par Lucien, qui note : « Le recueil de ses lettres est un prodigieux document pour la connaissance psychologique du « drame de la mauvaise frontière » ». L’ouvrage est dédicacé à Paul Déroulède et Paul Mellon (le mécène parisien), et préfacé par Georges Delahache, archiviste à Strasbourg issu d’une famille d’ « optants ». Ce dernier y développe le thème de l’Alsace restée fidèle à la France. L’épilogue est quant à lui signé par Esther Chevé qui conclut en dénonçant la « vraie tragédie », celle de « l’Annexion forcée » (p. 114), avant d’implorer les Français d’apaiser « ces Ombres douloureuses (…) par une juste réparation ». Ce n’est pas un hasard si ce livre, qui est le premier témoignage d’un Alsacien de l’armée allemande à être publié en France, s’attire les bonnes faveurs de la presse française qui en fait la critique, en particulier le Journal des Débats Politiques et littéraires (10.06.1924), et Le Mercure de France (01.01.1925).
– Analyse :
Ces avertissements donnés, le témoignage est au moins intéressant à deux titres : d’une part sur l’identité francophile d’un soldat de l’armée allemande, de l’autre sur la place d’un artiste dans la guerre. Forcément conscient des risques liés au contrôle postal, Charles n’exprime pas explicitement ses idées politiques, mais les manifeste ponctuellement à l’aide de sous-entendus qui laissent peu de doutes. Ses lettres ne contiennent cependant aucune critique ouverte du militarisme allemand, ni d’évocation de discriminations à l’égard des Alsaciens-Lorrains. Si celles-ci ont existé et ont parfois été amèrement ressenties, il faut se garder de les généraliser. Au sujet d’un de ses sous-officiers, il note même en août 1915 qu’il est un « homme très convenable » (p. 25). Un mois plus tôt, à peine arrivé à la caserne, il écrit, étonné : « Le traitement n’a rien eu d’humiliant jusqu’à présent » (p. 8). Certes, il est conscient des avantages liés à son statut : « les volontaires d’un an sont traités d’une manière un peu à part ». Au final, il se plaint surtout de la pénibilité des exercices, même s’il se félicite d’y résister fort bien. Ce qui le fait « cruellement souffrir » (p. 3), c’est la séparation d’avec sa vie d’avant, ses connaissances à Paris, sa famille, et surtout son frère (il regrette de ne pas pouvoir combattre à ses côtés, p. 26. Il se montre toujours impatient d’avoir de ses nouvelles. En outre, il craint que son engagement dans l’armée allemande constitue un fossé qui, en se creusant, le sépare toujours davantage de ses proches : « Je me demande souvent avec effroi combien nous serons devenus étrangers l’un à l’autre, lorsque nous nous reverrons, mon frère, moi, et nos autres amis. Combien faudra-t-il de temps pour lancer un pont par-dessus l’immense gouffre que les évènements ont creusé entre nous ? » (p. 43). Et de continuer, plus loin, sur une considération plus générale englobant les Alsaciens-Lorrains : « Faut-il que ceux qui sont les plus innocents de l’affaire en aient à souffrir le plus terriblement ! » Pris en tenaille dans ce conflit, il s’impatiente de voir aboutir la paix, à condition qu’il s’agisse de la « bonne », c’est-à-dire, à demi-mot, celle qui accompagne la victoire de la France. Car il éprouve le sentiment trouble de se trouver dans le mauvais camp. Berlin n’a pour lui aucun charme (p. 6, 10, 12, 24, 25), en comparaison avec Paris, « notre belle capitale » (p. 41). Toutefois, il est ravi d’y trouver la presse française comme le Temps ou le Figaro, où il peut lire le récit de « nos grandes victoires » (p. 20). Il en fait même parvenir des exemplaires à sa famille en Alsace. Par ailleurs, il porte un regard très distant, voire franchement hostile, à l’égard de ses « Kameraden » (p. 47) : « Le fait d’être parqué avec tant d’individus étrangers, vulgaires et abrutis, a éveillé en moi des instincts aristocratiques. » Quand les Allemands font la fête pour la nouvelle année 1916, il se tient à l’écart. Il préfère se replier sur les quelques Alsaciens « avec qui on peut s’entendre » (p. 9). La ressemblance est ici frappante avec ces lignes de Barrès : « Ma répugnance de principe à servir l’Allemagne se doublait d’une sorte d’incapacité physique à causer avec mes “camarades” », extraites du roman Au service de l’Allemagne, dont on sait qu’il figurait en bonne place dans la bibliothèque de Charles Rudrauf (p. 26). Il est bien tentant de penser que ses lectures passées constituaient pour lui une source d’inspiration.
Dans les dernières pages, la mort de Charles apparaît mystérieuse. En effet, sa dernière lettre, datée du 31 juillet, exprime un message optimiste : « Je suis en voie de guérison. » Or, il décède trois jours plus tard. La dernière lettre reproduite est celle signée de la main du médecin chef de l’ambulance, qui explique la dégradation rapide de l’état de Charles, suite à la suppuration de ses plaies. Mais cette version officielle est mise en doute par Lucien et le soupçon plane à la fin de l’ouvrage. Il l’exprime clairement en 1966, dans un ouvrage biographique consacré à Charles : « Ne semble-t-il pas que tout se soit passé comme si le Docteur Diehl avait trouvé un moyen rapide pour éliminer ce blessé peu intéressant pour l’armée allemande, frère d’un sergent de l’armée française ? » Lucien fonde cette conviction sur des passages dans les lettres de Charles évoquant son désir de mettre bientôt en œuvre son « dessein », ainsi que sur les circonstances mystérieuses qui entourent sa mort : à son avis, les autorités militaires auraient profité de cette hospitalisation pour se débarrasser de Charles après une tentative avortée de désertion.
En tant qu’artiste francophile isolé dans l’armée allemande, le lien épistolaire avec sa famille et ses proches est absolument vital : ses parents lui donnent les nouvelles qu’il attend avec impatience, en particulier de son frère, tandis qu’il entretient sa passion de l’art avec certains de ses amis, notamment Schenkbecher. Tous, famille comme amis, lui procurent des livres (par exemple la Divine comédie de Dante, ou du Dostoïewski), des revues et des catalogues d’art, ainsi que des cahiers de dessin, c’est-à-dire autant de moyens pour lui d’échapper à son quotidien morne, de « s’arracher à l’inertie intellectuelle qui est le grand danger de la vie militaire », comme le note Lucien à l’appui des lettres de son frère. Dès qu’il le peut, il s’adonne à son art, faisant à l’occasion prendre la pose ses compatriotes (p. 50), mais regrette souvent de manquer de temps. S’intéressant surtout aux portraits et aux paysages, il porte également un regard émerveillé sur certaines contrées qu’il est amené à traverser.
Sources :
Maurice Barrès, Au service de l’Allemagne : les bastions de l’Est, F. Juven, Paris, 1906 (5e éd.).
Charles Rudrauf, Le Drame de la mauvaise frontière : Lettres d’un Alsacien (1914-1916), Nancy-Paris-Strasbourg, France, Berger-Levrault, 1924, 115 p.
Lucien Rudrauf, « Charles Rudrauf, peintre et martyr », in L’Alsace française, juillet 1936, n° 770, p. 173-177
Lucien Rudrauf, Un maître alsacien de vingt ans: Charles Rudrauf, mort pour la France, Strasbourg, 1966, 179 p.

Share

Rehberger, Henri (1896-1963)

Le témoin :
Henri (Heinrich) Rehberger naît le 21 octobre 1896 dans le village alsacien de Reitwiller (le village de Reitwiller a fusionné en 1972 avec ceux de Berstett, Rumersheim et Gimbrett pour ne former plus qu’une commune : Berstett) au foyer du pasteur Heinrich Rehberger. Il est lycéen à Strasbourg quand éclate la guerre, et enrôlé dès août 1914 dans un « régiment d’ouvriers auxiliaires » (p. 17) effectuant des travaux sur des voies ferrées et des lignes télégraphiques, ou chez des paysans. Il passe l’examen du bac comme une simple formalité et, sur le conseil de son père, s’engage en tant que brancardier volontaire. Il est alors employé sur un bateau-hôpital transportant sur le Rhin les blessés les plus graves, depuis Strasbourg jusqu’aux villes allemandes en aval. L’utilisation de la voie fluviale est cependant interrompue au début de l’hiver à cause des mauvaises conditions de navigation, ce qui met fin à « l’une des périodes les plus agréables » qu’il a vécues pendant la guerre (p. 47). Dès lors, il intègre le détachement de brancardiers cantonné à la gare, dont l’activité consiste à débarquer les blessés arrivés par convois sanitaires avant de les diriger vers les différents hôpitaux de la ville. En avril 1915, il est convoqué au conseil de révision et déclaré « bon pour l’infanterie », mais il n’est pas tout de suite mobilisé. Toujours attaché à la section d’ambulanciers, il est chargé un temps d’effectuer de menues tâches pour le compte du directeur des chemins de fer. Il décide de s’engager sans attendre son ordre de mobilisation, choisissant un régiment basé à Rastatt en raison de sa proximité avec sa région natale (il s’agit vraisemblablement du 111e Régiment d’Infanterie). La période d’instruction achevée, il est dirigé avec ses camarades vers le front russe. Le convoi ferroviaire fait une halte à Kaunas avant de finir sa route à Vilnius. A partir de là commence une longue marche pour rejoindre le front. Le secteur est assez calme à son arrivée, car la rigueur hivernale empêche toute action militaire d’importance ; quand les combats reprennent avec force au printemps 1916, il y est mêlé en première ligne. Une blessure à l’épaule gauche nécessite son hospitalisation pendant plusieurs semaines à Kaunas. De retour au front, il retrouve la même position. Son régiment prend bientôt la direction de la Volhynie, d’abord dans un secteur calme où il demeure jusqu’à la fin de l’été, puis à proximité de Dubno et Rivne où les attaques russes sont quotidiennes : sa compagnie participe ainsi pendant deux semaines à des combats très meurtriers avant d’être relevée. Le régiment se déplace ensuite vers le sud, en Galicie. Au début de l’année 1917, suite à la désertion d’Alsaciens de son régiment, une mesure disciplinaire est prise à l’encontre de tous les autres Alsaciens : ils sont mutés dans des régions très exposées. Rehberger se retrouve ainsi sur le flanc est des Carpates, dans les hauteurs d’une vallée tenue par les Russes. Lors d’un déluge de feu causé par l’explosion de mines et d’obus russes, il est blessé à la tête. Après son hospitalisation, au terme de sa convalescence à Zolochiv, il bénéficie de sa première permission à Strasbourg. A son retour au front, il participe aux offensives permettant d’enfoncer les lignes russes. Les combats et l’avancée allemande cessent cependant avec l’ouverture des négociations de Brest-Litovsk. Son régiment cantonne alors dans une région de Galicie jusque-là occupée par les Russes, mais « cette petite cure de paix » ne dure pas et, au début de l’année 1918, ils sont embarqués à destination de Vilnius puis de Vileïka. De là, Rehberger est envoyé dans une école d’officiers du camp de Munsterlager (Hanovre). Il en sort avec le grade d’adjudant et retrouve son régiment sur le front français devant Tracy-le-Val. Désormais il commande les mitrailleuses de sa compagnie. Il se réveille un matin avec le visage boursouflé et les yeux rouges et larmoyants, victime du gaz de tranchée. Emporté en ambulance, il finit dans un service de blessés de la face installé à Glageon, puis est envoyé en convalescence à Saint-Avold, sa ville de garnison, vraisemblablement en octobre 1918. Alors qu’il rejoint sa compagnie du côté de Sedan, il est emporté dans la retraite allemande. Démobilisé par le conseil de soldats de Metz, il peut finalement rentrer chez lui. Dans une Alsace redevenue française, il reprend ses études qu’il achève en 1925 en soutenant une thèse de médecine (Henri Rehberger, Contribution à l’étude des stéréotypies dans la paralysie générale progressive, 1925) puis entame une carrière de médecin. Il consacre également une partie de ses loisirs à « La Fanfare » de Schiltigheim, qu’il préside de 1933 à 1953. Il décède le 15 janvier 1963.
Le témoignage :
Henri Rehberger, Tête carrée. Carnet de route d’un Alsacien 1914/18, éditions Sébastian Brant, Strasbourg, 1938, 247 p.
Publié l’année du vingtième anniversaire de l’Armistice, le témoignage d’Henri Rehberger est le fruit d’un travail construit et réfléchi sur sa propre expérience de la guerre, qui le distingue de carnets de guerre écrits « à chaud » et publiés en l’état. Comme d’autres anciens combattants, il emprunte au genre du roman pour mettre en forme son récit, avec des titres de chapitre évocateurs et un récit qui s’amorce le 28 juillet 1914, chaude journée d’été dans une salle de classe de son lycée. Tel qu’il est présenté, le narrateur est un lycéen nommé Henri Selsam (et non Rehberger) : aucun indice dans l’ouvrage ne permet de déterminer s’il s’agit d’un simple artifice ou de l’évocation d’un surnom (le nom de Selsam pourrait évoquer le personnage du docteur Adrien Selsam dans une histoire d’Erckmann-Chatrian, Mon illustre ami Selsam, peut-être en clin d’œil à la carrière de médecin que Rehberger entame après la guerre). Outre le récit original de son expérience d’ambulancier, Rehberger livre d’intéressantes descriptions de l’expérience du feu, des traumatismes consécutifs (il évoque la catalepsie p. 107), et des horreurs dont il a été témoin sur le front, parfois de manière assez crue. Il use également d’ironie pour dénoncer la guerre, en employant des formules métaphoriques et analogiques : « en attendant la grande symphonie on se laisse bercer par la chanson des obus et le gazouillement des balles » (p. 92), ou encore : « M’est avis que nous ressemblons assez aux cochons chercheurs de truffes. Même passivité. Quand on les ramène à l’étable, ils se recouchent placidement dans leur fumier. Nous de même. D’ailleurs, la guerre n’est-elle pas uniquement une affaire de truffes ? (…) Que de cochons crevés pour satisfaire l’appétit des gourmets! » (p. 96-97). De même, il s’adresse parfois directement à son lecteur : « Hé ! 35° au-dessous, ce n’est pas rigolo, vous savez ! » (p. 96). On regrette, comme cela arrive avec des romans, que son récit manque de repères chronologiques et géographiques, ainsi que de renseignements plus précis sur ses unités de rattachement. Il peut s’agir soit d’un choix de l’auteur, cherchant peut-être à ne pas alourdir son récit avec des données jugées inutiles, soit d’indices portant à croire qu’il s’est appuyé davantage sur ses souvenirs que sur des notes prises au cours de la guerre.
Analyse :
L’ouvrage de Rehberger est à classer parmi la poignée de témoignages d’Alsaciens-Lorrains écrits et publiés en français au cours de l’entre-deux-guerres. L’auteur, lycéen au début de la guerre, revient en particulier sur l’effervescence qui régnait à Strasbourg lors de la mobilisation, dans son entourage allemand sûr de la supériorité du Reich, mais aussi dans la rue avec le défilé des troupes, la fleur au canon et au son de la « Wacht am Rhein », ainsi que sur l’ambiance victorieuse des premières semaines de guerre : « On ne rentre même plus les drapeaux car chaque jour les cloches se mettent en branle pour annoncer une nouvelle victoire. » On peut également noter l’importance symbolique des distinctions militaires pour la jeunesse allemande de l’époque : ses amis Ernest et Heintz le montrent bien, ce dernier rêvant de faire partie des troupes qui entreront dans Paris afin d’être décoré de la même Croix de fer que son grand-père. Pour ces jeunes, l’entrée en guerre représente une sorte de rite de passage à l’âge adulte. En août 1914, c’est l’aventure qui commence pour Rehberger : son premier embrigadement dans une formation de jeunes travailleurs signifie aussi le premier salaire et surtout la familiarisation avec la bière et le tabac : « Pas d’erreur, j’ai bien l’air d’un vieux guerrier (…) Je fume comme une locomotive, et j’en suis très fier » (p. 18). Il est tout aussi fier de se pavaner en ville avec son uniforme de brancardier, même si celui-ci est trop grand, seulement pour « montrer à tout le monde que je suis devenu quelqu’un » (p. 25). C’est d’ailleurs à nouveau le regard des autres qui le pousse à s’engager volontairement au printemps 1915 (il avait déjà hésité à le faire en 1914, emporté par l’élan patriotique) : malgré les blessures de guerre affreuses qu’il peut observer depuis des mois et qui pourraient être dissuasives, il ne supporte pas l’idée d’être pris pour un planqué : « Quand je passe dans les rues j’ai la sensation que tout le monde me regarde avec mépris. Beaucoup de mes copains de classe, engagés volontaires dans l’artillerie lourde, sont déjà partis pour le front ! Si je m’engageais moi-aussi ? » (p. 62-63). Avec du recul, l’auteur interroge son rapport à la France à cette époque : « Quel est donc ce pays qu’on appelle la France ? » (p. 14). Il lui apparaît qu’il n’en connaît rien, en dehors de quelques vieilles histoires familiales. En fait, en Alsace-Lorraine, le souvenir de la France s’estompe de génération en génération. On le remarque à propos d’un de ses amis, tenté par l’engagement volontaire dans l’armée allemande, mais qui se heurte à l’opposition de son père qui « louche un peu de l’autre côté des Vosges » (p. 50). Pour beaucoup de jeunes Alsaciens, la France ne représente rien de concret, ce qui n’empêche pas une certaine affection à son égard. Ainsi, à bord de son bateau-hôpital, Rehberger se montre tout aussi bienveillant avec les blessés français qu’avec les Allemands, malgré ses connaissances linguistiques fragiles. Il supporte d’ailleurs assez mal un de ses collègues, « à cause des propos haineux qu’il profère continuellement contre les Français » (p. 56). Cela n’empêche, il se sent avant tout allemand et entretient des rapports très amicaux avec ses collègues, avec qui il entonne les chants patriotiques et partage l’ivresse de certaines soirées. Comme eux, il éprouve peu de considération pour les Russes : évoquant un déserteur russe arrivant dans leurs lignes avec du savon en guise de présent, il note : « Mais alors, ils se lavent donc les Russes ? » (p. 138). Toutefois, en tant qu’Alsacien, il se sait suspect aux yeux des autorités. Cette suspicion est révélée à l’occasion de la désertion d’un groupe d’Alsaciens de son régiment : tous les autres font ensuite l’objet d’une mesure disciplinaire et sont envoyés dans des secteurs hostiles, ce qui le pousse à écrire : « Nous sommes la lie de l’armée » (p. 136). Il se sent victime d’une autre mesure discriminante : contrairement à ses camarades sortis de l’école d’officiers, il ne reçoit pas le brevet d’officier mais le grade d’adjudant, car l’enquête menée par le gouvernement militaire de Strasbourg indique « A fréquenté des familles françaises avant la guerre ! » Il en garde une certaine amertume : « Qu’étais-je avant la guerre ? Un gosse de seize ans bien incapable de mijoter des projets antinationaux. Les familles où j’étais reçu ? Celles de mes camarades de classe, parbleu ! – archi-allemandes pour la plupart » (p. 206).
Les conditions de vie du soldat allemand, de la caserne à la tranchée (principalement sur le front oriental), sont assez bien renseignées dans le témoignage de Rehberger. On y retrouve les préoccupations habituelles du soldat, au premier rang desquelles se hissent le ravitaillement et l’alimentation en général, qui semblent souvent poser problème sur le front russe, le courrier, le repos et les permissions. Les difficultés de la vie dans les tranchées, liées au froid, aux inondations consécutives à la fonte des neiges, aux poux, aux maladies sont abordées avec le détachement qu’un témoignage tardif peut comporter, voire avec humour : « Est-il possible de vivre pendant des mois, sans claquer d’étisie, dans un taudis pareil pire qu’une caverne préhistorique ? Il paraît que oui » (p. 95). Un peu plus loin, il évoque les malades dans un hôpital de campagne, livrés « sans défense à la Triple-Entente impitoyable des poux, des puces et des punaises… » (p. 96). La routine (« on s’habitue aux pires choses », p. 52), mais aussi la lassitude qui culmine en 1918 (« Relevés ! La nouvelle est fameuse, mais elle nous laisse indifférents. A quoi bon se trimbaler vers ailleurs. Au fond nous aimerions autant rester là. Nous sommes devenus totalement insensibles ! », p. 220) sont également soulignées par l’auteur. Ce dernier, décidé à témoigner des horreurs de la guerre, se heurte à la difficulté de sa mise en récit : « Comme ils seraient pâles, les mots qui voudraient peindre cette horreur ! » (p. 173). Il nous laisse entrevoir la palette d’émotions ressenties par le soldat avant (« Nos nerfs sont tiraillés », p. 140), pendant (« un instant je me demande pourquoi et de quel droit je démolis ces gens que je ne connais pas. Brève lueur aussitôt éteinte par la saoulerie du meurtre. Aussi féroce qu’à huit ans, je continue d’abattre mes soldats de plomb. Quelle jolie voix tu as, petite mitrailleuse… », p. 127) et après les attaques (parlant de lui et ses proches camarades : « nous devons être devenus un peu mabouls tous les trois » p. 129).
GEORGES Raphaël, mai 2014

Share

Armengaud, Maurice (1886-1960)

Né à Bélesta (Ariège), le 28 août 1886, fils de meunier. Installé à Mirepoix ; titulaire du certificat d’études primaires ; service militaire au 83e RI à Toulouse ; marié en 1911 avec Pauline, fille d’un tailleur de pierre. Il est lui-même menuisier et il fait le garçon de café le dimanche pour arrondir les fins de mois. Mobilisé à Foix en 1914, au 259e RI ; caporal le 5 septembre ; sergent en avril 1916. La Marne, le bois des Chevaliers près de Saint-Mihiel, Verdun en août 1916, où le régiment est décimé, puis dissous. Il passe au 283e RI. Grièvement blessé au Chemin des Dames le 23 octobre 1917, il perd l’usage du bras gauche et ne peut reprendre son métier. Il devient secrétaire de mairie à Mirepoix en octobre 1918 puis, avec sa femme, il vend des journaux, sans disposer de local.
Son petit-fils, Michel Rivière, a retrouvé 935 cartes et lettres de Maurice, principalement adressées à Pauline, dans le grenier de la maison familiale. En 2014, il en a édité une sélection dans une plaquette format A4, sous le titre Lettres d’un Ariégeois 1914-1918, 105 pages, 16 euros, ISBN 978-2-7466-6867-6 à commander à riviere.michel@orange.fr. L’ouvrage contient un index des combattants cités par Maurice Armengaud. En couverture, une carte postale « On les aura ! », transformée en « On les aura les pieds gelés » par Maurice. Sur la guerre vue de Mirepoix, où Pauline attendait Maurice, on peut consulter dans ce dictionnaire la notice Marie Escholier.
Ce témoignage d’un fantassin contient évidemment les références déjà bien connues aux poux, aux rats, à la boue, au froid et aux conditions de vie dans les tranchées, aux dangers, à la nourriture insuffisante ou qui arrive froide, à la hantise du prochain hiver, à l’ennui et au cafard, aux exercices stupides qu’il faut faire quand on est « au repos », aux médecins qui ont reçu des ordres tels qu’il faut être mort pour être reconnu malade, au découragement de tous (15 décembre 1915), aux odeurs qui empêchent de manger (15 septembre 1916), aux camarades tués dont on va voir la tombe (7 septembre 1917), aux stages de formation qui permettent de passer quelques jours loin des tranchées.
Mais chaque témoin s’exprime de façon personnelle. Il remarque particulièrement et expose à sa façon tel ou tel épisode. Ainsi Maurice, âgé de 28 ans en 1914, s’étonne « de falloir commander à des types de 40 ans et plus » (9 janvier 1915), les mêmes qui s’amusent « comme des gosses » (30 novembre 1914). Le 27 mars 1915, il décrit l’arrivée dans la tranchée de première ligne de quatre prisonniers « boches polonais » accompagnés par des officiers français ; ils sont chargés de s’adresser à leurs camarades d’en face pour les convaincre qu’ils sont heureux et très bien nourris, « et puis ils se sont mis à chanter et leurs camarades une fois fini les ont applaudis ». Maurice obtient sa première permission le 28 octobre 1915 ; c’est au retour de chaque permission qu’il subit un coup de cafard « que j’ai bien grand depuis que je t’ai quittée. J’ai fait le fort à cette heure si cruelle pour nous deux, mais une fois le train parti les larmes me sont venues » (4 mai 1916). A l’hôpital, le 24 novembre 1917, une simple phrase en dit long lorsqu’il parle de la nourriture : « étant sergent, j’ai du dessert. »
Pas de trace de « consentement patriotique » dans les lettres de Maurice. Son objectif unique, c’est de rentrer chez lui le plus tôt possible. Le menuisier de Mirepoix n’est pas un poète lyrique, mais toutes ses lettres laissent éclater son amour pour son épouse : « Pour me tarder mon adorée de te voir, il me tarde beaucoup et même je crois que je ferais le chemin qui nous sépare à pied. » Ou encore, le lendemain de Noël en 1914 : « Il faut espérer que celle de 1915 nous la passerons ensemble comme deux tourtereaux et que jamais plus l’on ne se séparera. » Les lettres constituent un lien indispensable : « tu peux croire le bonheur que j’ai lorsque je reçois une de tes lettres » (19 novembre 1914) ; « je n’ai que tes bonnes paroles comme consolation et dans ce milieu d’enfer où tout autour de moi n’est qu’un vaste cimetière où les morts sont sur terre, j’ai besoin je t’assure de cette consolation » (12 septembre 1916). Maurice emploie souvent des tournures en occitan phonétique pour exprimer des paroles d’amour. Et, en élargissant, c’est du « pays » qu’il souhaite recevoir des nouvelles et des colis de nourriture lui permettant, par exemple, de préparer « des haricots comme chez nous avec le hachis et le saucisson que tu m’envoyas ».
« Écris-moi souvent car j’attends tes lettres comme la paix », demande-t-il le 5 mai 1915. Dès le 29 octobre 1914, il aspire à la fin du cauchemar, et il y revient à toute occasion, interprétant tous les signes dans le sens de ce qu’il souhaite : l’épuisement supposé des Allemands, les bruits de négociations de paix dans les journaux. Peu porté sur la religion, il est prêt à prier pour la paix (28 décembre 1916). À plusieurs reprises, il écrit qu’il souhaite la paix, quelle qu’elle soit, et dès le 29 mai 1915 : « Après tout, vainqueurs ou vaincus, qu’on en finisse car il nous tarde à tous de rentrer. »
Il n’aime pas les « sales Boches » parce qu’il les considère comme les responsables de son éloignement du foyer. En juillet 1915, il annonce qu’il pense en avoir tué un d’un coup de fusil et en être très satisfait ; à d’autres reprises, il écrit qu’il ne faut pas faire de quartier. Mais, en novembre 1916, il parle en français à un Allemand et lui demande pourquoi il est venu se rendre : « Il m’a répondu qu’il en avait marre de la guerre. Tu dois être content maintenant. Ah oui ! »
Mais Maurice a de nombreux autres « ennemis » qui reviennent beaucoup plus fréquemment. Ce sont « les gros bouffis », « les bouchers » qui conduisent les soldats à l’abattoir (9 mai 1917), « la cléricaille » et les embusqués (5 mai 1915 et plusieurs autres occurrences). Les « gros » profitent de la guerre tandis que les malheureux soldats défendent leurs capitaux (10 janvier 1916). Maurice n’apprécie pas les officiers, « une bande de peureux, de froussards, qui ne sont bons que pour nous faire des misères à l’arrière et qui dans les tranchées se cachent » (25 septembre 1916) et qui obtiennent deux fois plus de permissions que les hommes. Il s’en prend aux civils des régions de l’Est qui exploitent les soldats et leur disent qu’ils « préféraient le donner aux Boches qu’à nous (question nourriture) » (17 décembre 1914). Enfin, les journalistes sont invités à venir voir les réalités du front au lieu d’écrire des « blagues », la méfiance envers la presse engageant les soldats à gober les « racontars de cuisiniers ». En avril 1916, une lettre de sa femme montre qu’elle a compris la philosophie des communiqués : « Quand nous prenons un point quelconque, c’est merveilleux, et quand nous le perdons ce n’était pas important. » Lui-même, se considérant comme « un vieux rat de tranchée » (7 octobre 1917) ne croit pas qu’une attaque prévue soit « un jeu d’enfant » comme les chefs le laissent entendre, mais il ne veut rien dire pour ne pas décourager les jeunes.
La découverte ou redécouverte de l’amour conjugal va à l’encontre de la théorie de la « brutalisation » au sens de « transformer les gens en brutes ». Mais Maurice annonce que, s’il en revient, on entendra parler de lui contre les gros et les embusqués, et il menace la « bande de grands cons » de la censure, « ces gros cochons engraissés » : « Si j’ai le bonheur, comme je crois, de te revenir et que j’en connaisse quelqu’un, malheur à eux, je saurai prendre ma revanche […] je leur souhaite qu’ils crèvent tous à l’instant même » (17 mai et 16 juillet 1917). En fait, comme pour bien d’autres, il ne s’agissait que d’un défoulement ponctuel ; Maurice Armengaud fut trop content de revenir, sans mettre ses menaces à exécution. De revenir, certes, mais pas en bon état.
Dès le 9 octobre 1917, près du Chemin des Dames, il a le pressentiment qu’il sera blessé, et même il souhaite la blessure (17 octobre). Auparavant, s’il n’a pas décrit les mutineries, il a évoqué « tout ce qui se passe à l’intérieur » (27 mai 1917). Au retour d’une permission, le 29 juin, dans le train, un monsieur vient lui parler patriotisme, « mais je l’ai habillé de première et tous ceux qui étaient dans le compartiment se sont mis sur lui aussi ». Le 25 juillet, au pied du Chemin des Dames, il écrit ce passage : « Je veux te parler de Craonne et du moulin de Laffaux dont entre ces deux objectifs il y a le plateau dont on parle sur les journaux et ces putes de casemates aussi. J’ai le ferme espoir que nous n’y serons pas pour y aller et si le malheur nous y désignait et bien je t’assure que je n’hésiterai pas à faire ce que je t’ai promis. Les pauvres malheureux qui en reviennent sont tout à fait démoralisés, fous. » Envisage-t-il de déserter ou de se rendre malade ? Seule, sa femme pouvait le comprendre.
Dans l’immédiat, il loge dans une creute, « une carrière ou grotte » où « il y fait une humidité terrible » (1er août). Et, le lendemain : « Je suis devenu l’homme des cavernes où je ne risque rien de n’importe quel obus mais en revanche je crois que l’humidité nous crèvera à tous. Si encore le temps était favorable, je m’installerais dehors, mais il n’y a pas moyen, il pleut tout le temps et sommes enfermés là-dedans comme des prisonniers ; heureusement que ça reste tout le temps éclairé et si c’était pas l’électricité je ne sais comment nous regagnerions notre endroit car ma couchette et ma section se trouvent à 1 km de l’entrée. »
Le 12 octobre, Maurice annonce qu’il fera partie de la première vague comme nettoyeur de tranchées avec des hommes qui « tueraient père et mère » ; le 17, après avoir souhaité la blessure, il rassemble son courage pour, lorsqu’il sera « engagé avec les Boches », « leur casser la figure ». Le jour J de l’attaque sur la Malmaison, 23 octobre, deux heures avant l’heure H, Maurice est gravement blessé, l’omoplate gauche brisée. Depuis l’hôpital, il dit sa souffrance et sa satisfaction d’en avoir fini avec la guerre ; en même temps il commente les lourdes pertes du 283e. Après un long séjour loin de chez lui, il arrive enfin à Rodez en avril 1918, où « l’on cause le patois tant médecin qu’infirmiers et infirmières » ; il visite la cathédrale. Puis, à Decazeville, il assiste à la coulée dans l’usine sidérurgique ; c’est « un métier de galérien », mais tous ces ouvriers ont échappé au front ; par contre, la grippe fait des ravages. En juillet, il est encore à l’hôpital à Montpellier où la nourriture est insuffisante ; il faut compléter à la cantine où « nous péloun lé porto monédo » ; cela provoque un tapage et « les plus enragés étaient les amputés ». Il ne rentre chez lui, à Mirepoix qu’à la fin de septembre.
Rémy Cazals,  6 avril 2014

Share

Longuet, Octave (1888-1944)

Octave Jean Baptiste Longuet est né le 19 octobre 1888 à Brest (Finistère) où son père était second maître mécanicien de 1ère classe sur le cuirassé garde-côte Le Vengeur. La famille vécut à Toulon et Bizerte au gré des affectations du père. Octave étudia aux Arts et Métiers d’Angers avant de faire le service militaire de 1909 à 1911, en partie en Tunisie. Il en sortit sous-lieutenant de réserve et fut mobilisé en août 1914 avec ce grade dans l’artillerie de défense des côtes. Après une période d’instruction au camp de Meucon, près de Vannes, sa batterie fut envoyée en Champagne pour la préparation d’artillerie de l’offensive du 25 septembre 1915. En Alsace, en secteur calme, de février à juin 1916. En appui de l’offensive de la Somme, de juin à décembre. A nouveau en Champagne et en Alsace, de décembre 1916 à mars 1918, et en Belgique jusqu’à l’armistice. Capitaine depuis le 18 avril 1918.
C’est le petit-fils du capitaine Longuet, Michel Delannoy, lui-même militaire de carrière, qui a retrouvé les 500 photos, dont 90 % sont bien légendées et dont la moitié ont été remarquablement reproduites dans le livre Capitaine Longuet, officier artilleur de la Grande Guerre, chez l’auteur (delmi83@sfr.fr), 2013, 227 pages, index des lieux et des matériels photographiés.
Le livre s’ouvre sur deux photos très originales. C’est d’abord un autochrome (le seul de la collection) représentant le lieutenant Longuet posant devant sa pièce, l’énorme 270 de côte en avril 1915. L’autre montre le départ de Brest de deux cuirassés, le 2 août 1914. Ensuite, le premier séjour en Champagne est particulièrement bien documenté. Les photos d’Octave Longuet montrent les mastodontes de l’ALGP (Artillerie Lourde à Grande Puissance), le grand nombre des serveurs (et d’abord des installateurs car, pour mettre en place un 270 de côte, il faut huit heures de travail de 15 hommes), les phases du chargement des pièces, les tirs. Et les résultats des tirs de ces pièces, et des autres, sur les forêts, les habitations, les tranchées. Les très bonnes photos de Longuet montrent les paysages dévastés, les tranchées en partie détruites, les abris de fortune, les tombes de soldats allemands et français parfaitement entretenues par les survivants, mais que l’artillerie ne peut évidemment respecter. Longuet n’était pas le seul photographe de la Grande Guerre et ses photos ne nous surprennent pas, dans l’ensemble, mais elles sont précisément situées : le Bois Sabot, la Tranchée de Cologne, le cimetière du Bois de Spandau, le Trou Bricot, la Maison Forestière, les ruines de Perthes-les-Hurlus. Sur les croix de bois du cimetière de la Maison Forestière, on distingue nettement le nom de plusieurs soldats du 80e régiment d’infanterie de Narbonne, que l’on pourrait identifier de plus près en consultant les fiches des morts pour la France sur le site Mémoire des Hommes.
Les photos d’Alsace représentent les parages de Thann sous la neige. On retrouve les engins de guerre dans la Somme où les photos montrent les différentes opérations du montage d’un 240 au nord de Bray en juillet 1916, avec les différents problèmes techniques rencontrés. On y voit encore le 305 de marine, l’obusier de 400, autres mastodontes, les troupes britanniques et les prisonniers allemands, un des premiers tanks anglais, et toujours des ruines, Curlu, Hem, la ferme de Monacu.
Octave Longuet se marie en mai 1919 ; il est démobilisé en juillet et reprend la vie civile dans diverses entreprises liées au bâtiment. Il ne dépasse pas le grade de capitaine dans la réserve : les notes de ses supérieurs rappellent ses « beaux services de guerre » mais regrettent qu’il ne fréquente pas les écoles de perfectionnement des officiers de réserve. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il se trouve avec sa famille à Auriac en Dordogne lorsque, le 30 mars 1944, la Gestapo et 300 hommes de la division Brehmer de la Wehrmacht, à la recherche des maquis, investit le bourg, exécute Octave Longuet, son fils André, le maire de la commune et deux métayers espagnols, et brûle la maison.
Rémy Cazals

Share

Patard, Charles (1884-1966)

Il est le cinquième enfant et le premier garçon d’une famille de cultivateurs catholiques pratiquants de l’Orne (une des filles deviendra religieuse). Sa naissance, le 4 février 1884 à Montsecret, est suivie de celle de trois autres garçons. Élève brillant, il obtient le certificat d’études à 12 ans, poursuit au-delà pendant deux ans, mais doit abandonner, faute de ressources familiales. Il commence à travailler à 14 ans comme garçon d’épicerie à Flers, puis devient commis épicier à Paris, Salon-de-Provence et Neuilly-sur-Seine, avant de prendre à son compte une épicerie à Sées dans son département natal, aidé par son plus jeune frère, Joseph, né en 1896. Marqué par le catholicisme social du Sillon et par le socialisme de Jaurès, Charles reste solidement chrétien (sans pratiquer) et développe des idées pacifistes. Marié en 1911, il a un garçon qui meurt en nourrice. En août 14, sa femme est enceinte, mais il doit partir vers le front au 304e RI (il passe au 203e en juin 1916). Il connaît la guerre de mouvement dans la Meuse, puis les tranchées en quelques secteurs agités en particulier au Mort-Homme dans la deuxième partie de 1916. Son « témoignage », rassemblé par sa petite-fille Isabelle Jeger, est constitué de quelques photos, de quelques pages d’un carnet datées 17-18 septembre 1914 et 27-28 janvier 1915, et surtout de 20 lettres, quelques-unes très longues, à son frère Joseph entre le 19 avril 1915 et le 25 février 1917.
Le 17 septembre 1914, dans le secteur de Chaumont-sur-Aire, le 304e contemple le spectacle macabre des morts du 161e, restés sur le terrain depuis une semaine, et procède à leur enterrement. Charles Patard est particulièrement ému par deux lettres trouvées sur des cadavres, une adressée aux parents du soldat Jean Goussiez, de Reims, l’autre adressée à sa fiancée par le caporal Louis Coulombel, du Pas-de-Calais. La page datée du 27 janvier 1915 porte déjà la phrase : « Ah, quand finira ce cauchemar ? » Mais c’est surtout dans les lettres à son frère qu’il expose de manière plus complète ses sentiments. Il souhaite recevoir toute information intéressante car : « Ici comme pâture on nous sert L’Écho de Paris !…, les beaux articles de Barrès, la revanche, etc. » Et Joseph lui envoie plusieurs numéros de la feuille non-conformiste, Les Hommes du Jour. Le 19 avril 1915, sa fille étant née en mars, il écrit : « Tu as vu ma petite Jeanne, tu ne sais peut-être pas pourquoi je l’appelle Jeanne. J’avais dit à ma femme ma préférence, si cela avait été un petit garçon, je l’aurais appelé Jean en souvenir de Jean Jaurès, car si nous avions eu beaucoup d’hommes comme lui, je ne serais pas où je suis ; comme c’était une petite fille, elle s’appelle Jeanne ! » Il critique les riches embusqués, les hommes politiques chauvins, le parti clérical qui escompte « que le malheur et les larmes » referont de la France « la grande nation catholique ». Le 23 octobre, il donne le nom des coupables, Poincaré, Deschanel, Barrès, Lavedan, Richepin, Bazin, sans oublier « Monseigneur Amette et consorts ». Et il ajoute (10-11-15) Gustave Hervé et la plupart des socialistes qui ne se souviennent pas que la guerre « est le résultat de la politique revancharde, haineuse, qu’avait si bien dénoncée le grand Jaurès, qu’en voulant exterminer les autres, nous-mêmes nous nous exterminons, que la plus belle jeunesse ouvrière et laborieuse tombe chaque jour ». Lorsqu’il a un moment, Charles lit Sénèque et Tolstoï et se forge une philosophie stoïcienne et d’amour de l’humanité. Il condamne absolument toute volonté de se venger, évoquant même le soldat allemand qui pourrait le tuer : « Non, mon sang du moins ne criera pas vengeance, cela je ne le veux pas et je ne voudrais pour rien au monde que plus tard ma chère petite Jeanne que je connais à peine, nourrisse dans son âme des pensées de haine contre le malheureux qui m’aura frappé. » Il estime qu’il faut construire sa vie sur l’Idéal et la Raison.
Malade, Charles est évacué en octobre 1917 et ne reviendra pas sur le front. Ses deux frères, Victor et Alphonse, qui ont combattu dans l’artillerie de campagne, survivent également à la guerre. Quant à Joseph, au 85e d’artillerie lourde, il était celui qui courait le moins de risques et pourtant il fut tué le 14 juin 1917 près de Cormicy (Marne). Après sa démobilisation, Charles retrouva sa femme et sa fille de 4 ans, et reprit son épicerie jusqu’à sa retraite en 1934. Il fut un actif militant pour la Paix et un des organisateurs, en février 1939, de l’accueil des réfugiés républicains espagnols dans l’Orne (voir aussi Albert Vidal). Avant sa mort le 1er août 1966, il continuait à lire du Jaurès.
Rémy Cazals
*Voir Isabelle Jeger, « Si on avait écouté Jaurès », Lettres d’un pacifiste depuis les tranchées, Charles Patard, Notes de guerre et correspondance 1914-1917, Toulouse, Privat, 2014. Photos dans 500 Témoins de la Grande Guerre, p. 364.

Share

Paquet, René (1875-1961)

Né le 20 juin 1875 à Douai (Nord) où son père est brasseur, sa mère appartenant à une famille de négociants. Il s’engage pour quatre ans au 39e RI en 1893 et devient sergent. Courtier aux assurances mutuelles du Mans, il est envoyé en poste à Pau. Comme hobby, il a la passion de la photographie. En 1914, il demande à rejoindre le 12e RI et il arrive sur le front à la fin de septembre 14 au pied du Chemin des Dames. Il photographie les tranchées de Vassogne et du plateau de Paissy, les creutes de Merval, le Bois-Foulon, les ruines de l’église de Craonnelle ; mais aussi des groupes de soldats jouant à la manille dans la tranchée ou à la pelote basque au cantonnement lorsqu’un mur assez haut reste debout. Il est nommé sous-lieutenant le 14 février 1915. A l’été, le régiment est déplacé vers Reims où il fait des clichés des maisons détruites et des sacs à terre protégeant la façade de la cathédrale. Dans son album, on trouve encore quelques images d’attaques mises en scène pour ressembler à des photos de guerre, la représentation de crapouillots et divers canons, de cagoules pour se protéger des gaz, de périscopes de tranchée, de prisonniers, d’un avion allemand abattu. Il est blessé en octobre 15. Il passe presque toute l’année 1916 comme instructeur au camp de Mailly (photos de Russes, d’ambulance, de champ d’aviation). Les dernières années de la guerre, il remplit diverses fonctions au dépôt du 18e RI ; il est nommé lieutenant en juillet 1918. Après la guerre, il retrouve son métier à Pau après son mariage à Paris en octobre 1919.
Il n’a pas laissé de témoignage écrit, mais son petit-fils, Bernard Bacelon, a reconstitué sa carrière et, surtout, a sauvegardé ses 350 photos (en deux albums). Le CD a été envoyé à la Mission du Chemin des Dames, Conseil général de l’Aisne. Bernard Bacelon a le projet d’éditer un livre.

Photo dans 500 Témoins de la Grande Guerre, p. 363.
Rémy Cazals

Share

Richebé, Gaston (1895-1963)

Souvenirs de guerre d’un fantassin
Arras, Imprimerie centrale de l’Artois, 1956 et 1962

Appartenant à une famille bourgeoise de Béthune, Gaston Richebé, arrière-petit-fils d’un maire de Lille, est étudiant en 1ère année de mathématiques spéciales en 1914. Classe 15, il est ajourné au début 1915, puis incorporé au dépôt du 33e RI (Arras/Cognac) en septembre. Il est reçu à un concours pour l’école d’aspirants de Joinville (stage de janvier à avril 1916). Il monte au front dans l’Aisne à Vendresse-Beaulne (juin-juillet). Transféré sur la Somme le 8 août, le 33ème RI commence sa marche d’approche le 3 septembre. Au moment d’une relève (10 septembre 1916), l’aspirant Richebé est blessé au bras par de petits éclats ; après une convalescence, il rejoint son unité à Pontavert en février 1917. Il participe à l’offensive d’avril en réserve d’Armée derrière le 201e RI. Dans les Flandres pendant l’été et l’automne, le 33e revient à Craonne en janvier 1918. Richebé est fait prisonnier le 12 juin lors de la percée allemande du Chemin des Dames ; prisonnier à Rastatt puis à Graudenz (Prusse Orientale), il est rapatrié en janvier 1919 par Copenhague et Cherbourg et démobilisé en septembre 1919.

Richebé écrit ses souvenirs (1952) plus de trente ans après les faits, plutôt « pour son plaisir personnel que pour tout autre motif. » Il souhaite, dans sa préface, compléter l’histoire générale par l’énonciation de faits particuliers. Il s’essaie à la précision, se servant de carnets de poche où il notait les événements au jour le jour (cependant certains se sont perdus). Une 2e édition (1962) fait quelques corrections secondaires, supprime quelques noms propres, et précise dans l’introduction : « je compte surtout sur la compréhension, sinon toujours sur l’adhésion, des hommes de mon âge ; les jeunes ont d’autres soucis, mais s’ils me lisent, je souhaitent qu’ils apprécient l’immense sacrifice consenti par ceux de 1914 – 1918. »

Le récit de Gaston Richebé est neutre, assez mesuré dans ses descriptions, et peu précis sur les états d’âme de l’auteur. Celui-ci est aspirant et parle d’un grade assez décevant, peu considéré mais entraînant pas mal d’inconvénients (rôle de chef de section assez ingrat selon lui), avec notamment celui d’être dans certaines compagnies assimilé aux sous-officiers (popote). Il est assez vite désabusé, évoquant par exemple les ivresses fréquentes de son commandant de compagnie (Aisne, printemps 1916). Il évoque la bataille de la Somme, le marmitage permanent et l’impossibilité de sortir à l’assaut, à cause de la difficulté à réduire les mitrailleuses allemandes. Le récit se fait ici plus vivant, plus précis : « Je ne sais comment cette relève s’est effectuée sans grosse casse. La lune s’était levée dans un ciel assez clair, et les tirailleurs allemands n’étaient pas loin. La compagnie, mal dirigée, se trouve à la file indienne debout sur ce terrain battu par les mitrailleuses. Il y a de la pagaille, des bruits d’armes entrechoquées, des ordres criés trop haut. Les boches devaient être bien fatigués, eux aussi, pour ne pas nous avoir inquiétés. »
Il est ensuite blessé légèrement au bras : « nous avions ce qu’on appelait la fine blessure .»
L’attaque du 16 avril 1917 est décrite depuis une position de 2ème ligne. Richebé dit voir du plateau où il se trouve brûler les chars du commandant Bossut, lancés à sa droite dans la plaine de Corbeny. L’avancée du 33ème, en soutien du 201ème RI, est très difficile et les hommes sont bloqués à contre-crête, avec une artillerie placée en contre-bas et qui ne peut les aider efficacement. Le combat est dur « je vois encore un de nos sergents, debout sur les parapets, lançant des grenades dans les abris et me demande toujours comment il en est sorti », la progression décevante et après le 19, journée confuse, un calme relatif s’établit. Richebé résume : « cette période reste pour moi un cauchemar. »
Le récit évoque ensuite le transfert en Belgique et le soutien à l’offensive anglaise dans les Flandres (bois d’Houthulst, août 1917). Il évoque les désagréments liés à un phénomène nouveau, le bombardement aérien de nuit par l’aviation allemande : « A 10 ou 15 km du front, nous n’avions pas de tranchées, et aux alertes nous devions quitter précipitamment nos cantonnements trop exposés, nous égailler dans la campagne et passer, en somme, une fort mauvaise nuit. »
L’auteur décrit ensuite la vie de tranchée de retour dans le secteur de Berry-au-Bac puis de Craonne, puis l’entraînement en liaison avec les chars Ft 17 (mai 1918). L’esprit « militaire » est absent chez lui, « j’en avais assez de rester sous-officier avec mon grade d’aspirant, bien que j’eusse le commandement d’une section. »
Fait prisonnier le 12 juin 1918 vers Soissons (Vertefeuille) à la fin de la percée allemande, il insiste sur le rôle positif de la Croix-Rouge qui, au long de sa captivité, contribue à adoucir sa vie matérielle. Transféré en décembre 1918 en France, il rencontre de Gaulle en passant au dépôt de Cognac, capitaine hautain et distant, rentrant aussi de captivité « Il ne fréquentait pas grand monde .»
Au total un récit intéressant surtout pour la description du combat de la Somme, de l’Aisne et la reprise de la guerre de mouvement en 1918.

Vincent Suard

Share

Lefebvre, Gaston (1896-1957)

« Un de l’avant » Carnet de route d’un « poilu»
9 octobre 1914 – 27 novembre 1917
Journaux et Imprimerie du Nord, Lille 1930

Né à Lille le 24 novembre 1896, l’auteur a 17 ans lorsque, le 9 octobre 1914, il est évacué à pied avec tous les hommes de 18 à 48 ans à l’approche des Allemands. A l’automne il travaille dans une ferme près d’Abbeville (Somme); séparé de ses proches et mineur (il a 18 ans le 24 novembre), il apprend par les journaux (8 janvier 1915) que les réfugiés âgés de 18 ans peuvent s’engager pour la durée de la guerre sans l’assentiment des parents si ceux-ci sont restés en zone occupée.
Arrivé au dépôt du 43e RI à Limoges le 11 janvier 1915, il monte au front en mai après un séjour au camp de la Courtine ( 412e RI) ; il est versé à sa demande au 73e RI de Béthune.
En secteur sur l’Aisne le 16 mai , vers Pontavert. Alternance de 1ère ligne et de repos, blessé à Berry-au-Bac le 26 octobre 1915 lorsqu’il travaille à installer un réseau (grenade à fusil – éclat dans le dos).
Retour en unité en janvier 1916 et transfert à Verdun le 25 février avec la 2e DI, violents combats (Douaumont). Un mois de repos (10 mars – 14 avril 1916) et secteur sur l’Aisne (Beaulne – Cerny). Permission à Toulouse puis retour et embarquement pour la Somme le 6 août 1916 ; il participe à la bataille, puis permission en novembre et arrivée en secteur en Champagne au Mesnil-les-Hurlus. Le 4 décembre 1916, blessé à la cuisse par un projectile vertical, alors que « la neige ayant cessé de tomber, je m’étais installé sur une banquette de tir, à la porte de notre sape, pour faire quelques lettres. » Evacué et opéré, il doit être amputé le 9 décembre au dessus du genou.
Après une convalescence à Angoulême, il arrive le 8 juillet 1917 à l’hôpital d’appareillage de Toulouse dit « du Caousou ». Réformé définitivement le 27 novembre 1917.

Le témoignage est écrit en 1930 alors que l’auteur est un « jeune » ancien combattant de 34 ans ; l’ouvrage témoigne d’une volonté, en hommage « aux rares survivants de son bataillon », de reconstituer des faits précis, pour « empêcher le voile de l’oubli de tomber trop tôt sur le sacrifice et les souffrances des vrais combattants et d’inspirer aux jeunes la résolution de faire tout pour éviter le retour d’un tel cataclysme. » C’est un récit complet, qui se veut réaliste, indiquant les lieux et les dates, désignant de nombreux soldats et gradés par leurs noms.
L’intérêt du récit réside dans la narration du ressenti du front d’un très jeune soldat ; celui-ci, plein d’entrain en 1915, va par exemple chercher un fanion allemand comme trophée dans le no man’s land contre l’avis de ses camarades et « lorsqu’il revient avec le morceau de toile blanche pour lequel il venait de mettre « eul’ fu » au secteur, dans la tranchée, il ne reçoit, bien entendu, aucune félicitation ». Lorsqu’il est blessé une première fois en octobre 1915, « le major me dit n’avoir jamais soigné un aussi jeune blessé à l’ambulance. » Le récit est riche en descriptions classiques de secteur, de bombardement, de travaux ou de cheminement de relève ; Lefebvre se décrit par exemple poseur de barbelés: « embusqué d’après les camarades, furieux de voir que je ne prends plus la garde, mais peu amateurs de prendre ma place sur le parapet la nuit. »,
Lefebvre arrive à Verdun à un moment dramatique à la fin de février 1916 ; il évoque la violence des bombardements continus, les soldats terrés, l’avance allemande, les morts partout autour de lui. Son moral n’est plus le même qu’en 1915 : « Je suis surpris de rester le dernier avec le caporal. En courant, il me dit :
– Alors ! ça ne va plus ? Avant tu partais toujours le premier. L’ «hosto » t’a fait dégonfler.
C’est vrai. Depuis ma sortie de l’hôpital, je ne suis plus le même homme. L’éclat reçu à Berry-au-Bac m’a enlevé l’insouciance de mes dix-huit ans. Comme les autres, j’ai peur et je suis dominé par une crainte vague, indéfinissable, celle de la mort. »
Il raconte une quinzaine de jours épouvantables au bilan terrible : «Sur environ deux-cent dix hommes, cent soixante étaient tués ou blessés. » Il quitte le secteur le 12 mars « Jusqu’au moment de grimper dans les voitures, nous tremblions de remonter en ligne. Le lendemain de notre relève, les Allemands, dans une poussée irrésistible, avaient à nouveau enfoncé le front. Heureusement, de nouvelles troupes avaient endigué leur avance. Sans elles, nous étions obligés de retourner à la tuerie… »
En secteur de repos, il évoque les inquiétudes des soldats pour leurs femmes, les tentations de l’arrière et la stabilité de leur foyer : « N’est-ce pas une torture affreuse que de se trouver sur de la paille pourrie et de penser qu’un autre est peut-être couché dans son propre lit ? Nous, les jeunes, nous souffrons un peu plus physiquement, car nous sommes moins résistants à la fatigue, mais comme nos aînés doivent souffrir moralement ! ».
L’évocation de sa participation à l’offensive de la Somme insiste sur l’épouvantable odeur qui règne dans les abris bétonnés dans l’ancienne 1ère ligne allemande, sur les cadavres qui parsèment le terrain lunaire et sur la violence des bombardements (bois Louage- Combles). Il décrit aussi un assaut sanglant de sa compagnie le 24 septembre et son échec.
Lefebvre parle longuement des deux blessures reçues ; il évoque l’état de choc, la douleur, le transfert en brancard, la souffrance à l’ambulance, et la dureté des scènes d’hôpital : « Quand le major, armé de pinces, enlève les compresses, le blessé hurle et se tord de douleur. Je vois des hommes qui paraissent avoir atteint la quarantaine, appeler leur mère et pleurer à chaudes larmes. » Puis vient le calme et les infirmières qui viennent « border nos lits comme l’aurait fait notre mère.»
Lefebvre restitue la langue des soldats (réalité du phrasé argotique? reconstruction ?):
– « Yen a une, j’crois qu’elle m’a « zieuté » !
– Penses-tu ! c’est des gens d’la haute et tu vois pas ta « fraise », eh ! mal foutu !
– Des fois, y a des copains qui s’marient avec leurs infirmières…
– Oui ! mais c’est des types au « pèze », pour nous, y rien à faire. »
Le témoignage décrit aussi longuement la préparation de l’amputation, la visite de l’aumônier et le choc post-opératoire : «Ma jambe est bien coupée. Nerveusement, j’éclate en sanglots et je pleure abondamment. Que vont dire mon père et ma mère ? »
Au total le témoignage réfléchi (publication 1930) mais riche d’un jeune homme qui à 19 ans avait déjà fait Verdun et la Somme pour finir la guerre amputé à 20 ans.

Vincent Suard

Share

Lassale, Charles (1889-1981)

Charles Lassale naît dans le village d’Albussac en Corrèze le 29 juin 1889. Elève au lycée de Tulle, il intègre ensuite l’Administration des PTT et y effectue toute sa carrière, jusqu’à devenir chef du Centre des Télécommunications de Brive-la-Gaillarde. Retraité, il rédige en 1968 ses souvenirs de guerre qu’il publie à compte d’auteur sous le titre Guerre 1914-1918. Journal d’un combattant (56 p.). Il s’appuie alors sur la correspondance d’époque ainsi que sur ses carnets de notes du front, et agrémente son texte de cartes et de quelques photographies. Sa guerre débute au Fort de Vincennes où il est détaché par l’Administration des Postes afin d’ « exploiter (…) les liaisons militaires du camp retranché de Paris. » En septembre 1915, quand commence son récit, il est affecté au 3e régiment du génie aux Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire) pour une période d’instruction de deux mois. Le 15 novembre, il est transféré au 8e Régiment du Génie basé à Nersac (Charente) en tant qu’agent de liaison. Il y apprend le fonctionnement des appareils téléphoniques de l’armée et la construction des lignes. Le 20 janvier 1916, il quitte son régiment pour intégrer le détachement télégraphique de la 76e division d’infanterie. Avec elle, il participe à la bataille de Flirey (en Woëvre méridionale) à la fin du mois de février puis, le mois suivant, aux combats de la cote 304 et du Bois d’Avocourt dans le secteur de Verdun. Du 5 au 23 mai 1916, il est hospitalisé à Contrexéville pour une otite et une rupture de tympan − ses deux tympans ayant été affectés sur le front, on lui reconnaîtra après-guerre une invalidité de 30%. A sa sortie, il réintègre son unité en mouvement vers le front des Vosges. Suite à un accident lors de l’installation d’une ligne téléphonique dans le secteur du massif de l’Ormont, il passe une partie de l’été à l’hôpital de Saint-Dié afin d’y soigner une entorse. Il enchaîne ensuite une mission à La Fontenelle de la mi-août à la fin du mois d’octobre 1916, juste avant d’être transféré de la 76e DI, qui prépare son départ pour Salonique, à la 161e DI fraîchement constituée. Avec elle, il passe successivement des hauteurs vosgiennes au camp d’Arches, pour une courte période d’instruction, puis à la région de Belfort, avant de revenir dans le massif vosgien le 10 janvier 1917. Il y dirige pendant un mois le poste téléphonique au pied du Hohneck. Après une permission en Corrèze, il est nommé chef de poste au Central téléphonique de la division à Gérardmer, ce qui améliore nettement ses conditions de vie. A la mi-juillet, la division prend la direction du Chemin des Dames et y est engagée dans les combats du secteur de la Bovelle, Courtecon et Cerny d’août à octobre. En novembre, elle est employée du côté de Quincy – Barisis. Employé au poste de Folembray, Lassale est élevé au grade de caporal fourrier (une fonction qu’il assure parfois en remplacement) le 24 décembre, puis nommé sergent en mars 1918. Suit le front de Champagne, duquel il est retiré à deux reprises en été 1918 pour former les élèves téléphonistes au camp de Mailly. En septembre, il est engagé dans la bataille de Sommepy, avant de prendre la direction de l’Alsace, d’abord à Masevaux puis à Saint-Amarin où il est nommé chef de poste optique. Aux premières loges pour assister au retour de la région à la France, il participe à l’entrée de la 161e DI à Ensisheim, où il contribue à prendre le contrôle des liaisons de télécommunication allemandes, puis à la venue de Poincaré à Mulhouse.
Le principal intérêt de ce témoignage est de nous renseigner – malheureusement, sans trop de détails – sur la fonction et les conditions de vie d’un téléphoniste. Opérateur en télécommunications déjà qualifié au début de la guerre, Lassale est versé dans un régiment du génie, tout comme son frère d’ailleurs, qui a peut-être suivi la même formation et avec qui il se retrouve au sein de la 161e DI Globalement, ses différentes missions consistent à mettre en place ou maintenir en état les lignes téléphoniques entre le front et les postes d’état-major, une tâche dangereuse quand elle s’effectue sous le feu des combats : un jour par exemple, un obus éclate au pied d’un poteau au sommet duquel il est occupé à effectuer des réparations (p.9). Les lignes sont généralement des fils déroulés à même le sol, plus rarement enterrées ou aériennes. Des aménagements sont parfois nécessaires, comme ce pont devant lequel l’équipe pose fièrement (p.37). Ses conditions de vie varient, mais sont globalement meilleures que celles des soldats du front, puisqu’il cantonne souvent en arrière des premières lignes. De cette différence naît sans doute cette volonté de louer à plusieurs reprises les mérites des équipes de téléphonistes, qui ont rempli leurs missions « sans jamais se soucier des dangers encourus » (p.6), et aussi celle de « justifier une fois de plus [sa] participation à cette grande bataille » (p.12), à savoir Verdun, restée hautement symbolique dans le milieu combattant d’après-guerre. En ce sens, ce n’est donc pas un hasard s’il adresse prioritairement son témoignage « à l’intention des anciens combattants » (p.1).
Raphaël GEORGES, avril 2013

Share

Guilhem, François (1886-1945)

Né à Toulouse le 7 avril 1886. Service militaire de 1907 à 1909. Marié en 1911. Une fille. Manutentionnaire aux entrepôts de la société L’Épargne. Sympathisant socialiste. Mobilisé en 1914 au 296e RI. Ses lettres à sa femme témoignent, une fois de plus, que la guerre a fait redécouvrir l’amour conjugal. Ainsi : « Je te demande d’avoir du courage jusqu’à la fin, songe que je suis obligé d’en avoir, moi qui suis obligé de lutter contre un terrible ennemi et contre la séparation de ma famille ; songe un peu, quand je jette mes yeux sur la photo que tu m’as envoyée, ce qui peut se passer en moi-même… » (12-12-14). D’un autre côté, les lettres ne manquent pas de pugnacité et d’ironie. Par exemple, le 27 mai 1915 : « Émile m’a appris par sa lettre d’hier que Gourg avait été tué. Il prêchait la guerre dans le temps ; il ne la prêchera plus. » Ou encore, le 19 août 1915 : « Je voudrais bien voir ces embusqués à ma place, ceux qui ne sont jamais venus au front, comme le gendre de Caillabel par exemple ; ils en chieraient toute une. » Et, le 19 mai 1916 : « Pauvres mères, vous pouvez faire des enfants, la boucherie militariste les attend. Ah ! que je suis heureux d’avoir une fille ; elle ne viendra pas au moins se faire hacher sur un champ de bataille et si, après la guerre, favorisé par le sort, si je réussis à m’en sortir, ceux qui viendront me prêcher la repopulation seront reçus avec tous les honneurs dus à leur grade. » Et encore : « Tu me dis que Pierrillou a été cité à l’ordre du jour et qu’il a eu la croix de guerre ; il vaut mieux celle-là que la croix de bois » (22-7-16).
Le récit de ce fantassin rejoint ceux de ses semblables et décrit la boue, le froid, les veilles, les attaques stupides, les poux : « Ma chère Augustine, tu feras bien de m’envoyer de la poudre pour les poux, car pourtant qu’on les chasse et qu’on se change, on en est rempli, et ils sont gros et tu peux croire qu’ils piquent ; tu verrais les types, sitôt qu’on a une minute, à sortir la chemise et à faire la chasse ; on a le corps tout rouge de piqûres » (14-8-15).
Le régiment commence la guerre en Alsace, puis il est transféré en Artois, devant Vermelles, village occupé après le repli allemand (voir Barthas, Hudelle). Le 25 décembre 1914 : « Chère Augustine, je me rappellerai longtemps de cette nuit de Noël : par un clair de lune comme en plein jour, une gelée à pierre fendre, nous sommes allés vers les 10 heures du soir porter des poutres dans les tranchées ; quel n’a pas été notre étonnement d’entendre les Boches chanter des cantiques dans leurs tranchées ; les Français dans les leurs, puis les Boches ont chanté leur hymne national et ont poussé des hourrah ; les Français ont répondu par le Chant du départ ; tous ces chants poussés par des milliers d’hommes en pleine campagne avaient quelque chose de féerique. » Une pause dans une guerre sans fin : « Quant à la paix, je crois que si aucune puissance neutre ne s’en mêle, nous y sommes pour longtemps car de la manière que nous faisons la guerre, il est presque impossible d’avancer, tant aux Boches qu’à nous » (30-12-14).
Le 10 mai 1915, François est atteint par une balle au sommet du crâne : « Tu peux croire que cette balle a été la bien venue. » Soigné, il essaie de faire durer la séquence et même de s’embusquer pour de bon : « Je deviendrai peut-être l’ordonnance du major en chef des hôpitaux de Béziers, mais je ne suis pas sûr de réussir » (13-7-15). En effet, cela ne marche pas et il doit repartir, avec le 96e, à Beauséjour, et participer à l’offensive du 25 septembre en Champagne. Le 12 octobre, il peut écrire : « Cette nuit nous avons été relevés des tranchées et nous sommes dans un bois ; nous n’avons ni eau pour nous laver, ni rien, mais nous sommes hors de danger, c’est l’essentiel. Nous crevons de faim et de soif. Nous avons passé 15 jours terribles, nous avons eu beaucoup de morts et de blessés ; moi, je n’ai pas eu seulement une égratignure ; encore une fois je m’en suis sorti ; j’ai eu un fusil partagé dans les mains par un éclat d’obus et je n’ai pas eu la chance d’être blessé. » Un peu plus tard (2 décembre 1915), il tire des conclusions plus larges : « Tu peux croire que j’en ai assez de cette vie ; toujours au danger, la pluie, le froid, mal nourris, dévorés par les poux, nous avons tout pour nous faire souffrir ; il faut avoir la volonté de vivre pour supporter tout cela. »
1916 le trouve à Berry-au-Bac et au bois de Beaumarais, élément d’un « troupeau de moutons qui suivons ceux qui nous commandent ». Les secteurs chauds et ceux où « on ne se croirait pas en guerre » alternent. En juillet, c’est Verdun. Alors, les lettres de sa femme lui sont retournées avec mention « le destinataire n’a pu être atteint ». François est en effet porté disparu à Fleury le 4 août. Blessé, récupéré par les brancardiers allemands, il est soigné à Ulm, et sa première lettre de captivité n’arrive à Augustine que le 6 septembre. Peu après, il précise : « Je garderai longtemps le souvenir de mes derniers combats qui dépassent en horreur tous ceux que j’avais vécus ; aussi je suis heureux d’être loin de ces champs de massacre. Je vois d’ici le mauvais sang que tu as dû avoir fait pendant le temps que tu es restée sans nouvelles, mais maintenant tu peux dormir tranquille car tu es sûre de me revoir. »
Une fois guéri, il participe aux travaux agricoles en Allemagne : « Je laboure tous les jours, je suis devenu bon, mais si je reviens en France, je ne crois pas de continuer ce métier-là. »
Rémy Cazals
*Lettres numérisées par le petit-fils, Jean-Marie Donat. Un exemplaire sera déposé aux Archives municipales de Toulouse. Photo de François Guilhem, sa femme et sa petite fille dans 500 Témoins de la Grande Guerre, p. 244.

Share