Résumé de l’ouvrage :
Sur la ligne d’un front indéterminé, un simple sergent anonyme, dans un régiment non désigné, se mue en témoin de la vie et d’épisodes de quelques compagnies, aux personnages pittoresques, dont le soldat Baris, venant des « Joyeux » (soldats issus du 5e bataillon de chasseurs d’Afrique). Celui-ci gagne héroïquement ses galons noirs, les deux ficelles de laine qui marquent maintenant son grade de caporal. Hélas, à la suite d’une bagarre déclenchée dans un débit de boissons, un lieutenant, sur la fausse déclaration d’un soldat, entraîne la cassation du grade de Baris. Ces deux derniers disparaissent ensuite dans les tourbillons d’une attaque qui disloque le petit monde décrit par l’auteur, qui retrouve quelques survivants après la guerre.
Commentaires sur l’ouvrage :
Comme pour Jérôme et Jean Tharaud, c’est Jean-Norton Cru qui, par son enquête sur la véracité du témoignage et le parcours des auteurs des grands ouvrages sur la Grande Guerre, nous donne les éléments biographiques utiles à retracer le parcours militaire de Georges Gaudy, complété par sa fiche wikipédienne (Georges Gaudy – Wikipédia (wikipedia.org)) et dont le « grand œuvre » est un triptyque de souvenirs intitulé « Souvenirs d’un poilu du 57e régiment d’infanterie ». Comme les frères Tharaud, auxquels est dédié ce livre en incipit, Georges Gaudy est né à Saint-Junien, en Haute-Vienne (87), le 18 février 1895, d’un père comptable. Georges Gaudy décède le 9 février 1987 à Saint-Mandé (Val-de-Marne). Alors qu’il est encore étudiant en langue étrangère, il précède de quelques mois l’appel de sa classe et se porte volontaire. Il intègre alors le 57e RI à partir de septembre 1915, régiment dans lequel il fera toute la guerre. Il arrive au front le 19 février 1916, dans le secteur de Troyon (Aisne) puis fait Verdun (mai 1916) et attaque au Chemin des Dames en 1917. Le 25 mars 1918 il est engagé vers Noyon et participe au mois d’avril suivant à la défense du Mont-Renaud (Oise), en avant de Ribécourt. Il est nommé caporal en mai 1916 puis sergent en avril 1918, est blessé plusieurs fois, cité deux fois à l’ordre du régiment, bénéficiant d’excellentes notations. En février 1919, il est promu aspirant avant d’être démobilisé en septembre. Il sera plusieurs fois décoré. Il n’est donc pas étonnant de trouver ces trois grades dans cet ouvrage ; le narrateur anonyme qui se présente dès la première phrase est sergent (p. 7) ; le soldat Baris, dont le parcours donne le titre à cet ouvrage, est caporal (p. 90) et le dernier chapitre trouve le narrateur à Saint-Cyr, préparant le grade d’aspirant (p. 211). L’autre emprunt à l’œuvre des frères Tharaud vient de la construction de l’ouvrage, similaire dans sa composition à « Une relève », Tharaud, Jérôme (1874-1953) et Tharaud, Jean (1877-1952) – Témoignages de 1914-1918 (crid1418.org), suite de tableaux de courtes durées sur la période de la Grande Guerre. Toutefois, ces « Galons Noirs » n’en sont qu’une pâle copie sans réel intérêt de ce qui semble en effet basé sur les propres souvenirs de l’auteur, le livre étant écrit après 1925, et le parcours militaire de Gaudy. Aussi peu d’éléments sont à tirer de cet ouvrage imprécis, à l’apparence d’une pièce de théâtre, introduisant des tableaux mais traités de manière incomplète (le vol, la bagarre, l’attaque, la considération sur le soldat, le meurtre même) qui sont traités de manière incomplète et stylistiquement maladroite. De même, la vision d’une armée brutale (le premier chapitre est par exemple fortement teinté d’une frénésie de militarisme casernier) et martyrisante teinte le livre d’une couleur gauchement pacifiste. Dans Les galons noirs, Gaudy n’atteint donc pas la qualité des souvenirs composites qu’il a pu produire dans son œuvre précédente.
Renseignements tirés de l’ouvrage :
Page 46 : Sur la guerre révélant l’homme : « Dix jours de bataille dénudent mieux une âme que trente ans de vie commune dans une province morte »
53 : Sur la difficulté de comprendre la guerre : « Ceux qui n’ont pas vu la nuit descendre sur un champ de bataille ne peuvent me comprendre ».
57 : Hallucination collective du guetteur au créneau nocturne.
88 : Sur le devenir du héros après la guerre : « Dispersé par la paix, nous irions, chacun dans notre voie, poursuivre nos destinées. Les archives du régiment garderaient l’histoire des faits qui nous honorent plus que tout. Mais qui viendrait les feuilleter ? »
95 : Vue sommaire d’un artisan de tranchée
134 : Officier assassinant un soldat trouillard
Yann Prouillet, juin 2024