Né à Châteauroux (Indre) le 18 septembre 1905, fils aîné d’un couple de notables catholiques républicains, qui ironisent sur les tendances bigotes de certaines parentes. Son père, Maurice, dessinateur sur tissus, est le principal responsable des Établissements Balsan pendant la guerre. Il doit affronter les problèmes de main d’œuvre, de matières premières, de transport, et l’usine travaille 24 heures sur 24. C’est lui qui a mis au point le nouveau tissu « bleu horizon » (voir ci-dessous).
En 1978, Pierre Allain a retrouvé le cahier sur lequel il prenait des notes entre 1914 et 1918, et il l’a dactylographié en apportant des corrections sur la forme plus que sur le fond, d’après un de ses propos. Ses descendants, l’association ASPHARESD et les éditions Points d’Æncrage ont publié le texte : Le Journal de Pierre, Un enfant de l’Indre dans la Grande Guerre (Éguzon, 2015, 190 pages illustrées de photos de l’auteur, de ses parents, de l’usine, de la ville de Châteauroux).
Il s’agit d’abord du journal personnel d’un garçon âgé de 9 ans en 1914 et 13 ans en 1918. Il raconte ses maladies et leur traitement, cures et vacances, ses petites aventures et mésaventures, ses études et ses lectures (en particulier Danrit). Ses notes sur la guerre peuvent surprendre par leur maturité. Celle-ci s’explique par l’intérêt porté aux discussions d’adultes bien informés (son père et son oncle), par la correspondance d’amis qui sont marin, aviateur et conducteur de tank, par la présence dans la famille du Journal de Genève, bonne source documentaire. Isolé à la campagne en juin 1918, il se plaint de n’avoir à sa disposition que « la feuille de chou locale » (p. 163). Auparavant, il avait suivi de près la bataille de Verdun (p. 82) : « J’ai bien acheté comme tout le monde la carte de la région de Verdun. J’avance ou recule, selon les communiqués, des petits drapeaux. » Afin de comprendre l’importance du canal de Suez pour les Anglais, il se précipite sur un atlas (p. 100).
Il décrit l’arrivée à Châteauroux des blessés, des réfugiés, des prisonniers, puis des Annamites, des Russes et des Américains, et note des bagarres qui opposent les uns aux autres et, parmi les Américains, les blancs aux noirs. Il entend critiquer le grignotage de Joffre par un ami de la famille, combattant blessé venu en convalescence : une tactique consistant « à faire décimer sans gain appréciable des régiments entiers » (p. 54). Il s’intéresse particulièrement à l’expédition des Dardanelles et à l’armée d’Orient, mais aussi à la guerre sous-marine, à l’aviation et à son héros, Guynemer. Le 29 avril 1917, il évoque brièvement les mutineries dans l’armée française (p. 115 : « Ils en ont marre de se faire tuer pour rien. ») Il juge la situation en Russie préoccupante et confuse, ainsi le 4 décembre 1917 (p. 145) : « On dit que Lénine et Kerensky détiendraient le pouvoir. » Le Journal de Genève lui permet de suivre la situation critique en Allemagne (janvier 1918).
Le 11 novembre, le proviseur du lycée vient dans les classes annoncer l’armistice et la levée de toutes les punitions. Ainsi se rejoignent les deux dimensions de ce journal : celle de la description de la guerre mondiale et celle de la vie personnelle de Pierre Allain.
Rémy Cazals, juin 2018
Note : La même maison d’édition a publié la brochure de Louis Descols, La Genèse du drap Bleu Horizon (2014, 40 pages, nombreuses illustrations). Elle montre comment, pour remplacer l’ancien uniforme aux pantalons rouges teints à l’alizarine fournie avant la guerre par la Badische Anilin, on avait d’abord pensé à un drap « tricolore », mêlant du bleu sombre, du blanc et du rouge, puis la proposition de Maurice Allain avait été acceptée : 15% de laine bleu foncé, 50% de laine bleu clair et 35% de laine écrue.
Autre publication des éditions Points d’Æncrage : L’Indre à l’épreuve de la Grande Guerre, catalogue de l’exposition de mai à décembre 2014, publié en 2015, 144 pages très illustrées.
Pour tous renseignements sur les trois ouvrages : jeanpaul.thibaudeau@gmail.com