Le futur théologien, expert au concile de Vatican II, a 10 ans quand éclate la Première Guerre mondiale. Sur le conseil de sa mère, il tient son journal, illustré de dessins, avec la volonté rapidement affichée de témoigner pour l’avenir, afin d’expliquer aux Français non envahis ce que fut la vie à Sedan sous l’occupation allemande. L’édition respecte le texte original, ses erreurs d’orthographe et de syntaxe, ses dessins naïfs, plus nombreux au début, laissant plus de place au texte lorsque l’enfant grandit. La présence de passages très bien écrits, construits et sans fautes, laisse penser qu’il y a eu deux moments d’écriture, le second datant peut-être de 1924, lorsque l’auteur a rédigé une préface à son « Journal de la guerre franco-boche ».
Début août 1914, Sedan, proche de la frontière, est fébrile ; les combats se rapprochent de la ville qui accueille les premiers réfugiés, puis les blessés français, et voit passer les troupes en retraite. Le 25, « commence une histoire tragique », celle de l’occupation. Yves garde espoir et traduit chaque canonnade, chaque mouvement de troupes allemandes, de blessés ou de prisonniers, chaque aéroplane, comme annonce de la délivrance prochaine. Puis c’est la résignation et il continue à noter les faits, graves ou mineurs, de la vie quotidienne sur cinq cahiers d’écolier : la taxe sur les chiens qui signe l’arrêt de mort de son propre animal ; les réquisitions ou pillages de toute sorte de vivres et matériaux ; la scolarité aléatoire ; le ramassage d’orties pour faire des tissus ; la prise d’otages envoyés vers l’est (son père et son grand-père en font partie) ; le meurtre du directeur de l’usine à gaz. Il est très sensible au sort des prisonniers russes, roumains et italiens dont certains meurent sous les coups et la famine.
Yann Prouillet
*L’enfant Yves Congar, Journal de la guerre 1914-1918, Paris, Cerf, 1997, 287 p. + fac-similés, notes et postface de Stéphane Audoin-Rouzeau.