Le livre :
Marc Delfaud, Carnets de guerre d’un hussard noir de la République, Editions italiques, 2009, 680 p., cahier photo de 8 p., publié sous la direction du général André Bach qui fournit de nombreuses notes explicatives. Photo de Marc et de son épouse, Jeanne, dans 500 Témoins de la Grande Guerre, p. 177.
Texte établi par Jeanne Delfaud, fille de l’auteur, qui a également donné à la fin quelques pages de biographie : né en 1887 à Saint-Denis-du-Pin en Charente inférieure, Marc Delfaud était fils de maréchal-ferrant ; devenu instituteur, il s’est marié en 1911 et le couple a eu un poste double à la campagne ; après la guerre, il enseigne dans les classes élémentaires du lycée de Rochefort, puis du lycée Voltaire à Paris, jusqu’à sa retraite en 1951 ; il est l’auteur d’un manuel d’arithmétique ; révolté par la guerre, il a fait un bref passage au PCF et il restera toujours un syndicaliste ; ses carnets sont au nombre de 18.
Préface d’Antoine Prost :
– pour connaître la guerre, il faut comprendre le vécu des combattants : qui d’autre qu’eux a vraiment su ce qu’était la guerre ? ; chacun l’a décrite avec ses convictions antérieures, sa personnalité
– la situation de téléphoniste explique d’aussi bonnes conditions d’écriture
– MD a montré la solidarité du petit groupe ; le commandement ne sort pas grandi de son témoignage
– antimilitariste, son texte ne contient pas de considérations patriotiques
– il souligne le caractère précoce du mécontentement qui aboutira aux mutineries
– les chefs seraient épouvantés s’ils savaient ce que pensent les hommes ; à demi-voix ils s’entretiennent de leur hâte d’en finir par tous les moyens
« Un instituteur dans la tourmente », par André Bach
– les témoignages sont irremplaçables car le corpus échappe au discours dominant imposé et récusé par les combattants ; leur publication est un phénomène de société ; AB critique ceux qui ont parlé de « dictature du témoignage »
– on n’a pas basculé en 1914 dans un unanimisme qui aurait gommé tous les débats de société antérieurs
Carnet 1 (11 septembre – 24 décembre 1914) [les numéros en tête de ligne renvoient aux pages]
Soldat au 206e RI de Saintes
20. « Quoi que nous éprouvions, il nous faut partir en beauté »
21. blessés allemands : « les malheureux paraissent épuisés » (12/09/14)
24. pillage : orgie succédant à la fièvre du combat, aux angoisses, privations
27. en Lorraine, population à moitié boche
31-32, puis 54, 57, 64, 79. types de chefs : idiot, adoré, mauvais sujet…
36. content quand artilleurs français restent tranquilles (25/09/14)
48. tombes embellies
49. panique
55. recherche du confort
70. déserteurs allemands : ils en ont assez (11/11/14) ; mutilation volontaire
76. Nancy : promeneurs oisifs élégants
81. patrouilles françaises et allemandes font en sorte de ne pas se rencontrer
82. poilus épuisés parlent de tirer sur les gradés, sauf le capitaine qui est aimé (28/11/14) ; aussi 87, 200.
Carnet 2 (25 décembre 1914 – 6 mars 1915)
109. encouragement à avion français au combat
111. prostitution généralisée
120. comme des gosses, combat de boules de neige (entre Français)
126. angoisse à l’arrivée d’une marmite
133. pillage d’un village pour le confort des officiers
Carnet 3 (7 mars – 30 juillet 1915) Saint-Mihiel
157. fraternisations interdites
165. Bavarois préviennent qu’il vont être relevés par des Prussiens
166-167. autres cas de fraternisations
167. embusqués autour du colonel
171. concours de tir entre Français et Allemands qui tourne mal
177. hommes devenus fous sous bombardement
182. le 78e a refusé de marcher (longue note : il s’agit en fait du 63e, et c’est le drame de Flirey)
187. population civile se demande si la révolution ne va pas éclater (30/04/15)
195. exercice ridicule : attaque avec clique et drapeau
210. les Allemands voient les travailleurs, mais ne tirent pas
Carnet 4 (30 juillet – 16 septembre 1915) Lorraine
228. indigné/correspondances ouvertes (08/08/15) ; mesure rapidement suspendue
236. ennui mortel en attendant permission
239. le général demande des patrouilles ; les soldats se débinent au premier coup de feu
Carnet 5 (24 septembre 1915 – 26 février 1916)
251. permission, détresse au moment de repartir
258. les nettoyeurs ont touché un grand couteau de boucher, arme ignoble (19/10/15)
269- 272. distractions : chasse, collets, luge, football ; essai de passer dans l’auxiliaire pour myopie
275. tranchées inondées, fraternisations (31/12/15)
278. cafard, années gâchées
291. autre trêve tacite
Carnet 6 (26 février – 2 avril 1916) Verdun
306. bombardement infernal, gros calibres, dégâts, souhait de la fine blessure ; All. et Fr. en ont assez
308. prisonniers sans résistance, enchantés de leur sort
310. les Fokker maîtres des airs
312. Fr. se rendent ; All. se rendent
326. l’usure des tubes d’artillerie fausse le tir et provoque accidents
Carnet 7 (3 avril – 18 juin 1916) Hauts de Meuse
Ecrasement sous déluge de projectiles ; réparer lignes téléphoniques sans cesse rompues ; tâche dérisoire immédiatement remise en question ; et la boue…
334. désertions
361. les 75 nous tirent dessus
366. encore un refus de marcher (29/05/16)
369. bombardement formidable, pas un blessé
372. la peur de retourner à Verdun
Carnet 8 (26 juin – 21 septembre 1916)
382. trêve tacite, accords, gare aux officiers
385. attend la maladie comme une délivrance
385-387. fraternisation ; envoyez grenades à telle heure car le vieux doit venir
386. action stupide et représailles coûteuses
395. injustice en faveur des officiers pour les permissions
401. chez tous : haine pour galonnés, désespoir, souci de sauver sa peau
405. Mangin : mangeur d’hommes
407-408. cortège de blessés, horreurs
417. démoralisation de tous, même les officiers (08/09/16)
423. je ne souhaite qu’être blessé ou mourir
Carnet 9 (22 septembre – 3 décembre 1916)
435. un officier qui ne sort pas de son trou
436. joie de se trouver dans un bois verdoyant, loin du canon
444. ceux qui ont tenu depuis deux ans sont usés jusqu’à la corde
Carnet 10 (11 décembre 1916 – 8 avril 1917)
451. Propositions de paix de l’Allemagne : nous sommes étourdis, grisés ; mais les Alliés vont refuser
471. les coups de main n’ont pour but que de maintenir l’esprit offensif de la troupe
Carnet 11 (16 avril – 21 mai 1917)
Retour de permission
494. critique de Nivelle = première sincérité de la presse (02/05/17)
498. le je m’en fichisme du commandement
Carnet 12 (22 mai – 24 juillet 1917)
511. permissionnaires font état d’effervescence sur le parcours
514. au 234 on chante l’Internationale, série d’incidents
527. échos de nombreuses rébellions
529. finalement, la peur des sanctions et l’amour-propre l’emportent
Carnet 13 (3 – 27 août 1917)
551. un troupeau morne et triste, mais surveillé de près
555. des Russes, ivres
Carnet 14 (28 août – 30 octobre 1917)
578. nouvelles d’Italie (Caporetto)
Carnet 15 (11 novembre 1917 – 16 février 1918)
583. à Libourne, on ne se croirait pas en guerre
588. une femme évacuée raconte que les Boches ont coupé les mains de tous les jeunes enfants
598. comment les hommes peuvent-ils tenir ? (16/01/18)
…. Carnet 18 (31 octobre 1918 – 30 janvier 1919)
657. c’est la puissance matérielle qui permet de gagner la guerre
658. le 11 novembre 1918 : ravissement extatique
660. soldats californiens n’ont qu’une pensée : rentrer chez eux
Postface par André Bach :
Les derniers carnets montrent la lente usure morale et physique. Rescapé de Verdun, Marc Delfaud se referme sur lui-même ; il est comme en hibernation.