Castex, Anatole (1888-1916)

1. Le témoin

Anatole Castex est né le 16 novembre 1888 à Masseube dans le Gers. Il demeure 8 boulevard Saint-Pierre à Mirande (Gers). Ancien élève du petit séminaire d’Auch et du collège de Girmont, ancien sillonniste de 1909-1910, « très marqué par son milieu social fortement influencé par l’église catholique, [il] était aussi fervent patriote. L’idée de « Revanche », de sacrifice pour la patrie, allait de pair avec sa foi chrétienne » (pages 49-50). De la classe 1908 (numéro de matricule 677 au Corps et 130 au recrutement de Mirande), il fait son temps au 88e R.I. et atteint le grade de sergent-major. La guerre le surprend alors qu’il est sur le point d’entrer à Saint-Maixent. Il est nommé officier le 6 septembre 1914 au 288e R.I. d’Auch – Mirande (17e Corps – 34e division – 38e brigade) et est tué au grade de capitaine le 6 septembre 1916 entre 18 et 19 heures dans le bois de Vaux-Chapitre (Meuse) « alors qu’il tentait de colmater avec ses compagnies de mitrailleuses une brèche à gauche des carrières » (pages 49-50). Sa tombe n’a jamais été retrouvée.

2. Le témoignage

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Henry Castex, Verdun. Années infernales. Journal d’un soldat au front d’août 1914 à septembre 1916. Paris, Albatros, 1980, 187 pages (réédité chez Imago en 1996), non illustré. Présenté par son fils, l’historien Henry Castex, le parcours d’Anatole Castex a été reconstitué à l’aide des lettres qu’il envoyait à sa sœur ou à ses parents et pour quelques-unes conservées, à son épouse. Pour le présentateur, « ce témoignage irrécusable exprime les espoirs, mais aussi les désillusions de toute une génération de Français sacrifiés, martyrisés. Il révèle aussi que les combattants, gradés ou non, avaient conscience des erreurs commises en 1916 par le G.Q.G. qui n’avait pas cru à une attaque de grand style sur Verdun » (page 50). Il s’agit donc d’un ouvrage de lettres de guerre présentées en forme de carnet aux dates non suivies.

3. Analyse

Henri Castex, historien, a retrouvé la correspondance de son père, Anatole Castex, sous-officier puis officier au 288e R.I., adressée à sa sœur ou à ses parents entre le 13 août 1914 et le 6 septembre 1916, date de sa mort dans les carrières du Bois de Vaux-Chapitre. Dans un premier temps, Castex nous rappelle ce que fut la bataille de Verdun où plutôt, selon lui, des « deux Verdun » ; la première bataille s’est déroulée d’août 1914 à août 1916 et la deuxième d’août à novembre 1916. Il justifie clairement ce découpage chronologique singulier, qui rehausse le caractère pénible de la seconde période, avec le suivi du régiment de son père. Ce résumé succinct rappelle aussi « pourquoi Verdun ?« , point faible du dispositif français selon le GQG allemand qui veut « saigner à blanc » l’armée française par sa supériorité d’artillerie. Il clôt cet exposé par l’explication de son engouement pour la guerre, provenant de sa jeunesse, orphelin de guerre et bercé de pèlerinages sur les lieux de la mort de son père, dans lesquels il a ressenti un étrange sentiment de présence. L’introduction faite, Castex nous fait suivre sur le terrain le 288e R.I., régiment de réserve du 88e. C’est l’unité de son père qui quitte les vallées gasconnes le 13 août 1914 pour rejoindre Suippes et Sainte-Menehould avec la 67e D.I. Il reçoit un baptême du feu difficile le 24 sur la ligne Bouligny/Affleville et Eton. Replié au nord de Verdun, le régiment supporte une première attaque allemande dans les bois de Consenvoye-Haumont, où il perd 241 hommes. La guerre de position enterrera l’unité d’octobre 1914 à juin 1915 devant Saint-Mihiel et l’attaque allemande du 21 février 1916 la trouvera entre le Mort Homme et la Meuse. Il supportera bravement le terrible choc pour n’être relevé qu’au 14 mars. En septembre, le deuxième Verdun où les pertes seront plus terribles encore dans les attaques des 6 au 8 septembre qui coûteront à nouveau 1 007 hommes et 36 officiers. Le 22, il est relevé et se rend vers Pont-à-Mousson où il participe à une nouvelle guerre de position à partir du 30 septembre 1916. Là s’arrête ce court historique de régiment pour passer à l’essence même de ce livre et de la volonté de l’auteur ; la vie du soldat au front d’août 1914 à septembre 1916 par les lettres d’Anatole Castex, son père. Le présentateur se propose en effet d’extraire des correspondances envoyées à sa sœur et à ses parents le comportement des combattants de cette unité de réserve. Pour ce faire, Henri Castex regroupe de manière thématique et chronologique les correspondances selon les sentiments exprimés par le rédacteur ou sa situation géographique. Le 25 août 1916, Anatole Castex annonce qu’il retourne à Verdun. Il n’en est pas effrayé et dit partir « l’âme tranquille et sereine » avec l’envie d’en découdre à la première occasion, en faisant « ronfler » ses mitrailleuses. C’est en effet au cours d’une tentative de colmatage d’une brèche à gauche des carrières de Vaux-Chapitre qu’il est tué le 6 septembre 1916 à la tête de sa compagnie de mitrailleurs. L’ouvrage se termine par une bibliographie sommaire. Henri Castex nous donne à lire un livre simple, reflet des correspondances de son père. Le résumé de la bataille de Verdun est présenté de manière originale, faisant état de deux batailles, mais incomplète et manquant de clarté dans sa justification. On comprend toutefois à l’étude détaillée de l’ouvrage que Castex légitime ce sentiment de deux batailles distinctes par les deux affectations successives du 288e R.I. dans le secteur de Verdun où il va supporter deux violentes attaques en septembre 1914 (celle qui coûta la vie à Henry-Alban Fournier) et le 21 février 1916 avant d’y revenir le 23 août pour participer aux nouvelles attaques de septembre 1916. Les lettres sont sobres, familières et les sentiments de leur auteur sont simples, tournés vers Dieu et la beauté des choses. Très vivantes, parfois candides, elles illustrent les émotions du combattant, balancé entre le devoir, la confiance, la mélancolie et l’attente d’une fin rapide des souffrances réelles des combattants. Henri Castex les utilise sans ajout, avec quelques commentaires opportuns et sa présentation thématique aiguille le lecteur sur les sentiments du scripteur. L’ouvrage est finalement utile à l’historien pour le complètement des informations sur les sentiments des combattants et leur perception de la guerre. Même si l’analyse psychologique n’est pas profonde, plusieurs émotions sont exposées simplement (l’espoir, la confiance, le sentiment religieux, la perception de l’environnement, mais aussi le fatalisme, le cafard et la pesanteur de l’attente de la fin des souffrances réelles) et avec une certaine candeur. On retrouve également quelques caractères récurrents : espionnite, idées fausses du manque de chevaux, d’essence et de vivres, d’hommes chez l’ennemi ivre d’éther (page 105) ou rage contre les embusqués (pages 70 et 112), animaux mascottes, etc. C’est donc finalement dans la partie lettres de guerre que le lecteur trouvera le plus intéressant de l’ouvrage qui apporte un autre regard, tout aussi utile que celui des milliers d’autres combattants qui ont transcrit leurs sentiments et que l’on a édités. Castex a retenu semble-t-il le meilleur des correspondances et les a reporté judicieusement.

Yann Prouillet, juillet 2008

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