Minvielle, Paul (1890-1956)

1. Le témoin

Né à Pau en 1890, devenu médecin, Paul Minvielle était passionné de photographie. Après la guerre, il exerça la profession de médecin à Pau.

2. Le témoignage

Pierre Minvielle, La guerre de mon père. Un photographe dans les tranchées (1914-1918), Biarritz, Atlantica, 2004, 153 p.

3. Analyse

Ce livre m’a été signalé pour deux photos de fraternisation prises dans le même secteur par le docteur Paul Minvielle. Comme dans le récit du caporal Barthas (p. 215-216), les pluies et l’effondrement des tranchées sont à l’origine de la trêve. Il fallut sortir à découvert. Une photo de Paul Minvielle (p. 78 dans le livre de son fils) représente au premier plan un groupe de soldats français et, à l’arrière-plan, mais à très courte distance, un groupe d’Allemands, debout, qui regardent. Cette photo a été publiée dans L’Illustration du 15 janvier 1916 avec comme légende : « Face à face après une explosion de mine. Au premier plan, un capitaine du génie qui vient diriger les travaux d’organisation du rebord français de l’entonnoir ; au fond, les Allemands. » Sur la même page, L’Illustration donne une autre photo qui semble de même origine (mais celle-ci n’est pas mentionnée) et a pour légende :

« Les Allemands sortis de leurs tranchées, sans armes, après avoir renoncé à occuper l’entonnoir. On lisait dans le communiqué du 8 décembre : « Au nord d’Arras, à l’ouest de la cote 140, nos tirs de barrage ont arrêté net une attaque allemande qui se préparait à la faveur d’une explosion de mine. » C’est le sol bouleversé par cette explosion que montrent nos photographies. La boue était telle, le 9, qu’il était matériellement impossible aux hommes, du côté français comme du côté allemand, de se disputer l’entonnoir où ils se seraient tous enlisés : ils durent se borner, de part et d’autre, à en organiser les rebords. »

Les mots de « trêve » et « fraternisation » ne sont évidemment pas prononcés. Cette légende n’explique pas pourquoi, des deux côtés, on est à découvert, sans armes, et visiblement pas en train de travailler. La fameuse revue illustrée n’a pas publié la deuxième photo du livre de Minvielle (p. 80) qui représente un groupe mêlé de Français et d’Allemands, souriant à l’objectif du photographe. A juste titre, la légende sur le livre distingue trêve et fraternisation : « Au cours de la trêve, certains soldats des deux camps ont fraternisé comme en témoigne cette photo inédite. »

Les autres clichés reproduits dans l’ouvrage concernent le front en Artois en 1915 : canons, « saucisses », abris, postes de secours, groupes, convoi de PG, tombes… Une photo représente une messe célébrée au pied des hauteurs de Notre-Dame de Lorette : on remarquera l’installation sommaire, la faible participation, le drapeau tricolore brodé d’un Sacré-Cœur. Les photos de groupes sont mises en scène avec beaucoup de soin. S’y ajoutent des vues des ruines d’Arras.

La deuxième partie du livre donne d’intéressantes photos du front d’Orient : Salonique, Florina, Monastir, Prilep… Au milieu d’une « macédoine » de populations, Grecs, Turcs, Slaves, Albanais, Juifs, les tirailleurs sénégalais du 20e bataillon se comportent en spectateurs des curieuses coutumes locales. Pourquoi faut-il que la présentation du livre par Pierre Minvielle nous informe que les Alliés ont été contraints d’ouvrir le front d’Orient [c’est en 1915 qu’il a été ouvert] « pour suppléer la défection de la Russie bolchevique » ? Ce n’est peut-être qu’une maladresse d’expression, mais elle est regrettable.

Rémy Cazals, 11/2007

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