1. Le témoin
Né le 2 janvier 1895 à La Neuvelle-lès-Scey (Haute-Saône) dans une famille paysanne de six enfants. École normale d’instituteurs de Chaumont. Appelé de la classe 15, sergent en juillet 1915, sous-lieutenant en mai 1917. Avec le 60e RI en Champagne où il est blessé (septembre 1915) ; avec le 42e dans la Somme en septembre 1916 ; dans l’Aisne au printemps 1917, à Verdun en octobre ; deuxième bataille de la Marne où il est à nouveau blessé en juillet 1918. Emile Morin se marie en 1919. Il exerce les fonctions d’instituteur jusqu’en 1951 et milite au sein d’associations d’anciens combattants. Il meurt en 1980.
2. Le témoignage
Emile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, 336 p., illustrations.
Retrouvé et publié par son fils, son témoignage suit de près les notes prises au jour le jour.
3. Analyse
On y retrouve, concrètement exposés les gestes du soldat puis du gradé de la tranchée : poser un réseau de fils de fer ; lutter contre la boue ; fabriquer cannes, bagues et autres objets ; pester contre les chefs, les embusqués, le bourrage de crâne et l’incompréhension de l’arrière… Mais aussi des remarques plus fines sur l’hostilité des fantassins pour « les crapouillots » dont le tir va provoquer des représailles ; l’apprentissage des jeunes auprès des anciens ; les trêves tacites ; « les bruits de la nuit » ; les symptômes précurseurs de l’attaque ; la participation aux soins à des blessés français d’infirmiers allemands capturés… Il ironise sur l’exaltation par l’arrière de la baïonnette et du corps à corps ; il note le rejet par la majorité des combattants des coutelas de boucher qu’on leur distribue en septembre 1915 (voir aussi Louis Barthas) ; il condamne les massacres inutiles de Champagne et d’Artois. Il écrit un passage sur le scandale de l’exécution du soldat Bersot et les pèlerinages de ses camarades sur le lieu du crime. Le long passage sur les mutineries du 6 juin 1917 à Ville-en-Tardenois est à verser au dossier de ce mouvement de révolte au sein de l’armée française (largement cité dans le livre de Denis Rolland, La grève des tranchées. Les mutineries de 1917, Paris, Imago, 2005).
Vers la fin de son texte, Émile Morin écrit : « Ayant survécu, j’avais atteint l’objectif qui, pour tous les Poilus, s’était placé depuis longtemps avant tous les autres buts de guerre, qu’il s’agisse de la délivrance de l’Alsace et de la Lorraine, ou de la défense du Droit et de la Liberté ! »