Séminaire de recherche animé par Anne Hertzog et Nicolas Offenstadt
Date et horaires : Tous les premiers mardis du mois, d’octobre 2010 à juin 2011 de 17h à 19h.
Contacts : hertzog.anne@wanadoo.fr nicolas.offenstadt@univ-paris1.fr
Voir le programme détaillé (format pdf).
Depuis quelques décennies, l’intérêt pour la Grande Guerre prend de l’ampleur dans la société française. Aussi, dans les territoires marqués par le conflit, des acteurs toujours plus nombreux préservent, exhument, interprètent, muséifient les traces de la Grande Guerre, en un mot les patrimonialisent.
Mais comment cette relation à la Guerre et à ses espaces se construit-elle, s’invente-t-elle en héritage à préserver, à transmettre et à valoriser ? En quoi la trace de guerre est-elle une production sociale à la fois matérielle et immatérielle sans cesse réinvestie révélant un rapport particulier au passé et au territoire ?
Le séminaire permettra de s’interroger sur la manière dont les acteurs se saisissent et s’approprient ce passé par les lieux. Il apparaît en effet que les modalités de sélection, de préservation et de valorisation des traces de la guerre varient fortement selon les espaces et les époques.
Elles ont profondément évolué ces dernières décennies sous l’effet de recompositions territoriales, de l’affirmation de nouveaux acteurs, de la redéfinition du rôle de la culture dans l’aménagement et le développement des territoires, sans oublier l’intensification des mobilités touristiques et le développement de l’histoire comme pratique populaire. Aux enjeux mémoriels et politiques s’ajoutent des enjeux économiques, identitaires et de nouveaux impératifs de développement.
Quels savoirs mais aussi quels imaginaires associés à la guerre sont mobilisés pour en faire un facteur d’attractivité et de requalification des territoires ? Quels registres sont utilisés dans le traitement des lieux de combat pour rendre ce patrimoine « désirable » ?
La patrimonialisation peut être un processus conflictuel comme le montrent les débats suscités par « le tourisme de mémoire » ou par la place attribuée aux traces de la guerre dans les projets urbains. Mais elle sert aussi à bâtir du lien social et à forger des communautés. Les pratiques sociales liées à la patrimonialisation—fouilles, entretien de vestiges, commémorations, fêtes…
— suscitent en effet de nombreuses formes de sociabilités, de participation à la vie collective, produisent de la « localité ». Aussi, les lieux de l’ancien front connaissent-ils des usages hybrides qu’il convient de bien cerner.
L’espace de la patrimonialisation ne se limite toutefois pas aux « régions du front »,mais s’étend à l’ensemble du territoire national, à travers les monuments aux morts, les plaques du souvenir, les inscriptions, mais aussi par les projets muséographiques et scolaires. Cet espace de la patrimonialisation est donc un espace discontinu, contrasté et sans cesse recomposé sous l’effet d’une tension permanente entre l’exhumation, la conservation et l’effacement de l’héritage de la guerre qu’il convient d’interroger.