Rémy Cazals, André Loez, La vie au quotidien dans les tranchées de 1914-1918, Pau, Cairn éditions, 2008, 296 p., 20 €.
4 de couverture :
Alors que tous les combattants français de 1914-1918 ont disparu, ce livre s’attache à faire revivre et comprendre leur expérience. Pendant la Grande Guerre, tous les mobilisés n’ont pas combattu, tous les soldats n’ont pas vécu dans les tranchées face aux tranchées allemandes. Ce livre s’intéresse aux hommes des tranchées, les fantassins ; il explore tous les aspects de leur terrible quotidien. Une telle plongée dans l’univers du conflit est rendue possible par les nombreux témoignages que ces hommes ont laissés, carnets, souvenirs et lettres, et qui sortent depuis quelques années des tiroirs où ils dormaient. Ce livre veut donner la parole à ces hommes, directement ; ils ne seront pas vus ici par leurs chefs, par des observateurs prudemment restés à l’arrière, ou par ceux qui étaient sur le front avec l’intention de produire une œuvre littéraire. Ces hommes ordinaires disent avec précision, parce qu’ils l’ont vécue, l’horrible réalité de la vie matérielle, dans la boue, sous les obus ou face aux balles des mitrailleuses, leurs réactions à la violence commandée et subie, l’expression de leurs sentiments, de leurs espoirs, de leur désespoir. Ce qu’ils pensent de la guerre et de la paix, de leurs chefs et des gens de l’arrière. Comment ils se comportent vis-à-vis de leurs ennemis. Les valeurs qui apparaissent dans leurs récits sont celles de la vie civile en temps de paix, confrontée aux exigences d’une guerre inhumaine.
Pour répondre à ces intentions, seront développés les points suivants :
– La « découverte » de la guerre des tranchées, une guerre inattendue, qui a surpris les survivants de la guerre de mouvement de l’été 14, puis les renforts et les jeunes classes mobilisées par anticipation.
– Les formes du combat, la mort à affronter. Les moments les plus critiques : subir les bombardements, sortir de l’abri précaire des tranchées pour passer à l’attaque, « nettoyer » les positions prises à l’ennemi. On évoquera le sort des cadavres, les blessés et le service de santé qui les prend en charge, le moment de la capture, les disparus.
– La vie des tranchées est aussi faite de travail de terrassement pour les construire et les entretenir, de corvées de transport de matériaux, munitions, ravitaillement ; la boue est alors l’ennemi n° 1.
– Vivre dans les tranchées demande une forte capacité d’adaptation à des formes de vie inhumaines (les comparaisons animalières sont fréquentes) ; dormir, manger, boire, se laver… ; vivre au sein d’une nouvelle famille, l’escouade, en conservant un lien ténu mais extrêmement important avec la vraie famille restée « au pays ».
– Ces combattants vivent et meurent sous le regard des autres. Eux-mêmes, les hommes des tranchées, portent un regard parfois confiant, souvent critique sur les chefs, sur l’arrière où l’embusqué est à la fois détesté, méprisé et envié, sur les femmes désirées et absentes. Quant aux relations avec l’ennemi, elles vont des flambées de haine, ponctuelles, aux fréquentes trêves tacites et même, parfois, jusqu’à la fraternisation.
– Dans les tranchées, on cherche à donner du sens à cette vie qui semble n’en avoir point. Lorsque cela devient impossible, on s’effondre, on cherche à échapper de toutes les manières, jusqu’aux refus d’obéissance qui ont pris un caractère collectif en 1917.
– Les hommes des tranchées ont eu le souci de garder trace écrite de leur expérience traumatisante et de la transmettre aux autres et à la postérité, afin de condamner tous les bourrages de crâne qui insultaient leur misère.
– La force et l’originalité de ce livre tiennent à la connaissance solide que les auteurs ont de leur sujet, et à l’utilisation de dizaines de témoignages d’authentiques hommes des tranchées, souvent inédits.
Rémy Cazals et André Loez, historiens, ont écrit de nombreux ouvrages sur la Grande Guerre. Tous deux membres fondateurs du CRID 14-18, ils ont organisé et publié d’importants colloques internationaux d’histoire. Ils nous livrent ici le résultat de leurs recherches, à destination du plus large public.