Parution: témoignage d’Albert Marquand, postface d’André Bach

Et le temps, à nous, nous est compté. Lettres de guerre d’Albert Marquand, 1914-1919, C’est-à-dire éditions, 2010, en souscription jusqu’au 15 janvier 2011 à 22 € + 4 € de port.

Présentation par André Bach:

Parmi les nombreux facteurs socio-culturels ayant une influence sur le comportement des combattants, un des plus clivants est celui constitué par l’âge. L’armée française  a mobilisé les hommes valides de 20 à 45 ans : recrues en cours de service, réservistes, territoriaux et réserve de l’armée territoriale. On ne voit pas  la vie et la guerre qui se déroule de la même manière à 20 ans, 30 ou 40. Albert Marquand est un de ces jeunes hommes de la classe 1915 qui, à l’effectif  de 279 000, a été incorporée en décembre 1914 et a laissé sur le champ de bataille 77 000 de ses membres, soit le deuxième taux le plus fort après celui de la classe 1914.

Cette génération est entré dans la guerre, mineure légalement, sous forte dépendance affective parentale et en est sorti, adulte, émancipée. Elle a profondément évolué à partir des expériences accumulées et sous l’influence de toutes sortes de facteurs qui  se sont trouvés plus ou moins prépondérants au gré des circonstances , si imprévisibles dans le chaos de la guerre.

Albert Marquand, bien doué physiquement et intellectuellement, nous donne un exemple de parcours évolutif au sein du conflit. Curieux de voir la guerre et de s’y bien comporter, prêt, pour faire plaisir à ses parents à gagner du galon  pour leur faire honneur, il marche au feu avec détermination, comme il l’indique à son père à la veille de rejoindre les tranchées : « « Tu peux être sûr qu’en toutes circonstances ton fils fera son devoir ».Nommé sous-officier et décoré de la croix de guerre sur le terrain, il ne s’est néanmoins jamais remis de son premier combat dans l’Argonne, où son unité a été submergée par l’ennemi en juillet 1915. Dès lors, il accomplira son devoir tout en cherchant toutes les occasions légales où à la limite de la légalité pour esquiver les aléa de la confrontation armée. C’est ainsi que ce sous-officier, bien noté et apprécié de ses chefs, ses pairs et ses subordonnés, va en 1918 décider l’abandon de son grade et retourner 2° classe pour devenir opérateur TSF en prévenant ses parents qu’il tient là sa chance de survie à la guerre. Choqué par les cris de victoire entendus à l’arrière le 11 novembre 1918, il écrit à ses parents le 12, sur un ton un tantinet agressif : « En ce qui me concerne, je considère une chose : c’est que je suis arrivé à traverser la tourmente, les membres à peu près intacts. C’est une affaire pour moi, savez-vous ! »

Ce témoignage constitué de la retranscription des lettres d’Albert Marquand à ses parents et à ses jeunes frères, de son carnet de route tenu sur une courte période et d’un impressionnant compte-rendu de qu’il a vu, fait et ressenti pendant la bataille de la Malmaison d’octobre 1917, est une invite à cesser de surinterpréter avec nos yeux d’aujourd’hui le comportement d’alors et de sortir du faux dilemme mono-descriptif : des soldats soit consentants soit contraints. La réalité comme le montre la lecture de ce passionnant témoignage ne se laisse pas aussi facilement être érigée en théorie. L’historien doit se montrer bien plus humble dans son approche de la mentalité des combattants.

Antoine Prost dans un récent commentaire sur le livre d’André Loez, 14-18. Les refus de guerre. Une histoire des mutins, pose bien ce problème : « il est assez vain “de chercher dans les consciences des ‘raisons’ de tenir et de combattre, dans la mesure où aucun autre choix n’est disponible” (37). Il y a la guerre, un événement qui s’impose à tous, une évidence collective à laquelle les individus s’adaptent. Ils n’ont pas le choix. Ce “fait national” est “de part en part un fait social, irréductible à la psychologie et à la culture ou au patriotisme des seuls individus” (43)[1]. »

Il est dommage que ce livre ne soit pas prêt pour la mi-novembre car il aurait pu servir d’introduction démonstrative au colloque international que le CRID organise dans l’Aisne les 12 et 13 novembre  2010 : les identités nationales au prisme des identités sociales »

En bref, vous l’aurez compris, l’auteur de ces lignes, qui a postfacé à cet ouvrage , eu égard à son intérêt, conseille fortement l’acquisition et la lecture sans modération de ce livre encore en souscription, qui fait progresser dans la réflexion de la question lancinante : «  Mais comment ont-ils tenus ? »


[1]. « Compte rendu de André Loez, 14-18. Les refus de la guerre. Une histoire des mutins, 2010 », Le Mouvement Social, et en ligne : http://mouvement-social.univ-paris1.fr/document.php?id=1642. Les citations en italique sont tirées du livre d’André Loez, le reste constitue le commentaire du professeur Antoine Prost.

Parution : Combats. Hommage à Jules Maurin

Œuvre collective, cet ouvrage témoigne en premier lieu de la vitalité de l’Histoire militaire renouvelée et de ce que d’aucuns appelèrent l’École de Montpellier. Il y a en effet plus de quarante ans naissait à l’Université Paul Valéry de Montpellier le premier centre de recherche universitaire français spécialisé dans l’histoire militaire et les études de défense. Véritable pépinière de chercheurs, cette école a essaimé au-delà de ses murs et généré nombre de travaux importants. Parmi ceux-ci figurent assurément les recherches menées par Jules Maurin sur les soldats de la Grande Guerre ; aujourd’hui encore, pour tous ceux notamment qui questionnent ce conflit et les sociétés en guerre, son ouvrage Armée-Guerre-Société soldats languedociens 1889-1919 (1982) demeure comme un jalon incontournable dans l’historiographie de la Première Guerre mondiale. C’est donc en pensant particulièrement à cet historien et aussi pour jeter un nouvel éclairage sur ses travaux qu’un certain nombre de ses collègues et de ses anciens étudiants se sont réunis pour composer ce livre. À partir d’articles inédits s’inscrivant dans les débats actuels, Combats décline en définitive les trois dimensions de la guerre — la théorie, le combat, la sortie de guerre — des Croisades à… la guerre d’Afghanistan, sans omettre d’accorder une large place à l’histoire des poilus de 14-18.

Jean-François Muracciole et Frédéric Rousseau (dir.), Combats. Hommage à Jules Maurin, Michel Houdiard Editeur, 2010.

Parmi les contributions, des articles concernant la Grande Guerre par Jean-Jacques Becker, André Loez, Rémy Cazals, Oddon Abbal, Gérard Cholvy, Jean-Claude Hélas, Elie Pélaquier, François Cochet, Yves Pourcher, Rémy Pech et Frédéric Rousseau.

Parution: N. Offenstadt, La Grande Guerre aujourd’hui

14-18, un sujet de savant ? Bien au contraire !Depuis une dizaine d’années, nombre de romans ont été publiés avec pour toile de fond la Grande Guerre, Un long dimanche de fiançailles a attiré plus de quatre millions de spectateurs, et même la chanson et la musique s’y mettent. D’innombrables associations animent aussi la zone de l’ancien front. Bref, 14-18 donne lieu à des pratiques sociales et culturelles d’envergure. Quant aux hommes politiques, ils ne sont pas en reste et s’emparent des hauts lieux de la guerre pour parler du présent.

D’où vient cet intérêt ? Que nous révèle-t-il quant à la mémoire de cette guerre, à notre rapport au passé et au rôle que joue l’histoire dans notre société ?

Auteur notamment des Fusillés de la Grande Guerre et du Chemin des Dames, Nicolas Offenstadt est maître de conférences à l’université Paris-I.

Nicolas Offenstadt, 14-18 aujourd’hui. La Grande Guerre dans la France contemporaine, Paris, Odile Jacob
ISBN 978-2-7381-2534-7, octobre 2010, 145 x 220, 208 pages. (21.90  €)

Parution: Historiographies

Parution du dictionnaire d’historiographie (Historiographies. Concepts et débats, Folio histoire, 2010) dirigé notamment par Nicolas Offenstadt

2 vols, 1300 p. 80 auteurs et 125 notices, dont  “L’historien et le Témoin”, “La Grande Guerre”, “Histoire culturelle en France”, “L’histoire-Bataille”, “Mémoire collective” etc…  Avec des contributions de membres du Crid 14-18, dont Nicolas Offenstadt, Nicolas Mariot, Emmanuelle Picard et Philippe Olivera.

Parution: La Grande Guerre, par André Loez

Présentation:

Près d’un siècle après l’événement, la Grande Guerre reste d’une étonnante présence dans la mémoire, les productions culturelles et l’espace public. Elle suscite un foisonnement de recherches qui renouvellent les connaissances dans tous les domaines, des approches politiques et diplomatiques à l’histoire économique et sociale, et, plus récemment, à celle des sensibilités, des identités ou de la violence. Ce livre en propose une synthèse précise et accessible. Il aborde des débats interprétatifs encore vifs : quelles sont les causes du conflit ? Quel sens donner aux entrées en guerre de 1914, et peut-on y lire une adhésion à la guerre ? Comment expliquer l’intensité de la violence ? S’agit-il déjà d’une guerre totale ? Pourquoi les combattants ont-ils obéi ou désobéi ? Quels ont été les effets sociaux du conflit ? Pourquoi son règlement est-il resté si fragile ?
Pour répondre à ces questions, l’ouvrage propose un récit complet et détaillé, attentif aux spécificités nationales, nourri de références bibliographiques, permettant une première approche comme une étude plus approfondie de la période. Il s’attache à restituer les logiques sociales qui ont permis aux États, aux sociétés et aux individus d’endurer l’immense épreuve de 1914-1918.

André Loez, La Grande Guerre, Paris, La Découverte, collection « Repères », 2010, 128 pages, 9,50€, ISBN: 2707158631.

Parution: Inventaire des sources de la Première guerre mondiale. Préface par André Bach.

La BDIC annonce la parution d’un indispensable instrument de travail, préfacé par le général André Bach (lire la préface ci-dessous), qui complète le très riche dossier pédagogique et les numérisations de Journaux de tranchée, accessibles ici.
 
Aldo BATTAGLIA, Archives de la Grande Guerre. Inventaire des sources de la Première guerre mondiale conservées à la BDIC
Nanterre : Presses Universitaires de Paris Ouest / BDIC – 443 p.
Prix : 20.00 €
ISBN : 978-2-84016-061-8
4e de couverture :
Personne ne lit un catalogue d’archives du début à la fin. Heureusement ce guide des archives sur la première Guerre mondiale n’en est pas un.
Les matériaux, issus de quelque 150 fonds distincts conservés à la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine – Musée d’Histoire Contemporaine y ont été découpés afin de permettre une lecture thématique d’une société en guerre totale. On la découvre ici en fonction d’un éloignement progressif du front, de l’avant à l’arrière, des zones de combat, à l’endroit où l’on produit les certitudes patriotiques.

Au fil des chapitres, consacrés à la guerre vue de près, aux zones occupées, à l’enseignement, à la politique et à la diplomatie, on découvrira des témoignages, des notes, des documents en tout genre qui pourront contribuer aux travaux des chercheurs sur la Grande Guerre, que ce soit dans le domaine de l’histoire politico-diplomatique, militaire ou de l’histoire des mentalités.
Commande :
Brigitte GRATIA (BDIC) : 01.40.97.79.98 / brigitte.gratia @bdic.fr
Préface, par le général André Bach

L’Avenir : L’Inventaire thématique

Il faut saluer l’apparition de cet inventaire mis au point par Aldo Battaglia et qui vise à permettre aux chercheurs de bénéficier  de la richesse des fonds de la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine. On peut s’interroger sur les raisons qui ont fait que la BDIC ne s’est attelée à cette tâche que si longtemps après s’être retrouvée dépositaire de fonds traitant du premier conflit mondial. La question n’a désormais plus d’intérêt puisque cette absence de réactivité initiale nous permet de découvrir un inventaire, qui outre sa richesse quantitative, bénéficie d’un saut qualitatif.

La pratique bien ancrée en matière de technique archivistique privilégie en effet traditionnellement la mise en inventaire en fonction des organismes producteurs de ces dernières, à savoir souvent les administrations. Par ce moyen, la neutralité des archivistes est préservée, puisque ces derniers, ce faisant, s’effacent totalement devant les institutions. Le procédé n’est pas mauvais et a permis à des générations d’historiens de pouvoir accéder aux archives dans de bonnes conditions, tâche leur étant laissée de mettre ensuite en questionnement les documents consultés issus de diverses origines. De plus en plus les archivistes s’enhardissent et sortent de leur confortable neutralité pour imaginer de produire des inventaires aptes à faire gagner du temps aux historiens. Pour cela, après avoir pris la mesure de l’ampleur et de la complexité des documents qu’ils sont chargés de faire connaître, ils procèdent, selon les méthodologies en vigueur dans la recherche historique, à une première opération qui consiste à discerner les lignes de force, les thèmes, qui sourdent de ces archives. Ceci étant, et heureusement cela ne les arrête pas, ils encourent le risque de se faire reprocher de sortir de leur cadre de travail et d’imposer aux chercheurs une lecture thématique de leur cru, propre à les influencer dans la construction de leurs champs de recherche. Le risque est minime au regard du gain escompté. Tout d’abord les archivistes ont une formation telle que leur incursion dans le travail initial des historiens est tout à fait légitime. La distinction entre archivistes et historiens n’a, en effet, pas beaucoup de sens dans la grande majorité des cas dans une profession confrontée en permanence au traitement des sources primaires de l’histoire. Elle l’est d’autant moins qu’elle est amenée très fréquemment à se poser le genre de questions auxquelles se heurtent les historiens,  et qu’elle est armée pour y répondre eu égard à la solidité de la formation scientifique initiale  de ses membres et au fait qu’elle intègre sans difficultés  en son sein du personnel qui a débuté sa carrière comme chercheur en matière historique.

Aldo Battaglia, responsable de l’établissement de ce riche inventaire, n’a pas reculé devant l’aventure thématique. Il a décelé, dans son vaste corpus,  comme lignes directrices quatre champs d’observation, qui, à mes yeux, sont très pertinents à singulariser quand on s’intéresse aux questions en rapport avec le conflit de 1914-1918.  Ces champs définis, il a regroupé sous ces différents thèmes les sources institutionnelles en les faisant voisiner avec celles collectées ou élaborées par les acteurs privés.  Ces quatre champs ont la particularité de se retrouver proches deux par deux.

Le premier regroupement renferme  deux sous-ensembles intitulés : «  La guerre vu de près » et «  Zones occupées ». Le chercheur intéressé pourra ainsi entrer rapidement dans l’univers archivistique qui traite de la vie de ceux qui ont subi la guerre sans pouvoir véritablement influer sur elle. Par opposition, le deuxième regroupement  traite de la superstructure étatique  au sens large du terme, de la minorité qui a eu à décider la guerre, la gérer, qui a contribué à s’assurer de l’adhésion  ou du non rejet des populations, populations  dont le ressenti et le vécu  apparaissent dans le premier regroupement. Cette dichotomie me paraît opérationnelle pour les chercheurs. Aldo Battaglia a subdivisé ce monde des décideurs,  en deux entités respectivement intitulées : «  Education, Enseignement, Université et questions intellectuelles » et «  Guerre, Politique et Diplomatie : les beaux quartiers ». Passons sur ce dernier qualificatif : «  les beaux quartiers », espèce de petite provocation facétieuse pour rendre moins austère ces têtes de chapitre et examinons le bien fondé de cette classification. Le thème «  Guerre, Politique, Diplomatie » est incontournable et tout chercheur se doit de prêter attention aux sources qui traitent de la gestion des guerres, qui sont des conflits interétatiques par essence en des périodes où l’Etat pèse énormément sur l’évolution du conflit et  sur les libertés publiques. Lui associer le thème » : «  Education, Enseignement, Université et questions intellectuelles » est d’une grande pertinence. Comme l’a démontré récemment et brillamment  l’historien Alan Kramer[1] ;

« La mobilisation des esprits a été essentielle pour résoudre et assurer la résistance au front et à l’arrière ».  Cette  œuvre a été orchestrée par les pouvoirs publics, qui ont veillé, en la couplant avec l’utilisation de la censure et à l’emploi d’une certaine dose de répression, à la diffusion des « bons » messages dans le système éducatif, tandis   que dans leur grande majorité les Intellectuels, sans incitation formelle étatique, ont anticipé et bien accueilli la guerre et joué un rôle moteur dans la mobilisation de la culture et des esprits.  Ils ont en effet rendu populaire l’idée de la guerre pour défendre la civilisation (Alliés) ou défendre une culture (Allemands), et, toujours selon Alan Kramer : «

La plupart ont maintenu jusqu’au bout les certitudes patriotiques de la mobilisation de temps de guerre, en particulier ceux qui ont joué un rôle dans la dissémination des valeurs culturelles (universitaires, clergé, académiciens) »

Ainsi Guerre sainte, croisade, guerre de défense, devoir moral, tâches qui plaisent à Dieu ont été parmi les principaux  thèmes  insufflés, surtout à l’arrière, durant toute la guerre.

Le regroupement de tout ce qui touche aux questions intellectuelles est donc non seulement pertinent mais aussi d’une grande aide pour permettre aux chercheurs  de mieux saisir les réalités de cette guerre où l’effort financier, économique, industriel a fait passer le conflit d’une lutte entre armées  à une guerre totale, à mort, entre peuples. Mobilisés physiquement les peuples ont été maintenus dans le conflit par le biais de leurs classes intellectuelles qui ont contre vents et marées proclamé  la nécessité d’aller jusqu’au bout.

On trouve donc dans ce sous inventaire des traces de cette action à l’œuvre ainsi que l’identification d’une partie de ceux qui ont concouru à cette entreprise.

L’élite intellectuelle s’est impliquée totalement dans la recherche de la victoire et le résultat de ses efforts se trouve recueilli ici.

Pour s’informer de ce que les combattants ont pensé de cette guerre, il faut changer de rubrique et dépouiller les sources décrites dans «  La Guerre vu de près »

Sans surprise, on y retrouvera des thèmes que Alan Kramer a énuméré sans affirmation d’exhaustivité : Entraînement militaire à obéir aux ordres, peur des punitions, des humiliations publiques, adaptation à une communauté solidaire, pression des pairs, aide aux camarades dont on dépend, fascination chrétienne de la souffrance, fatalisme, espoir de survivre, sens du devoir, acceptation de la mort, souffrance mais aussi désir d’avancer, de battre un ennemi invisible….

C’est faute d’avoir prêté assez peu d’attention aux témoignages des combattants de base et s’être focalisé sur les productions des intellectuels à l’arrière que certains chercheurs en sont arrivés à prendre les réflexions de ces derniers  pour celles des combattants. Il y a naturellement porosité entre ces sous parties de l’inventaire  et les opposer les unes aux autres n’a pas de sens  S’intéresser aux unes en négligeant les autres ne peut conduire  de même qu’à de fausses synthèses et à des conclusions, sinon totalement erronées, du moins à  valeur explicative insuffisante.

La constitution du sous-ensemble «  Zones occupées «  a elle aussi son importance. Si ce regroupement existe, c’est que les sources en rapport avec ce thème  sont fournies. En temps normal, noyées au milieu des archives institutionnelles, elles n’attirent pas de prime abord l’attention.
Pourtant la France est un des rares pays avec la Belgique et aussi la Serbie à avoir une la totalité ou une partie notable de son territoire occupé  et exploité par son adversaire.

Les populations qui l’ont subie ont mené durant quatre ans une vie misérable qui n’a pas été pour rien dans l’exode massif qui s’est produit en 1940. L’occupation a été très rigoureuse avec la volonté  de l’occupant de tirer du sol occupé tout ce qui pourrait servir l’effort de guerre germanique, le manque de docilité entraînant immédiatement des conséquences graves quant au déroulement des activités quotidiennes. Des travaux existent sur cette question mais l’abondance des sources doit inciter à approfondir la connaissance historique de la vie des populations sous la férule allemande. A un moindre degré l’amélioration de la connaissance de la vie des populations dans ce qui fut la zone de stationnement de l’armée britannique pourra se faire grâce à ces archives.

On peut admettre que ce dernier sous-ensemble constitue un regroupement un peu à part mais tout jeune chercheur qui débute  ses investigations sur la Grande Guerre doit naviguer  obligatoirement  au moins entre les trois sous-ensembles qui concernent respectivement l’activité étatique, l’activité de la strate intellectuelle et celle des combattants du front et s’obliger à des allers et retours entre ces trois gisements de sources regroupées par un effort intelligent d’analyse. C’est en croisant en permanence ce type de sources désormais regroupées en trois domaines incontournables qu’un garde-fou s’installera progressivement pour empêcher la surestimation ou la surexploitation d’archives ne relevant que de deux ou d’un seul domaine.

Ces conseils donnés, il ne reste qu’à souhaiter les recherches les plus fructueuses aux jeunes historiens attirés par l’approfondissement des connaissances sur le premier conflit mondial, recherches qui seront accélérées et facilitées par la décision de la BDIC de leur fournir des inventaires mûrement pensés et soigneusement élaborés.
Bonnes découvertes à tous

André Bach

Ancien chef du Service Historique de l’Armée de Terre


[1] Alan Kramer, Dynamic of Destruction, Culture and Mass Killing in the First World War, Oxford University Press, 2007, 414 pages. Voir en particulier le  chapitre 5 : «  Culture and War »

Parution: intégrale des articles de Jaurès dans La Dépêche

Les éditions Privat viennent de publier (septembre 2009) la totalité des 1312 articles écrits par Jean Jaurès dans le journal toulousain d’importance nationale La Dépêche, entre le 21 janvier 1887 et le 30 juillet 1914, la veille de l’assassinat du député de Carmaux au café du Croissant à Paris. C’est un livre de près de mille pages, avec textes de présentation des diverses périodes par Jean Faury, Alain Boscus, Georges Mailhos, Jean Sagnes, Rémy Pech et Rémy Cazals, avec index des thèmes, des noms de personnes et des noms de lieux. On peut trouver le livre dans toutes les bonnes librairies ou le commander aux éditions Privat (05 61 33 77 04).

Parution : Carnets de guerre d’un hussard de la République (Marc Delfaud)

Septembre 1914. « À celui qui trouvera le présent carnet, prière de le faire parvenir à Mme Delfaud, institutrice à La Barde par Saint-Aigulin, Charente-Inférieure. » Cette sobre phrase inscrite en tête du premier des 18 carnets de guerre de Marc Delfaud nous avertit : ce jeune marié, instituteur dans le civil, parti à la guerre sans même avoir pu embrasser sa femme, tient à lui laisser une trace de son passage dans cette machine à broyer les hommes. C’est pour elle, avant tout, qu’il tient son journal. Tel le miroir que Stendhal promenait au bord du chemin, son témoignage est toujours minutieux, spontané mais documenté. Et Marc Delfaud est un observateur digne de confiance : pacifiste, il est aussi un
patriote que l’on ne peut soupçonner d’aucun secret défaitisme. S’il a tenu à partager les misères de la piétaille des tranchées alors que son niveau d’études lui aurait permis de prendre du galon, ses opinions progressistes ne l’aveuglent en rien. Il n’y a nul sectarisme chez cet observateur lucide, qui sait que le peuple n’est pas exempt de tares et de vices, au front comme ailleurs. Delfaud, affecté au peloton des téléphonistes, est en permanence au contact du commandement, dont il observe la conduite sans complaisance. Il rend hommage à la valeur et l’humanité de nombreux officiers, mais il est révolté par l’arrogance de certains gradés et les brimades stupides infligées à des hommes qui ont les plus grandes chances de finir déchiquetés par les obus. On n’oubliera pas de sitôt ces portraits au vitriol : le colonel qui force les hommes à passer dans les mares de boue sous prétexte qu’ils sont déjà sales, cet autre qui lève sa cravache sur le soldat qui ne se dérange pas assez vite. Cet autre encore qui expédie chez lui, par malles entières, le butin pillé dans les villages évacués…
Marc Delfaud vérifie ses informations et les recoupe. Et quand elles ne sont pas de première main, il cite ses sources. Témoin intelligent, il sait lire entre les lignes les ordres et les bulletins, et en tire souvent des conclusions exactes. Le front, il le montre bien, est aussi le reflet d’un monde en pleine évolution. Face aux sous-officiers et officiers de carrière, encore empreints de routine bureaucratique et de préjugés de classe, les mobilisés sont désormais des citoyens, formés par l’école publique de la IIIe République ; ils veulent bien accepter de sacrifier leurs vies, mais non d’être insultés, combattre, mais non crever comme des cloportes dans des trous fangeux et puants.
Il ne faudrait cependant pas croire que Marc Delfaud n’est qu’un observateur froid à force d’être lucide. S’il absorbe toutes les informations, son œil demeure sensible à ce qui reste de beauté dans cet univers de feu et de folie : le ciel et ses nouveaux oiseaux de métal, dont on peut oublier, quand on les voit de loin, qu’ils sont aussi des moyens de destruction ; les bribes de paysage, les objets miraculés, l’indestructible aptitude de l’homme à créer la beauté jusqu’en
enfer. En témoigne sa rencontre avec ce curieux musicien, en mars 1915, qui « sort de son sac un archet fait avec un morceau de bois et des crins de cheval, et un violon dont une boîte à cigares et un manche à balai ont fait tous les frais », et qui en tire des sonorités insoupçonnées qui font oublier aux Poilus, l’espace d’un instant, la guerre et la mort qui rôde.
Frappé par la finesse et la qualité littéraire du récit de Marc Delfaud, le général André Bach, ancien chef du Service historique de l’Armée de terre qui, depuis plus de dix ans, réfléchit sur le premier conflit mondial à partir des archives militaires et de son expérience d’officier, voit en ce livre l’un des très rares documents mis au jour récemment qui soit capable de changer notre vision de
la Grande Guerre, Les notes et l’apparat critique très complets qu’il a rédigés pour cette première édition en font bien davantage qu’un témoignage : une source historique à part entière.

(Présentation de l’éditeur)

Marc Delfaud, Carnets de guerre d’un hussard noir de la République, éditions italiques, 2009. Ouvrage édité par André Bach et préfacé par Antoine Prost.

Parution: Actes du Colloque d’Agen/Nérac – 14, 15 novembre 2008 La Grande Guerre aujourd’hui : Histoire(s), Mémoire(s).

En quelques décennies, grâce à l’apport de recherches nouvelles et à l’étude de témoignages de combattants, le regard porté sur la Grande Guerre a considérablement changé : un temps présentés comme « les résidus d’un monde qui avait failli » (Maurice Genevoix), les poilus jouissent aujourd’hui d’une image positive. Le conflit de 1914-1918 est massivement commémoré et devenu un objet historique fascinant. La vigueur des débats actuels entre historiens nous montre d’ailleurs qu’il n’a pas encore fini de nous interpeller.

Quels enjeux se cachent derrière cette évolution ? Quelles questions posent l’écriture et la transmission de l’histoire de la Première Guerre mondiale ? À partir de quelle(s) mémoire(s) ? Et pourquoi, quatre-vingt-dix ans après les faits, ce conflit suscite-t-il un tel engouement ?

C’est à toutes ces questions que le colloque « La Grande Guerre aujourd’hui : Mémoire(s), Histoire(s) », organisé à Agen et à Nérac en novembre 2008 par l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Agen et la société historique des Amis du Vieux Nérac, a tenté de répondre en mettant au cœur de la thématique les diverses représentations de 1914-1918 : mémoires dominantes ou oubliées, individuelles ou familiales ; mémoires artistiques investies par le cinéma, la gravure, la littérature jeunesse ; perception du conflit par les historiens, les programmes et les manuels scolaires… Et comme l’histoire et la mémoire ne peuvent plus être cantonnées dans une seule réflexion franco-française, certaines contributions donnent au colloque un caractère ouvert et international.

Les auteurs proposent par conséquent des sujets originaux présentant « les destins des combattants », « les mémoires oubliées et/ou conflictuelles », « la Grande Guerre dans les productions artistiques » et « la Grande Guerre comme enjeu pédagogique ».

Plusieurs membres du Crid 14-18 ont contribué à l’organisation et aux riches interventions publiées ici, mettant l’accent sur une approche sociale et « pédagogique » de l’histoire de l’événement Grande Guerre et des mémoires qui lui sont liées.

– Autour de la publication :

Présentation officielle des actes au Conseil général de Lot-et-Garonne le mercredi 21 octobre 2009 à 18h à l’hôtel du département, en présence de plusieurs intervenants du colloque.

– Questions et discussions autour des actes lors des 2e Journées du livre d’histoire de Nérac, samedi 24 octobre 2009, Nérac, Caves du Château, 17h, entrée libre.

Prix : 18 euros (chèque à l’ordre des « Amis du Vieux Nérac ») sans frais d’envoi.

Contact : Céline PIOT, Chemin des Aiguillons 47230 Lavardac,  celine.piot@netcourrier.com

Parution : Archives inédites des communes de l’Aisne

Qu’elles aient été situées dans la zone occupée par les Allemands, dans la zone de front ou dans la zone restée libre, les communes de l’Aisne ont été très durement touchées par la Grande Guerre.

C’est à travers des documents d’archives issus des fonds communaux qu’est présentée la vie quotidienne dans l’Aisne pendant la guerre et l’immédiat après-guerre. On y découvre les soldats à l’heure des exercices de cantonnement, prisonniers, blessés mais aussi publiquement honorés par la Patrie pour leur sacrifice. On y voit les civils en butte aux difficultés de ravitaillement ou de circulation, à la merci de l’occupant puis tentant, après guerre, de relever les ruines pour reprendre une vie normale.

Destiné à faire connaître la richesse des archives communales, cet ouvrage richement illustré met en valeur des documents issus des fonds communaux des Archives départementales de l’Aisne ou encore conservées dans les communes.

Collectif (S. Rembert, A. Roelly dir.), 90 ans après. Archives inédites des communes de l’Aisne dans la Grande Guerre

Postface d’Antoine Prost.

Archives départementales de l’Aisne, 2008, 248 p.