Issue d'une thèse soutenue en 1999 à l'IEP de Paris, cette publication offre la première étude détaillée sur la Fédération nationale catholique qui fut dirigée dès sa création à l'automne 1924 par le général De Castelnau. L'auteure montre que cette Fédération, qui ne fut jamais un parti politique et qui s'est toujours refusé à le devenir, est née au moment où les catholiques, mieux intégrés à la nation et ralliés pour nombre d'entre eux à la République, se sentirent menacés par la politique du Cartel des Gauches. Il s'agit donc là plus d'un mouvement né pour réagir contre une politique jugée par lui néfaste que d'un parti politique ou d'une ligue structurée autour d'une idéologie très précise. La F.N.C., association regroupant des laïcs dont l'assise sociologique est et demeurera assez vaste, voulut toujours conserver gràce à la forte personnalité de son président - son indépendance tant à l'égard de la hiérarchie ecclésiastique que des groupements politiques de droite.
Puissant mouvement qui en moins de deux ans réussit à fédérer pas moins de deux millions de personnes originaires issues de toutes les sensibilités politiques du catholicisme, la F.N.C. s'est efforcée de poursuivre l'oeuvre amorcée par le clergé durant la Grande Guerre. Elle a voulu rechristianiser le pays en défendant un catholicisme de tradition , en luttant en faveur du maintien de l'école libre et en s'opposant conjointement à la franc-maçonnerie et au communisme. Analysant de près les rapports de la Fédération avec les ligues d'extrême droite et consacrant un chapitre particulier aux rapports entre la F.N.C. et l'Action française, Corinne Bonnafoux-Verrax montre que le mouvement catholique s'efforça toujours de se démarquer des ligues factieuses d'extrême droite et de leur xénophobie, même s'il partagea partiellement l'idéologie de celles-ci sur certaines questions (d?fense des valeurs chrétiennes traditionalistes, de la famille, de la natalité, du corporatisme, de l'école privée, de la paix, etc.). C'est sans doute dans le chapitre qui analyse les rapports de la F.N.C. avec l'A.C.J. F. (Association Catholique de la Jeunesse française) située plus à gauche, chapitre consacré à la question du pacifisme et de la conception de la paix pendant l'entre deux guerres, que l'auteure souligne le mieux la singularité idéologique de ce mouvement catholique.
La F.N.C. maintiendra et défendra cette singularité jusque dans la période du gouvernement de Vichy. Si les idéaux défendus par les gouvernements de Pétain correspondent pour l'essentiel aux voeux de la F.N.C. des années 30, il n'y aura pas pour autant ralliement à la politique vichyste. La F.N.C., par le biais de ses publications, se démarque ou condamne clairement les positions extrêmes de certains de ses anciens membres ayant obtenu des responsabilités ministérielles à Vichy (Xavier Vallat et Philippe Henriot), notamment sur la question de l'antisémitisme. Au sujet du ralliement des membres de la F.N.C. à l'idéologie de la Révolution nationale, Corinne Bonafoux-Verrax se montre prudente car aucune archive probante ne lui permet de se prononcer clairement sur cette question. L'étude du comportement des deux principaux dirigeants de la F.N.C., le général de Castelnau et Le Cour Grandmaison, démontre deux attitudes très dissemblables. Si Castelnau, d'entrée, se montre très distant et même très critique à l'égard de Pétain et des thèses de la Révolution nationale, Le Cour Grandmaison, qui fit parti du Conseil national, soutint la plupart du temps les principales orientations du vichysme à l'exception notable de l'antisémitisme.
Notons enfin qu'un chapitre consacré aux " hommes de la F.N.C." permet de suivre la destinée d'après guerre d'aumôniers, d'anciens combattants ou de politiques ralliés ou proches du mouvement catholique : les pères Bergey, Bessières et Doncoeur, Xavier Vallat, Philippe Henriot et le député Jean Ybarnégaray.
J.F. Jagielski |