Le site Studium (*) accueille un ensemble de réflexions sur le témoignage par Rémy Cazals, que vous pourrez suivre sous forme de feuilleton au fur et à mesure des publications successives, qui seront relayées sur le site du Crid mais aussi sur sa toute neuve page Facebook.
(*) STUDIUM est un atelier de recherche universitaire créé en 2014, dédié à l’histoire de l’éducation, de la culture et aux sciences studies, en forte interaction avec les autres disciplines. Il est rattaché à l la thématique IV – Corpus du laboratoire Framespa (UMR 5136) de l’Université Toulouse Jean Jaurès/CNRS et à l’INU Champollion (Groupe de recherche TCF). Co-animation : Caroline Barrera (INU Champollion), Jacques Cantier (UT2J), Véronique Castagnet-Lars (INSPé Toulouse Occitanie-Midi-Pyrénées).
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Le site Studium (*) accueille un ensemble de réflexions sur le témoignage par Rémy Cazals, que vous pourrez suivre sous forme de feuilleton au fur et à mesure des publications successives, qui seront relayées sur le site du Crid mais aussi sur sa toute neuve page Facebook.
(*) STUDIUM est un atelier de recherche universitaire créé en 2014, dédié à l’histoire de l’éducation, de la culture et aux sciences studies, en forte interaction avec les autres disciplines. Il est rattaché à l la thématique IV – Corpus du laboratoire Framespa (UMR 5136) de l’Université Toulouse Jean Jaurès/CNRS et à l’INU Champollion (Groupe de recherche TCF). Co-animation : Caroline Barrera (INU Champollion), Jacques Cantier (UT2J), Véronique Castagnet-Lars (INSPé Toulouse Occitanie-Midi-Pyrénées).
Le livre : Agnès GUILLAUME, Thierry HARDIER, Jean-François JAGIELSKI, Raymond VERHAEGHE (éd.), Trois Nordistes sur le front d’Orient (1915-1916), FSE Collège Eluard de Noyon, Edhisto, Crid 14-18, 2021.
Livre de 140 pages comprenant 40 illustrations et 3 cartes.
Prix public : 14 € (vendu au profit du FSE collège Eluard Noyon) (Bon de commande en fin d’article)
Les trois témoignages présentés dans cet ouvrage proviennent de combattants du 284e régiment d’infanterie d’Avesnes-sur-Helpe (Nord) qui se sont retrouvés sur le front oriental, ce « front oublié » de l’historiographie du premier conflit mondial qui les a emmenés jusqu’aux confins de la Macédoine et de la Bulgarie. Nous présentons ici un carnet de route exhumé au hasard d’une trouvaille de grenier et deux correspondances provenant de trois militaires tous issus de classes sociales différentes. Ce choix n’a rien d’un hasard. L’approche sociologique de l’expérience combattante est et demeure un chantier de recherche ouvert qui montre combien l’expérience de la Grande Guerre fut à la fois et la même et tout autre, selon l’appartenance sociale des acteurs.
Le contexte
En octobre 1915, l’armée serbe doit faire face à une double offensive, celle des Austro-Hongrois et des Allemands au nord et celle des Bulgares à l’est. En très peu de temps, la situation de cette armée affaiblie et sous-équipée devient critique. Les Français, traditionnels alliés des Serbes, se voient donc contraints de leur venir en aide.
En provenance de Toulon, Maurice Lemoine, Octave Déplanque et Marcel Chappey appartenant au 284e R.I. de la 122e division d’infanterie, découvrent le port de Salonique (aujourd’hui Thessalonique) le 2 novembre 1915. Or, avant leur arrivée, les Français, sous la direction du général Sarrail dirigeant l’Armée d’Orient, ont déjà tenté de colmater les brèches provoquées dans un front où les Serbes sont aux abois sous la pression de la puissante coalition allemande, austro-hongroise et bulgare. Nos trois témoins arrivent à un moment très critique. Ce qui explique l’empressement avec lequel ils sont envoyés immédiatement dans la zone de combat, à peine quelques heures après leur débarquement.
La campagne de Serbie, sur l’actuel territoire de la Macédoine du Nord, n’est, selon les mots de Francine Saint-Ramond Roussanne, « qu’un infructueux aller-retour jusqu’au confluent de la rivière Cerna et du fleuve Vardar. Elle s’accompagne de rudes combats en zone montagneuse, face à des Bulgares obstinés et plus habiles sur le terrain, où de nombreux soldats trouvèrent la mort.» (La campagne d’Orient 1915-1918, Dardanelles-Macédoine d’après les témoignages de combattants, Atelier national de reproduction des thèses, tome 1, année universitaire 1996-1997, p. 393)
Les témoins
Maurice Lemoine
Issu d’une famille de propriétaires-exploitants de l’Avesnois, Maurice Lemoine naît au hameau des Hayettes à Etroeungt le 15 septembre 1887. Il débute son carnet de route le 23 octobre 1915, deux semaines avant d’embarquer à Toulon. D’une écriture fine et serrée et dans une langue très bien maîtrisée, il décrit son quotidien, la difficile retraite opérée par son unité puis son installation dans le camp retranché de Salonique. Certains passages sont d’un grand intérêt, notamment lorsqu’il évoque les destructions volontaires commises par les troupes françaises afin de ne rien laisser aux Bulgares. Parfois, l’auteur livre également ses propres impressions. Atteint par le paludisme, il est rapatrié en France à la fin mars 1917. Après la guerre, il deviendra représentant de commerce en vins et spiritueux.
Octave Déplanque
Né à Eterpigny le 11 mai 1887 dans une famille très modeste, Octave Déplanque devient garçon boucher. Après son mariage avec Émilie Pamart, originaire d’Avesnelles, le couple s’installe à Guise. Leur fille unique naît en janvier 1914. Mobilisé au 284e R.I., Octave Déplanque envoie des cartes postales à son épouse et à sa belle-mère qui ont fui l’avance allemande. Nous avons ici retranscrit l’intégralité de la correspondance précieusement conservée par sa petite-fille mais qui est très probablement incomplète. Les messages délivrés sont brefs et ont surtout deux buts : donner des signes de vie et exprimer de l’affection pour les proches. La dernière carte postale connue date du 14 novembre 1915. Trois semaines plus tard, Octave Déplanque est tué au cours d’un combat contre les Bulgares alors que son unité bat en retraite. Son corps ne sera jamais retrouvé.
Marcel Chappey
Né à Avesnes le 3 avril 1890, Marcel Chappey fait de brillantes études qui le conduisent au concours d’entrée à Normale Supérieures Lettres où il est admis en 1914. Lieutenant au 284e R.I., il entame une correspondance avec son frère aîné Joseph, également lieutenant dans une autre unité et qui lui, est Normalien ainsi qu’agrégé d’allemand. Les « lettres de guerre » de Marcel à son frère témoignent, dans une très belle langue, de l’âme d’une élite intellectuelle de l’époque, à l’instar d’un Charles Péguy ou encore d’un Ernest Psichari. Grandeur et servitude militaire sont évoquées à chaque page, dans une forme choisie, sans romantisme ni recherche, sans forfanterie et, pour tout dire, avec une naturelle et émouvante simplicité. Après 1918, Marcel Chappey entamera une remarquable carrière à la Direction de l’Union des Mines et deviendra après la Seconde Guerre mondiale maire de Garches.
Un livre et un projet pédagogique
Pas moins de 26 élèves du collège Paul Eluard de Noyon ont participé à la réalisation de cet ouvrage, en transcrivant le carnet de route de Maurice Lemoine et en recensant tous les combattants du 284e R.I. décédés entre août 1914 et février 1919. Les objectifs pédagogiques de ce projet étaient les suivants : la maîtrise de la langue française, la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication, l’acquisition d’une culture humaniste, la réussite des élèves par le biais d’un travail interdisciplinaire et l’ouverture culturelle en faisant de l’histoire autrement.
Les directeurs de la publication
Agnès Guillaume est professeure de français et professeure principale de la classe de troisième qui a participé au projet. Son grand-père paternel, appartenant au 235e R.I. (57e D.I.), est arrivé au même moment que nos trois témoins en Orient et a partagé les mêmes combats.
Thierry Hardier, professeur d’histoire-géo de la même classe de troisième est également docteur en histoire ainsi que l’un des membres fondateurs du CRID 14-18 (www.crid14-18.org).
Jean-François Jagielski est historien et également l’un des membres fondateurs du CRID 14-18.
Raymond Verhaeghe est professeur d’histoire-géographie émérite. Il a enseigné au lycée d’Avesnes.
Le contenu de l’ouvrage
Introduction
Première partie. Le témoignage de Maurice Lemoine
Présentation du témoin : Maurice Lemoine (1887-1962)
Le carnet de route de Maurice Lemoine
Deuxième partie. Le témoignage d’Octave Déplanque
Présentation du témoin : Octave Déplanque (1887-1915)
La correspondance d’Octave Déplanque à son épouse et à sa belle-mère
Troisième partie. Le témoignage de Marcel Chappey
Présentation du témoin : Marcel Chappey (1890-1971)
La correspondance du lieutenant Marcel Chappey à son frère Joseph
Annexe 1. Le 284e R.I. dans la Grande Guerre
Annexe 2. Informations sur les hommes décédés sous l’uniforme du 284e R.I.
Annexe 3. Les combattants du 284e R.I. décédés entre août 1914 et février 1919
Annexe 4. Biographie succincte de Marius Labruyère (235e R.I. puis 242e R.I.)
Bibliographie
Table des matières
Ouvrage publié avec le soutien de la section locale Noyon/Guiscard du Souvenir Français et la ville de Noyon
Bon de commande
A retourner, accompagné du règlement à l’ordre du FSE collège Eluard Noyon à l’adresse suivante :
Thierry Hardier, 23 rue Jean de Ville 60400 VILLE
Je soussigné (Nom, prénom) : …………………………………………………………………………………………………
Trois Nordistes sur le front d’Orient (1915-1916) au prix unitaire de 14 € + 5 € (frais de port), soit 19 €. Frais de port : pour 2 livres : 6 € ; pour 3 livres : 7 €.
Le livre : Poilu. The World War I Notebooks of Corporal Louis Barthas, Barrelmaker 1914-1918, translated by Edward M. Strauss, foreword by Robert Cowley, New Haven & London, Yale University Press, 2014.
1] En traduisant le livre de Louis Barthas, vous n’avez pas répondu à une demande d’éditeur. C’est vous qui l’avez décidé. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a motivé ?
Réponse : It’s true that I did not respond to a request initiated by a publisher. Here is what happened. One day I asked my friend and colleague Robert Cowley, editor of the successful “What If” books of counterfactuals by renowned historians, to suggest to me a book in French about the Great War of 1914-1918 that really should be translated into English, and had not yet been, which I proposed to try to do. Rob immediately suggested the “Carnets de Guerre de Louis Barthas,” which he knew in its French edition. With the agreement of the French publisher (La Découverte) and the enthusiastic support of anglophone historians in the UK, US, and elsewhere (notably Prof. Jay Winter of Cambridge and Yale), Yale University Press agreed to publish my English-language annotated version, which was published in March 2014 and in paperback a year later.
2] Est-ce que la traduction vous a posé des problèmes particuliers ?
Réponse : The French version from which I translated posed no problems at all. For a workingman, Barthas was an incredibly literate author. He was meticulous about places and dates, which made the spotting of places and the tracing of his journeys on maps very easy. (There were no maps in the French versions).
3] Comment avez-vous trouvé cet éditeur de grande réputation (Yale) ?
Réponse : Jay Winter, professor of history at Cambridge and Yale, recommended my proposal to Christopher Rogers at Yale University Press (Chris is now retired).
4] Le livre en anglais est accompagné de commentaires d’historiens faits avant la parution. Comment les avez-vous obtenus ?
Réponse : The favorable quotes about the English-language book (called “blurbs” in American speech) were requested and collected by Yale University Press and came from a variety of historians, media, and myself. This is standard practice in the US and UK, even for academic works of history. Staff at the publisher usually coordinates this activity.
5] Je me souviens d’échos très favorables dans la presse américaine, notamment dans des titres prestigieux. Pouvez-vous revenir là-dessus ?
Réponse : Same as 4. The publisher sends “galleys” (advance copies of the book) to credible critics who are then ask to review the book and offer an opinion, usually positive.
From The New York Times : A Gimlet-Eyed Grunt, Soldiering Balefully Through a War’s Horrors : In the newly translated memoir “Poilu,” a Frenchman offers acidic observations on trench warfare while serving on the Western Front.
6] Comment marche le livre ? Dans les trois formules : hard, paper et e-book ? Réponse : The last sales figures for the English-language “Poilu” I have seen, dating to about a year ago, were about 15,000 worldwide. That’s considered a success in academic/university book publishing, I believe. I have asked for updated data but have not yet received it. I would welcome any further questions from you or anyone else.
Franck Le Cars (éd.) Pabert, Journal d’un officier-brasseur dans la France occupée de la Grande Guerre, Montpellier, chez l’éditeur, oct.2020, 482 p. , 22 euros, www.pabert.fr
Un document singulier
Franck Le Cars, inspiré par la piété filiale a mis le confinement à profit pour se lancer dans la mission difficile d’établir un texte que son trisaïeul avait rédigé en sténo pour échapper à une éventuelle saisie. Le témoignage de Pabert ( diminutif d’Albert Denisse ), parmi la marée de textes qui a précédé et accompagné le centenaire de la Grande guerre, présente une grande singularité. Officier d’active retraité, devenu un brasseur prospère à Etreux, village de l’Aisne proche du Cateau-Cambrésis, Pabert n’a pas été mobilisé. Il n’en a pas moins été frappé par la guerre dès la fin août 1914, par l’exil de toute sa famille et l’occupation de son village qui prend dès lors le statut d’un arrière-front des tranchées allemandes. Resté sur place pour protéger ses biens, il rédige avec minutie, sur plusieurs cahiers d’écolier, un journal où il consigne pour sa famille et pour mémoire ses activités et les menus événements d’un village qui a conservé ses cadres ( le maire, le curé), mais est contraint pour plus de 4 ans à vivre sous la férule d’une kommandantur allemande. Il réussit non sans mal à trouver des filières pour demeurer en contact avec sa famille mise à l’abri près de Melun et peut ainsi en suivre la santé, ainsi que la scolarité de ses enfants, échanger quelques nouvelles et insuffler l’espoir des retrouvailles.
« Les pays envahis supportent patiemment les dures épreuves qui nous sont imposées » (25 avril 1915)
Pabert ne se pose jamais en héros : il dure, et il endure toutes les tracasseries résultant de la situation. Souvent ironique à l’égard d’un maire poltron et combinard, jugé obséquieux à l’égard des officiers allemands qui le manipulent, il fréquente assidûment l’église où le curé bénéficie d’une relative autonomie. Obligé de ruser avec l’occupant, Il essaie sans grand succès de maintenir son activité économique en préservant son outil de travail. En ce moment où la production de la bière se trouve profondément transformée par l’émergence généralisée des petits brasseurs, les affres de leurs prédécesseurs en proie à une conjoncture de guerre sans merci intéresseront biérologues et biérophiles.
Pabert « brasse » lui-même, lance de nouveaux produits, comme ce cidre amélioré par des raisins secs, et cultive à grand peine un réseau commercial largement perturbé, la concurrence avec les autres brasseurs n’étant en rien diminuée par les pénuries de produits brassicoles. Contraint un temps de répartir avec un faible profit une bière brassée ailleurs sous l’autorité militaire, puis sommé de livrer ses machines pour la récupération des métaux au bénéfice des Allemands, il prend le parti d’effectuer une reconversion dans d’autres activités d’échange éloignées de la brasserie, celles d’ « épicier ravitailleur ». Cela occasionne de nombreux conflits entre commerçants et édiles, arbitrés parfois sans équité ni discernement par la kommandantur. Il observe les effets de l’occupation dans son village où se succèdent les réquisitions de marchandises, de locaux et de main-d’oeuvre . Les pénuries entraînent le rationnement et alimentent l’inflation. Pabert note précisément l’évolution du prix du pain qu’il compare à celle des boulangeries des villages voisins moins défavorisés . Délations et compromissions marquent le trouble profond ressenti par la population demeurée sur place.
Pabert observe attentivement le mouvement des troupes et leur allure, le survol des aéroplanes et des dirigeables. Il remarque le changement d’uniforme des vieux soldats bavarois qui avaient occupé Etreux au début de la guerre, le feldgrau remplaçant le bleu foncé traditionnel, puis l’arrivée de « vieux saxons» et de jeunes hussards très entreprenants avec les filles d’Etreux, celles-ci très accueillantes, ce qui le scandalise.
Vers la délivrance
Obligé d’héberger chez lui un des officiers allemands il observe une « réserve digne et polie » pour ménager des relations confiantes avec celui-ci, dont la présence vaut protection pour ses biens. Mais resté patriote dans son cœur, il épie les signes d’un déblocage stratégique, puis diplomatique.
Pabert note jour après jour le déchaînement ou l’apaisement des « canonnades » avec un mélange d’angoisse et d’espoir. Il s’efforce de suivre à travers des rumeurs contradictoires le déroulement de la bataille de Verdun. Il enregistre avec satisfaction l’entrée en guerre de l’Italie, de la Roumanie, puis des Etats-Unis, déplore les déboires des Alliés dans les Balkans, en Italie et s’indigne de la défection de la Russie, avant d’éprouver la crainte d’une extension de la révolution d’Octobre à l’Europe et au monde. Dès mai 1917 il place ses espoirs dans l’arbitrage du président Wilson, et semble bien informé des projets de celui-ci. Le huitième et dernier cahier, précéde l’armistice et le retour de sa famille. Pabert est alors partagé entre le soulagement de voir enfin s’infléchir le sort des armes, le souci des tracasseries et restrictions qu’il subit de plus belle, et l’angoisse de savoir son fils, parti très jeune en exil, en passe d’être mobilisé et envoyé au front sans qu’il ait pu le revoir. L’évacuation du village, décidée à la mi-octobre 1918, met fin au mémoire après quelques pages écrites au crayon.
Du nouveau sur bien des sujets
Pabert est très instructif à propos de la façon dont les Allemands pilotent l’administration des communes regroupées dans leur kommandantur en réunissant régulièrement les maires pour leur ordonner d’organiser le ravitaillement ou d’appuyer les réquisitions. On peut suivre aussi les nombreuses affaires de trafics, et les délits parfois insignifiants, qui sont jugés de manière expéditive par les responsables militaires allemands sans que les justiciables bénéficient des moindres garanties. En ce qui concerne les relations économiques, il apparaît que la monnaie garde la prééminence sur le troc. Mais les distributions relevant de dons, de la répartition de la pénurie ou des denrées acheminés par les Américains , mises à prix modéré sur le marché jusqu’à leur entrée en guerre en 1917 perturbent évidemment le jeu normal de l’offre et de la demande. On a une idée assez précise de la façon dont se déroulent les transactions , en panachant trois monnaies distinctes selon des proportions variables : aux francs et aux marks s’adjoignent les bons monétaires émis par les villes ce qui occasionne évidemment de multiples contestations. En 1917 malgré son souci d’éviter les querelles entre Français, Pabert est conduit à en venir aux mains avec son maire qui ne cessait de gêner ses activités en propageant des calomnies contre lui. L’année 1917 se conclut par une rafle d’otages à laquelle Pabert ne peut échapper mais il réussit à obtenir une libération après une semaine passée à Maubeuge, heureusement logés et nourris par la ville.
Le mémoire met en valeur des phénomènes fort peu étudiés, telle la mortalité des civils, résultant des privations et de épidémies, bien avant la fameuse grippe « espagnole ». Il mentionne les cas de décès liés aux conditions météorologiques désastreuses, compliquées par la malnutrition, la pénurie de charbon et la contagiosité résultant des mouvements de troupe et de la précarité des soins médicaux. Au-delà du seul témoignage, les informations souvent faussées qu’il a pu recueillir sur la marche des événements militaires, mais aussi sur la politique des pays belligérants, représentent une source importante pour l’analyse de l’opinion des civils et du climat culturel et social qui pouvait régner dans la zone occupée. Un document rare, volumineux, mais bien aéré et illustré. Une réussite.
Questi ultimi sette anni hanno fiorire in tutto il mondo iniziative collegate ai centenari della Prima guerra mondiale e agli eventi che hanno segnato i primi anni del dopoguerra. Convegni, conferenze, mostre, libri, hanno coinvolto gli studiosi di storia contemporanea e le istituzioni pubbliche, il mondo politico, quello dell’informazione e della cultura.
Questo è avvenuto nei Paesi dell’Unione Europea e in Gran Bretagna, e nelle nazioni extra europee che più hanno contribuito al bagno di sangue che ha sconvolto il mondo tra il 1914 ed il 1918: India, Australia, Nuova Zelanda, Stati Uniti d’America tra gli altri. In questo contesto globale vanno anche inserite le iniziative che si sono tenute in Russia che, per le peculiarità della sua storia, non potevano limitarsi al solo conflitto mondiale ma abbracciare un arco temporale più ampio. Però, come sempre più spesso accade quando si tratta del nostro grande, e problematico, vicino orientale nella “casa comune europea”, i nostri media e le stesse istituzioni culturali vi hanno dedicato una scarsa attenzione. Oramai, infatti, Mosca fa notizia solo quando si può parlare, male, delle sue vicende politiche contemporanee.
Eppure, questi ultimi anni hanno visto giungere a maturazione un’importante evoluzione storiografica iniziata negli anni Ottanta del secolo scorso. In Russia la storia della Grande Guerra ha definitivamente acquisito una propria dimensione, originalità, e singolarità: non più semplice prodromo dell’Ottobre rosso, ma evento storico dotato di una propria autonomia. Il conflitto non viene più interpretato come il semplice prologo della rivoluzione ma, al contrario, come un evento da studiare in sé in tutte le sue sfaccettature: militari, politiche, culturali.
Quali forme hanno assunto nella Federazione russa il dibattito scientifico e quello pubblico durante questi anni?
Il fenomeno di maggior impatto visivo è sicuramente l’edificazione dei monumenti commemorativi. La Russia ha una grande tradizione novecentesca di monumentalizzazione della storia: non esiste praticamente luogo grande o piccolo dell’ex Unione Sovietica che non abbia visto sorgere almeno un piccolo memoriale ai caduti nella Grande Guerra Patriottica; nelle città ogni quartiere, fabbrica, scuola, istituzione pubblica ha una targa, un gruppo scultoreo, un elenco dei caduti. Persino il prestigioso ristorante situato nella Dom literatov (la Casa dei letterati moscovita) ospita una lapide con i nomi dei soci dell’Unione degli scrittori morti in guerra tra il 1941 ed il 1945. Questa edificazione memoriale e i valori che vi sono associati, sono sopravvissuti alla fine dell’Unione Sovietica e del Partito Comunista: ancora oggi i giovani sposi e gli studenti neolaureati moscoviti lasciano fiori presso il monumento al Milite ignoto che sorge all’ingresso dei “Giardini di Alessandro”; ancora oggi genitori e nonni accompagnano i bambini davanti ai monumenti ai caduti, in tutta la Federazione; ancora oggi il titolo di “città eroe della Grande guerra patriottica” rappresenta un ambito riconoscimento. Ugualmente, restano sui muri le targhe che ricordano gli episodi delle due rivoluzioni del 1917, e quelle che commemorano i luoghi in cui vissero o lavorarono scienziati, politici, diplomatici, intellettuali, artisti, militari ed eroi, più o meno noti, degli ultimi centocinquanta anni, con particolare predilezione per l’epoca sovietica.
In questo quadro mancava, però, il triennio della Grande Guerra. Fino a dieci anni fa non vi erano, infatti, monumenti significativi che commemorassero gli eventi e le vittime di questo conflitto. Sicuramente era un sintomo della damnatio memoriæ decretata dal potere sovietico nei confronti della “guerra imperialista”, anche se questo non aveva impedito che nel corso del Novecento la memoria del conflitto talvolta riemergesse, seppure con tempi e modalità discontinue. Nel corso degli anni Venti, infatti, era giunto a buon punto il progetto per creare a Mosca un “Museo della guerra” (con raccolta di materiali e documenti presso il Museo storico di Stato) che, pur denunciandone l’innegabile carattere antipopolare e imperialista, non ne cancellasse la memoria. Qualche anno dopo vi era stato il progetto di recuperare il cimitero di guerra nel quartiere di Sokol che ospitava le salme di soldati russi, ma anche austro ungarici e tedeschi, morti in un ospedale militare. Tuttavia, entrambe le iniziative erano state abbandonate per il mutamento degli equilibri politici all’interno del Partito e del Soviet della capitale. Nel corso dei decenni erano anche state raccolte, e persino pubblicate, alcune memorie dell’esperienza bellica che, pur se politicamente allineate, le restituivano, almeno parzialmente, autonomia storica rispetto al fenomeno rivoluzionario.
Negli anni Ottanta la ricerca scientifica aveva iniziato a dedicare sempre più spazio alla Grande Guerra, per giungere infine al grande convegno internazionale del 24-26 maggio 1994 La Prima guerra mondiale ed il XX secolo, organizzato dall’Accademia delle scienze. E da allora si erano succeduti convegni, conferenze, libri sulla Prima guerra mondiale, ma non la costruzione di monumenti. Si sono dovute attendere le commemorazioni del centenario per vedere erigere i primi grandi memoriali e a quel punto, come spesso accade in Russia, dal nulla è sgorgato un fiume di iniziative.
A Mosca i tre più importanti monumenti sono, in ordine cronologico di costruzione:
il memoriale situato in un piccolo parco pubblico del quartiere di Sokol. Ê un memoriale semplice, inaugurato nel 1998 recuperando anche alcuni elementi del vecchio cimitero militare;
il grande monumento costruito nel Park Pobedy (Parco della Vittoria), all’inizio del lungo viale pedonale che conduce alla Poklonnaja Gora, la “Collina degli inchini” sulla quale sorge il principale Museo-Memoriale della Grande guerra patriottica del Paese, detto anche Museo della Vittoria. Si tratta di un bassorilievo di grandi dimensioni, con figure a grandezza naturale, che ritrae soldati semplici e ufficiali che caricano il nemico. L’elemento più importante è però la sua posizione, che riveste un grande significato perché colloca la Prima guerra mondiale nell’attuale processo di costruzione di un nuovo immaginario e di una nuova identità nazionale per la Russia, postsovietica ma non completamente omologata al contesto euro-americano. Il monumento ha infatti una collocazione baricentrica nel rettifilo che collega l’arco trionfale progettato nell’Ottocento per commemorare la vittoria russa su Napoleone (si dice che sorga dove Bonaparte attese invano la resa russa), e il Memoriale costruito tra il 1986 ed il 1995 per eternare il ricordo della Seconda guerra mondiale. Ê un monumento di tipo tradizionale che, per la resa dei personaggi, vuole eternare la capacità di resistenza e di eroica sopportazione del soldato russo, quasi a costituire il fil rouge dell’esperienza bellica del Paese, rappresentata come una costante difesa contro gli attacchi che giungono da ovest. Questo monumento, come d’uso dedicato “agli eroi”, è stato inaugurato il 1° agosto 2014 dal presidente Putin;
il monumento dedicato agli eroi delle due guerre mondiali, eretto all’ingresso dell’edificio del Ministero della difesa. Anche in questo caso, gli eroi del conflitto 1914-1917 (e non genericamente i caduti) sono pienamente reintegrati nella tradizione bellica del Paese che a tutt’oggi, nonostante la rivalutazione della storia militare presovietica, continua comunque ad articolarsi intorno all’epopea della Seconda guerra mondiale.
L’erezione di monumenti non è però patrimonio della sola Mosca.
A Puskin, nell’area che ospita il famoso Palazzo di Tsarskoje Selo voluto da Caterina la Grande a 25 chilometri dalla capitale imperiale di San Pietroburgo, è stato allestito il principale museo russo della Prima guerra mondiale, in un contesto indissolubilmente legato alla storia della Russia imperiale e della dinastia Romanov.
Ma l’operazione non ha coinvolto solamente le due principali città del Paese, poiché quasi tutti i centri maggiori, perlomeno nella Russia europea, ospitano almeno un monumento.
Tra gli altri, è da citare quello di Kaliningrad, la Königsberg tedesco-prussiana che i sovietici ottennero nel 1945 con quella parte della Prussia orientale che non fu consegnata alla Polonia, e che oggi costituisce l’oblast omonimo. Ma l’annessione fu conseguente alla Seconda e non alla Prima guerra mondiale e, tra il 1914 ed il 1917, la città rimase sempre saldamente in mano tedesca. Non fu lontanamente minacciata dai combattimenti, pur costituendo il principale centro militare ed amministrativo dello schieramento bellico tedesco contro la Russia, l’Ostfront, e, tra il 1919 ed il 1921, dell’azione della Repubblica di Weimar nel caotico contesto baltico. Nonostante ciò, la Federazione Russa ha ritenuto che fosse importante eternare la memoria nazionale della Grande Guerra anche in questa città, oggi incuneata tra Lituania e Polonia, nazioni ostili e appartenenti alla OTAN. E la collocazione del monumento, anch’esso convenzionale, è altamente significativa: alle spalle ha un tratto delle imponenti fortificazioni ottocentesche prussiane, mentre di fronte si trova il memoriale ai combattenti della Seconda guerra mondiale che, invece, ebbe uno dei suoi eventi conclusivi proprio nel sanguinoso assedio di Königsberg nell’aprile 1945. Il complesso, che ritrae soldati, ufficiali, e una crocerossina che consola un combattente morente, è rivolto verso il monumento ai soldati di tutte le specialità dell’Armata Rossa, e tra i due memoriali è stata edificata una cappella ortodossa.
Un altro importante monumento sorge, all’altro estremo della Russia europea, a Rostov sul Don. La città fa parte dello Stato russo sin dalla fondazione nel 1749 e non è stata interessata da operazioni militari fino a dopo il trattato di Brest-Litovsk, ma anch’essa si trova in una posizione geopolitica critica, prossima al confine ucraino e, perlomeno per le dimensioni russe, alla contestata regione del Donbass. E questa collocazione potrebbe aiutare a comprendere perché nel territorio dell’oblast siano stati eretti altri cinque monumenti.
Il recupero della memoria del conflitto ha seguito anche i sentieri della ricerca storica, con convegni, anche internazionali, organizzati in tutto il territorio. Per quanto riguarda la capitale sono da ricordare il ciclo di convegni organizzato, tra il 2012 ed il 2018, dall’università privata IIUEPS, e quello dal titolo La Prima guerra mondiale: prologo del XX secolo, promosso dall’Accademia delle scienze e dall’Associazione russa degli storici della Prima guerra mondiale dall’8 al 10 settembre 2014. A queste iniziative occorre aggiungere la grande mostra La Prima guerra mondiale. L’ultima lotta dell’Impero Russo, tenuta dal 22 agosto 2014 all’8 febbraio 2015 nei locali dell’ex Museo centrale di Lenin sulla Piazza della Rivoluzione, e quella dal titolo Mosca durante la Prima guerra mondiale aperta tra il 1° agosto e il 30 ottobre 2014 in un’ala del Museo di Mosca (Zubovskij Boulevard), che ha ben illustrato le dinamiche politiche sociali scatenate dal conflitto nella città e nei suoi dintorni. Né è mancata la pubblicazione di numerosi testi scientifici, tra i quali il Dizionario enciclopedico della Prima guerra mondiale, edito dall’Accademia delle scienze e dall’Associazione russa degli storici della Prima guerra mondiale curato da E. Sergeev, e La Prima guerra mondiale e i destini della civiltà europea, edito dalla Facoltà di storia dell’Università statale di Mosca, e curato da L. S. Belusov e A.S. Manykina. Numerosi studiosi russi hanno poi contribuito alla redazione dell’enciclopedia on-line ad accesso libero 1914-1918- International Encyclopedia of the First World War (http://www.1914-1918-online.net/).
Nel 2017 il centenario delle due rivoluzioni non ha invece avuto un’eco paragonabile allo sviluppo degli studi legati al centenario della Grande Guerra, mentre dal 26 al 28 giugno 2019 si è tenuta a Mosca una grande conferenza legata al centenario della fondazione della Terza Internazionale, dal titolo The left alternative in the 20th century: drama of ideas and personal stories. On the 100th anniversary of the Comintern, organizzata dall’Accademia russa delle scienze e dall’Archivio statale russo di storia politica e sociale, con la collaborazione di diversi centri di ricerca europei, tra cui la Rosa Luxemburg Stifftung, l’Istituto Gramsci e l’Istituto Parri italiani, e la Fondazione Gabriel Pérì francese.
A partire dal 2018 vi sono invece state decine di iniziative scientifiche e di divulgazione relative all’intervento straniero nel corso della Guerra civile. Esse si sono svolte nelle principali città, da Mosca e S. Pietroburgo a Kazan, Kaliningrad, Vladivostok, e in quasi tutte le principali università dell’immenso Paese. A Mosca, il Museo storico di Stato, sulla Piazza Rossa, ha organizzato la principale tra le mostre realizzate in tutta la Russia.
In conclusione, possiamo affermare che in questi ultimi dieci anni la ricerca ha esplorato tutte le conseguenze della Grande Guerra e delle rivoluzioni che da essa ebbero origine, fino alla nascita dei partiti comunisti nei Paesi europei ed extraeuropei (tra febbraio e marzo almeno un paio di seminari e conferenze hanno esaminato i rapporti tra lo Stato sovietico e la nascita del Partito comunista d’Italia, il 21 gennaio 1921).
La ricerca storica russa si è andata quindi orientando sempre più verso lo studio del significato autonomo della Prima guerra mondiale nella storia nazionale e verso l’analisi degli elementi di continuità della coscienza nazionale russa, anche all’interno dell’esperienza rivoluzionaria, e riguardo al ruolo di molti intellettuali (ad esempio, i disegni di propaganda patriottica eseguiti tra il 1914 ed il 1915 da Majakovskij e Malevitch). Questo orientamento ha comportato una minore considerazione, che comunque perdura, per i fenomeni di rottura. E proprio in tal senso va collocata l’attenzione per lo studio dell’intervento straniero nella Guerra civile, che viene interpretato non solo come un’azione contro il nuovo Stato dei Soviet ma anche, e per alcuni soprattutto, come l’ennesima invasione diretta contro la nazione russa e il suo popolo.
In sintesi, una parte consistente della ricerca storica russa tende ad interpretare la storia del Paese nel Novecento dando maggiore rilevanza che in passato agli elementi di continuità (culturale, politica e militare) rispetto a quelli di rottura, anche nel contesto di radicale mutamento economico ed istituzionale inaugurato dalla rivoluzione di febbraio e definito dall’Ottobre rosso.
Per concludere questo breve articolo, voglio ringraziare i professori Evgeny Yurevich Sergeev e Valerij Petrovich Ljubin per le informazioni che mi hanno cortesemente e generosamente fornito.
On 22 of May 2015, Italian parliament’s low chamber (Camera dei Deputati) passed a project of law for the rehabilitation of the soldiers sentenced to death (Scanu’s project); one year and half later Senate stopped it for the right-wing opposition and the center-left wing tepidness and weakness.
In March 2018 there were new general elections. During these past three years there were three different governments, with three different political trends: right-populist; left-populist; national unity (center-left-right-populist).
Few months after 2018 elections a new project of law (Rehabilitation of soldiers shot during WWI) had been proposed by Democratic Party’s senator Tatjana Rojc, on 19 of December 2018. It was like the previous project; it provided that “Republic returns the honour to the soldiers shot during WWI”; shot soldiers’ names had to be written in the “Golden book of the fallen”; a plaque with shot soldiers’ names had to be placed in the National memorial in Rome, the so-called “Tomb of the Unknown soldier”; all the related documents in the public and military archives must be free. The project was supported by center-left parliamentary minority.
After government change in September 2019, Senate’s Defense Commission begun to discuss Rojc’s project, and it decided to stop the discussion and to prepare a “Parliamentary resolution”. It was approved unanimously on 10 of March 2021, and it states that the Republic had to recognize “the sacrifice of these fallen”, the shot soldiers. Moreover, the resolution commits the Government to place a memorial plaque in the Tomb of the Unknown soldier, “to testify solidarity to the soldiers sentenced to death and to their families”. This plaque had to be unveiled during an official ceremony if it’s possible during the ceremonies for the centennial of the Tomb. Finally, Defense Ministry had to develop historical research to publish the shots’ names.
CONSIDERATIONS:
1) Senate’s resolution is useful to bring again this subject to the attention of the media, and to the public discussion;
2) Senate’s resolution recognize the soldiers sentenced to death as “fallen soldiers”;
3) Senate’s resolution does not engage the Republic nor to return the honour to shot soldiers (Rojc’s proposal), or to ask the pardon for the State’s violence (Scanu’s proposal);
4) Senate’s resolution is less politically significant and less binding for the Government than a law ;
Historians and activists engaged for the rehabilitation were not very pleased with Senate’s resolution, because it was perceived as a sort of low-level compromise.
Anyway, after Senate stopped Scanu’s proposal in November 2016 nobody thought possible to have any kind of positive evolution about this subject. Surely, the resolution is not the rehabilitation, and it is very soft to judge military justice during WWI. Maybe, it could be a new beginning for public debate and for historical research.
Gilbert Badia, Le Spartakisme, Les dernières années de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht, Éditions Otium, 2021, préface de Nicolas Offenstadt, 616 pages.
Le premier contact avec ce livre, c’est celui de la très belle illustration de couverture inspirée d’une photo de janvier 1919. C’est ensuite le souvenir d’autres ouvrages de Gilbert Badia sur Rosa Luxemburg, sur Clara Zetkin, sur les spartakistes dans l’intéressante collection « Archives » des années 1960, dont un article du Monde des Livres (19 mars 2021) sur Pierre Nora nous apprend qu’elle était dénigrée par François Furet. Le livre dont il va être question a été publié par Badia en 1967 et il était devenu introuvable. La réédition actualise l’information qu’il apporte, et une préface de Nicolas Offenstadt facilite l’entrée dans un texte clair (quel plaisir de lire un livre écrit sans jargon !) et bien documenté. Le préfacier s’est d’ailleurs employé à rester sur le même plan. Très fluide, la préface se nourrit cependant à toutes les sources : bibliographie récente en langue allemande, archives de la Stasi comme du Parti communiste français, témoignages oraux de personnes ayant connu Gilbert Badia (1916-2004).
La première partie du livre débute au 4 août 1914 ; l’assassinat de Karl et de Rosa a lieu le 15 janvier 1919. Si les membres du CRID 14-18 ont toujours montré que leur intérêt pour l’histoire dépassait la seule période de la Première Guerre mondiale, on est bien obligé de constater ici que l’histoire du spartakisme en fait intégralement partie. L’acceptation de la guerre par les chefs du parti social-démocrate est considérée par les futurs spartakistes comme une trahison de la cause du prolétariat et des décisions des congrès de l’Internationale. Le SPD vote les crédits de guerre et, par discipline, Liebknecht s’incline. Par la suite, il dira son erreur et son acceptation des reproches qu’on pourrait lui faire.
Bientôt cependant, Karl, Rosa, Franz Mehring, Clara Zetkin affirment leur désaccord avec la direction du SPD. Député, Liebknecht vote contre de nouveaux crédits de guerre en décembre. Les contestataires publient avec beaucoup de difficulté la revue L’Internationale, puis les Lettres de Spartacus à partir de septembre 1916, et ensuite Die rote Fahne (Le Drapeau rouge). Trois tendances se manifestent au sein de l’ancien SPD : la majorité qui soutient l’Union sacrée ; les dissidents qui vont former le SPD indépendant ; les spartakistes. Mais Badia a bien raison de montrer qu’au début de multiples passerelles existent entre les trois groupes, d’autant que « chaque courant principal se subdivise en réalité en une série de petits ruisselets qui, tantôt se regroupent, se fondent, tantôt se séparent de nouveau » (p. 117). Ce passage est typique du nécessaire sens des nuances et des réalités concrètes que doit montrer un historien. En même temps, Badia souligne aussi l’attitude aberrante de certains minoritaires pressés « d’excommunier ».
Les spartakistes sont pourchassés par la police, emprisonnés, les hommes mobilisés dans l’armée impériale. Rosa Luxemburg passe presque toute la période de guerre en prison. Le livre nous fait connaître d’autres militants et militantes jusque là ignorés, comme Käthe Duncker dont les lettres à son mari constitueront un intéressant apport au dictionnaire des témoins du CRID 14-18. Elle décrit son activité inlassable et son extrême fatigue. Ses trois enfants étant casés, elle pense que la prison, après tout, lui fournirait le repos nécessaire (p. 147). Le 1er mai 1916, Potsdamer Platz, au cœur de Berlin, dans une grande manifestation que la police n’a pu empêcher, Liebknecht crie « À bas la guerre ! Vive la Paix ! Vive l’Internationale ! » Il est arrêté et condamné à quelques années de bagne. Adversaire de Liebknecht, Karl Kautsky reconnait en août 1916 : « Les masses mécontentes n’entendent rien au détail de sa politique, mais voient en lui l’homme qui agit pour faire cesser la guerre, et, pour elles, c’est actuellement l’essentiel » (p. 163). [J’ajoute que des combattants français, même, ont associé Liebknecht et Jaurès, deux hommes qui luttaient contre la guerre. Je cite ici une phrase du dernier chapitre de ma biographie de Jaurès parue en 2017 : « Prisonnier à Pforzheim, Léon Bronchart explique au gardien-chef que la guerre n’aurait pas eu lieu si les Allemands avaient suivi Liebknecht et si les Français avaient écouté Jaurès. »]
Les années 1917 et 1918 voient l’accroissement des difficultés de l’Allemagne à cause du blocus. Les grèves se font plus nombreuses. La défaite de l’armée et les négociations avec Wilson et les Alliés provoquent l’affaiblissement du gouvernement impérial. Liebknecht est libéré. En même temps, joue l’influence de la révolution russe, ce qui conduit Badia à une comparaison entre spartakistes et bolcheviks (chapitre XII). Même si des divergences existent entre eux, il est clair que « la révolution russe a montré le chemin » (p. 230). Les spartakistes jouent un rôle important dans la révolution allemande de novembre 1918 et dans la fondation du Parti communiste (KPD Spartakusbund). Mais la révolution est confisquée par les dirigeants du SPD, « ces révolutionnaires malgré eux » (p. 260) dont les mots d’ordre « répondent au besoin de tranquillité, de calme qui habite le cœur de tant d’Allemands – ouvriers et soldats inclus – après quatre ans de guerre, de souffrances, de misère » (p. 273).
On connait le dénouement de janvier 1919. Du SPD à l’extrême droite, c’est un déferlement « d’une violence inouïe » contre les spartakistes. Avec la complicité des SPD Noske, Scheidemann et autres, les corps francs déchainent sur Berlin « la semaine sanglante » qui voit, entre autres, l’assassinat de Rosa et de Karl. Le fossé creusé entre SPD et KPD affaiblira la résistance à opposer aux progrès du nazisme.
La dernière partie du livre est un « essai d’analyse ». Trois chapitres présentent : 1) la force réelle du mouvement spartakiste, minorité très active, mais minorité ; 2) l’origine sociale des militants (ouvriers, classes moyennes, intellectuels) ; 3) les caractères essentiels du spartakisme. Le grand problème était celui de la clarté et de l’unité. En choisissant la clarté des positions théoriques, on reste une minorité et la révolution échoue. Si on choisit l’unité avec les majoritaires du SPD, l’effectif se renforce mais les mous font échouer la révolution. Les spartakistes sont conscients que celle-ci ne peut venir que de l’action de masse d’un prolétariat éduqué. Mais, après les horreurs de la guerre (sur le front et à l’arrière), la majorité du peuple allemand aspire à la tranquillité, à la fin des violences. De cela, les leaders spartakistes sont conscients, tout en étant obligés de dire pour motiver leurs troupes : « On n’arrête pas la marche d’airain de la révolution » (p. 401).
Le livre se termine avec la transcription de 130 pages de documents précieux, des repères biographiques et chronologiques, une bibliographie, un index des noms de personnes, un mot de l’éditeur expliquant sa démarche, un cahier de photos.
Ce n’est pas en quelques lignes que l’on peut révéler toute la richesse d’un livre qui est une réussite à saluer. Il faut le lire. L’histoire de la période 1914-1919 ne se limite pas à des événements strictement militaires ou diplomatiques. L’étude du mouvement spartakiste fournit un éclairage indispensable non seulement sur l’histoire intérieure de l’Allemagne, mais aussi sur la dimension internationale.
Dans son livre fondamental, Témoins, publié en 1929, Jean Norton Cru avait analysé 300 livres de témoignages publiés par 250 combattants de 1914-1918 (voir la chronique Brefs souvenirs 2/12). Et il avait signalé l’existence de très nombreux autres textes qui pourraient sortir un jour des greniers. Il le précise à deux reprises : « la masse énorme de documents personnels manuscrits qui dorment dans les tiroirs de presque toutes les maisons de France » (p. 265) et « il y a en France plusieurs millions de liasses de lettres de guerre dans les tiroirs » (p. 492).
La sortie au jour des documents personnels des « gens ordinaires » s’est effectuée lentement, depuis 1929. Notre livre collectif 500 témoins de la Grande Guerre et le dictionnaire des témoins en ligne sur notre site ont bien montré la floraison de publications et de dépôts en Archives publiques à partir du dernier quart du XXe siècle. Les Archives départementales de l’Aude ont, par exemple, numérisé les originaux du tonnelier Barthas conservés pendant longtemps dans une boîte en carton dans un placard et dont les éditions successives ont dépassé le tirage de 150 mille exemplaires. L’abondante correspondance croisée de la famille Papillon, trouvée dans une malle dans le grenier de la maison familiale à Vézelay, a été déposée par Antoine Bosshard à La Contemporaine (ex BDIC, voir le site www.lacontemporaine.fr). Une opération systématique a été lancée en 2013 par les Archives de France et la Bibliothèque nationale, en collaboration avec la Mission du Centenaire, invitant les particuliers à apporter en dépôt public leurs documents familiaux sur la guerre de 1914-1918. Dans le livre dont la couverture illustre ce « bref souvenir », les organisateurs indiquent le chiffre de 325 mille documents numérisés et invitent à consulter le site www.lagrandecollecte.fr.
Reste à digérer cette masse considérable, à contextualiser les témoignages. Identifier les individus : âge, situation familiale, milieu social, études, attitude religieuse, engagement politique… Pour les militaires : arme, grade, durée de l’expérience guerrière, secteurs… Et pour tous, définir les conditions de l’écriture, le moment, la mise au propre par les bons élèves de l’école primaire, en tenant compte, dans les correspondances, de la censure et de l’autocensure. Les témoins rassemblés par la Grande Collecte auront peut-être un jour une notice dans notre dictionnaire en ligne.
Celui-ci s’étoffe régulièrement grâce à un travail collectif. Nos remerciements vont en particulier à Isabelle Jeger et à Vincent Suard, auteurs de nombreuses notices de combattants et de civils français. Francis Grembert nous a envoyé plusieurs textes sur des témoins britanniques. Nous venons de recevoir la contribution de Romain Fathi sur le dessinateur australien Will Dyson. Après la notice sur la reine Marie de Roumanie (photo ci-dessous), Dorin Stanescu en annonce d’autres sur les témoins de son pays qu’il avait déjà évoqués dans sa communication au colloque de la Mission du Centenaire sur les batailles de 1916. Ainsi se confirme le caractère international de notre CRID 14-18.