Messimy

Christophe Robinne, Adolphe  Messimy 1869-1935, Héraut de la République, Paris, Éditions Temporis, 2022.

Ancien officier, Adolphe Messimy était le ministre de la Guerre dans le gouvernement français lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Remplacé par Millerand, il a rejoint une unité combattante et a fini la guerre comme général de division. Revenu à la politique comme député radical-socialiste, il a toujours cherché à rendre plus efficace l’organisation de la Défense nationale. Le livre développe les thèmes principaux de son action : la suprématie du pouvoir civil sur l’autorité  militaire ; la défense de l’empire colonial comme partie intégrante de la Défense ; l’orthodoxie budgétaire.

On peut être particulièrement sensible au fait que, jeune officier promis à une brillante carrière, il a préféré démissionner de l’armée en 1899 pour protester contre l’attitude antidreyfusarde des chefs militaires.

Rémy Cazals

Le nouveau livre de Bertrand Goujon (par Rémy Cazals)

Le CRID 14-18 connait bien Bertrand Goujon qui a participé au colloque de Laon et Craonne en novembre 2010 en présentant une communication sur « Insertion et distinction nobiliaires parmi les combattants français de la Grande Guerre », publiée dans le volume collectif Identités troublées 1914-1918, Les appartenances sociales et nationales à l’épreuve de la guerre, Toulouse, Privat, 2011. Ce texte ouvrait quelques pistes suivies dans la thèse de doctorat qui a été reprise dans le livre Du sang bleu dans les tranchées, Paris, Vendémiaire, 2015. Après le masculin, voici le féminin chez le même éditeur : Je maintiendrai. Femmes, nobles et Françaises 1914-1919. Bertrand Goujon est également l’auteur du volume Monarchies postrévolutionnaires 1814-1848, dans l’Histoire de la France contemporaine aux éditions du Seuil, en 2012.

Le nouveau livre se recommande par la variété et l’abondance de la documentation consultée. Abondance : 700 pages de texte suivies de 2140 notes. Variété : l’auteur remarque chez les femmes nobles « la propension exacerbée à prendre la plume » (p. 169) ; il a confronté écrits féminins et masculins ; il va jusqu’à utiliser avec profit la rubrique « Déplacements des abonnés » du Figaro pour suivre les pérégrinations de ses personnages selon les moments de la guerre. Même si la catégorie sociale étudiée est minoritaire, le livre contribue à la connaissance des comportements des Françaises et des Français pendant la guerre. Lors des phases les plus marquantes : la mobilisation, le départ des hommes, l’invasion, les grandes batailles, la sortie de guerre… Devant les fausses nouvelles, dans les épreuves et les deuils, à la recherche de « provisions de moral » (p. 247)…

Mais il faut tenir compte des spécificités de la noblesse : « Bon sang ne saurait mentir. » La noblesse s’investit dans l’Union sacrée, dans l’action charitable et la Croix Rouge, sans renoncer aux pratiques socioculturelles propres, sans renoncer à « tenir son rang » (p. 509). Même quand les fortunes s’effondrent, les femmes nobles sont réticentes à la professionnalisation salariée (p. 165) ; elles critiquent les parvenus ; la baronne Michaux en veut à « M. et Mme Nouveau-Riche » qui auraient tant à apprendre pour distinguer ce qu’est le vrai luxe (p. 305). Il faut affronter la crise de main d’œuvre agricole et domestique. Comment remplacer les préceptrices allemandes ? Comment la baronne de Saizieu peut-elle résister à ce qu’elle appelle « les prétentions éhontées » des vendangeurs (p. 156) ?

L’auteur doit adresser ses remerciements à des altesses, des comtesses et des marquises, mais son livre n’est en rien hagiographique. Il n’occulte pas la « propension à la fuite » lorsque l’armée allemande menace Paris (p. 70), les attitudes chicanières lors de partages de patrimoines (p. 115), les manigances pour échapper à l’impôt sur le revenu (p. 161) et les déclamations d’antiparlementarisme (p. 285), le parler double de la comtesse de Martel de Janville (dont le nom de plume était Gyp) à propos des embusqués selon qu’ils sont ou ne sont pas de ses proches (p. 300). L’auteur a raison de revendiquer en conclusion une « exploitation historienne de cette riche documentation » (p. 694).

Il y a du Downton Abbey dans la vie des Françaises nobles en 14-18, par exemple (p. 86) lorsque la comtesse Greffulhe est réveillée en pleine nuit en son domicile parisien par un domestique annonçant : « Madame la Comtesse, le Zeppelin est là. » Et justement, pour rester sur les rapports entre châtelains et serviteurs, voici un cas que le dictionnaire des témoins du CRID 14-18 offre à Bertrand Goujon : durant les six premiers mois de la guerre, au château de Clemery, près des combats, Mademoiselle la vicomtesse de Moustier et la fille de cuisine Charlotte Moulis tiennent, chacune de son côté, un journal personnel. La comparaison des deux textes est intéressante (voir la notice « Moulis Charlotte » sur notre site). Les de Moustier ne sont d’ailleurs pas absents du livre de Bertrand Goujon. Après la guerre, le comte constitue le dossier de demande d’indemnisation pour les dégâts causés au château.

Pour terminer, s’il lit ce compte rendu, peut-on demander à Bertrand Goujon de rédiger pour notre dictionnaire quelques notices sur les témoignages féminins qu’il connait le mieux ?

Rémy Cazals

Colloque international : L’Europe à la croisée des chemins. La conférence internationale de Gênes de 1922 (du 10 au 12 octobre 2022)

info@conferenzadigenova1922.itwww.conferenzadigenova1922.it

(FRA) L’Europe à la croisée des chemins. La conférence internationale de Gênes de 1922 (10 au 12 octobre 2022)

Ce sont les dates de la prochaine conférence organisée à Gênes, dans le prestigieux bâtiment historique du Palazzo San Giorgio, pour commémorer le centenaire de la Conférence internationale de Gênes de 1922.

La conférence vise à fournir un aperçu inestimable du cadre géopolitique européen et international qui a donné lieu à la Conférence de 1922, avec un accent particulier sur la sphère d’influence du gouvernement italien et de la délégation italienne, et sur le rôle de Gênes dans l’après-guerre.

Des autorités locales, des universitaires et des chercheurs nationaux et internationaux seront présents.

L’événement est organisé par l’ILSREC, la DISPI, la Région Ligurie, la Ville de Gênes, l’Autorité portuaire maritime de la Ligurie occidentale/Ports de Gênes et l’Autorité éducative locale de la Ligurie.

(ITA) L’Europa a un bivio. La Conferenza internazionale di Genova del 1922 (10-12 ottobre 2022)

Ecco le date del prossimo convegno che si terrà a Genova, nella prestigiosa sede di Palazzo San Giorgio, in occasione del centenario della Conferenza Internazionale di Genova del 1922.

Il convegno intende approfondire dal punto di vista storico il quadro europeo e internazionale che rese necessaria la Conferenza del 1922, analizzando in particolare l’influenza del governo italiano e della delegazione italiana nonché la storia di Genova nel periodo postbellico.

Parteciperanno Autorità locali, Accademici e Studiosi italiani e stranieri.

L’evento è organizzato da ILSREC, DISPI, Regione Liguria, Comune di Genova, Autorità di Sistema Portuale del Mar Ligure Occidentale e Ufficio Scolastico Regionale per La Liguria.

(ENG) Europe at a Crossroads. The 1922 Genoa International Conference (10-12 October 2022)

These are the dates of the forthcoming conference hosted in Genoa, in the prestigious historic building of Palazzo San Giorgio, to commemorate the centenary of the Genoa International Conference of 1922.

The conference aims to provide an invaluable insight in the geo-political European and international framework that gave rise to the 1922 Conference, with a specific focus on the sphere of influence of the Italian government and of the Italian delegation, and on the role of Genoa in the post-war era.

Local Authorities, National and International University Academics and Scholars will attend.

The event has been organized by ILSREC, DISPI, the Liguria Region, the City of Genoa, the Western Liguria Sea Port Authority/Ports of Genoa and the Local Ligurian Education Authority.

Elsa Brändström, Parmi les prisonniers de guerre en Russie et en Sibérie 1914 – 1920, Paris, Éditions Turquoise, collection « Le temps des femmes », 2019, 237 pages.

Elsa Brändström (1888 – 1948) est une Suédoise qui a pris une part importante à l’aide humanitaire apportée par la Croix-Rouge aux prisonniers de guerre allemands et austro-hongrois de 1914 à 1920. L’ouvrage original a paru en 1921 et cette traduction française, qui date seulement de 2019, est fort bienvenue pour nous éclairer sur cette question mal connue en France. L’ouvrage, publié dans une collection des éditions Turquoise qui s’intéresse aux itinéraires féminins, apporte un point de vue atypique dans la production des témoignages des années d’après-guerre. L’auteure présente une synthèse documentée et chiffrée d’une question qu’elle connaît bien, puisqu’elle a été une des 77 délégués suédois visitant des camps dans toute la Russie.

L’introduction (2019) de Per Allan Olson, spécialiste de l’histoire de l’Humanitaire suédois, est éclairante sur la tentation pour la Suède, en 1914, d’entrer dans le conflit aux côtés du Reich, puis sur la prise de décision de neutralité, avec la conversion de l’énergie des  Scandinaves dans l’aide humanitaire. E. Bränström souligne ensuite (avant-propos de 1922) s’être efforcée à l’objectivité, et déclare que ses écrits s’appuient « sur les expériences qu’elle a pu vivre pendant cinq ans et demi en Russie et en Sibérie parmi les prisonniers de guerre. » Pour la lectrice ou le lecteur français contemporain, la synthèse se veut neutre, mais c’est une neutralité très empathique vis-à-vis de l’Alliance, on peut parler ici d’une neutralité « bienveillante » pour l’Allemagne et l’Autriche. Pour 1914 et 1915, le livre rapporte une masse d’informations dramatiques, avec le déplacement et l’internement de civils baltes, polonais, ou allemands de souche. Pour les soldats allemands et autrichiens capturés, l’improvisation est la règle, une telle masse de prisonniers n’avait jamais été envisagée par les Russes (environ 160 000 Allemands, 2 millions d’Austro-Hongrois et 50 000 Ottomans). La construction des camps est marquée par le manque de moyens, la corruption et parfois les mauvais traitements, et la sous-alimentation est la règle. Ces baraquements, sans couvertures et mobilier, sans organisation prophylactique en ce qui concerne l’hygiène, voient très vite le typhus prendre des dimensions catastrophiques. Par exemple, dans le terrible camp de Totskoïe, le typhus a tué plus de la moitié des 25000 internés. E. Brändström propose le chiffre, toutes causes confondues, de 600 000 prisonniers, essentiellement austro-hongrois, morts en Russie « de la misère et des privations ». Si l’auteure évoque la brutalité de certains chefs de camps, ou le travail forcé jusqu’à l’épuisement, elle mentionne souvent le dénuement russe global (p. 49) : « Il faut, pour être juste, préciser que les prisonniers, dans les hôpitaux moscovites, étaient pour la plupart logés à la même enseigne que beaucoup de soldats russes, eux aussi soignés de la manière la plus négligente, en raison du manque de personnel ou d’une grossière indifférence. » À la fin de 1915 et en 1916, les missions d’inspection, avec l’aide des États-Unis, se sont développées et la situation s’améliore nettement : les Russes (p. 131) « ont cessé de voir les prisonniers comme des créatures que chacun pouvait maltraiter impunément. ». Octobre 1917 apporte du changement, mais aussi un grand désordre ; les prisonniers « Internationalistes » ont toute latitude pour essayer de prendre le pouvoir dans les camps, et ceux qui restent fidèles à l’Autriche deviennent donc, en plus, des ennemis de classe. On voit aussi que beaucoup de travailleurs prisonniers ont acquis un rôle économique important. Après Brest-Litovsk, des accords amènent au rapatriement des prisonniers de Russie occidentale et centrale, mais il sera impossible en 1918 de rapatrier les 400 000 prisonniers restés au-delà de l’Oural et en Sibérie, et ils seront le jouet des factions, au gré de la Guerre Civile. C’est Fridtjof Nansen qui fera rentrer, via la SDN, les 200 000 derniers captifs en 1920 et 1921.

Ce qui frappe le lecteur contemporain, dans cet ouvrage des années vingt plutôt favorable, on l’a dit, aux puissances centrales, c’est la diversité des situations.  Un prisonnier peut mourir rapidement du typhus, végéter tristement dans un semi-esclavage pendant des années, être recruté, comme Tchèque, dans une Légion armée ou encore vivre convenablement d’un travail, qui diffuse dans des régions déshéritées, des valeurs de sérieux et d’organisation ; l’auteure insiste – est-ce seulement un cliché ? –  sur cette bénéfique « influence culturelle allemande ». La description du délabrement de la Russie tsariste est également impressionnante, et si le soldat russe est largement abandonné à son sort, on se doute bien alors qu’il n’y aura pas de traitement de faveur pour les captifs ennemis.

Vincent Suard

Dernières parutions (avril 2022) :

. Colin Miège, « Je te promets, je serai femme de soldat… », Correspondance de guerre (août 1914-mai 1917), Paris, L’Harmattan, 2022, 592 pages. Colin Miège est le petit-fils du sergent, puis lieutenant du génie Désiré Sic. Le compte rendu de ce livre figure en complément de la notice « Sic, Désiré » dans le dictionnaire des témoins sur ce même site du CRID 14-18.

. La paix dans la guerre, Espoirs et expériences de paix (1914-1919), sous la direction de Jean-Michel Guieu et Stéphane Tison, Paris, Éditions de la Sorbonne, collection « Guerre et Paix », 2022, 430 pages. Il s’agit des Actes du colloque qui s’est tenu à La Flèche, patrie du sénateur d’Estournelles de Constant, promoteur de l’arbitrage entre les nations et prix Nobel de la Paix en 1909. Les directeurs du volume précisent : « La guerre est loin d’anéantir tous les imaginaires et les pratiques forgés durant les longues décennies de paix qui l’ont précédée. C’est donc ce va-et-vient, dans un temps pétri par la guerre, entre le souvenir de la paix d’hier et l’impatience de son retour, que nous avons cherché à étudier, grâce à une grande variété d’approches. » Parmi les contributeurs, Anne Simon a écrit « Le sourire de Madelon. Chanter, une échappatoire à la guerre » (pp. 199-221), et Rémy Cazals « La paix dans Les carnets de guerre de Louis Barthas » (pp. 129-143).

. Justement, les éditions La Découverte viennent de publier en 2022 un 7e tirage de l’édition de 2013 des Carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918 avec une nouvelle couverture.

. Enfin, il ne faut pas cesser de rappeler l’indispensable livre de Thierry Hardier, Traces rupestres de combattants (1914-1918), édité par le CRID 14-18 et Edhisto, 2021, 446 pages, superbement illustré.

Écrire… Publier… Réflexions sur les témoignages de 1914-1918 (par Rémy Cazals) (suite et fin)

Découvrez la nouvelle contribution de Rémy Cazals dans le cadre de ses réflexions sur le témoignage sur le site Studium (site rattaché à l’université Toulouse Jean-Jaurès et au CNRS) : ci-dessous le sommaire de la neuvième et dernière partie, dont le texte est accessible ici.

Annexes

Annexe 1 Le choix des titres

1. La présence ou l’absence des dates dans les titres

2. Un mot ou une expression caractéristique de  la guerre

3. Une phrase tirée du témoignage

4. Des titres sobres ou ronflants ?

Annexe 2 Témoignages classés par départements