Retour du corps de Kalépo Wabète en Nouvelle-Calédonie

Le 11 novembre 2017, les restes mortuaires du tirailleur Kalépo Wabète vont rentrer en Nouvelle-Calédonie et seront inhumés dans son île natale de Tiga (Loyauté) entouré des autorités civiles, religieuses et militaires.

Kalépo était parti en France en juin 1916 comme tirailleur 2e classe et il a été tué à Vesles et Caumont ‘Aisne) le 25 octobre 1918.

Ce tirailleur a suivi le parcours du bataillon des tirailleurs des îles du Pacifique de sa formation à Nouméa jusqu’à sa transformation de bataillon d’étapes en bataillon de marche sous le nom de bataillon mixte du Pacifique comprenant des créoles calédoniens et tahitiens, des Canaques (Kanak) et des Tahitiens.

D’abord ouvrier sur le port de Marseille, Kalépo a ensuite participé à des travaux d’entretien à l’arrière du Chemin des Dames (1917) puis aux combats de la bataille du Matz (ou bataille de Champagne) de juillet à octobre 1918.

Le corps de Kalépo sera le second à retrouver sa terre natale, le premier étant Saïené de Lifou en 2006. Dans les années 1920, 22 Calédoniens avaient pu être inhumés en Nouvelle-Calédonie et un en 2004.

De mémoire et de paix.

 

Parution du livre De Mémoire et de Paix, le pacifisme dans les monuments aux morts de 14-18 d’Emmanuel Delandre, avec la participation de Rémy Cazals.

Les années suivant la guerre de 1914-1918 ont vu la plupart des communes françaises ériger un monument aux morts. Dans le nombre, quelques dizaines seulement peuvent être qualifiés de pacifistes, comme celui de Gentioux (Creuse) représentant un enfant tendant le poing vers l’inscription « Maudite soit la guerre », ou ceux qui invitent désormais à se battre pour la paix. D’autres peuvent privilégier l’aspect funéraire (gisants, piétas, orphelins au regard fixé sur le nom de leur père) et évoquer les morts comme des victimes. Sur les plus patriotiques ou même cocardiers, la longue liste de noms gravés, souvent plusieurs membres de la même famille, semble dire « Plus jamais ça ! » Place est faite à des initiatives plus tardives comme l’anneau de Notre-Dame-de-Lorette, le monument des fraternisations à Neuville-Saint-Vaast.

Tels sont les thèmes du livre De Mémoire et de Paix, le pacifisme dans les monuments aux morts de 14-18, photos et textes d’Emmanuel Delandre, beau livre de 168 pages et 200 photos, 25 euros, à commander à l’éditeur : dememoireetdepaix@g.mail.com ou dans les bonnes librairies. Conseiller historique : Rémy Cazals. Le livre a obtenu le label de la Mission du centenaire.

Sur la route de la maison : la Grande Guerre banale et exceptionnelle de Michel Lec’hvien

Yann Lagadec et Hervé Le Goff  préparent l’édition des récits, en breton et en français, de l’évasion de Michel Lec’hvien, artilleur du 3e RAP originaire de Ploubazlanec, capturé en septembre 1914 à Maubeuge. Il regagne la France en avril 1916, après 18 mois de captivité en Allemagne. Il tirera de cet épisode plusieurs récits, dont le premier a été publié en breton dans l’hebdomadaire Breizh en 1928 :

D’abord publiée en langue bretonne sous forme de feuilleton en 1928 dans l’hebdomadaire Breiz, « l’histoire vécue et véridique d’un bout à l’autre » de Michel Lec’hvien poursuit son aventure éditoriale sous la forme d’un livret, imprimé par les soins du journal, en février 1929. Toujours contée en langue bretonne, dans un style
simple et accessible, elle s’adresse en priorité à un jeune lectorat, visant avant tout un objectif pédagogique clair où la culture traditionnelle bretonne s’allie à la promotion d’un syncrétisme culturel franco-breton.
Quelque quarante années plus tard, au cœur d’une vieillesse venant couronner
une existence de labeur, l’ancien soldat devenu depuis lors père et grand-père, se pose à nouveau pour déployer au cours d’un plus ample exposé campé autour d’un avant et d’un après l’évasion, la totalité de « sa » guerre. Ecrite en français cette fois, la conclusion de cette nouvelle version, posée dans le cadre d’une sagesse acquise au sein d’une profonde expérience glanée au fil des années, se veut sans ambages : « Pourquoi la guerre qui arrache les hommes à leurs foyers, à leurs travaux ? La guerre ne règle rien, mais plutôt entretient une certaine rancœur… La guerre est inhumaine et engendre de grands désordres, dont le moindre n’est pas le désordre moral… »

On le voit ce récit stimule de passionnantes réflexions sur l’imbrication des cultures régionales et nationales, sur la forme prise par le récit en fonction du locuteur comme de la langue utilisée.

Vous pouvez, dès à présent, acheter le livre par souscription au tarif préférentiel de 20 euros (jusqu’au 22 octobre. Le bulletin de souscription est ici.

Quatre ans sous les obus, un témoignage de civile sur le front dans les Vosges

Yann Prouillet (du CRID 14-18), en collaboration avec Philippe Nivet et Jean-Claude Fombaron, vient de publier un nouveau témoignage de femme ayant vécu au plus près des combats dans les Vosges, pendant la guerre de 1914-1918. Il complète un travail entamé il y a 15 ans avec l’édition du journal de guerre d’un abbé (Une ville vosgienne sous l’occupation allemande. Journal de guerre de l’abbé André Villemin, 1914-1918, Société Philomatique Vosgienne, 2002), puis celui assez détonnant de Clémence Froment (L’écrivain de Lubine. Journal de guerre d’une femme dans les Vosges occupées (1914-1918), Edhisto, 2010) et enfin ceux de Bernadette Colin (Lusse entre les deux feux, journal de guerre de Bernadette Colin, 1914-1918, Edhisto, 2014) et d’Henri Martin (Le journal d’Henri Martin 1917. Moussey sous l’occupation allemande, Edhisto, 2014). Comme les publications précédentes, il est publié dans la maison d’édition vosgienne Edhisto et sera présenté aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois.

Les références :

QUATRE ANS SOUS LES OBUS. Journal de guerre d’Irma Parmentelot, de Celles-sur-Plaine, 1914-1921, Texte présenté et édité par Philippe NIVET, Jean-Claude FOMBARON et Yann PROUILLET, index réalisé par Isabelle CHAVE, éditions EDHISTO, Moyenmoutiers, 2017, 375 p.

Prix unitaire : 19 € – ISBN 978-2-35515-027-2
L’ouvrage peut être commandé auprès des éditions EDHISTO
Il est également disponible auprès des points de vente partenaires (liste sur www.edhisto.eu)

Présentation du témoignage :

Quand elle commence à rédiger son journal, en août 1914, Irma Parmentelot n’a pas encore 20 ans. Fille d’un garde forestier et d’une cultivatrice, elle va relater l’expérience, rare, d’une jeune demoiselle, brodeuse, dans une petite ville ouvrière un temps envahie, puis libérée fin septembre 1914, sur le front des Vosges ; Celles-sur-Plaine.
Dans cette vallée des Vosges coupée en deux par la guerre, Irma raconte l’invasion, la proximité du front paroxystique de La Chapelotte et la menace permanente de l’obus et des gaz, dans une cité qui forme saillant dans la ligne de feu allemande qui couronne les montagnes alentour.
La Grande Guerre à Celles-sur-Plaine, « communauté sous le feu » du côté « libre » du front, est révélée par 6 cahiers composant un journal doublement intime ; celui d’une jeunesse qui découvre la guerre et les hommes qui la font, français, allemands et américains, et d’une petite ville ouvrière aux portes de la guerre. Le journal de guerre d’Irma Parmentelot est un témoignage d’autant plus rare qu’il est tenu pendant la totalité du conflit et ce jusqu’à l’été 1921 et l’inauguration du monument aux morts.

Composer avec l’ennemi en 14-18 ? Colloque à Charleroi les 26 et 27 octobre 2017

Comment parvenait-on à travailler en zones occupées ou sur la ligne de front pendant le premier conflit mondial?

Les célébrations du centenaire sont l’occasion de confronter le discours orienté des vainqueurs d’après-guerre (Charles de Kerchove de Denterghem, 1927) à la réalité des faits, à l’aune des sources d’archives toujours disponibles. Dans le secteur verrier par exemple, l’historiographe belge a pour habitude de faire, de l’industriel Emile Fourcault le seul « traître à sa patrie ». Or, les documents d’époque montrent qu’un grand nombre de verreries ont maintenu leur fabrication pendant le conflit. Son retentissant procès n’est-il pas finalement l’arbre qui cache la forêt ? Il paraît désormais évident que l’industrie du verre – qui n’a encore jamais été étudiée à ce jour – ne constitue pas le seul exemple de la poursuite des activités en zones de guerre.

L’occasion est donc ici donnée d’étudier le fonctionnement quotidien de l’industrie pendant le conflit et au-delà, d’estimer à qui finalement, cela a profité, entre redistribution des parts de marché et remise à niveau de l’outil de production.

Le colloque se tiendra les 26 et 27 octobre

au CEME – CHARLEROI ESPACE MEETING EUROPÉEN

144 rue des Français, B-6020 Dampremy (BE)

Le programme du colloque :

JEUDI 26 OCTOBRE 2017

9h : ACCUEIL

9h30 : ALLOCUTION D’OUVERTURE DU COLLOQUE Paul Magnette, Bourgmestre de la Ville de Charleroi

10h : Introduction Jean HEUCLIN, professeur émérite, Université catholique de Lille

10h30-12h SÉANCES DE LA MATINÉE (présidence : Jean HEUCLIN)

  • « La question du charbon pendant la Grande Guerre. Entre régulation, résistance et intérêt public », Guy COPPIETERS, chef de travaux, Archives générales du Royaume, Bruxelles.
  • « Charbon et occupation – Panorama des bassins houillers du Centre et du Couchant de Mons entre 1914 et 1918 », Camille VANBERSY, SAICOM, Centre d’archives privées, site du Bois-du-Luc.

    12h-13h : LUNCH

    13h-16h SÉANCES DE L’APRÈS-MIDI (présidence : Kenneth BERTRAMS, chargé de cours, Université libre de Bruxelles et membre de l’Académie royale de Belgique)

  • « Raoul Warocqué. Un industriel charbonnier dans la guerre.  Une attitude controversée », Yves QUAIRIAUX, conservateur honoraire des collections régionales, Musée royal de Mariemont.
  • « L’usine à gaz de Sedan et le rôle de Louis Busson son directeur dans la résistance face aux occupants », Nicolas CHARLES, Université de Paris-Sorbonne & Jean-Louis MICHELET, ingénieur historien.
  • « Liège, 1914-1918 : complaisances, résistances et contrastes dans un paysage
    industriel occupé », Arnaud PETERS, Centre d’histoire des sciences et des
    techniques, Université de Liège.

PAUSE

  • « Un cas de contre-exemple de la mise en coupe réglée de l’industrie par l’occupant allemand : la verrerie en zone belgo-française », Stéphane PALAUDE, président de l’AMAVERRE.

« Une cristallerie d’art sous la menace du feu : les établissements Gallé et les défis de la production industrielle en zone de guerre (1914-1918) » Samuel PROVOST, maître de conférences, département d’histoire de l’art et d’archéologie, Université de Lorraine.

18h30-22h : DÉCOUVERTE DES COLLECTIONS DU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE CHARLEROI ET WALKING-DINNER

VENDREDI 27 OCTOBRE 2017

9h-12h30 SÉANCES DE LA MATINÉE (présidence : Michaël AMARA, Archives générales du Royaume)

  • « Les déportations des ouvriers belges durant la Première Guerre mondiale : logique industrielle ou improvisation ?  L’impact sur la population belge », Arnaud CHARON, chercheur, projet « The Great War from below », Archives générales du Royaume, Bruxelles.
  • « Industrie du Verre en zone « annexée » : les Bezirke de Saarbrücken et de Strasbourg et plus particulièrement la situation de la verrerie Vallerysthal », Luc STENGER, chercheur en histoire.
  • « Industries métallurgiques et constructions électriques (les ACEC) au Pays de Charleroi durant la Grande Guerre », Jean-Louis DELAET, directeur du Bois du Cazier.

PAUSE

  • « Le maintien de la production de la sucrerie belge Couplet au cours de la Grande Guerre », Ludovic LALOUX, maître de conférences, Université de Bordeaux.
  • « L’industrie textile du Nord sous l’occupation, 1914-1918 :  une industrie (presque) inactive », Simon VACHERON, Centre Roland Mousnier, Université de Paris-Sorbonne.
  • « L’industrie sidérurgique belge pendant la Grande Guerre.  Le cas des Forges de Clabecq », Madeleine JACQUEMIN, chef de travaux, Archives générales du Royaume.

    12h30-13h30 : LUNCH

    13h30-16h SÉANCES DE L’APRÈS-MIDI (présidence : Carine GOUVIENNE, archiviste,
    Ville et CPAS de Charleroi)

  • « Les usines belges délocalisées à l’étranger pendant la Grande Guerre », Michaël AMARA, chef de service, Archives générales du Royaume, Bruxelles.
  • « Le cluster du pays de Weppes occupé entre 1914 et 1918 :  une production qui s’est poursuivie ? », Chantal DHENNIN, laboratoire HLLI, ULCO, Université Lille Nord de France.
  • « La répression de la collaboration industrielle dans la province de Liège après la Première Guerre mondiale », Alysson RIMBAUT, historienne agrégée.
  • « La SA Brevets Fourcault : victime de guerre ? », Catherine THOMAS,
    conservateur, Musée du Verre de Charleroi.

    CONCLUSION Stéphanie CLAISSE, Académie royale de Belgique

« Planifier, combattre, occuper : nouvelles perspectives de l’histoire des opérations militaires (XIIe-XXIe siècles) ». Journée d’étude, SHD, 26 septembre 2017

Le Service Historique de la Défense (SHD) organise une journée d’étude consacrée aux opérations militaires et organisée par ses doctorants allocataires (dont deux sont membres du CRID 14-18) sous la direction d’Hervé Drévillon.

Elle s’intitule « Planifier, combattre, occuper : nouvelles perspectives de l’histoire des opérations militaires (XIIe-XXIe siècles) » et se tiendra au château de Vincennes, le mardi 26 septembre 2017.

Pour consulter le programme, cliquez ici.

Colloque à Sorèze (81) : Enseigner la Grande Guerre

Les 21 et 22 octobre prochain est organisé à l’abbaye de Sorèze un colloque, sous la direction de Caroline Barrera et Rémy Cazals, sur l’enseignement de la Grande Guerre. De nombreux membres du CRID 14-18 y interviendront pour apporter un éclairage mêlant expérience d’enseignement et recherche sur la Grande Guerre.

Parution : Stefanie Prezioso, Contre la guerre 14-18. Résistances mondiales et révolution sociale

 Cet ouvrage invite à une réflexion sur la place de ce conflit dans le temps présent, et sur les questions qu’il soulève à l’échelle nationale et transnationale. Cette anthologie contribue à une histoire de celles et ceux qui ont refusé la Grande Guerre, sous toutes ses formes. Elle place au cœur de la réflexion ces voix rebelles et ce que les mondes ouvriers, les peuples opprimés, les dominés ont produit comme critiques du premier conflit mondial en tant que fait total : politique, économique, culturel et social. L’auteure nous fait parcourir les divers lieux – des États-Unis à la Chine –, les genres, les attentes et les expériences de celles et ceux d’en bas, dessinant ainsi une carte des résistances et des  débouchés révolutionnaires. Dans le panorama des publications actuelles sur ce conflit mondial, Contre la guerre 14-18. Résistances mondiales et révolution sociale est à tout point de vue novateur.

Traductions de Stéfanie Prezioso, Hans-Peter Renk et Pierre Vanek.

Stéfanie Prezioso est historienne, membre du Collectif de recherche international et de débat sur la guerre de 1914-1918 (CRID 14-18) ; ses travaux portent sur la génération de 1914, les expériences de guerre dans la première moitié du XXe siècle et le fascisme ; elle est professeure associée à l’Institut d’études politiques, historiques et internationales de l’université de Lausanne.

Stefanie Prezioso, Contre la guerre 14-18. Résistances mondiales, révolution sociale, La Dispute, 2017, 424 p.

Conférence : A l’Est du Chemin des Dames. L’attaque du 16 avril, devant Reims, sous l’œil du prêtre-reporter Loys Roux

Jean-Louis, dit Loys Roux, prêtre-brancardier au 23ème régiment d’infanterie de Bourg-en-Bresse, surnommé le « régiment des photographes », est un excellent photographe. Il va réaliser un monumental témoignage photographique regroupé dans deux albums contenant 1919 photographies de sa campagne, de 1914 à 1922. Ses clichés, échangés avec ses camarades de combat, vendus à l’Illustration ou repris par la section photographique des armées sont aujourd’hui une source considérable de documentation pour l’histoire. Véritable reporter de guerre, il a « couvert » l’attaque devant Reims, des préparatifs (février à avril) à la mi-juin 1917, après les mutineries de la division ; 150 images inédites d’un épisode controversé.

Informations pratiques : vendredi 9 juin 2017 à 19 h 00,  Maison de la vie associative, Salle 101/102, 9 rue Eugène Wiet à Reims (Marne) entrée libre

Pour se souvenir d’André Bach (1943-2017), de nos travaux et de nos luttes communes au sein du Crid 14-18

Dès l’origine, André Bach fut l’un des piliers de cette curieuse bande d’historiens plus ou moins franc-tireurs qui, un beau jour de 2005, décidèrent de former le Crid 14-18 pour mener le combat contre un tour que prenait l’histoire de la Grande Guerre qui les indisposait au plus haut degré.

André était là comme par une évidence, comme historien des fusillés. Cette figure du fusillé de la Grande Guerre, durable, excessive et démesurée même – comme il le disait encore à l’occasion de la grande exposition de 2014 à l’Hôtel de Ville de Paris dont il avait dirigé la partie scientifique –, était celle à laquelle il avait consacrée l’essentiel de son travail d’historien. Et au Crid 14-18, face au courant dominant des historiens qui demandaient qu’on tourne la page des objets « brûlants » de la Grande Guerre, André Bach retrouvait ceux qui refusaient, comme lui, l’idée d’une contradiction entre l’histoire et le profond respect de ceux qui l’avaient vécue. Si les fusillés avaient à ce point occupé le terrain de la mémoire de la guerre et s’ils l’occupent encore, c’est qu’au-delà des chiffres, ils nous disent beaucoup de ce que fut la pire guerre vécue par les Français.

André avait, comme chacun de nous, ses raisons particulières pour s’intéresser aux révoltes et à la discipline. Mais de fait, il était le seul d’entre nous à avoir connu ce que voulaient dire le commandement, l’obéissance et la discipline sous les armes et sous le feu. Il en parlait très peu d’ailleurs, et pour le peu en question, avec beaucoup de pudeur. Mais en nous disant toujours combien cela avait pesé dans son intérêt d’historien pour le fusillé.

Était-ce pour cette raison d’une expérience un peu différente ? Ou parce qu’il était l’un de nos aînés ? André Bach, en tout cas, servait de point de référence lorsqu’il fallait discuter de la manière de monter au combat, puisque le Crid en était un.

Il était un peu notre sage. Qui répétait combien il fallait d’abord travailler, plutôt que de polémiquer. À ce sujet, c’était d’ailleurs un fin renard, qui nous expliquait après coup combien la stratégie de l’apaisement servait avant tout à déstabiliser l’adversaire. Car enfin, au moins autant que tous les autres membres du Crid 14-18, il menait son travail d’historien comme un combat.

Le preuve ? Alors qu’une vieille idée reçue (et bien souvent constatée) veut qu’avec l’âge vienne le temps du compromis et de l’oubli de la révolte, André a mené le chemin strictement inverse. Sans se disperser dans les effets de manche qu’il détestait, il n’a cessé d’être toujours plus intransigeant face aux personnes et aux idées en place. Ces derniers mois, il disait sans diplomatie sa profonde colère contre la vacuité des commémorations de 14-18. Il avait trouvé avec ses amis du groupe de Prisme 14-18 un lieu propice au prolongement du combat pour une histoire aussi rigoureuse qu’ancrée dans la vie.

Ces dernières années, André ne venait plus aux assemblées du Crid 14-18. En partie pour des raisons de santé. Mais il était toujours présent par l’écriture : les longs messages d’André, depuis sa « thébaïde arcachonienne » comme il disait ! Quel meilleure signe de sa totale générosité, de son optimisme indéfectible au nom des valeurs auxquelles il croyait fermement. Généralement, le message partait vers 1h50 du matin ; il nous rappelait – sans jamais faire la leçon – aux idéaux d’ouverture, de « science de plein air » comme le dit la charte du Crid qu’il aimait citer sur ce point, et d’esprit collectif. Jusqu’au bout, et même de loin, il nous faisait profiter de ce qu’il appelait son « utopie créatrice ».

Dans les mots qu’il écrivait et qui suivent, on peut remplacer avec la malice qui le caractérisait « interdisciplinarité » par « indiscipline », et retrouver toute la fougue de son combat d’historien :

L’interdisciplinarité est mon credo, j’aime embrasser l’histoire sous toutes ces facettes et dans toutes ces périodes, mais j’appelle de mes vœux un CRID regroupé, musclé, appelé à être un des acteurs de cette période où on parlera plus que jamais de 14-18, un 14-18 que j’espère dégagé de la gangue hagiographique qui l’enserre encore, dégagement auquel le CRID se devrait de contribuer.

Merci André. Et comme tu le disais à la fin de presque tous tes messages : « continuons le débat ».

P.Olivera