Brefs souvenirs 8/12 Cinq thèses de doctorat
Les thèses de doctorat de membres du CRID 14-18 ont été nombreuses. Ici, je vais en retenir cinq qui constituent un important apport à la connaissance de notre période.
François Bouloc est entré dans le domaine de la recherche avec un mémoire de maîtrise à partir duquel il a donné un article « L’Union sacrée des Aveyronnais » à la revue à comité de lecture Annales du Midi (numéro thématique « 1914-1918 », octobre-décembre 2000, n° 232). Son DEA a balisé le terrain pour une étude des profiteurs de guerre. Dans sa thèse soutenue en 2006 à l’université de Toulouse 2, il est parti d’une démarche culturelle en rassemblant les représentations du profiteur dans les témoignages des poilus, dans la presse et la littérature. Puis il s’est posé la question d’histoire économique et sociale : peut-on découvrir réellement les profiteurs dans les documents d’archives ? Les informations existent, et François a pu distinguer deux catégories : les « profitants » qui ont fait des bénéfices extraordinaires en temps de guerre mais qui ont payé l’impôt ; les « profiteurs » qui ont fraudé le fisc. De son mémoire, il a tiré un livre publié dès 2008 aux éditions Complexe, Les Profiteurs de guerre 1914-1918, 386 pages.
Depuis un mémoire de l’École des hautes études en sciences sociales, André Loez s’intéressait aux mutineries dans l’armée française en 1917. C’est à l’université de Montpellier 3 qu’il a soutenu sa thèse en 2009. Une soutenance perturbée par une alerte à la bombe, évidemment farfelue. Très étoffée, l’argumentation montre d’une part la complexité des situations et des motivations des mutins, et d’autre part le fort désir de paix. Dire que le livre tiré de la thèse a été publié dès janvier 2010 dans la collection Folio histoire, c’est montrer sa valeur et son importance dans l’historiographie (14-18. Les refus de la guerre. Une histoire des mutins, 690 pages). La même année, les éditions La Découverte publiaient La Grande Guerre, par André Loez, dans la collection de poche Repères, n° 567.
Alexandre Lafon a d’abord travaillé sur le traumatisme que fut le baptême du feu des combattants de 1914-1918. Il a ensuite interrogé une masse considérable de témoignages sur la question de la camaraderie dans l’armée française. Un sujet beaucoup plus varié que ce que l’on pourrait croire à première vue : camarades de l’escouade, amis choisis, souvent originaires du même « pays », rapports plus ou moins amicaux avec les officiers, et même divers types de fraternisations avec les combattants de l’armée ennemie. Sa thèse a été soutenue à l’université de Toulouse 2 en 2011. Les éditions Armand Colin l’ont publiée en 2014 avec le soutien du ministère de la Défense qui a ainsi prouvé qu’il pouvait s’intéresser à des thèmes plus proches de l’histoire sociale que des questions traditionnelles de tactique ou de stratégie. Titre : La Camaraderie au front 1914-1918, 542 pages.
Cédric Marty a soutenu sa thèse de doctorat à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès en 2014. Un peu plus tard, aux Rendez-vous de l’histoire à Blois, Antoine Prost, membre du jury, me demandait avec insistance quand le livre tiré de cette très intéressante thèse serait publié. C’est chose faite : À l’assaut ! La Baïonnette dans la Première Guerre mondiale, Paris, Vendémiaire, 2018, 310 pages
Thierry Hardier a visité toutes les creutes de l’Aisne et de l’Oise et a photographié les centaines d’inscriptions et de sculptures laissées par les soldats de plusieurs nationalités, principalement Français, Allemands et Américains. Sous le titre Les traces rupestres réalisées par les combattants de la guerre de 1914-1918 dans les creutes de l’Aisne et de l’Oise, sa thèse de 1280 pages a été soutenue à l’université de Strasbourg en décembre 2011. Avec raison, il a tenu à l’édition d’un livre richement illustré dont la publication est imminente.
Rémy Cazals
PS Le Monde du 15 octobre 2020, page 30, a publié un article de Claire Legros ayant pour titre « CONSENTEMENT », pour sous-titre « Histoire d’une notion », et dont le résumé est contenu dans la phrase de la philosophe Agata Zielinski : « Il existe des degrés dans le consentement, entre la résignation, l’acceptation et l’approbation enthousiaste. » Nous sommes quelques-uns à l’avoir dit et écrit depuis des années en ce qui concerne l’attitude des soldats de la Première Guerre mondiale, quelques-uns à avoir contesté une notion fourre-tout qui n’apportait rien de solide à un travail scientifique.
Prochaine chronique : Brefs souvenirs 9/12 Cinq cents témoins de la Grande Guerre