Outre-mers, la revue d’histoire de la Société française d’histoire des outre-mers organise une journée d’étude, à l’automne 2017, portant sur les sorties de guerres aux colonies, sous un angle comparatif incluant l’espace colonial français et les espaces coloniaux des autres pays. Quatre axes sont privilégiés :
1/ La démobilisation des troupes coloniales
Une première analyse sur les démobilisations souhaiterait questionner à la fois le moment et les modalités des « retours au pays ». Il s’agit d’abord de s’interroger sur le moment où les soldats sortent effectivement de la guerre et de se demander si les guerres coloniales qui se poursuivent en Orient (Syrie) ou en Afrique du Nord (Rif) n’entraînent pas de nouveau des recrutements importants alors même que la démobilisation des Blancs s’effectue en Europe. Il serait également souhaitable de questionner la manière dont les tirailleurs ont été maintenus sur le Rhin, alimentant, comme on le sait déjà, les fantasmes sur la ‘honte noire’. Dans ce contexte, et à titre d’exemple, quel a été le sort du petit contingent siamois déployé à la fin du conflit, quel a été celui des prisonniers indiens du camp de Wünsdorf ? Globalement, ces hommes ont-ils été les premiers à partir, ou au contraire les derniers à quitter la métropole après avoir enseveli les corps, retrouvé les disparus, subi pour certains vexations et accusations, mais aussi fait des rencontres nouvelles ? En d’autres termes, a-t-il existé pour les troupes dites de couleur une autre démobilisation, une sorte de démobilisation-seconde qui aurait transformé leur retour au pays en une véritable odyssée à l’instar de celle qu’a vécue Ulysse en revenant de Troie ?
2/ Les retombées économiques de la Première Guerre mondiale dans les colonies
Au-delà de la question des flux des rapatriements, des transferts d’un front à un autre qui amènent à reconsidérer la géographie des démobilisations selon un schéma d’histoire globale, l’on souhaiterait scruter également les modalités de transition de la guerre à la paix au début des années 1920 dans les colonies. On s’interrogera ainsi sur les suites sanitaires pour les blessés et mutilés de guerre dans leur vie outre-mer, sur l’accueil des « gueules cassées » des colonies, sur la reprise et la récession de l’économie dans les outre-mers, sur les espoirs d’investissements de « mise en valeur » nourris au tournant de ces années 1920, sur les retombées des avancées technologiques (armement surtout) dans la conduite des opérations. Y-a-t-il eu, sur ce point, transfert d’une technologie à des fins de coercition, utilisation d’un mythe de la puissance dépassant largement la force réelle du colonisateur ou, au contraire, un abandon progressif des colonies à leurs difficultés de développement ?
3/ L’impact politique de la Première Guerre mondiale
Deux thématiques pourraient se dessiner ici. On se penchera tout d’abord sur la sortie de guerre comme moment de transition juridique du protectorat vers le mandat, de mise en œuvre – au moins par le discours – d’une tutelle coloniale compatible avec la Société des Nations. Se pose alors la question de la réception des mandats dans un monde arabe qui se pensait à l’abri de la colonisation mais également dans des ex-colonies allemandes en Afrique qui passent sous un nouveau régime. À l’échelle impériale, la classification des mandats (A, B, C) avait-elle un sens ? Se pose aussi la question de l’action des pays colonisés dans la création de la SDN, et à l’inverse du rôle que joue l’organisation internationale dans le réinvestissement de la géographie coloniale, dans l’acceptation des frontières avant la réclamation d’une autonomie plus grande. On s’interrogera donc aussi sur le rôle des colonisés dans les mouvements politiques qui ont émergé après 1918. Les mouvements pan-noirs des années 1920-1921, les mouvements-jeunes d’Afrique et du monde arabe ou les mouvements communistes en Asie ont joué certes un rôle important, mais nous souhaiterions aussi mettre en relief celui des anciens combattants de retour chez eux, voire celui des travailleurs. Ont-ils été porteurs d’ouvertures et de réflexions intellectuelles plus larges (comme celles de l’accession aux droits) ou au contraire se sont-ils faits les thuriféraires de la Plus Grande France ou du Greater Britain ? Enfin, comment sur fond de réflexions oscillant entre séparatisme ou coopération, la nouvelle idéologie, le bolchevisme, a été reçue aux colonies ?
4/ Mémoires de la Première Guerre mondiale dans les empires
Nous souhaiterions enfin poser la question des modalités de la mise en place d’une mémoire de guerre, celle des traces de la Grande Guerre dans les empires. Trouve-t-elle sa place au sein des garnisons coloniales ou l’école devient-elle l’un des vecteurs de la mémorialisation ? Quelle est la place des villes et des villages dans l’érection des lieux de mémoire, celle des manuels scolaires ? Au-delà, quand et comment et par qui ont été entreprises les commémorations de la Grande Guerre dans l’ensemble des colonies ? Des études spécifiques sur les processus mémoriels aux colonies – l’India Gate à Dehli ou le mémorial indien de Neuve-Chapelle (Pas de Calais), le Monument aux Héros de l’Armée Noire de Bamako et sur le rôle éventuel des associations d’anciens combattants – seraient les bienvenues. On souhaiterait aussi pouvoir questionner la part prise par les « arts premiers » dans ces processus commémoratifs. Fait-on une distinction entre les grands artistes et les « petits artistes » de la mémoire ? Dans le(s) discours, trouve-t-on dans les colonies, comme en France et en Europe, des propos pacifistes qui s’opposeraient à un discours sacrificiel ? La commémoration apparaît-elle, enfin, comme un moment de rapprochement entre colonisés et colonisateurs ou débouche-t-elle plutôt sur la prise de conscience des écarts entre les groupes ?
Modalités de participation :
Une proposition de communication de 300 mots environ et une courte présentation des auteurs doit être envoyée à Julie d’Andurain avant le 30 mars, délai de rigueur. Les propositions des jeunes chercheurs seront particulièrement bienvenues et valorisées.
Le Comité de rédaction se prononcera sur les candidatures au début du mois d’avril pour annoncer au 15 avril les candidatures retenues. Le programme prévoit d’organiser une journée d’étude sur un jour ou deux à Paris en novembre 2017 avec les candidats retenus, puis de publier les articles dans Outre-Mers. Revue d’histoire en décembre 2018.