Dans le livre collectif, publié à l’issue d’un colloque, Les narrations de la mort,
sous la
direction de Régis Bertrand, Anne Carol et Jean-Noël Pelen
(Presses
Universitaires de Provence, 2005, 296 p.), la communication de
Marie-Françoise
Attard-Maraninchi (p. 123-135), intitulée
« Récits de morts au
front : du mythe à la réalité » a
été préparée à partir des lettres
écrites à sa famille pendant la Grande Guerre par Jean
Norton Cru. Certaines de
ces lettres avaient déjà été citées
dans la biographie de J.-N. Cru rédigée par
sa sœur Hélène dans l’édition 1967 de Du
témoignage par Jean-Jacques Pauvert (1). Il semble que Marie-Françoise
Attard-Maraninchi ait l’intention de publier l’ensemble de la correspondance.
Ici il s’agit seulement de l’utiliser pour apporter une contribution à la
problématique du colloque tenu à Aix-en-Provence en novembre 2003.
Si le thème de la mort a déjà été
largement abordé dans des ouvrages portant sur la Première
Guerre mondiale, il est toujours utile de donner à lire les
condamnations par J.-N. Cru des clichés sur « la
mort héroïque », du bourrage de crâne
par la presse, ou encore des effets littéraires de certains
romanciers : « Je considère comme sacrilège
de faire avec notre sang et nos angoisses de la matière à
littérature », écrit J.-N. Cru à
sa sœur Alice le 22 janvier 1917.
Surtout, ces pages disent, documents à l’appui, que le
grand livre de 1929 exprime une pensée née de
la guerre, déjà exposée à ses proches pendant
la guerre. Nous étions quelques-uns à défendre cette opinion et il est
toujours intéressant de la voir confirmée (2).
Rémy Cazals, Janvier 2006
(1) Le grand livre de J.-N.
Cru, Témoins, a été édité en 1929.
Pour toucher un public plus large, l’auteur en a donné une version allégée en
1930, sous le titre Du témoignage,
chez Gallimard. Cette édition comprend, sur 100 pages, une synthèse par JNC
lui-même, et une anthologie de textes de combattants, sur 130 pages. L’édition
Pauvert de 1967 ne reprend pas l’anthologie mais inclut une biographie de J.-N.
Cru par Hélène Vogel. Diverses éditions récentes ne donnent ni l’anthologie, ni
la biographie. Si l’on recule devant la lecture des 727 pages très denses de Témoins, si l’on se contente de survoler
les 100 pages d’une édition amputée de Du
témoignage, on court le risque de rétrécir la pensée de JNC, surtout si, en
outre, on y apporte quelques présupposés.
(2) Voir Rémy Cazals et
Frédéric Rousseau, 14-18, le cri d’une
génération, Toulouse, Privat, 2001, particulièrement p. 97-109 ; Rémy
Cazals, « 1914-1918 : oser penser, oser écrire », Genèses, n° 46, mars 2002, p.
26-43 ; Frédéric Rousseau, Le procès
des témoins de la Grande Guerre, l’Affaire Norton Cru, Paris, Seuil, 2003.
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