Collectif
de Recherche
International
et de Débat
sur la guerre
de 1914-1918
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Textes
destinés à un usage pédagogique
La mobilisation et l'entrée en guerre |
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La mobilisation dans le village de Saint-Loup, dans la Beauce :
« Voilà
les gendarmes qui arrivent au grand trot de leurs chevaux. Ils vont droit à la
mairie. Là ils trouvent le maître d'école, et le maître ressort avec l'affiche
dans les mains, l'affiche blanche avec deux drapeaux en croix : MOBILISATION
GÉNÉRALE.
Le maître nous crie :
- Allez
dire à Achille qu'il sonne la trompette, à Cagé de prendre son tambour. Vous,
les gars, sonnez le tocsin.
Alors, moi et Albert Barbet qui a été tué à la
guerre, on a sonné le tocsin. Le monde, ils ont laissé leurs faucheuses ; les
charretiers ont ramené leurs chevaux. Tout ça arrivait à bride abattue. Tout ça
s'en venait de la terre. Tout le monde arrivait devant la mairie. Un
attroupement. Ils avaient tout laissé. En pleine moisson, tout est resté là.
Des centaines de gens devant la mairie. Pommeret sonnait le clairon. Cagé
battait la Générale. On voyait que les hommes étaient prêts.
- Et toi,
quand donc que tu pars ?
- Je pars
le deuxième jour.
- Moi le
troisième jour.
- Moi, le
vingt-cinquième jour.
- Oh,
t'iras jamais. On sera revenu.
Le
lendemain, le samedi, Achille se promenait avec son clairon :
- Tous ceux
qui ont de bons godillots, de bons brodequins, faut les prendre. Ils vous
seront payés quinze francs.
Tu aurais vu les gars. C'était quasiment une fête,
cette musique-là. C'était la Revanche. On avait la haine des Allemands. Ils
étaient venus à Saint-Loup, en 70 et ils avaient mis ma mère sur leurs genoux
quand elle avait deux, trois ans. Dans l'ensemble, le monde a pris la guerre
comme un plaisir. »
Ephraïm
Grenadou [avec Alain Prévost], Grenadou paysan français, Paris, 1975.
Ephraïm
Grenadou, né en 1897 en Eure-et-Loir, s’est entrentenu
au milieu des années 1960 avec Alain Prévost qui l’a
constitué en « paysan français »,
témoin privliégié des deux guerres mondiales
et des mutations du monde rural. Il
combattra notamment avec le 227e RAC au Chemin des Dames.
Il décrit ici la mobilisation en France, le 1er août
1914, et l’encadrement par les agents de l’Etat (gendarmes,
maître d’école) ainsi que les interactions collectives
(la communauté étant rassemblée devant l’affiche)
qui la permettent. On voit de plus la mémoire du conflit
précédent qui contribue à construire une anticipation
de la guerre courte. |
L'Union sacrée (écouter ou télécharger l'enregistrement audio au format mp3)
« Cette
communication n’est pas la déclaration coutumière
par laquelle un gouvernement
qui se présente pour la première fois devant le parlement
précise sa politique.
Il n’y a pour l’heure qu’une politique : le
combat sans merci jusqu’à la
libération définitive de l’Europe gagée par
une paix pleinement victorieuse. C’est
le cri qui s’est échappé de toutes les poitrines
lorsque, dans la séance du 4
août, s’est levée, comme l’a si bien dit M. le
Président de la République, l’Union
sacrée qui à travers l’histoire fera
l’honneur du pays. C’est le cri que
répètent tous les Français après avoir fait
disparaître les désaccords où nous
nous sommes si souvent acharnés, et qu’un ennemi aveugle
avait pris pour des
divisions irrémédiables. C’est le cri qui
s’élève des tranchées glorieuses où
la France a jeté toute sa jeunesse et toute sa
virilité. »
Discours du Président du Conseil Viviani, 26 août 1914.
René Viviani, Président du Conseil durant la crise
diplomatique de l’été 1914, remanie son
gouvernement le 26 août 1914 pour marquer par l’inclusion de deux socialistes
(Jules Guesde et Marcel Sembat) l’Union sacrée, sur laquelle il revient dans
son discours d’investiture. C’est le thème principal de ce discours, exemplaire
de l’éloquence et du style politique de la IIIe République, et des
représentations dominantes au début du conflit (guerre pour la liberté, combat
sans merci, ennemi aveugle). Il est à noter que, bien que le terme de « tranchées »
soit utilisé, il est ici largement métaphorique, l’enterrement effectif dans les
tranchées ayant lieu à partir d’octobre 1914. |
La
découverte de la guerre industrielle en 1914 :
« Le premier choc est une surprise. (...) Tout à
coup, le feu de l’ennemi devient ajusté, concentré. De seconde en seconde, se
renforcent la grêle des balles et le tonnerre des obus. Ceux qui survivent se
couchent, atterrés, pêle-mêle avec les blessés hurlants et les simples
cadavres. Calme affecté d’officiers qui se font tuer debout, baïonnettes
plantées aux fusils par quelques sections obstinées, clairons qui sonnent la
charge, bonds suprêmes d’isolés héroïques, rien n’y fait. En un clin d’œil, il
apparaît que toute la vertu du monde ne prévaut point contre le feu . »
Charles de Gaulle, La France et son armée, Paris, Plon, 1938, p. 243
Né
en
1890, Charles de Gaulle est lieutenant en 1914 et combat au 33e RI en
Belgique au début de la guerre. Il sera profondément
marqué par sa première expérience du combat, le 15
août 1914, relatée et transposée ci-dessus. Il est
ensuite fait prisonnier en mars 1916. L'ouvrage qu'il publie en
1938 était initialement conçu pour être
signé par Philippe Pétain, dont de Gaulle se se serait
fait le "porte-plume", pratique alors courante. De fait, le passage
cité illustre la phrase célèbre de celui-ci: "le
feu tue". Des désaccords conduiront de Gaulle à
publier seul l'ouvrage, qui révèle, ici, avec
acuité le décalage entre la guerre imaginée et
incorporée avant 1914, notamment par les officiers, et la guerre
réelle. |
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