Avec
ce livre consacré aux exécutions sommaires en Italie durant la Première
Guerre mondiale, Marco Pluviano et Irene Guerrini éclairent une
des pages les plus obscures de la répression militaire. Fondé sur
l'analyse serrée d'un document exceptionnel, la Relazione sulle
fucilazioni sommarie durante la Prima Guerra Mondiale rédigé
en septembre 1919 par l'avocat général militaire, Donato Antonio
Tommasi, et recoupé par d'autres documents d'archives et des témoignages,
ce travail pionnier parvient à établir un chiffrage de cette répression
infrajudiciaire qu'il est ailleurs si difficile d'approcher. Pour
l'Italie, les chiffres sont donc les suivants : sur 5 millions et
demi de soldats, on compte 650 000 morts, 750 exécutions judiciaires
(on renvoie à ce sujet le lecteur à la communication de Bruna Bianchi
dans les actes du colloque La Grande Guerre, Pratiques et expériences,
Privat, 2005 ; le cas bulgare est également examiné dans ce volume)
et au moins 290-296 exécutions sommaires d'hommes abattus dans le
mouvement de la bataille ou juste après, en application des ordres
donnés par Cadorna qui voyait dans la répression pour l'exemple
le seul moyen de maintenir la cohésion de ses troupes. Ce chiffre
solide accrédite la thèse du faisceau de facteurs explicatifs de
la relative bonne tenue des troupes au feu. Sans nier le poids du
ressort patriotique, qu'après les travaux de Giorgio Rochat on sait
avoir été très faible dans l'armée italienne, il est dorénavant
plus clairement établi que la pression disciplinaire, explicite
et plus encore implicite, joua tout son rôle pour obtenir l'obéissance
des soldats. Saluons donc et faisons connaître cette belle avancée
historiographique italienne !
Frédéric
Rousseau
|