Lecteur de
Frères de tranchées, Francis Barbe, de Goudargues,
vient de m'envoyer copie de quelques pages d'un carnet de combattant
du 159e RIA qui décrivent une trêve avec fraternisation,
du côté de Carency, en décembre 1915, étalée
sur plusieurs journées. Un caporal aurait pris des photos.
On les retrouvera peut-être un jour.
Francis Barbe me signale aussi deux photos de fraternisation prises
dans le même secteur par le docteur Paul Minvielle, publiées
dans le livre de son fils, que je me suis procuré et
dont la référence est donnée ci-dessus. Comme
dans le récit du caporal Barthas (p. 215-216), les pluies
et l'effondrement des tranchées sont à l'origine de
la trêve. Il fallut sortir à découvert. Une
photo de Paul Minvielle (p. 78 dans le livre de son fils) représente
au premier plan un groupe de soldats français et, à
l'arrière-plan, mais à très courte distance,
un groupe d'Allemands, debout, qui regardent. Cette photo a été
publiée dans L'Illustration du 15 janvier 1916 avec
comme légende : " Face à face après une
explosion de mine. Au premier plan, un capitaine du génie
qui vient diriger les travaux d'organisation du rebord français
de l'entonnoir ; au fond, les Allemands. " Sur la même
page, L'Illustration donne une autre photo qui semble de
même origine (mais celle-ci n'est pas mentionnée) et
a pour légende : " Les Allemands sortis de leurs tranchées, sans armes,
après avoir renoncé à occuper l'entonnoir".
On lisait dans le communiqué du 8 décembre : "
Au nord d'Arras, à l'ouest de la cote 140, nos tirs de barrage
ont arrêté net une attaque allemande qui se préparait
à la faveur d'une explosion de mine. " C'est le sol
bouleversé par cette explosion que montrent nos photographies.
La boue était telle, le 9, qu'il était matériellement
impossible aux hommes, du côté français comme
du côté allemand, de se disputer l'entonnoir où
ils se seraient tous enlisés : ils durent se borner, de part
et d'autre, à en organiser les rebords. "
Les mots de " trêve " et " fraternisation "
ne sont évidemment pas prononcés. Cette légende
n'explique pas pourquoi, des deux côtés, on est à
découvert, sans armes, et visiblement pas en train de travailler.
La fameuse revue illustrée n'a pas publié la deuxième
photo du livre de Minvielle (p. 80) qui représente un groupe
mêlé de Français et d'Allemands, souriant à
l'objectif du photographe. A juste titre, la légende sur
le livre distingue trêve et fraternisation : " Au cours
de la trêve, certains soldats des deux camps ont fraternisé
comme en témoigne cette photo inédite. "
Les autres clichés reproduits dans l'ouvrage concernent le
front en Artois en 1915 : canons, " saucisses ", abris,
postes de secours, groupes, convoi de PG, tombes
Une photo
représente une messe célébrée au pied
des hauteurs de Notre-Dame de Lorette : on remarquera l'installation
sommaire, la faible participation, le drapeau tricolore brodé
d'un Sacré-Cur. Les photos de groupes sont mises en
scène avec beaucoup de soin. S'y ajoutent des vues des ruines
d'Arras.
La deuxième partie du livre donne d'intéressantes
photos du front d'Orient : Salonique, Florina, Monastir, Prilep
Au milieu d'une " macédoine " de populations, Grecs,
Turcs, Slaves, Albanais, Juifs, les tirailleurs sénégalais
du 20e bataillon se comportent en spectateurs des curieuses coutumes
locales. Pourquoi faut-il que la présentation du livre par
Pierre Minvielle nous informe que les Alliés ont été
contraints d'ouvrir le front d'Orient [c'est en 1915 qu'il a été
ouvert] " pour suppléer la défection de la Russie
bolchevique " ? Ce n'est peut-être qu'une maladresse
d'expression, mais elle est regrettable.
Rémy
Cazals
Université de Toulouse-Le Mirail/CRID 14-18
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